Ce texte se distingue sur un point important de tous les autres que j'ai
publiés sur ce site. Ces autres textes préconisent des réformes
de bon sens et recueillent au départ un large consensus auprès
de la population; le plus grand obstacle à vaincre pour en assurer
la mise en place est donc l'inertie inhérente au système et
on peut raisonnablement penser que, sinon ces réformes elles-mêmes,
du moins d'autres qui y ressemblent beaucoup, seront appliquées à
court terme. Ce n'est pas le cas de la présente proposition.
Ce que nous proposons ici n'est pas la correction d'un accident de parcours
ou d'une erreur circonstancielle; c'est un changement de cap qui remet en
cause tout le système capitaliste néo-libéral que nous
connaissons et qui oriente notre société dans une direction
qu'elle n'a encore jamais explorée; je n'ai pas la naïveté
de croire que l'on acceptera cette ré-orientation de bonne grâce.
Je crois plutôt que, même s'il doit en crever, notre Système
va mourir en tenant amoureusement sa fiscalité dans ses bras. On
ne peut pas présenter sérieusement une réforme en profondeur
de la fiscalité comme un outil de transformation du système:
c'est la transformation du système qui aura pour conséquence
une réforme de la fiscalité.
Ce qui pourrait faire de cette proposition un exercice assez futile, non
seulement parce qu'il est irréaliste de croire qu'elle sera acceptée,
mais aussi pour deux (2) autres raisons. D'abord, parce que même si
nous souhaitions appliquer immédiatement cette solution ici, au Québec
ou au Canada, nous ne le pourrions pas. Washington, Beijing , Frankfurt
(au nom de l'Europe) pourraient décider de leur propre chef de prendre
cette voie, mais à un petit pays "on" ne le permettrait
pas. On nous mettrait au pas; comme un nouveau Cuba, comme un autre Iraq.
Ensuite, parce que cette "proposition" traite de qu'il faudrait
faire AUJOURD'HUI si nous voulions régler le problème financier
de notre société avec un minimum de bouleversements; or, le
jour où le système s'effondrera, il est bien possible que
d'autres changements techniques soient advenus qui auront rendu cette approche
désuète et que ce qui en tiendra lieu alors sera bien plus
brutal!
Pourquoi, alors, même parler de cette approche? Pour avoir dans nos
cartons une solution de rechange à la fiscalité actuelle si
le système devait craquer à très brève échéance
sans que les conditions actuelles aient été significativement
modifiées. Il est prudent d'avoir cette solution de rechange et de
susciter une réflexion immédiate sur la fiscalité qu'il
nous faudra mettre en place quand notre système aura trépassé,
car tous les signes avant-coureurs sont là qui permettent de croire
que l'exploitation "à la Bretton-Woods" est allée
jusqu'à la conclusion logique de sa malice et que nous allons rapidement
vers "autre chose". Peut-être est-ce demain qu' il faudra
autre chose.
Une dernière remarque. Ne vous étonnez pas si je semble faire
peu de cas des réajustement sociaux auxquels pourrait donner lieu
une transformation de la fiscalité. J'en suis bien conscient, mais
c'est une autre histoire... et l'histoire que je raconte sur tout le reste
de ce site.
PIerre JC Allard
0. INTRODUCTION
On a dit qu'il n'y avait d'inévitable que la mort et les taxes. Il
n'y a pas de société sans taxes, car c'est quand une collectivité
se donne un projet et les moyens de réaliser ce projet qu'elle devient
une société. Le projet d'une société peut être
aussi simple que de vivre en paix dans ses pâturage ou aussi inusité
que de construire les Pyramides mais, quel qu'il soit, ce projet exige qu'on
y affecte des MOYENS. Les moyens, ce sont les apports complémentaires
des "sociétaires" qu'on appelle "taxes"; obtenir
cet apport de chacun des membre de la société, c'est ça
la "fiscalité".
A l'origine, la fiscalité fut d'abord la responsabilité des
gros bras du leader, puis celle de ses soldats. Le roi, après avoir
fait le bilan de ses razzias sur les villages voisins, prélevait
dans les granges et les étables de ses propres sujets ce qui lui
manquait pour boucler ses fins de mois. La première fiscalité
n'était qu'un cas d'espèce du paiement d'une rançon,
prélevée sous la menace du pillage ou de pire. Avec le temps,
on en est arrivé à la taille et à la corvée,
puis, progrès aidant, aux taxes et aux impôts que nous connaissons.
La fiscalité est d'une extrême importance. Il est bon de se
rappeler que le seul pouvoir que possédait le peuple de France, en
1789, était celui d'autoriser la levée d'un impôt et
que c'est en convoquant les États-généraux pour obtenir
cette autorisation que Louis XVI a déclenché la Révolution
Française. Comme c'est un désaccord sur le droit de participer
au processus de fixation des taxes qui a provoqué la Révolution
Américaine. La fiscalité est au coeur de la notion de société.
La fiscalité est aussi au coeur de la crise dont notre société
pâtit.
J'ai parlé plus longuement ailleurs de cette crise et c'est de la
solution fiscale que je veux discuter ici. Je ne vais donc souligner qu'un
seul des symptômes de cette crise, bien pertinent au débat
sur la fiscalité : la diversion de notre capacité collective
de développement et de création vers la spéculation
et des objectifs virtuels plutôt que réels. Non seulement voit-on
l'écart se creuser entre riches et pauvres, mais on voit ceux dont
les besoins sont satisfaits consacrer désormais toute leur énergie
à un jeu de Monopoly qui ne leur procure plus que des gratifications
intangibles pendant que ceux dont mêmes les besoins matériels
élémentaires ne sont pas satisfaits perdent tout espoir qu'ils
le soient jamais.
Tout se passe comme si le pouvoir était entre les mains d'un enfant
qui n'intervient plus que pour s'assurer que la réalité ne
faussera pas les péripéties de son jeu. "Le Dow-Jones
est à 11 000 !"... et on bat des mains, comme si on avait obtenu
une récolte de plus pour ceux qui ont faim. Les riches et les puissants
jouent à créer et à se donner de l'argent. Un argent
qui ne représente plus aucune réalité et qu'ils n'utilisent
plus jamais pour la consommation mais uniquement comme un symbole de pouvoir
et un outil de spéculation.
Cette perversion du rôle de l'argent a stoppé net le développement
réel de la production que promettait l'essor de la technologie moderne.
Notre niveau de vie stagne depuis vingt ans, alors que, même sans
redistribution de la richesse, nous devrions tous être aujourd'hui
au moins deux fois plus riches en termes réels que nous ne l'étions
alors. On s'est amusé, depuis vingt ans, à créer une
richesse virtuelle pour le plaisir de quelques uns au lieu de créer
une richesse réelle de biens et de services pour tous.
