Mise à jour 1999
La vie d'hôtel
Depuis 1992, les mendiants sont de plus en plus nombreux à Montréal
et le nombre des itinérants a encore augmenté; c'est tout
dire. Les changements à l'approche du laissez-faire? Rien en profondeur.
Il y a eu quelques péripéties qui ont marqué quelques
dossiers, mais c'est au niveau de l'anecdote... Ainsi, après bien
de péripéties, "Dernier recours" a fermé
ses portes, cédant devant la mauvaise volonté évidente
des fonctionnaires qui ne souhaitaient pas voir se perpétuer une
approche alternative à leur vision du monde.
Le journal l'Itinéraire a apporté une initiative ingénieuse,
utiles pour certains, mais on se doute bien que les plus démunis
peuvent difficilement mettre à profit cette solution qui exige de
l'initiative et un certain sens des affaires....
D'autres démarches charitables à titre privé ont été
tentées, celles qui semblent s'être maintenues le mieux étant
les plus individuelles, celles qui ne demandent finalement rien à
personne et n'apportent à leurs promoteurs que la satisfaction discrète
d'avoir fait un peu de bien. Un baume sur la plaie, mais pas une solution
Tout récemment, l'explosion de l'Accueil Bonneau a déclenché
un mouvement spontané de sympathie et de commisération envers
les victimes et leurs semblables. Rien ne permet de penser, toutefois, que
l'impact s'en maintiendra et que ce coup de coeur mènera à
des efforts plus constants en faveur des itinérants que les autres
drames moins spectaculaires qui sont monnaie courante, surtout l'hiver,
quand on peu littéralement mourir de froid sans les rues de Montréal..
Est-ce faute de fonds que nous laissons durer cette misère ostentatoire?
Il en coûterait si peu pour régler cette question qu'on ne
peut que s'interroger sur les motifs de ceux qui n'y apportent pas de remède?
... Est-ce parce que nous avons perdu toute pudeur que nous ne cachons plus
l'itinérance, ou tenons nous à garder bien a la vue l'image
omniprésente de la misère exemplaire?
On a l'impression parfois que les vieux clochards ne sont là que
pour illustrer le destin qui frappe ceux qui ne jouent pas le jeu. Pour
consoler ceux qui ne bénéficient pas du boom économique
néo-libéral mais à qui il reste un chèque du
B.S pour vivre, dont les enfants sont nourris - un peu - à l'école
et qui n'ont encore à quêter que quelques jours par mois pour
joindre les deux bouts.
"Voyez" - nous dit le Système - "Ça pourrait
être pire; vous pourriez être seul, éthylique, sans abri...
Accrochez-vous solidement à la pauvreté subventionnée
et taisez-vous; un moment d'inattention, un geste de révolte et vous
pourriez tomber dans la misère abjecte, l'itinérance...".
Et une partie croissante de la population apprend de cette leçon
de choses à faire la queue en attendant un emploi qui n'existe pas,
en attendant une formation qui ne mène à rien, en attendant
la soupe...
La proposition # 14 est aussi d'actualité aujourd'hui qu'il y a 6
ans et tout aussi nécessaire. Elle est sans doute plus difficile
à réaliser maintenant que le nombre des sans-abri a augmenté
et que le profil des itinérants s'est diversifié par l'ajout
des jeunes drogués qui ont rejoint en masse les vieux éthyliques.
Mais est-ce une excuse pour ne pas agir?
Pierre JC Allard
Texte 1992
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