Mise à jour 1999
Le jugement de Dieu
Rien n'a changé d'un iota depuis 1992... sauf les circonstances.
A cause de la situation économique précaire, du chômage
croissant, de la menace persistance de l'automation et de celle qui s'y
est ajoutée de la mondialisation des marchés, les syndicats
ont réduit leurs exigences de sorte que le nombre des conflits de
travail et des jours de travail perdus à diminué. Maintenant,
si quelqu'un croit qu'il y a aujourd'hui plus de justice pour les travailleurs
et que le droit de grève a gagné en crédibilité
et en efficacité au cours de ces dernières années,
il est inutile de continuer le débat. Je lui suggère du Prozac
et beaucoup de repos.
On pourrait faire le procès de douzaines de grèves depuis
1992, de Kenworth au Casino de Montréal, qui n'ont rien apporté
aux travailleurs que des tracas. Dans la majorité des cas, les grèves
ne font pas leurs frais: le travailleur n'obtient pas d'avantages qui justifient
le stress et la perte de salaire durant l'arrêt de travail. Mais prenons
seulement deux exemples de "victoires des travailleurs", des cas
dont les circonstances sont diamétralement opposées mais qui
ont en commun d'illustrer POURQUOI la grève est un anachronisme nuisible.
D'un coté, les cols bleus de la Ville de Montréal. Du vandalisme,
des menaces, des poursuites pénales. La population est consciente
depuis des lustres qu'il y a là un foyer de méfaits et que,
dans la situation financière présente de la Ville, les cols
bleus sont les derniers qui mériteraient une augmentation. Pourtant,
après une grève "musclée, comme d'habitude, les
cols bleus obtiennent des conditions de travail outrageusement bonifiées
au détriment de tous les contribuables de Montréal. Résultat
réel? 95% des travailleurs de Montréal - qui ne sont pas des
cols bleus de la Ville - doivent maintenant payer pour de petits avantages
arrachés par la force par un syndicat mené par des truands
De l'autre coté, les camionneurs de Métro-Richelieu. En février
1993, Métro-Richelieu décide de foutre à la porte ses
150 camionneurs et de les remplacer par une structure de sous-traitance
- lisez: par d'autres camionneurs qui seront payés moins cher. Vote
de grève... etc. Ca donne quoi? Rien, bien sûr. Alors on se
retrouve devant la Justice-au bras-lent qui, 5 ans plus tard, décide
qu'il faut ré-embaucher ces camionneurs.
Ici, c'est le contraire des cols bleus de la Ville; tout le monde et son
père dit que les camionneurs ont raison. Vous croyez que le jugement
en leur faveur a réglé la question? Vous croyez que la Justice,
dans un pays qui se dit un "État de droit" peut porter
des jugements et les faire exécuter? Détrompez-vous. Les avocats
des parties se sont retrouvés en cour, à discuter de points
de droits subtils, gagnant chacun en quelques heures la pitance d'un mois
d'un assisté social. Il faudra combien de temps avant que la vie
des camionneurs de Métro redevienne normale?
Deux "victoires des travailleurs"? Non, deux exemples flagrants
d'inéquité. Ce pays fonctionnerait mieux si l'arbitrage universel
distribuait équitablement une masse salariale que n'augmenteraient
ni les slogans ni les piquetages mais seulement une action politique intelligente.
Plus que jamais, le mouvement syndical doit mettre la pendule a l'heure
et ses moyens d'action à jour et faire de l'arbitrage universel sa
première revendication
Pierre JC Allard
Texte 1992
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