COMME UNE LETTRE A LA ... QUOI ?
1. LES FACTEURS DE DISCORDE
Il y a des dictons bien désuets. Comme cette idée
saugrenue que l'on puisse se réjouir quand quelque chose passe comme
une lettre à la poste. Ciel, tout, mais pas ça! Ne parlons
pas des cas "à la Guinness", où une lettre met 10
ans à arriver. Seulement des cas courants où elle tarde 10
jours. Des voeux de Noël qui arrivent pour les Rois, des invitations
reçues le lendemain de la fête, des retards pour cause de code
postal ou d'escaliers enneigés..., et quoi encore?
Quoi encore? La grève, bien sûr! Périodiquement, comme
s'il y avait à ce genre de travail quelque chose d'exaspérant
qui exige un grand défoulement à tous les deux ou trois ans,
le système arrête. La grande armée de 40 770 facteurs
et postiers et 20 000 autres employés des postes que notre pauvre
pays - (qui a déjà la dette par tête la plus élevée
au monde!) - entretient, au coût énorme de 3 961 000 000 $
par année, sort de ses gonds pour offrir le spectacle désolant
du vandalisme et de la violence.
C'est assez brutalement, en effet, merci! - que la grande armée des
Postes signifie au monde ordinaire, à grands coups de gueules et
de bâtons, qu'elle n'en peut plus de faire ce genre de travail. Et,
comme hélas bien souvent au cours des conflits de travail, la loi
reste... lettre morte, pour la durée des hostilités.
Pourtant, comme on les comprend, ces grévistes! Car il doit être
bien exaspérant, en effet, de passer sa vie à faire un travail
sans grand intérêt, pour offrir à la population un service
dont elle n'a plus aucun besoin.
2. LA RÉVISION DES 2500 ANS
Nous n'avons plus aucun besoin d'un système des postes
comme celui que nous opérons à grands frais et qui nous cause
tous ces ennuis. Il y a 25 siècles que Cyrus, roi des Perses, a mis
en place dans son empire un système de livraison du courrier pas
tellement différent de celui qu'on utilise aujourd'hui, à
la distinction près qu'on livrait à cheval plutôt qu'à
pied; après 2500 ans, le "modèle Cyrus" est plus
que dû pour une très sérieuse révision. Et cette
révision est déjà en cours, encouragée en grande
partie par les ratées du système postal.
Quand il ne s'agit que de s'informer mutuellement et de se comprendre, il
y a belle lurette que le téléphone a remplacé la poste.
Mais un problème se pose quant le message doit être permanent,
doit être relu et analysé en profondeur, doit créer
un impact durable. Surtout, quand le document doit pouvoir servir de preuve.
En somme, quand il faut un écrit.
Pour se prémunir contre l'incertitude du système postal, les
utilisateurs commerciaux ont trouvé des remèdes. On sait que,
chez les compagnies sérieuses, presque tout ce qui est vraiment essentiel
est désormais livré par des messageries; on voit bien aussi
que les annonceurs au porte-à-porte et les journaux ont leurs distributeurs
privés; quant aux documents légaux , la plupart sont encore,
comme toujours, signifiés par huissiers.
On s'en sort. Mais faire livrer une lettre par un adolescent à bicyclette
plutôt que par un facteur syndiqué ne constitue pas vraiment
une révision en profondeur du système. Est-ce qu'on ne pourrait
pas trouver aujourd'hui quelque chose de plus efficace?
3. " FIAT FAX !"...
C'est déjà tout trouvé. L'innovation
véritable, c'est le téléscripteur: le fax. Ne vous
affolez pas si vous ne savez pas encore comment fonctionne un fax car, il
y a 5 ans, c'était encore une curiosité. Il s'agit simplement
d'un gros téléphone dans lequel vous pouvez introduire un
écrit... dont la copie sort au numéro appelé. Le fax
n'est plus une curiosité. Il y a déjà des fax publics
au centre ville et, aujourd'hui, une compagnie sans fax fait pitié.
Le prix de l'appareil baisse chaque année - calculer environ 50 $
par mois pour l'instant - et le fax entre déjà dans les foyers.
Économies d'échelle aidant, on pour-rait certainement produire
aujourd'hui, pour un coût bien inférieur à 500 $ chacun,
les millions de fax qui nous permettraient d'en équiper tous les
foyers du pays. Compte tenu de la durée de vie de l'appareil, Bell
pourrait alors facilement, sur un marché de masse, nous les louer
pour 25 $ ou moins par mois. Et un fax peut servir à la fois de téléphone.
Naturellement, il y a des ménages où 25 $ par mois feraient
une différence. Mais supposons que l'État, assumant sa responsabilité
de maintenir la communication entre tous ses citoyens, décidait de
prendre en charge cette facture pour les plus démunis? On y gagnerait
encore!
On y gagnerait encore même si l'État, par un crédit
d'impôt, décidait de mettre gratuitement un fax dans chaque
foyer du pays, puisque le service postal coûte 3, 9 milliards par
année et coûtera plus cher chaque année. Il est temps
de dire "Que le fax soit!" et que le problème des postes
soit réglé une fois pour toutes.
4. ET MON CHEQUE, ALORS ?
Quand on a un fax et que les paquets vont chez Parbus, qu'est-ce
qu'on met encore à la poste? Les chèques. Mais justement,
il n'y a aucune raison valable, quand chacun a un fax, pour que tous les
comptes ne soient pas payés par virements bancaires.
On peut déjà, dès maintenant, payer ses comptes à
distance en utilisant un code; avec un fax à domicile, il est facile
de programmer aussi l'appareil de la banque pour qu'il émette et
vous renvoit automatiquement une preuve de la transaction, portant un numéro
de code semblable à celui des billets de Loto-Québec. Avoir
tous accès à un fax, permettrait que les comptes soient payés
à partir de chez-vous, sans délais, sans problèmes.