Parce qu'on s'est agité ainsi en marge de la réalité,
la crise à laquelle nous faisons face ne peut pas être résolue
rapidement comme les crises du passé - en prenant des riches pour
donner aux pauvre - puisque ce qu'ont les riches en surabondance n'est qu'une
richesse imaginaire qui, redistribuée, n'apporterait rien à
ceux dont les besoins ne sont pas satisfaits. Une redistribution traditionnelle
de la richesse ne ferait que créer une inflation cataclysmique dont
les défavorisés souffriraient encore plus que les nantis.
Comment régler le problème ?
Le problème ne peut être réglé qu'au niveau de
la réalité: en changeant nos objectifs de production et en
remettant tout le monde au travail. Or, cette transformation des objectifs
et cette remise au travail ne peuvent intervenir que dans l'ordre, pas dans
l'anarchie. La mise en place efficace d'une Nouvelle Société
n'exige donc pas de se ruer sabres au clair sur les ponts de ce bateau ivre
qu'est devenu notre société, mais plutôt d'arracher
la barre des mains du pilote et de changer de cap au prix d'un minimum de
bouleversements qui mettraient le navire en péril. Que vient faire
la fiscalité dans l'équation? C'est par la fiscalité
que le problème a été créé (Voir
Texte 406) et c'est par la fiscalité qu'on peut encadrer un retour
ordonné vers la réalité d'un mieux-être qui découle
du travail et de la production.
La fiscalité soulève deux types de problèmes. Il y
a d'abord une problématique politique qui doit décider de
l'affectation des sommes prélevées et choisir de qui viendra
l'argent et en quelle proportion pour chacun. Il y a ensuite une problématique
qui semble purement technique et qui vise à mettre en place les méthodes
de perception adéquates. C'est de cette deuxième problématique
que nous allons traiter. Il ne sera pas question ici de ce que l'État
devrait faire avec notre argent mais uniquement de la meilleure façon
de percevoir ce qu'un gouvernement démocratique aura choisi de prélever.
Ce n'est pas une question secondaire. Il est clair que la perception doit
être efficace et minimiser les risques d'évasion, mais il y
a plus. Les modes de perception qu'utilise une société ne
sont pas indépendants de ses objectifs, car la façon de prélever
les apports de chacun à la réalisation du projet commun de
société a un impact certain sur la manière dont le
fardeau est réparti entre les citoyens. Le volet technique n'est
donc pas neutre mais reflète - ou bien souvent, au contraire, sert
à occulter! - des choix politiques qui se cachent derrière
les méthodes de perception employéee. Il faut en discuter.
On reconnaît aujourd'hui deux formes principales de taxation. La taxation
dite "indirecte" - parce que l'État utilise un intermédiaire
innocent comme percepteur - qui vise le consommateur et s'applique aux paliers
de la production, de l'importation ou de la vente des biens et services
d'une part et, d'autre part, la taxation "directe"dont l'impôt
sur le revenu est le meilleur exemple. L'importance relative qu'ils accordent
à l'une et l'autre de ces formes de taxation est un bon indicateur
des objectifs sociaux des États qui les imposent.
Une Nouvelle Société utilisera des instruments fiscaux que
l'on pourra bien classer dans ces catégories mais qui seront différents
de ceux avec lesquels nous sommes familiers (Voir Texte
407). C'est par des politiques fiscales et l'application des outils
de perception que ces politiques sous-tendaient que le Système nous
a amené à la crise actuelle; c'est par de nouvelles politiques
fiscales visant d'autres objectifs et utilisant d'autres moyens fiscaux
qu'on fera que cette crise s'éloigne de nous in extremis... ou qu'on
en réparera après les dégats.
Aujourd'hui on taxe les revenus et on taxe la consommation. Pourquoi - dans
une société qui pourtant se prétend de "libre
entreprise" - brimer par une taxe ou un impôt l'entrepreneur
qui veut réaliser un profit ou le travailleur qui gagne son salaire,
ce qui est l'équivalent de taxer le travail et l'initiative et de
pénaliser ceux qui produisent et qui réussissent? Pourquoi
freiner la consommation par des taxes de ventes? Pourquoi un impôt
sur le revenu, les salaires et les profits alors qu'on pourrait taxer le
capital qui sommeille, l'argent parasite? Si on taxe le capital plutôt
que le revenu, on force l'argent paresseux à s'activer puisque l'argent,
pour durer et fructifier, doit alors - comme chacun de nous! - produire
plus chaque année que le montant dont il est imposé. Si on
taxe le capital, on remet en marche le tapis roulant des années cinquante.
Taxer le capital produit a deux effets positifs: on ré-équilibre
les pouvoirs d'achat des diverses classes sociales et on ramener vers la
consommation une partie de l'argent qui dort... et on peut faire disparaître
peu à peu une masse monétaire dont la valeur "virtuelle"
des stocks boursiers laisse supposer l'existence mais qui n'a qu'une valeur
illusoire et qui qui fausse toute notre activité économique.
La croyance en cette richesse qui n'existe pas a réduit la production
des biens et services à une activité financière mineure
qui semble ne plus se dérouler qu'en marge d'une spéculation
qui elle occupe tout l'espace financier (moins de 1% des transactions financières
mondiales portent sur des échanges de biens et services !) C'est
cette désaffection qui fait que notre niveau de vie réel n'augmente
plus et que la misère dans le monde ne régresse pas mais augmente.
Pour taxer le capital, il faut mettre en place des procédures différentes
de celles auxquelles nous a habitués la fiscalité actuelle.
Pour le faire, cependant, il faut d'abord bien comprendre ce en quoi consiste
aujourd'hui la richesse.
1. LA RICHESSE ET SON DOUBLE
La richesse n'est plus ce qu'elle était. Une richesse "symbolique"
- spéculative dans le sens étymologique du terme (speculum
= miroir ) - est devenue le miroir grossissant et déformant de
la richesse réelle et presque toute l'activité économique,
réduite à une agitation financière, a lieu désormais
dans le "miroir". Du même coup, pour éviter l'inflation
traditionnelle, on a pris garde de ne pas laisser la richesse suinter vers
les classes qui ont des besoins et qui donc consomment; le centre de gravité
de la richesse, boursouflée à son seul sommet, se situe maintenant
bien au dessus du seuil au delà duquel la richesse cesse de servir
à la satisfaction des besoins et même des caprices pour devenir
uniquement un outil de pouvoir.
La conséquence de cette vision biaisée de la richesse? Les
décisions politiques et économiques ne sont plus prises en
fonction des exigences matérielles des populations, même des
classes aisées de ces populations, mais selon les seuls impératifs
d'un jeu de pouvoir. La priorité économique est devenue de
modifier des données comptables qui serviront d'atouts dans des jeux
pour le pouvoir auxquels le monde ordinaire n'est pas invité. C'est
pour ça, par exemple, que les pays du tiers-monde, obéissant
aux diktats du Fonds Monétaire International (FMI), réduisent
leurs populations à la famine pour réaliser des "ajustements
structurels". Le jeu des uns est devenu plus important que la vie des
autres.
