Un gouvernement à contrat

 



1. DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE

"Mon Dieu, Mon Dieu... Ils ont vidé la caisse!" C'est John Diefenbaker, je crois, qui a été le premier à renier toutes ses promesses au lendemain des élections, sous le prétexte que la situation financière du pays était "pire que tout ce qu'il avait pu imaginer". Et personne depuis n'a eu plus d'imagination. C'est devenu une formalité pour chaque nouvel élu de se défaire ainsi en bloc de toutes ses obligations.


Non, mais ça va pas? Vous avez là un homme qui a pu se faire élire par son parti d'abord, qui a convaincu ensuite le pays tout entier qu'il était moins bête que son adversaire, un monsieur dont on peut raisonnable-ment supposer qu'il accorde une certaine attention aux affaires publiques, et il vient nous dire qu'il ne pouvait pas "s'imaginer..."


Mais qui lui demande d'imaginer? Le budget de l'État est-il un secret? Les engagements de l'État ne sont-ils pas connus? Le futur Premier Ministre et ses conseillers ne savent-ils vraiment pas où en est le pays quand ils offrent d'en prendre le contrôle? Mais alors, tous ces plans? Des paroles en l'air ?


Des paroles en l'air, puisque RIEN, dans notre système politique, n'oblige un politicien à remplir ses promesses. Un politicien peut dire n'importe quoi avant, et faire n'importe quoi après une élection. Ce qui a été dit n'a pas valeur de contrat. Est-ce bien ce qu'on a en tête quand on parle de démocratie: un mandat en blanc pour faire n'importe quoi? Non, bien sûr, n'est-ce pas? Eh bien vous avez tort! La réponse est "oui". Dans une démocratie représentative, le gouvernement élu peut faire n'importe quoi.


2. ... ET DÉMOCRATIE DIRIGÉE

La loi dit que les représentants font tout ce qu'ils veulent: le Parlement est souverain. La réalité, c'est qu'ils font tout ce qu'on leur dit de faire. Et d'abord, les représentants élus du peuple ne font pas ce que leurs électeurs voudraient qu'ils fassent, mais ce que leur parti leur dit de faire.

Ce n'est pas un abus de confiance, ni de la fausse représentation, c'est la règle du jeu! Un député doit voter selon la ligne de son parti, sans quoi il en est exclu; ce qui signifie qu'il ne sera sans doute pas réélu mais bientôt remplacé par quelqu'un qui suivra les directives du parti.

Les directives du parti sont données par le whip nommé par le Chef du parti. Et qui nomme le Chef du parti? Une convention organisée par des employés permanents du parti, eux-mêmes choisis un à un par la structure du parti, laquelle est mise en place par les "organisateurs". Les organisateurs ne sont pas élus, mais ce sont eux qui dirigent un parti.

Les organisateurs sont en contact direct avec ceux qui financent les partis: les "lobbies". Un lobby, c'est un groupe de pression. Un lobby peut représenter un groupe ethnique, un secteur de l'industrie, une grande compagnie. Ceux qu'ils représentent ont des intérêts en commun - qui ne sont pas toujours les nôtres - et ce sont eux qui assurent le financement des partis politiques.

Les lobbies financent les partis et, en retour, sont "consultés" à l'occasion. Cette structure bien hiérarchisée suffit pour que soit faite la volonté de ceux qui détiennent vraiment le pouvoir dans notre société démocratique.


3. LA VOIX ÉTOUFFÉE

Vox populi, vox Dei, disaient les Romains: la voix du peuple est la voix de Dieu... Tu parles! En fait, dans notre démocratie dirigée, du pouvoir des lobbies aux députés silencieux, de solidarité ministérielle en manipulations de l'opinion et en corruption, la voix du peuple n'est pas écoutée.

Pour constater à quel point cette voix n'est pas écoutée, comparez les priorités de l'État - telles que révélées par le budget par ministères de l'État -avec les priorités du monde ordinaire.

Désiriez-vous vous vraiment, en 1991, que 12 milliards de dollars de votre argent serve à la Défense Nationale? Est-ce que vous souhaitiez que 28 % du budget, c'est-à-dire 43 milliards de dollars servent à payer des intérêts aux mieux nantis alors que 20 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté?

Attention! Nous ne disons pas qu'il soit possible ou même opportun de changer ces chiffres; nous disons seulement que, de toute évidence, ils ne correspondent pas à ce que veut le monde ordinaire: la voix du peuple est étouffée. Et pas seulement sur des questions d'intérêt matériel.

Par exemple, est-ce que la politique actuelle du Gouvernement concernant cette question de l'avortement est bien celle d'une majorité de la population? Et l'État n'a-t-il pas supprimé la peine de mort, alors que les sondages révèlent que la majorité est encore en faveur de la peine capitale? Nous ne disons pas que le peuple a raison; nous soulignons seulement que notre démocratie représentative, dirigée et manipulée, n'exprime pas toujours la volonté populaire. Ceci est un fait.


4. ENTRE LOBBY ET AGORA

La politique du pays est faite par une élite. Une élite composée de ceux qui représentent les divers groupes de pression, de ceux qui contrôlent la richesse et la production, de ceux aussi qui manipulent la pensée et les opinions. Cette élite, dont la pensée politique va du centre-centre-gauche au centre-centre-droit, a pour objectif que les choses ne changent pas.

Ce sont les choses telles qu'elles sont qui ont permis que cette élite soit en place, et elle entend le rester. Cette élite peut être conservatrice ou libérale dans son discours, mais elle est d'abord un bloc solide opposé au changement.

