Mise à jour 1999
La révolution au Palais
Est-ce qu'on a fait la révolution au Palais ? La justice est-elle
enfin arrivée au Québec? NON. Soyons justes. Depuis 6 ans,
les délais d'audition ont été raccourcis, aussi bien
en appel qu'en première instance. La compétence de la Cour
des petites créances a été augmentée. Certaines
causes - où la plupart des défenses étaient grossièrement
dilatoires - peuvent maintenant être entendues beaucoup plus rapidement.
Surtout, on a fait un effort vers la médiation en ce qui touche les
conflits entre conjoints. C'est un début.
Un début bien pusillanime. Car le nombre des procédures que
l'on peut faire valoir, la façon dont elles sont habituellement traitées,
la priorité qu'accordent le plus souvent les magistrats aux caprices
des avocats plutôt qu'aux besoins des justiciables quant on détermine
les échéanciers, tout ça a pour résultat qu'il
faut encore compter des années pour obtenir justice.
Coté fric, on a rendu plus difficile l'accès à l'assistance
judiciaire, renvoyant une partie des pauvres rejoindre la classe moyenne
dans la zone où, à cause du coût élevé
des services d'avocats, la justice est hors de portée du monde ordinaire.
Simultanément, la tribu des juristes regarde sévèrement
ceux des leurs qui osent couper les prix et offrir des services à
forfait ou à pourcentage. On prétend que l'avocat ne doit
pas avoir d'intérêt à la cause... sauf, bien sûr,
celui de présenter une facture dont le montant pourra aisément
excéder la somme en litige.
Quand le client veut y mettre le prix - les compagnies d'Assurances et,
hélas! , le gouvernement lui-même sont les champions en ce
domaine - il est encore possible de retarder l'issue d'un procès
jusqu'au désistement ou la ruine du plaideur peu fortuné,
quelle que soit la valeur du droit qu'il a à faire valoir. La justice
au Québec n'est pas vraiment accessible à tous, ce qui, dans
un État de droit, est une infamie qu'on se cache pudiquement, comme
les relations incestueuses entre avocats, comptables et gestionnaires de
compagnies qui permettent aux avocats de créer les problèmes
qu'il pourront ensuite régler pour des honoraires annuels qui au
Québec dépassent largement le milliard de dollars.
Je m'amuse beaucoup, depuis quelques années, à poser ce dilemme
aux avocats de ma connaissance. Si l'avocat joue un rôle déterminant
dans notre système judiciaire et que son talent et sa compétence
ont un impact réel sur le sort des causes en litige, n'est-ce pas
un déni de justice que certains justiciables, parce qu'ils en ont
les moyens, puissent s'offrir les services des meilleurs avocats et donc
biaiser la justice en leur faveur ? Mais si, d'autre part, la justice suit
impeccablement son cours au vu des faits et de la loi - et donne raison
à qui a raison sans égard au talent de l'avocat - pourquoi
diable, devrait-on payer collectivement un milliard par année pour
les services de gens qui ne modifient pas le résultat des procès?
La comparaison est incontournable entre la tribu des avocats et les types
à gros bras qui offrent de protéger vos vitrines de la casse;
on sent confusément que nos droits et les vitrines seraient mieux
gardés si ces gens n'existaient simplement pas..
La solution proposée en 1992 est toujours d'actualité.
Pierre JC Allard
Texte 1992
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