Quand on comprend que la plus grande part de la richesse est devenue une
simple image virtuelle, on a deux choix. On peut briser le miroir et perdre
ses illusions. Le miroir se brise quand une masse critique des gens s'aperçoivent
que la monnaie ne représente strictement plus rien sauf le pouvoir
précaire de l'État de l'imposer. Quand cette prise de conscience
a lieu, le vieux principe économique de Say s'applique: "le
mauvais argent chasse le bon". Tous se précipitent pour acquérir
des biens "réels", les valeurs boursières s'effondrent
et la monnaie ne vaut plus rien. C'est la fin brutale de la société
que l'on connaît et la civilisation elle même se change en quelque
chose de nouveau et d'imprévisible. Comme l'Allemagne de Weimar a
donné le nazisme.
L'autre choix est de sortir prudemment du miroir et de revenir à
la réalité comme un somnambule funambule qui ferait la part
du rêve jusqu'à ce qu'il soit arrivé en lieu sûr.
C'est cette deuxième approche que je préconise. Ce retour
prudent vers la réalité exige que ceux-là même
qui détiennent la richesse virtuelle acceptent - recevant en retour
une compensation réelle raisonnable - que cette pseudo richesse disparaisse
aussi vite que faire se peut, sans panique, sans violence et sans revanche.
Ils ne l'accepteront que si trois (3) conditions sont remplies. Ils doivent
prendre conscience de la précarité de la situation, ils doivent
visualiser l'horreur de ce qui arrivera si rien n'est fait... et ils doivent
entrevoir le chemin qui leur permettra de sortir du miroir. Ce que je propose
ici est un guide pour sortir du miroir.
Taxer le capital? Oui, mais quel capital? Quand on veut taxer le capital,
il faut distinguer entre les avatars de la richesse: réelle, symbolique,
légale, consensuelle ... Il faut aussi non seulement traiter respectueusement
la richesse imaginaire, mais lui accorder une attention prioritaire.
1. 1 Richesse réelle ou symbolique
A l'origine, la richesse est la possession d'objets qui ont valeur d'usage,
c'est à dire d'objets dont on peut tirer un SERVICE: une pelle, une
vigne, un esclave... Mieux, c'est la possession d'une chose qui produira
d'autres choses dont on tirera encore plus de services: une terre qui portera
des fruits, une vache qui donnera des veaux, etc. Assez tôt, pour
la commodité des échanges, certains objets comme l'or et les
pierres précieuses ont pris une valeur consensuelle reposant sur
leur rareté, une valeur largement symbolique puisque hors de proportion
avec leur valeur d'usage.
Plus tard, dès qu'un pouvoir crédible a existé qui
puisse faire respecter dans la réalité ce qui serait convenu
dans l'univers des symboles, des symboles plus abstraits sont apparus dont
la valeur ne reposait plus uniquement sur un consensus mais sur l'autorité.
La possession pouvait ainsi devenir propriété, permettant
de grever et de transmettre les biens et les droits qui s'y rattachent en
manipulant uniquement des symboles. Surtout, l'État pouvait désormais
battre monnaie. La monnaie est un " bien" entièrement symbolique,
dont la valeur d'usage propre est nulle et qui ne vaut donc que par la crédibilité
de celui qui l'émet.
La richesse réelle consiste en biens meubles et immeubles et peut
revêtir la forme de terrains, de maisons, d'équipements servant
à la production, de biens de consommation dit "durables"
ou "semi-durables"et de biens pour consommation quasi-immédiate,
tels les aliments, par exemple. Un symbole, par définition, n'a pas
de valeur intrinsèque: sa valeur est celle que chacun lui accorde.
Un symbole ne revêt donc une valeur objective qui en fait un moyen
d'échange et ne devient une "richesse" que quand sa valeur
fait consensus ou que son usage est imposé.
Aujourd'hui, divers symboles jouissent d'un consensus qui en fait des éléments
de richesse. La richesse que constituent ces symboles est plus ou moins
précaire selon la permanence du lien qui relie chaque symbole à
la réalité qu'il représente et selon la stabilité
apparente du consensus ou de l'autorité sur lesquels il s'appuie.
a) Collés à la réalité, il y a les symboles
de simple opportunité qui confèrent, sans plus, le droit de
disposer du bien qu'ils représentent; le titre de propriété
d'un immeuble est le meilleur exemple de cette forme de symbolisme qui existe
depuis bien longtemps. Maintenant, chaque bien réel de quelque conséquence
a sa représentation symbolique qui en facilite la manipulation; comme
un immeuble est représenté par un titre de propriété,
ainsi une voiture l'est par ses documents d'enregistrement, le contenu d'un
arrivage par un connaissement, etc.
b) Symboles plus dégagés de la contraignante réalité,
les actions du capital social d'une compagnie représentent en principe
une part des avoirs réels de la compagnie qui les émet mais,
en pratique, leur valeur marchande repose sur un consensus quant au profit
éventuel qu'on en pourra tirer. Symboles aussi, a fortiori, tous
ces "produits dérivés" boursiers qui ne représentent
que d'autres symboles et dont la valeur, en bout de piste, ne se mesure
de toute façon qu'en dollars dont la valeur repose elle-même
uniquement sur l'autorité de l'État.
c) La richesse symbolique, c'est aussi les biens, mêmes biens tangibles,
dont l'appréciation est cependant si arbitraire et la valeur si dépendante
d'un consensus que leur support matériel n'est guère plus
significatif que celui du papier sur lequel un titre en bourse est imprimé.
L'or et les oeuvres d'art, par exemple; même si la matérialité
de l'or et des oeuvres d'art justifie que l'on en parle comme de richesses
réelles, la valeur d'usage dans le cas de l'or joue un rôle
bien secondaire à sa valeur consensuelle qui en a fait un moyen d'échange;
quant à une oeuvre d'art, l'usage qu'on en fait en jouissant de sa
qualité esthétique cède bien souvent le pas à
la valeur-refuge qu'en fait l'engouement parfois volatil dont elle est l'objet.
d) Enfin, volant plus loin du nid, il y a la monnaie. La valeur de la monnaie
repose sur l'autorité de l'État, mais sous réserve
d'un consensus quant à la crédibilité de l'État
et à ses intentions futures, ce qui rend mouvante la valeur de toute
monnaie en termes des biens réels qu'elle peut représenter.
La masse monétaire créée par l'État constitue
une richesse symbolique qui prétend n'être que l"ombre"
de la richesse réelle et la représenter sans rien y ajouter.
En fait, la monnaie est aussi objet de spéculation; le consensuel
a pris le pas sur le légal et le symbole a assumé une vie
autonome.
Dans une société de droit où l'État exerce un
pouvoir effectif, toute richesse réelle significative a enfanté
son double symbolique qui la représente, la valeur de toute chose
est exprimée en monnaie et toute taxe est perçue en monnaie.
Tout, désormais, se passe donc dans le "miroir" que constitue
la richesse symbolique.
