Mise à jour 1999
Le marché de l'or gris
S'il y aune chose que l'on sait bien et qu'on connait aujourd'hui encore
mieux qu'en 1992, c'est qu'il n'y a pas d'intérêt à
former des diplômés universitaires dont les compétences
ne sont pas requises. Pourtant, la proposition #13, comme la proposition
# 05, fait faire une crise d'urticaire à certains de mes amis de
la gauche.
&laqno;Non, non et non» - qu'ils m'on dit - &laqno; pas question que
les capitalistes financent l'éducation, pas question d'autre chose
que de la gratuité scolaire». Moi, je veux bien; je suis même
férocement pour la gratuité scolaire à tous les niveaux
et pour le salaire étudiant universel, je l'ai dit et écrit
souvent.... mais à condition que le nombre des inscrits soit limité
en fonction de nos besoins.
Si on laisse n'importe qui s'inscrire à des cours de n'importe quoi
et promener son vague-à l'âme métaphysique des Lettres
aux Arts en passant par l'anthropologie comparative, nous sommes ruinés.
Et ruinés en vain, parce que la collectivité ne tirera jamais
de toute cette "culture" individuelle aucun profit qui puisse
justifier l'investissement qu'on y mettrait.
Or, limiter les inscriptions dans chaque discipline universitaire en fonctions
de nos besoins exigerait qu'on les connaisse nos besoins, ce qui demanderait
des changements majeurs à notre politique de main-d'oeuvre. Exigerait
aussi qu'on modifie la structure d'enseignement pour la rendre modulaire,
collée au marché du travail et à la recherche, garnie
de passerelles qui permettraient de corriger les erreurs d'estimations,
etc. Je voudrais que nous fassions ces réformes. Mais, en attendant,
la proposition # 13 est une solution immédiate au problème
du financement des études universitaires.
Une solution imparfaite, j'en conviens, mais une solution moins mauvaise
que toutes celles qu'on nous propose présentement. Moins mauvaise,
certes, que cette offensive de prêts aux étudiants dont le
gouvernement fédéral a décidé de marquer le
début du prochain siècle. En lançant cette initiative,
au grand dam du gouvernement de Québec qui y voit, à juste
titre, un empiétement sur ses prérogatives, Ottawa ajoute
à la confusion. En accouchant de ce projet mal conçu, le gouvernement
fédéral tire au mieux un coup d'épée dans l'eau
et, au pire, risque de nous coûter gros et de nous rapporter peu.
Pourquoi mal conçu? Parce qu'il n'y a pas d'avantage pour la société,
ni pour les individus concernés, a former pour former sans s'assurer
qu'il y a une demande pour les compétences qu'on forme. La proposition
#13 a l'avantage d'orienter les ressources humaines vers les secteurs où
- à tort ou raison - ceux qui contrôlent l'économie
croient avoir besoin de travailleurs et ont confiance que ces travailleurs
gagneront leur sel. C'est un indicateur plus valable que ceux dont le gouvernement
peut se prévaloir présentement.
La proposition #13 a le mérite aussi, comme le texte l'explique,
de créer un marché d'investissement utile et relativement
sûr au moment où les marchés traditionnels arrivent
à maturité et reculent devant les entreprises hautement spéculatives.
Ce n'est pas négligeable. Enfin, cette proposition vise à
mettre fin à une injustice; car le médecin, l'avocat, le comptable
ne feront pas de cadeau au monde ordinaire quand ils auront reçu
leur formation. Je ne vois pas rien d'exemplaire à leur offrir cette
formation aux frais de la collectivité
Pierre JC Allard
Texte 1992
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