Mise à jour 1999
Ça,c'est du sport
D'abord, je veux éviter comme la peste la question de la construction
d'un nouveau stade au centre-ville. Pas parce que je suis contre; je pense
que tout ce qui peut mettre en valeur le centre de Montréal est une
bonne affaire et je ne suis pas puritain au point de condamner une initiative
simplement parce qu'elle va mettre un fric fou dans la poche de gens qui
ne sont pas vraiment démunis. De plus, l'habileté qu'on met
à mousser ce développement immobilier est rafraîchissante
- à coté de toutes les magouilles simplement sottes qui pullulent
aujourd'hui - et le fait qu'on va vraiment construire quelque chose au lieu
de se borner à spéculer sur l'idée qu'on pourrait le
faire est déjà un pas dans la bonne direction.
Je ne veux pas parler du Stade au centre-ville, parce que ce n'est pas de
ça qu'il s'agit. Il s'agit ici de promouvoir l'esprit sportif pour
son effet rassembleur. Après ce que la récente Coupe du Monde
vient de faire pour la France, je crois que la démonstration est
faite. La gratuité à l'entrée? C'est un moyen de parvenir
à cette fin; si on en trouve un autre, pas d'objections, mais je
n'en vois pas d'autres qui soient aussi efficaces.
Le problème, c'est qu'aussi longtemps que ce sont des intérêts
privés qui contrôlent le sport professionnel, il est difficile
d'empêcher les promoteurs de faire le calcul qui optimise leur profit.
Or, les bénéfices dérivés que constituent l'identification
à un gagnant et la création d'un esprit de corps au sein de
la population n'entrent pas dans le calcul des propriétaires d'équipes
professionnelles.
Si les propriétaires d'une équipe sportive - dont la première
source de revenu est généralement la vente des droits de télédiffusion
- préfèrent pour le reste se contenter de maigres assistances
qui payent au guichet plutôt que d'optimiser le produit de la publicité,
c'est leur droit. Comme c'est leur droit de vendre à l'étranger
un héros national, ou même toute l'équipe à laquelle
une ville ou un peuple s'identifie. C'est leur droit mais nous y perdons
tous; c'est un droit qu'il faut encadrer
D'où la vraie question, qui est de comprendre que l'importance qu'a
pris le sport professionnel de spectacle et d'identification - ce qu'on
pourrait appeler le "sport vicariant" - dans la vie du monde ordinaire
exige qu'on traite ce sport vicariant comme un service public et les équipes
sportives et leurs vedettes comme des richesses naturelles. Il faut imposer
au sport vicariant des règles de conduite, comme à la téléphonie,
comme à la télévision.
De la même façon qu'on surveille l'exploitation des ressources
naturelles - pétrole, hydro-électricité, etc. - il
faut surveiller l'exploitation des talents sportifs que nous possédons
et qui sont aussi des sources d'énergie, en l'occurrence des sources
de motivation et de solidarité. Il faut prendre conscience que le
talent sportif est une richesse naturelle renouvelable ou non, selon l'importance
qu'on donne au sport et au conditionnement physique dans le système
d'éducation.
Le talent sportif et son aptitude à créer l'enthousiasme et
l'appartenance sont des réalités. L'essence de cette proposition,
c'était et ça demeure que l'on tienne compte de cette réalité.
Pierre JC Allard
Texte1992
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