Manipuler des symboles plutôt que des choses est immensément
pratique et avoir appris à le faire a été un grand
pas en avant pour l'humanité: il ne faut pas s'en plaindre et encore
moins y renoncer. Il ne s'agit pas de briser systématiquement le
lien entre les choses et leurs symboles mais de comprendre, prévoir
et corriger les effets secondaires pervers qui en résultent. Manipuler
des symboles est bien pratique, en effet, mais présente deux inconvénients
majeurs.
Le premier de ces inconvénients, c'est que la valeur consensuelle
du symbole peut varier indépendamment de celle de l'objet qu'il représente,
en fonction des prévisions et des fabulations qui circulent quant
à la valeur future de l'objet représenté. Cette variation
autonome de la valeur dans le "miroir", sans que la valeur d'usage
de l'objet représenté n'augmente, constitue la "spéculation"
au sens propre du terme. Elle se manifeste de façon particulièrement
évidente dans l'écart entre la valeur aux livres d'une compagnie
et la valeur en Bourse des actions qui en constituent la capital social.
Le deuxième inconvénient, c'est que la valeur symbolique en
monnaie des choses peut varier selon le bon plaisir de l'État puisque,
sous divers masques, c'est le pouvoir de l'État et la volonté
de ceux qui utilisent ce pouvoir de l'État qui détermine la
masse monétaire représentant la somme des biens que nous possédons
et donc la valeur "réelle" de chaque dollar et la valeur
monétaire de chaque chose.
Ces deux inconvénients forment une combinaison explosive. Depuis
20 ans, en particulier, nous avons mis en place un couple de miroirs grossissant.
Nous avons de la richesse réelle une image grossie par la spéculation
boursière... puis grossie encore par l'illusion monétaire.
Non seulement grossie, mais progressivement déformée à
mesure qu'on s'éloigne du réel. Parce quelle est doublement
grossie, l'image finale de la richesse rend encore plus odieuses les inégalités
bien réelles de notre société; parce qu'elle est déformée,
cette image nous incite à bâtir une société qui
n'est plus fermement assise sur les facteurs réels de production
et dont l'équilibre devient donc de plus en plus précaire.
Dans une économie entièrement monétarisée comme
la nôtre, tout se passe dans le miroir. Pour les fins de la fiscalité,
il faut donc tenir compte de la valeur de nos avoirs monétaires,
car il n'est pas question d'accepter des lopins de terre ou des sacs de
grain en paiement des impôts; il faut aussi tenir compte de nos avoirs
réels, cependant. Une fiscalité efficace, même si elle
doit travailler sur des symboles, doit s'assurer que les symboles restent
solidement arrimés à la richesse réelle qu'ils représentent
sous peine que la main du fisc ne se referme que sur une image virtuelle.
La fiscalité doit taxer et percevoir en utilisant les symboles, mais
se souvenir que la valeur d'usage est la richesse RÉELLE. Il faut
en tenir compte discrètement mais sans complaisance, car si une catastrophe
naturelle ou politique détruit le pouvoir de l'État et rompt
le consensus, il n'existe plus d'autre richesse que cette valeur réelle.
Quand le pouvoir qui les sous-tend manque de souffle, les symboles faseyent
et perdent leur sens, un à un, en fonction inverse de leur "réalité".
Les titres en bourse et la monnaie d'abord, les oeuvres d'art, puis l'or
lui-même si l'on en arrive à une pénurie alimentaire
finale. Seule, en dernier lieu, subsiste la valeur d'usage des choses -
terre, outils, nourriture... - et même les symboles qui représentent
ces choses (titres de propriétés, certificats, connaissement,
etc) se transforment en citrouilles quand l'autorité disparaît
et que c'est la seule possession qui vaut titre.
N'oublions pas cette réalité. Mais nous n'en sommes pas là
et toute dette privée ou publique est encore payable en monnaie.
La distinction opératoire à faire, pour les fins de la fiscalité,
n'est donc pas tant entre "richesse symbolique" et "richesse
réelle" qu'entre une richesse "légale" en monnaie
dont la valeur est fixée par l'État et une richesse consistant
en biens dont la valeur varie selon le seul consensus de ceux qui les possèdent
ou veulent les posséder.
1. 2 Valeur légale ou consensuelle
La monnaie se distingue de tous les autres biens. Pas à cause
de son caractère symbolique - la plupart des autres biens sont aussi
représentés par des symboles - mais parce que la valeur de
la monnaie est "légale", déterminée par le
pouvoir de l'État, alors que celle de tous les autres biens l'est
uniquement par un consensus. En théorie, la valeur de la monnaie
repose uniquement sur une décision de l'État, lequel peut
imposer un contrôle des changes et des prix pour rendre cette décision
effective.
En pratique, ces contrôles sont d'application difficile et les États
modernes laissent fluctuer le rapport des monnaies entre elles et le rapport
de la valeur de leur monnaie à celle des autres biens. Dans la mesure
où ceux qui utilisent la monnaie peuvent contester le rapport de
la valeur de celle-ci à celle des biens à valeur d'usage -
( bien qu'on peut dire aussi "réels", à valeur consensuelle,
à valeur marchande...) - la valeur de la monnaie repose aussi sur
un consensus. Ce rapport consensuel de la valeur de la monnaie à
celle des autres biens est fondamental quand on discute fiscalité,
surtout si on parle d'une taxe sur le capital,
En effet, les biens autres que la monnaie et les symboles qui les représentent
ont, ou du moins prétendent avoir, une valeur intrinsèque
qui demeure inchangée en dépit de toute manipulation strictement
financière. Une maison demeure la même maison, quel que soit
le prix que le marché en offre. Le prix des biens à valeur
marchande (consensuelle) varie donc en sens inverse de la valeur de la monnaie.
Le modèle théorique simple qui décrit ce phénomène
est que, à tout moment, la masse monétaire globale représente
la somme totale des biens existant. Plus il y a de monnaie en circulation,
moins "vaut" chaque unité monétaire en termes de
biens représentés et donc en termes de pouvoir d'achat de
ces biens. Doublez la masse monétaire, par exemple, sans modifier
la quantité de biens qu'elle représente, et chaque unité
de votre masse monétaire ne représente plus que la moitié
des biens qu'elle représentait auparavant, le pouvoir d'achat de
chaque dollar étant réduit à cinquante cents. C'est
le phénomène de l'inflation.
En pratique, le rapport entre la masse monétaire et la somme des
biens qu'elle représente n'est plus aussi simple. Le volume de billets
de banque en circulation n'est pas totalement sans importance, mais la vélocité
des échanges peut créer l'illusion d'un volume plus grand
et, surtout, le consensus quant à la valeur du symbole "monnaie"
étant indispensable, il devient possible de manipuler le consensus
lui-même plutôt que les éléments représentés.
Les rumeurs..., la manipulation au seul niveau des symboles des attentes
quant au coût des facteurs (matières premières, travail,
taux d'intérêts)... il y a mille manières de modifier
le rapport de la valeur des biens à celui d'une monnaie dont la valeur
repose sur un consensus.
