Cette proposition a toujours fait problème. Un nombre significatif
de ceux qui soutiennent toutes les autre propositions du livre s'en désengagent
sur ce point. Ceux pour qui la gauche est une forme de religion y voient
une hérésie. On m'a téléphoné, atterré:
&laqno;Comment VOUS, qui dites tant de belles choses, pouvez-vous être
si durs envers ces malheureux...» Comment ? Pourquoi ? Le texte le
dit clairement: parce que je crois qu'il est prioritaire de protéger
les innocents. Ensuite, mais ensuite seulement, je veux améliorer
le sort des détenus. Comme le texte le propose tout aussi clairement.
La réhabilitation? Désolé, mais quand il s'agit d'un
pervers sexuel ses chances de réhabilitation, selon tous les experts,
sont à peu près nulles. Pour les autres récidivistes
de crimes de violence, les faits prouvent aussi que la réhabilitation
est l'exception plutôt que la règle. Les garanties de réhabilitation
d'un criminel violent ne sont pas assez bonnes pour que je mette entre ses
mains la vie de mes enfants et, si je ne veux pas mettre entre ses mains
la vie de mes enfants, je ne veux pas mettre à sa merci la vie de
qui que ce soit. Cessons l'hypocrisie: celui qui n'a pas sa place dans ma
cour ou la vôtre, n'a sa place dans la cour de personne.
Je sais que l'immense majorité des choses auxquelles je crois sont
celles auxquelles croient ceux qui se disent de gauche et que, forcément,
la majorité des appuis que je reçois viennent de là.
Mais, sur ce point de la mise à l'écart des récidivistes
violents, je ne crois pas que la position de la gauche traditionnelle -
qui est de blâmer tout le monde sauf le coupable - soit raisonnable.
Je ne crois pas que la solution de pardonner septante fois sept fois soit
raisonnable. Ce n'est pas la vocation du monde ordinaire d'être crucifié
pour la rédemption des pêcheurs, par décision de l'État
et sans qu'il ait été consulté
Je suis triste de décevoir les vrais croyants, mais la gauche, pour
moi, n'est pas une religion: c'est un faisceau de mesures qui mènent
au mieux être de la collectivité. Le mieux être de la
collectivité passe par la mise à l'écart des récidivistes
violents et est incompatible avec la notion de travailler à la rédemption
problématique de quelques uns en mettant en péril la sécurité
de tout le monde.
Si on annonçait, demain, que mille bombes à retardement ont
été cachées par un terroriste au Canada dans des endroits
publics et que la moitié exploseront au cours des prochaines années,
une terreur sans nom s'abattrait sur la population. Rien ne serait négligé
pour retrouver ces bombes et mettre fin au cauchemar. Il y a pourtant présentement
au Canada bien plus de mille récidivistes violents en liberté
dont nous savons que la moitié commettront encore des crimes de violence
graves. Ne faudrait-il pas mettre fin à ce cauchemar? Il serait impensable
d'aller simplement les cueillir sans raison, mais s'ils sévissent
encore, n'est-il pas absurde de vouloir les laisser encore une fois en liberté?
Depuis quelques années, la progression constante de la criminalité
que nous avions connue au cour des années "80 semble avoir été
stoppée. Tant mieux, mais faut-il en prendre excuse pour ne pas appliquer
cette proposition de mettre les récidivistes au rancart? Ciel Non
! Car, si vous regardez les statistiques de plus près, vous constaterez
que la part des crimes de violences commise par des récidivistes
a encore augmenté depuis 6 ans ! Il y a des occasions où c'est
la pitié qui est un crime.