En 1990, le Québec vivait encore le "lendemain de la veille"
du référendum de 1980 et n'avait pas encore choisi la solution
classique de reprendre du poil de la bête. C'était le temps
de la morosité et il semblait que rien, jamais, ne ferait plus qu'une
solide majorité des Québécois puissent se mettre d'accord
sur quoi que ce soit; même sur le terrain sacré de la patinoire,
les loyautés étant partagées entre Nordiques et Canadiens!
Quand j'ai écrit "Monde ordinaire c'est à ton tour...",
mon intention première était de créer des consensus.
Je voulais identifier les problèmes qui préoccupaient la population
et proposer des solutions avec lesquelles au moins 70 % des gens seraient
d'accord. C'est ce que j'ai fait.
Ayant identifié par un sondage les problèmes prioritaires,
j'ai passé le plus clair de deux années à y chercher
de vraies solutions concrètes qui plairaient à une large majorité
de la population, soumettant à des douzaines de personnes à
gauche et à droite - à mes amis mais aussi à des inconnus
- des ébauches de solution que je corrigeais par la suite en tenant
compte des remarques qu'on m'apportait.
En mars 1992, ce livre apportait vingt-cinq (25) propositions dont je pouvait
raisonnablement affirmer que chacune emportait l'adhésion d'au moins
70 % de la population francophone de Montréal. Depuis sept ans, le
soutien populaire à ces propositions n'a jamais faibli et les efforts
de groupes divers - comme d'ailleurs la simple pression du bon sens ! -
ont fait évolué la situation .
En janvier 1996, il m'a semblé opportun de corroborer d'abord par
un sondage scientifique ce que les sondages maison de 1992 nous avaient
permis d'affirmer. Ce sondage - dont les données brutes et les résultats
d'analyse sont disponibles pour quiconque souhaite y avoir accès
- a été fait pas la maison Sondagem. Pour des raisons budgétaires,
il n'a porté que sur douze (12) des thèmes et un exemple des
résultats apparaît à la section 6 de ce site (606.html).
Quatre ans plus tard la population maintenait son accord (à plus
de 70 % !) avec toutes les propositions sur lesquelles on l'a consultée,
leur conférant une légitimité certaine. Les gouvernants
peuvent les ignorer, mais n'ont plus l'excuse de prétendre qu'il
ne s'agit que des idées d'un seul homme.
LA LOI DE L'INERTIE
En 1992, tous les médias de quelque importance au Québec
et bien d'autres - plus de soixante ! - ont parlé de ce livre en
bien, avec une unanimité qui faisait plaisir à voir. Trois
ministres et un Bâtonnier s'y sont intéressés et des
centaines de citoyens m'ont fait savoir qu'ils étaient d'accord.
Durant toutes ces années, personne n' a relevé le gant de
trouver une objection valable à la mise en place de l'une ou l'autre
des solutions proposées. Alors, pourquoi ne vivons-nous pas dans
une Nouvelle Société?
Parce que personne en position d'autorité n'a décidé
de faire quoi que ce soit pour faciliter l'avènement d'une Nouvelle
Société. Le destin des diverses propositions est éloquent
sur ce point : tout ce qui dépendait de la technologie est survenu
ou est en voie de se réaliser, mais dès qu'une décision
politique devait être prise... elle ne l'a pas été.
Toutes les évolutions nécessaires de notre société
apparaissent ainsi comme autant de torrents, endigués par l'inertie
des politiciens dont aucun ne semble avoir une vision qui dépasse
l'horizon de sa ré-élection.
Tôt ou tard, l'un ou l'autre des torrents emportera sa digue et notre
société fera en catastrophe, sur ce point particulier, les
changements nécessaires. Demain la santé ? Puis un autre torrent
sortira de l'espace où on veut le confiner, un autre crise imposera
qu'on s'en occupe ... Après-demain, l'éducation ? La justice?
Mais, en attendant, on pâtit de chaque problème escamoté.
Et la solution en catastrophe, quand elle viendra, fera un maximum de victimes.
LE «RÉACTIONALISME CONSENSUEL»
Pourquoi l'inertie ? Parce que notre vraie forme de gouvernement est
le "Réactionalisme consensuel" tel que Bourassa lui a donné
sa forme définitive. Nos dirigeants n'ont d'autre objectif que de
réagir à ce que la population perçoit comme un crise
et n'y réagissent que lorsque un large majorité de la population
est d'accord sur une solution.
Le gouvernement qui "laisse pourrir" une situation est, en fait,
fébrilement occupé à tester par des sondages l'impact
sur l'opinion publique des hypothèses de solution qui circulent dans
les médias. Quand l'opinion de la population s'est cristallisée,
le gouvernement fait ce qu'il croit que la population, à moyen terme
- (comprendre à la prochaine échéance électorale)
- lui saura gré d'avoir fait. En régime de Réactionalisme
consensuel, cette activité d'atermoiements, de sondage et de demi-mesures
constitue l'alpha et l'oméga de la pensée politique.
C'est pour ça que la diffusion des idées de ce site sont utiles
: parce qu'on propose des solutions de consensus à des problèmes
qui deviendront incessamment des crises. Je n'ai pas la naïveté
de croire que nos gouvernants sortiront subitement du coma velléitaire
attentiste et choisiront de gouverner; mais je pense que s'ils apprennent
de la bouche d'un grand nombre de citoyens qu'il y a des solutions qui font
consensus, ils sentiront qu'il est plus avantageux pour leur carrière
d'agir que de ne pas agir. Et ils agiront dans la bonne direction, comme
une plante, qui n'a pas vraiment d'activité mentale, a néanmoins
ses tropismes qui la guident sûrement quand elle projette ses racines.
L'ÉTAT DES DOSSIERS
7 ans après la publication de "Monde ordinaire c'est à
ton tour..." bien des choses ont changé. Il semble opportun
de faire le point sur ce qui a été fait dans le sens de la
mise en application des propositions initiales, de voir où en est
le débat, de biffer d'un trait celles - et il y en a - qui n'ont
plus leur raison d'être. Le clivage est net - que nous avons déjà
souligné - entre les changements rapides qui découlent de
l'évolution des technologies et la stagnation qui marque les dossiers
où une décision politique est nécessaire: on voit vite
où le bât blesse!
Ce site et les commentaires qu'il m'attire peuvent aider à la mise
au point de stratégies d'action concrètes qui permettront
au monde ordinaire de faire connaître sa volonté. Et peut-être,
un jour, de poser sur le front de son gouvernement bien-aimé le baiser
magique qui sortira enfin celui-ci de sa torpeur. Ce site n'est pas une
fin en soi; il se voudrait précurseur d'une mutation.