La spéculation sur les variations anticipées de la valeur
relative de divers élément de la richesse se traduit par un
faisceau de manipulations conscientes et de mouvements imprévus et
erratiques au niveau des symboles dont le résultat final est que
la valeur réelle des choses peut ne plus avoir qu'une importance
marginale: les fluctuations de la Bourse en sont un exemple. Le raffinement
ultime de cette marginalisation de la réalité, c'est quand
la manipulation du consensus est si efficace que la quantité de monnaie
sonnante et trébuchante que l'État met en circulation n'a
plus elle même d'importance. Nous en sommes là.
En manipulant le consensus, les "acteurs économiques importants"
- la caste des capitalistes purs ("shylocks") vivant uniquement
de leurs intérêts comme d'une rente (Voir
Texte 406) - ont le pouvoir de modifier le prix des choses et de signifier
ainsi à l'État qu'ils ne sont pas d'accord avec la valeur
que celui-ci attribue à sa monnaie. Ils peuvent faire mieux. Réagissant
aux fluctuation du rapport de la valeur de la monnaie à celle des
choses que leur propre spéculation entraîne, ils peuvent utiliser
les pouvoir de création de monnaie que l'État leur a abandonné
et modifier la masse monétaire elle-même, sans que l'État
puisse vraiment s'y opposer à moins de remettre tout le système
en question.
Les conséquences de cette manipulation en deux temps sont partout,
mais nous les présentons ici dans l'optique de la fiscalité.
Parce que les impôts sont payables en monnaie et que les acteurs économiques
importants disposent des moyens de modifier le rapport entre la valeur de
la monnaie et celle des autres biens, le pouvoir de l'État de s'approprier
une partie de la richesse réelle des citoyens et de l'utiliser pour
le bien commun est soumis au veto de ces acteurs économiques. Ce
qui semble merveilleusement démocratique, jusqu'à ce qu'on
réalise que l'on ne vote pas par tête pour appliquer ou ne
pas appliquer ce veto: on vote au prorata des dollars qu'on possède.
Concrètement, c'est au prorata de la richesse qu'on possède
que l'on peut donc, par le biais de l'inflation qui découle de l'usage
que l'on fait de cette richesse, déterminer le taux réel d'imposition
de cette richesse elle-même. La politique financière de l'État
- et au premier chef sa politique fiscale - est donc prise en otage par
les acteurs économiques importants: les institutions financières
et les shylocks qui les contrôlent. Évidemment, cette politique
est élaborée et appliquée au meilleur des intérêts
des acteurs économiques importants.
Controlant l'inflation, les acteurs économiques importants peuvent,
de façon discrétionnaire, passer d'une monnaie "forte"
à une monnaie "faible". Quand la monnaie est forte, on
achète des biens réels; quand on a fait le plein de ces biens
à un prix raisonnable, la monnaie "faiblit" et la valeur
de ces biens s'envole, ce qui permet de les vendre et de recueillir des
dollars ... qui redeviendront "forts" le temps qu'il faudra pour
marquer les points et relancer l'opération. La grand'mère
de toutes ces arnaques a été l'émission, en 1982, d'obligations
du Canada portant 19% d'intérêts... suivie d'une chute brutale
de l'inflation qui a transformé en profit presque pur ce 19% d'intérêts
que "justifiait" à l'époque une inflation de 14%.
La variation du taux d'inflation - qui indique les fluctuations du rapport
entre la monnaie et les biens à valeur consensuelle - est le point
charnière de la politique financière. Quand ce taux s'écarte
de celui que souhaiteraient les acteurs économiques importants, le
Système peut réagir par des astuces financières diverses
qui visent parfois à augmenter ou à diminuer vraiment la masse
monétaire mais, surtout, à convaincre les gens qu'il augmentera
ou diminuera cette masse monétaire. Le mot clef est : crédibilité.
Un État fort et crédible détermine efficacement le
rapport d'échange de sa monnaie aux biens à valeur consensuelle:
il contrôle l'inflation. Nous n'avons pas dit "supprime"
ou "réduit" l'inflation - ce qui est une décision
politique qui peut être opportune ou particulièrement malvenue!
- mais CONTRÔLE l'inflation. Hélas, l'État n'exerce
plus ce contrôle efficace parce que d'autres intervenants - les institutions
financières, entre autres - ont utilisé et continuent d'utiliser
la discrétion que leur en a laissée l'État pour créer
une masse monétaire déraisonnable... et se l'approprier.
Il existe diverses définition de la masse monétaire en circulation
(M1, M2 et M3) qui cherchent à cerner le phénomène
de l'émission de monnaie par les acteurs économiques autres
que l'État et sous le contrôle théorique de ce dernier.
Dans les faits, toutefois, ces distinctions se caractérisent maintenant
par un arbitraire progressif et une disparition parallèle des contrôles
d'émission quand on passe de M1 à M2 et de M2 à M3
pour en arriver à un flou poétique qui attend qu'on lui donne
un numéro quand on tient compte des activités hors-bilan des
banques et du crédit qui en découle.
Parce que l'inflation est à son plus bas depuis des lustres, on veut
croire que l'État contrôle bien les fluctuations de la masse
monétaire. C'est une erreur. En réalité, notre masse
monétaire est désormais un "M4" inavoué,
une richesse totalement virtuelle et occulte créée par les
institutions financières. Notre système repose actuellement
sur la permission qu'on a donnée aux riches de se confirmer les uns
aux autres une richesse qui n'a d'autre matérialité que des
cotes en bourses gonflées de manière fantaisiste et les opérations
usuraires hors-bilan des institutions financières (85% de leurs activités!).
À l'avantage de prêter bien plus qu'elles ne possèdent
que l'État a toujours accordé aux banques, celles-ci ont ajouté
cette subtilité de se "garantir" désormais les unes
les autres et de prêter répétitivement "hors-bilan"sur
la base de ces garanties. Les prêts ainsi consentis servent à
acheter les propriété et actions .... venant étayer
le crédit de ceux qui prendront envers leur institution financière
les engagements de dépôts à terme dont celle-ci s'autorisera
pour accorder sa "garantie" à une autre institution qui
elle consentira un prêt formel sur lequel elle touchera un intérêt.
Le serpent se bouffant ainsi la queue, il peut se dévorer et devenir
de plus en plus virtuel, ce qui - hélas! - ne l'empêche en
rien d'être toujours aussi venimeux et d'avoir de plus en plus d'appétit.
La réalité, c'est que le véritable Pouvoir, celui des
"acteurs économiques importants" s'est octroyé simultanément,
de façon irresponsable: a) une richesse symbolique monétaire
sous forme de garanties bancaires hors-bilan libellées en monnaie,
et b) une richesse symbolique à valeur consensuelle sous la forme
de titres en Bourse à valeur gonflée. C'est en magouillant
ainsi sur deux fronts en même temps que le Système s'est piégé,
car la récolte périodique des profits par le passage de la
monnaie "faible" à la monnaie "forte" n'est plus
possible sans que les nantis ne sacrifient des sommes - virtuelles - colossales.