Il y a d'autres sortes de démocratie que la démocratie représentative. Les Grecs qui l'ont inventée, par exemple, voyaient la démocratie comme une chose plus dynamique, avec tous les citoyens sur l'agora, la place publique, exprimant bruyamment leurs opinions sur tout et n'importe quoi, et jamais très loin de sortir leur glaive pour les faire triompher.

La démocratie directe "à l'athénienne" fonctionnait surtout à grands coups de têtes et grands coups de coeur, était généralement incohérente, et menait au chaos.... d'où sortait, tôt ou tard, un homme "providentiel" qui imposait sa dictature et ramenait l'ordre. Pas très amusant non plus.

Mais entre la démocratie ignare mais survoltée de l'agora et les lobbies, n'est-il pas possible trouver autre chose qui permette d'appliquer de façon cohérente la volonté d'un peuple tout de même plus éduqué et renseigné que ne l'ont jamais été les Grecs de l'Age d'Or?


5. LE CONTRAT ÉLECTORAL

La démocratie à l'athénienne ne fonctionne pas, car on ne peut pas demander au monde ordinaire de concevoir et d'appliquer eux-mêmes une politique cohérente. Mais nous croyons, cependant, que les gens sont tout à fait capables de choisir par eux-mêmes celle qu'ils préfèrent parmi diverses politiques cohérentes qui leur sont présentées. Sinon, on n'a plus à parler de démocratie.

Ce qu'il nous faudrait, donc, c'est que chaque parti politique - et qu'il y en ait autant qu'on voudra! - propose une politique claire et cohérente pour une période de quatre à cinq ans, et que le peuple choisisse entre ces diverses politiques. Que chaque parti explique clairement sa vision des objectifs à atteindre, précise le budget de ses ministères, le coût des programmes qu'il réaliserait, de même que les taxes et impôts qui lui permettraient de financer les activités proposées.

Au lieu de choisir entre de vagues promesses - qui de toute façon ne seront pas tenues! - nous pourrions choisir entre de véritables plans d'action, dont celui du parti élu DEVRAIT obligatoirement être réalisé. Le plan que proposerait un parti serait une offre de services que ferait un parti qui se croit capable de réaliser certains objectifs, au peuple qui lui en donnerait alors le mandat. L'élection deviendrait un contrat.

Si le gouvernement ne réalisait pas ses programmes dans le temps et pour le coût prévu, avec une marge d'erreur raisonnable, il serait dissout et une autre élection devrait avoir lieu. Dans ce système de contrat électoral, c'est le peuple qui choisirait l'orientation qu'il désire.


6. LES ROLES REDÉFINIS

Dans la démocratie contractuelle, les rôles des partis, de leurs chefs et des députés sont changés. Le parti est un ensemble de gens qui ont une vision de la société et qui proposent un plan concret de gouvernement du pays pour une période de 4 à 5 ans. Afin d'éviter que n'importe quel farfelu ne lance un parti, il faudrait 1000 signatures assermentées pour qu'un parti soit reconnu.

Un parti propose un plan et aussi un candidat à la Présidence qui, s'il est élu, aura comme aux Etats-Unis la responsabilité d'appliquer le plan et de désigner les ministres. A la différence d'un régime à l'américaine, le candidat pourra toutefois, s'il le désire, indiquer à qui il confiera les divers ministères ou programmes. On voit tout de suite qu'un parti qui alignera une équipe de personnalités prestigieuses prêtes à occuper les divers postes de son administration aura, face à l'électorat, une meilleure crédibilité. Et c'est bien ainsi que les choses devraient être.

Les députés? Ils représentent leurs électeurs, surveillent et interrogent le gouvernement; quand celui-ci soumet à l'Assemblée des députés le texte final des lois, ce sont eux qui décident s'il est ou non conforme à ce qui a été promis. Une fois par mois, à tour de rôle, le Président et chaque ministre présentent aux députés un rapport d'avancement des travaux.

Des députés sont aussi nommés par l'Assemblée pour suivre le travail de chaque ministère. Le peuple est le client, le gouvernement est l'expert, le député est celui qui, au nom du client, vérifie le travail. Si l'Assemble vote un rapport annuel d'évaluation négatif du gouvernement, celui-ci est révoqué.


7. LA VOIE DU PEUPLE

Le mandat terminé, il y a élection. Le processus d'élection du Président, de son programme et des députés commencerait 60 jours avant la fin du mandat du gouvernement au pouvoir. Il débuterait par la publication dans tous les journaux, des programmes des partis reconnus, et celle des curricula des candidats à l'Assemblée dans leur circonscription respective. Les candidats ne représenteraient pas un parti - ce qui serait un non-sens, puisqu'ils doivent juger impartialement de l'action du gouvernement - mais seraient indépendants et présumés élus pour ce qu'ils sont: pour leur expérience et leur crédibilité.

Au cours des 30 jours suivants, les partis expliqueraient leur programme. On accorderait à chaque parti quatre heures d'antenne à la radio et à la télévision, et les experts, journalistes et représentants de groupes de pression, pourraient y aller de leurs commentaires. Après 30 jours, un premier tour de scrutin élirait le parti et ceux des candidats qui auraient obtenu la majorité absolu des suffrages. Dans les autres cas, un second tour de scrutin permettrait de trancher entre les deux partis ou candidats ayant obtenu le plus de votes au premier tour.

C'est une autre voie. Si vous aviez le choix, est-ce que vous ne préféreriez pas ce mode de gouvernement? Choisissant ce que le gouvernement fait, combien d'argent il dépensera et sur quels programmes... et les taxes et impôts qu'il vous exigera? N'aimeriez-vous pas mieux un gouvernement à contrat?



Enquête SONDAGEM

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 Mise à jour 1999

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