Et si on pense aux paiements de transfert faits par l'État: Bien-être
social, allocations familiales, pensions de vieillesse, assurance chômage...
il n'y a déjà plus aucune raison valable, depuis bien longtemps,
pour que ces paiements ne soient pas virés directement aux comptes
en banque des bénéficiaires.
Aucune raison pour cet échange ridicule de papier, ces déplacements
vexatoires, ces risques d'erreur et tout ce temps perdu. Aucune raison de
s'envoyer des chèques, et aucune raison non plus de s'envoyer du
papier par la poste, sauf peut-être pour intenter des poursuites ou
pour se déclarer son amour et en garder un souvenir, auxquels cas
il y aura toujours les huissiers et les messageries. En réalité,
il n'y a plus de raisons valables pour maintenir en service les postes de
Sa Majesté. Ou plutôt, il n'en reste qu'environ 60 000. Les
employés de Postes Canada.
5. LA CLEF DANS LA PORTE
60 000 employés dont le pouvoir réel de négociation
disparaîtrait le jour où on déciderait de verser directement,
par virements bancaires les paiements de transfert et de favoriser cet usage
général du fax, mais qui n'en demeureraient pas moins 60 000
travailleurs qu'on ne veut surtout pas mettre au chômage.
Parce qu'il faut comprendre que nos Gouvernants ne sont pas totalement bêtes,
et que leurs conseillers surtout ne sont pas tous des imbéciles.
On sait très bien en haut lieu que le pays n'a plus besoin d'un service
des postes dont les méthodes de base remontent presque littéralement
au déluge; la raison d'être de Postes Canada est uniquement
de créer des emplois.
Aussi, quand on propose de mettre la clef dans la porte d'une société
d'État de cette taille, il ne faut pas voir seulement l'alternative
technique et constater que l'on gaspille une fortune à rémunérer
des travailleurs qui ne produisent rien de vraiment utile; il faut, du même
coup, voir que ces travailleurs ont des droits qu'il faut respecter et des
compétences qu'il convient d'utiliser.
Et c'est là qu'on peut regretter que nos Gouvernants ne soient pas
totalement clairvoyants et leurs conseillers tous des génies, car
il serait avantageux pour le pays qu'on comprenne en très haut lieu
que ces 60 000 employés et ces milliards de dollars des Postes représentent
un actif incroyable... si on enlève les oeillères de l'approche
traditionnelle et si, au lieu de trembler devant un syndicat et une possible
réaction politique négative, on comprend que mettre la clef
dans la porte..., c'est parfois pour l'ouvrir.
6. LA VALEUR TRAVAIL
A force de parler chômage, plein emploi, sécurité
d'emploi et création d'emplois, on en est venu à voir le travail,
non plus comme un effort qu'il faut consentir pour obtenir ce que l'on veut,
mais plutôt comme un objectif. Et, du même coup, comme une espèce
de contrainte politique et d'obligation quasi légale imposée
aux entrepreneurs et aux payeurs de taxe.
On a oublié que quand on travaille c'est pour produire et on se conduit,
sans trop se le dire, comme si c'est le travail qui était un bien
en soi et que ce que l'on produit n'était en sorte qu'une bonne excuse
pour travailler. Exemple de ce raisonnement pervers, que l'argument majeur
en faveur de Grande-Baleine, ne semble plus être qu'on va produire
de l'énergie, mais plutôt qu'on va créer des emplois!
Ainsi, quand on pense à remplacer un système des Postes désuet
par un système de fax qui permettrait à quiconque de communiquer
instantanément partout et de le faire localement à bien meilleur
compte, la vision de 60 000 travailleurs de Postes Canada dont les salaires
sont déjà prévus au budget - et qui seraient demain
disponibles pour faire autre chose - n'est pas perçue comme un plus,
mais comme un grave problème.
Et pourtant, les nations ne se sont-elles pas battues pendant des siècles
pour se réduire en esclavage et avoir une main-d'oeuvre gratuite?
L'État est-il si en manque d'imagination qu'il ne pourrait pas utiliser
à un travail utile ces 60 000 employés de Postes Canada qu'il
n'est plus nécessaire d'exploiter à trier et à porter
des lettres? Le travail n'a-t-il plus aucune valeur?
7. LES RÉSERVISTES
Dans une Nouvelle Société, il doit y avoir du
travail et un revenu adéquat pour tout le monde. Mais personne, ni
un individu ni un syndicat, ne devrait avoir le culot d'exiger que, dans
un monde en constante évolution, la société garantisse
à chacun de faire le travail qui lui plaît, quand il lui plaît
et comme il lui plaît.
Il faut fermer Postes Canada. Tout de suite. Pas parce qu'il y a une grève,
mais parce qu'on y gaspille la vie de 60 000 personnes. Chaque employé
devrait, après la fermeture, continuer à toucher son plein
salaire actuel mais devrait aussi, au plus vite, être assigné
à d'autres tâches compatibles avec ses aptitudes, ou inscrit
à des cours de formation.
Les employés des postes constitueraient ainsi une force de travail
et de compétences en réserve, à partir de laquelle
l'État pourrait songer à offrir à la population certains
de ces services pour les plus démunis que nous prétendons
ne pas avoir les moyens d'offrir.
L'ex-employé des postes demeurerait ainsi en réserve jusqu'à
ce qu'on lui ait offert, à des conditions comparables, un emploi
permanent pour lequel il aura été jugé qualifié.
S'il accepte cet emploi, tout sera pour le mieux. S'il le refuse, la responsabilité
de la société à son égard aura été
acquittée... et il sera libre de suivre - à son compte - le
chemin qui lui convient.