Mise à jour 1999
Et si l'argent n'avait plus d'avenir ?
Ici, nous avons un exemple remarquable du retard des gouvernements sur la
technologie et sur la réalité. Souvenons-nous qu'en 1992,
lorsque cette proposition a été faite, Interac n'était
pas encore une réalité concrète. Aujourd'hui, personne
ne s'étonne qu'on puisse payer ses emplettes de cette façon
en virant les fonds d'un compte à l'autre et l'utilisation des cartes
de débit comme Interac dépasse celle des cartes de crédit
!. Peu à peu, c'est une solution qui s'impose.
Pourtant, l'argent n'est pas disparu. On a bien remplacé par des
pièces les billets de deux dollars - et je suis convaincu que les
billets de cinq dollars disparaîtront aussi un jour - mais on ne s'est
pas empressé d'éliminer même les billets de 1 000 dollars,
dont il saute aux yeux qu'ils ne peuvent être utiles qu'à des
transactions illicites ou occultes. A plus forte raison, il n'existe même
pas de projet connu pour l'élimination progressive des autres billets
de dénominations inférieures Pourquoi?
Pourquoi ne pas le faire, alors que la contrefaçon est devenue si
facile qu'il faut désormais un équipement spécialisé
pour reconnaître le vrai du faux. Veut-on créer la situation
où chaque individu devra procéder à la vérification
de l'authenticité de l'argent qu'on lui présente? L'appareil
pour le faire existe déjà, les banques l'utilisent, certains
commerces aussi... est-ce la voie qu'on veut privilégier? Pourquoi?
Quand on se demande pourquoi, on arrive vite à la seule explication
qui tient: l'État ne choisit pas la solution de l'argent tout-électronique
parce qu'il ne VEUT pas éliminer vraiment le vol, le recel, le trafic
de drogues, la contrebande et la fraude fiscale. Bien sûr, on va se
retrancher derrière les protestations de groupes divers qui s'opposeront
à la solution de l'argent électronique parce qu'elle permet
à l'État de connaître les opérations financières
et commerciales de chacun et constituerait donc une "invasion de la
vie privée".
Ceci est une blague à deux niveaux. D'abord, la vie privée
est déjà envahie; considérez votre vie privée
comme un pays conquis. Le citoyen est déjà, en moyenne, fiché
37 fois aux registres de l'État et cette information est accessible
sans grandes difficultés; l'État a les moyens de savoir tout
ce qu'il veut savoir. Quand il ne sait pas, c'est parce qu'il ne regarde
pas, et quand il ne regarde pas c'est parce qu'il préfère
ne pas voir. Ensuite, quand l'État veut vraiment faire quoi que ce
soit, il se fiche comme d'une guigne des groupes de citoyens et de leurs
protestations. Voyez la situation de l'environnement: il faudra bien longtemps
avant que les Greenpeace du monde puissent vraiment modifier en profondeur
le trajet de notre société
Si le gouvernement ne passe pas à la solution de l'argent électronique,
ce n'est pas parce qu'il respecte notre vie privée, ni parce que
certains groupes pourraient protester; c'est parce que ça l'arrange.
Parce que la face cachée de notre économie - vols, trafics,
blanchiment d'argent et évasion fiscale - en constitue aujourd'hui
un élément important sinon essentiel, et qu'il faudrait remettre
bien des pendules à l'heure si l'on décidait tout à
coup d'en réduire de façon dramatique le poids dans les échanges
internationaux.
Le retard des États à accepter le passage à l'argent
tout-électronique est la mesure de leur complaisance envers le crime
organisé international et l'évasion fiscale systémique
permise à ceux qui sont vraiment riches.
Pierre JC Allard
Texte 1992
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