Réduisez les opératins hors-bilan et le crédit pour
maintenir le Dow Jones dans la stratosphère s'évapore. Ramenez
les cours de la bourse à une valeur qui corresponde à une
attente raisonnable de profit... et les garanties de la pyramide des emprunteurs
hors-bilan disparaissent, amenant la faillite pure et simple des institutions
financières. Ne faites rien, et l'augmentation progressive de la
richesse virtuelle mène à la catastrophe quand le bon peuple
- à qui on ne PEUT pas donner sa part de la richesse virtuelle sans
créer une inflation incontrôlable - se fâche vraiment
contre les milliardaires virtuels dont la fortune est un outrage à
sa misère... ou s'aperçoit que l'argent ne vaut rien. Alors,
toute notre structure de pouvoir basée sur le renforcement positif
de la promesse et de la corruption plutôt que sur la force brute s'effondre,
ce qui est un pas en arrière pour l'évolution sociale.
Personne ne veut vraiment que le pouvoir reprenne sa place au bout d'un
fusil, et moins que quiconque ceux qui détiennent aujourd'hui le
Pouvoir (C'est pour ça qu'il y a une faible chance que Shylock négocie,
si on lui montre une solution qui n'est pas revancharde...) En attendant
de trouver sa voie pour sortir du piège, le Pouvoir utilise la rumeur
publique et la contrainte étatique pour tenter d'ajuster deux entités
nébuleuses - la masse monétaire et la valeur virtuelle des
stocks en Bourse - des symboles que personne ne veut vraiment "ajuster"
mais que chacun désire plutôt déplacer à son
avantage. Il faut constater l'ingéniosité de ceux qui manipulent
ces nuages... mais ne nous étonnons pas que le ciel s'assombrisse
et qu'on entende le tonnerre gronder.
L'arrimage entre les deux systèmes symboliques devient de plus en
plus nécessaire, mais de plus en plus pénible à réaliser,
à mesure que l'on accélère la distribution du crédit
et que les titres boursiers prennent du prix. Nous vivons donc une fuite
en avant qui a pour objectif absurde de maintenir indéfiniment une
croissance de la masse monétaire sans une croissance comparable des
bien... et sans une inflation qui remettrait en contact l'univers des symboles
et celui des biens réels mais ferait disparaître en fumée
quelques trillions de dollars.
D'où la lutte plus féroce que jamais à l'inflation.
L'État ne contrôle pas l'inflation, il tente de la supprimer.
Ce faisant, il ne compense même plus l'ajout totalement artificiel
à la richesse que constitue la somme des intérêts payés,
menaçant de donner ainsi une existence réelle au mythe marxiste
de la concentration de la richesse: un état social moribond où,
les besoins de tous ceux qui ont l'argent étant comblés et
où ceux qui ont des besoins n'ayant plus d'argent, la machine s'arrête...
ou explose. Spéculation et monétarisation créait déjà
un mélange détonnant; en exagérant la création
de richesse symbolique, Shylock a allumé la mèche; la crédibilité
de l'État qui diminue, c'est la mèche qui brûle....
L'inflation semble jugulée parce que la concentration de la richesse
produit déjà ses premiers effets. La masse monétaire
est hors de contrôle, mais elle n'a pas d'impact sur les prix à
la consommation parce qu'elle reste aux mains des nantis qui ne la dépensent
pas mais la thésaurisent sous la forme virtuelle et (temporairement)
inoffensive de valeurs en bourse irréalistes. Cette pseudo richesse
qui s'appuie sur ces illusions crée un pouvoir énorme de dépenser
qui n'est pas utilisé mais qui tient toute la société
en otage. Sans l'accord des financiers on ne peut plus reprendre contact
avec la réalité. Nous sommes tombés dans un traquenard.
1.3 Les traquenards de la richesse virtuelle
Les écarts entre valeur symbolique et valeur réelle, entre
valeur monétaire et valeur en dollars constants des biens mercantiles
créent des pièges qui vont du simple au complexe. Commençons
par un exemple simple, celui du papier et des cailloux. Vous achetez des
diamants, vous les payez en espèces. Vous avez échangé
un bout de papier dont la valeur purement symbolique dépend d'un
consensus quant à la stabilité de l'État et le dynamisme
de l'économie..., contre des cailloux dont la valeur dépend
d'un autre consensus, issu d'une tradition et d'une rareté relative
dont on sait qu'elle repose sur le bon vouloir d'un cartel qui en détient
des stocks énormes. Si, il y a dix ans, vous avez acheté et
payé en roubles des diamants, vous avez fait une bonne affaire; si
vous en achetez aujourd'hui et les payez en dollars, priez que le Groupe
De Beer n'écoule pas ses stocks à rabais ou que les soubresauts
politiques en Afrique du Sud ou en Russie ne transforment pas vos diamants
en cailloux comme les autres. Ce qui est vrai pour les diamants l'est pour
les stocks en bourses, ce qui est évident, mais aussi, ce qui l'est
moins, pour les obligations et autres papiers commerciaux dont la valeur
repose sur un double consensus. Un consensus quant à la solidité
de la compagnie emprunteuse d'abord... et quant au pouvoir d'achat futur
de la monnaie ensuite.
Prenons un exemple plus sérieux. Vous possédez un hectare
de terrain au centre de Tokyo et disons qu'il vaut cinquante millions de
yens à 200 yens au dollar, soit un quart de million en argent des
U.S.A. Il est pratique que ce terrain soit représenté par
un titre de propriété que vous pouvez vendre, donner en garantie,
etc. Mais supposons que ce titre, déposé dans une banque japonaise,
vous permette d'obtenir un crédit de deux-cent-cinquante mille dollars
avec lequel vous achetez, à cinq dollars pièce, 50 000 actions
de Netscape ou de toute autre compagnie qui ne possède rien de tangible
mais qui a des idées . Au moment de la transaction vous n'êtes
ni plus riche ni plus pauvre: vous avez recu des devises et vous avez assumé
une obligation équivalente envers la banque.... mais vous avez mis
en gage votre terrain bien réel. Parfois, la réalité
et le symbole se divorcent.
Réalité et symboles se séparent et, quand les cerisiers
fleurissent sur votre terrain, la sagesse financière des spéculateurs
a fait passé la valeur de celui-ci à cent millions de yens
et le cours du yen à 100 au dollar, de sorte que vous avez désormais
un million de dollars à offrir en garantie. Comme vos actions de
la compagnie-qui-a-des-idées sont passées pendant ce temps
de 5 à 25 dollars, vous "valez" aussi plus d'un million
de dollars en bourse et votre banquier vous adore. Pourquoi ne pas emprunter
sept-cent-cinquante mille dollars de plus et acheter encore des actions?
Vous le faites... et c'est maintenant un million de dollars que vous devez
à votre banquier, lequel a toujours votre terrain de Tokyo en garantie.
