Le rythme de conversion de logements locatifs en condos n'a pas vraiment
changé à Montréal depuis 6 ans mais les circonstances,
elles, ont bien changé. Non pas que l'un ou l'autre des multiples
plans d'accès à la propriété ait donné
des résultats significatifs, mais simplement parce que l'équilibre
des forces entre proprios et locataires a été modifié
par la quasi stagnation de la valeur des immeubles résidentiels.
Cette quasi stagnation signifie-t-elle que que ça ne vaille plus
la peine de devenir propriétaire et qu'une proposition d'accès
à la propriété n'ait plus sa raison d'être? Je
ne crois pas. Je crois, au contraire, que la stagnation que nous avons connue
depuis quelques années mènera bientôt, comme d'habitude,
à une autre hausse des prix et qu'il faudrait profiter de la situation
actuelle pour encourager le transfert du plus grand nombre possible de logements
vers ceux qui les habitent.
Il faut faciliter ce transfert, parce qu'il sera avantageux pour les nouveaux
acquéreurs et que c'est donc une question de justice sociale. Mais
il ne s'agit pas uniquement de justice sociale; notons aussi que la vente
aux occupants mettrait entre les mains des propriétaires des liquidités
considérables qui activeraient tous les marchés financiers
locaux: REER, bourse, obligations, ventes de biens capital de risques, etc.
Ce serait une bouffée d'adrénaline pour notre économie.
Il faudrait se hâter d'agir, car c'est le temps plus que jamais de
le faire. D'une part, malgré quelques signes timides de reprise,
le marché de l'immobilier demeure encore aujourd'hui fragile: un
bon nombre de propriétaires seraient heureux de vendre. D'autre part,
si on se place dans une perspective historique à moyen terme - de
20 ans par exemple - les taux d'intérêts sont encore relativement
bas. La charge d'acquisition du logement qu'ils habitent seraient encore
plus facilement supportable qu'il y a 6 ans pour un grand nombre des ménages-cibles
que visent cette proposition
La situation est donc hautement favorable pour encourager l'achat par les
locataires des logements qu'ils habitent. Est-ce à dire que la proposition
de 1992 devrait être appliquée sans changements? NON. Justement
parce que la conjoncture est si opportune, je crois qu'il faudrait réviser
la proposition et NE PAS donner par une loi au locataire le droit d'imposer
cette vente au propriétaire. Cette loi, qui aurait été
une forme d'expropriation tout à fait exceptionnelle, me paraissait
nécessaire il y a quelques années mais je pense aujourd'hui
qu'elle ne l'est plus.
Je crois qu'il suffirait aujourd'hui, pour obtenir le résultat espéré,
d'enlever les contraintes à la transformation en condos des logements
vendus aux locataires-occupants et d'offrir à ceux-ci une assistance
financière conforme aux normes et conditions de remboursement de
la proposition de 1992.
On prêterait ainsi au locataire-acheteur une somme équivalente
à 13,5 fois son loyer mensuel pour son paiement initial au propriétaire,
mais on laisserait aux parties le soin de négocier le prix de vente,
permettant l'effet souhaité sans recours à une contrainte
légale, laquelle est toujours odieuse et n'aurait pas manqué
de provoquer une levée de boucliers chez les propriétaires
même si les conditions qui leur étaient offertes auraient été
avantageuses.