Mise à jour 1999
Comme une lettre à la... quoi ?
Une idée qui est intéressante, mais tout de même
pas à mettre sur le même plan que la réforme du réseau
de la santé ou la justice. Elle a trouvé sa place parmi les
propositions de "Monde ordinaire c'est à ton tour..." parce
que, lorsque la population a été interrogée sur ses
priorités avant que le livre ne soit écrit et publié,
une grève des postes avait sévi pendant assez longtemps pour
que cette question devienne une préoccupation majeure des citoyens.
Périodiquement, d'ailleurs, le même problème se pose
encore d'une grève des Postes, mais avec de moins en moins d'acuité
parce que l'avenir que laissait entrevoir la proposition # 09 est devenu
la réalité. Comme prévu, l'usage du téléscripteur
- le fax - s'est répandu comme un feu de brousse. (Il est amusant
de penser qu'en 1992 la majorité des gens ignoraient ce qu'était
un fax et que 75% d'entre eux ne s'en étaient jamais servi !) Aujourd'hui,
tous ceux pour qui l'envoi et la réception de courrier de première
classe avait en 1992, une certaine importance sont d'eux-mêmes passés
à une solution de rechange moderne qui consiste à utiliser
le fax pour à peu près tout et les messageries pour le reste.
Pendant ce temps, sans le dire, l'État a aussi choisi de suivre en
partie la voie de la proposition #09. La Société des postes
a concentré ses services sur les livraisons prioritaires et a réduit
peu à peu ses services "ordinaires". Postes Canada a pris
le chemin de la privatisation et a même acquis une participation discrète
dans la société de messagerie qui était sa principale
concurrente. Le nombre des employés aux Postes diminue progressivement
par "attrition", et bientôt il ne restera rien de la structure
qui causait problème en 1992 si ce n'est la livraison du courrier
en provenance de l'étranger.
On aura résolu le problème, mais on aura mis dix ou quinze
ans à le régler au lieu de prendre courageusement la décision
de le faire sur le champ et on aura dépensé des milliards
en vain. Surtout, on n'aura pas saisi l'occasion de créer un précédent
et de recycler en masse les employés des Postes, ce qui aurait changé
pour le mieux la vie de ces milliers d'employés.
Ce qui aurait aussi permis d'acquérir une expérience inestimable
pour gérer les situations similaires de désuétude des
compétences qui existent dans d'autres secteurs publics et privés.
Des situations qui se présenteront de plus en plus fréquemment
et qu'il deviendra de plus en plus essentiel de régler humainement,
vite et à bon compte, au fur et à mesure que nous allons vers
une nouvelle société de créativité, d'initiative
et de communication.
La proposition # 09 est aujourd'hui dépassée dans le contexte
précis de la distribution du courrier. Le message essentiel qu'elle
véhiculait, toutefois, est plus que jamais d'actualité. Ce
message est qu'il ne faut pas freiner l'avènement des nouvelles technologies
(ici, le fax/téléscripteur) mais s'employer au contraire à
en tirer partie tout en éliminant l'impact négatif objectif
que son implantation peut avoir sur ceux dont cette innovation rend le travail
superflu. Que l'on parle des charretiers hier, des facteurs aujourd'hui,
de millions de petits employés de bureau demain, le principe sacré
doit être que c'est la collectivité qui doit assumer la responsabilité
et le coût de leur recyclage et de leur ré-insertion à
des conditions au moins égales à celles dont ils jouissaient
auparavant.
Pierre JC Allard
Texte 1992
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