Hélas, quand les cerisiers refleurissent l'année suivante,
la valeur des actions de la compagnie-qui-a-des-idées est retombée
à trois dollars, réduisant à 240 000 dollars la valeur
totale de vos 80 000 actions, de sorte qu'un nouveau banquier qui ne vous
aime pas tellement décide de reprendre ses billes en mettant en vente
votre terrain. Manque de pot, cent autres banquiers ont décidé
pour la même raison de faire la même chose pour dix mille autres
terrains à Tokyo, Osaka, Kobe.... de sorte que la sagesse financière
des spéculateurs a ramené à sa valeur initiale le prix
de votre terrain ainsi que le cours du yen au dollar. Où en sommes-nous
quand la banque a "réalisé" vos actifs et les a
appliqués à votre dette? Il ne vous reste rien et la banque
elle-même ne touche même pas la moitié des sommes qu'elle
vous a prêtées. Vous êtes ruiné et la banque qui
vit cette expérience cent ou mille fois répétée
est en sérieuse difficulté.
Pourtant, les mêmes cerisiers refleuriront en avril prochain sur un
terrain à Tokyo qui n'aura pas changé et les idées
de la compagnie à laquelle vous aviez fait confiance ne sont pas
plus bêtes qu'elles vous étaient apparues. Le drame s'est déroulé
tout entier dans l'univers des symboles et au gré des consensus qui
se sont créés et défaits. Les chiffres de cet exemple
ont été arrondis, mais, pour le reste, c'est une histoire
vécue. La richesse virtuelle du Japon a bel et bien été
abattue en flamme comme Godzilla sur les écrans des courtiers. Celle
des pays du Sud-est asiatique aussi, Thaïlande en tête. En Indonésie,
où une économie réelle plus fragile que celle du Japon
n'était qu'un appendice de la spéculation, les vicissitudes
de la richesse virtuelle se sont traduites par de vraies émeutes
et de vrais morts dans dans les vraies rues du pays réel.
Ce qui est arivé en Indonésie et ailleurs est tragique, mais
encore moins lourd de conséquences que le chantage qu'exercent sur
tous les gouvernement ceux qui détiennent la richesse virtuelle et
qui empêchent les gouvernements de se financer autrement que par l'intermédiaire
du Système. Au temps de l'étalon-or, il existait un rapport
entre la monnaie en circulation et cette valeur de référence;
même si la manipulation du consensus existait déjà -
en moins sophistiqué qu'aujourd'hui, toutefois - on pouvait au moins
calculer l'inflation qui, toute manipulation du consensus mise à
part, devait résulter d'une augmentation de la masse monétaire.
Un gouvernement gardait alors l'option réaliste d'accroître
sa masse monétaire par une émission de monnaie plutôt
que par une émission d'obligations portant intérêt.
Aujourd'hui, il n'y a plus de valeur de référence. À
cause de "M4" , qui est une inconnue entre les mains des shylocks,
le rapport entre la monnaie et la réalité est devenu si élastique
que personne ne peut plus savoir l'impact exact d'une augmentation de la
masse monétaire sur la valeur d'une monnaie. La gestion de la masse
monétaire obéit à l'impératif d'assurer un rendement
"satisfaisant" au capital investi. Ce rendement satisfaisant exige,
dans la conjoncture de stagnation programmée actuelle, de créer
de plus en plus de monnaie et de creuser de plus en plus l'écart
entre les symboles et la réalité... et c'est ce qu'on fait,
par une augmentation vertigineuse du crédit. L'État satisfait
aux exigences des shylocks sans augmentation de M3, comme si toute l'économie
fonctionnait désormais hors-bilan. Hors-réalité.
Ce qui exige une coordination précise et une extrême vigilance.
En pratique, les États néo-libéraux ayant quelque importance
travaillent tous la main dans la main avec quelques grandes institutions
financières tentaculaires et les organismes internationaux (FMI,
BIRD, etc.) pour constituer le Système qui gouverne, gère
et exploite la planète. Quand il y a émission de monnaie,
les spécialistes parleront de l'impact multiplié de cet ajout
sur la masse monétaire, définissant celle-ci selon les besoins
comme M2 ou M3, mais ils en seront réduits à des voeux pieux
car les shylocks, contrôlant M4 et les médias qui créent
le consensus qui détermine la valeur de la monnaie, tiennent à
leur merci la valeur de toutes les devises. Shylock contrôle la richesse...
et son "double", c'est à dire l'image virtuelle de la richesse
que voit la population dans le miroir et auquel elle croit. C'est sur cette
image et cette foi que repose le pouvoir.
Quel que soit l'ajout réel à la masse monétaire que
se permette un État, la baisse de valeur de sa monnaie sera ce que
les "marchés financiers" décideront qu'elle sera.
L'inflation est donc contrôlée partout où il est important
qu'elle le soit, comme aux USA et en Europe, fomentée là où
il est rentable pour les shylocks qu'elle se produise - comme en Russie
ou dans le Sud-Est asiatique - et laissée à l'initiative des
satrapes locaux là où elle n'a pas d'effets significatifs
bons ou mauvais sur le Système - comme en Afrique - afin que ceux
que ça amusent puissent y spéculer et y aiguiser leur talent.
Les gouvernements, qui se prétendent souverains, n'ont cependant
plus l'option réaliste d'accroître leur masse monétaire
par une émission de monnaie. Qu'un gouvernement pense à se
financer autrement que chez les institutions financières internationales
et, si les financiers ne retirent pas leur livre de chair de chaque émission
d'obligations - (l'intérêt sur l'argent qu'ils prétendent
céder à l'État) - ils ont en main bien assez d'instruments
financiers comme de contrôle sur la manipulation de la richesse symbolique
et les médias pour semer la panique et entraîner une baisse
de la valeur de l'argent tout à fait hors de proportion avec la quantité
supplémentaire qui en aura été mise en circulation.
Le pays qui a fauté passera de la liste de ceux où l'inflation
est brimée à celle de ceux où elle est attisée
Une inflation gonflée par la manipulation de la rumeur publique et
hors de toute commune mesure avec les véritables ajouts à
la masse monétaire, c'est le châtiment qui a été
imposé à tous les petits pays qui n'ont pas voulu jouer le
jeu capitaliste, de Cuba au Congo en passant par l'Indonésie. Pas
seulement les petits pays, toutefois. Il suffit d'une erreur d'inattention
ou d'une opération de corruption réussie pour que les géants
s'effondrent eux aussi. Le cas monstrueux, bien sûr, est celui de
l'URSS qui, acceptant de soumettre la parité rouble-dollar à
la discrétion des banquiers occidentaux, a vu la valeur de change
de sa monnaie réduite à un dix-millième de sa position
initiale. On a ruiné deux cent millions de personnes.
Contrôler inflation et l'utiliser pour réduire progressivement
l'écart entre richesse réelle et symbolique, c'est modifier
les règles de fonctionnement de l'économie mondiale, redistribuer
le pouvoir d'achat et donner ainsi au développement de l'économie
réelle un deuxième souffle que la technologie a rendu possible.
