Mise à jour 1999
Le retour du médecin prodigue
Ici, la situation a changé du tout au tout: nous n'avons plus:
&laqno; un excellent système de santé: moderne, efficace,
gratuit». Les lacunes de 1992 sont devenus des gouffres béants.
Les symptômes de 1992 sont devenus des infirmités débilitantes.
La façon dont le problème de la santé public a été
ignoré quand les premiers signes de crise sont apparus a apporté
une preuve supplémentaire - dont nous nous serions bien passés
- de l'imprévoyance et du manque d'intelligence de nos gouvernants.
Au fur et à mesure, toutefois, que la crise s'est aggravée,
que l'approche néo-libérale a mis en place sa politique d'extorsion
des pauvres par les riches et que l'obsession du budget équilibré
s'est imposée, l'explication de l'imprévoyance et de la bêtise
est devenue insatisfaisante. Aucun politicien assez habile pour être
élu ne peut être assez mentalement démuni pour suivre
la politique que mène présentement le Québec en matière
de santé sans en comprendre les conséquences. La mauvaise
foi est devenu un élément incontournable de l'explication.
Malgré les mensonges rassurants qu'on sert à la population,
il est hors de doute que la politique actuelle de sabordage systématique
de notre réseau de la santé mène à réduire
progressivement la part des coûts de la santé que l'État
prendra en charge, et donc à créer une situation néo-libérale
"correcte" où les ressources médicales serviront
en priorité les besoins de ceux qui peuvent se les offrir et n'accorderont
aux autres que ce qui en restera.
Le sabotage de ce réseau, qu'il a fallu 25 ans et des milliards pour
mettre en place, se fait en six (6) attaques concertées. 1 - Mettre
à la retraite anticipée un maximum de médecin et d'autres
professionnels de la santé. 2 - Maintenir au plus bas les admissions
en formation médicale. 3 - Ne pas investir, ni dans les immeubles
ni les équipements de santé. 4 -Désorganiser le système
par des réformes administratives , fusions, déménagements
dont l'utilité est douteuse mais dont le potentiel de création
confusion et de mécontentement est évident. 5 - Couper les
budgets d'opération pour forcer la fermeture de lit et démotiver
le personnel qui s'accroche à sa mission. 6 - Favoriser la diffusion
d'histoires d'horreur - hélas vraies ! - concernant les erreurs de
diagnostic, les retards ambulanciers, les délais aux salles d'urgence,
les "débranchements" contre la volonté du patient
aux soins intensifs.
Le but visé est de réduire l'efficacité du système
public - et de faire connaître largement cette perte d'efficacité
- jusqu'à ce que le système public devienne inacceptable pour
toute cette partie de la population qui a les moyens financiers de choisir
une solution de rechange. Alors, les compagnies d'assurance et les groupes
financiers qui, de plus en plus, en sont les propriétaires offriront
cette solution de rechange à ceux qui peuvent se l'offrir. Les autres
seront en liste d'attente interminable, pour obtenir l'accès à
des ressources humaines insuffisantes travaillant dans des salles vétustes
avec des équipements désuets.
Dans ce contexte, la proposition faite en 1992 de rémunérer
les médecins par capitation et de leur donner une large autonomie
de fonctionnement est plus opportune que jamais. Elle est d'autant plus
crédible qu'elle créerait un système qui ressemblerait
à ce qui existe présentement aux USA, à deux importante
distinction près: c'est l'État qui payerait les médecins
plutôt que des groupes d'assureurs... et la santé serait accessible
à tous. TOUS.
Pierre JC Allard
Texte 1992
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