C'est aussi éliminer la pauvreté au sein des pays richea et
diminuer la misère des pays pauvres. C'est la décision politique
et économique la plus importante qu'un gouvernement pourrait prendre,
mais à quoi bon...
À quoi bon, pour quelque gouvernement que ce soit, augmenter sa masse
monétaire de 5% ou 10% si, par l'action des shylocks, la valeur de
chaque unité de sa monnaie chute de 50%? Alors les gouvernements
reculent et cèdent au chantage. Au lieu d'imprimer des billets de
banque et de traiter l'inflation contrôlée qui en résulterait
comme une forme d'imposition sur le volet symbolique de la richesse, ils
impriment des obligations qui portent intérêt à 4%,
7% 10 % - 19% en 1982 au Canada ! - et les déposent docilement entre
les mains des groupes financiers...
L'État peut-il échapper au chantage des financiers? Un État
de taille suffisante pour ne pas dépendre du commerce international
et assez structuré pour assurer la crédibilité de sa
monnaie peut fermer ses frontières et résister au pouvoir
capitaliste. L'URSS l'a fait pendant trois générations et
la véritable déchéance de l'URSS a commencé
au moment où elle a accepté que le rouble ait une valeur consensuelle
face au dollar. La Chine le fait encore. Les USA - ou l'Europe maintenant
unie - pourraient le faire encore mieux. Ensemble, le monde occidental peut
le faire à sa guise et entraîner sans discussion le reste du
monde à sa suite.
L'initiative, cependant, doit venir d'une grande puissance raisonnablement
autarcique ayant le pouvoir et la volonté de résister aux
assauts sauvages que le Système ne manquera pas de lancer pour empêcher
ce changement. J'ai dit et j'insiste que ce n'est pas au niveau du Québec
ou du Canada que cet affrontement peut avoir lieu. Un État comme
le Canada - et à plus forte raison le Québec - même
si son gouvernement n'était pas à la solde du pouvoir financier,
ne pourrait pas refaire contact avec la réalité et arrêter
la fuite en avant vers le cataclysme financier qui se prépare. Le
Système ne le permettrait pas et le Système a le pouvoir de
l'en empêcher.
Pourquoi faire cette analyse ici, au Québec, s'il n'y a pas ici de
remède que nous puissions apporter? Parce que justement notre insignifiance
nous protège: on peut discuter ici de choses dont on ne peut discuter
aux USA. Il faut engager cette réflexion si on veut donner sa chance
au miracle ou du moins préparer l'avenir.
2. TAXER LE CAPITAL
Une nouvelle fiscalité doit viser surtout à imposer -
(je dirai souvent "taxer" pour éviter l'ambiguïté
inhérente au mot "imposer") - une richesse symbolique qui
prétend représenter la richesse réelle mais qui a désormais
acquis une existence autonome. La richesse symbolique est devenue incontrôlable
et une fiscalité nouvelle doit viser à la mettre au pas, ramener
les divers rapports symbole-réalité vers un seul ratio cohérent
et qui puisse fasse consensus à long terme. Comme je l'ai dit plus
tôt, je ne parlerai ici que des moyens de taxer adéquatement
cette richesse, sans m'attarder à l'impact de cette taxe sur sa redistribution
ni sur les conséquences sociales de cette mise au pas. L'outil de
taxation à privilégier, c'est une taxe sur le capital.
Quand on accepte de taxer le capital - la seule solution fiscale juste et
équitable dans un système capitaliste - il faut d'abord en
estimer la valeur puisque le taux d'imposition requis pour le fonctionnement
de l'État est inversement proportionnel à l'assiette fiscale.
Il faut ensuite définir quels seront les modes de perception adéquats
pour éviter le fraude, bien sûr, mais aussi pour aller chercher
le capital là où il se trouve sans déséquilibrer
tout l'échafaudage de richesse virtuelle qui constitue maintenant
l'essentiel de l'édifice capitaliste. Nous verrons d'abord quelle
est l'assiette fiscale, la richesse totale dont l'État doit prélever
sa juste part pour le bien commun. Ensuite, nous identifierons les divers
aspects de cette richesse et nous verrons comment on peut les imposer efficacement.
2.1 L'assiette fiscale
L'assiette fiscale d'une taxe sur le capital, c'est la somme totale
de nos avoirs. Il n'est pas facile de préciser la valeur exacte de
nos avoirs. Comme si les principes comptables qui s'appliquent pour les
individus et les compagnies ne jouaient plus au niveau macro-économique
de la comptabilité nationale. En fait, ils ne s'appliquent pas, dans
la mesure où toute valeur dans une société complexe
doit être exprimée en monnaie et que la monnaie est une création
discrétionnaire du pouvoir. Il est difficile de connaître nos
avoirs, parce que le Système VEUT qu'il soit difficile de les connaître.
Quand on calcule les avoirs des ménages et des corporations on sait
à peu près où l'on s'en va. Quand on en arrive aux
institutions financières, on compte deux fois, trois fois, dix fois
les mêmes actifs, dans une relation incestueuse relapse entre banques,
fonds mutuels, fonds de pension, titres en bourse et la banque centrale
de l'État. Une richesse énorme est créée par
un simple effet de miroir et, de cette énorme richesse factice, est
tiré un intérêt dont le taux est établi pour
que cet intérêt corresponde à la plus-value que produisent
chaque année pour la société la pensée, le travail
et le progrès technologique.
L'appropriation de cette plus-value est si totale que, malgré une
progression vertigineuse de la productivité réelle, notre
revenu moyen en dollars constants stagne depuis 17 ans. TOUT le surplus
de richesse que nous avons produit depuis deux décennies est entré
dans les coffres des shylocks qui vivent de leurs intérêts.
C'est beaucoup? Ce n'était pas assez. On y a ajouté, comme
nous l'avons vu, une création de richesse virtuelle sous la forme
de prêts hors-bilan et de cours boursiers gonflés, une création
si indécente qu'une confusion voulue cherche à la camoufler.
Est-ce que la confusion qu'on a créée rend impossible une
taxe sur le capital? Au contraire! Comme le voleur volé qui est bien
en peine de porter plainte, le capital qui s'est travesti pour apparaître
multiple s'est simplement mis en position d'être discrètement
taxé plusieurs fois. Imposons donc simplement sans subtilité
indue la richesse telle qu'elle saute aux yeux; les victimes d'injustices
se manifesteront et les doubles impositions reélles seront corrigées,
d'autres se tairont qui auront de bonne raisons de se taire et la nouvelle
fiscalité suivra son cours.
Selon certains économistes, la valeur totale des avoirs de l'économie
canadienne se situe autour de 8 trillions de dollars canadiens courants
(1998), mais les évaluations vont de 5 à 12 trillions de dollars
(T$.) Ce chiffre, nous l'avons dit, comporte des dédoublements, mais
il correspond à quelque chose. Il correspond, pour le dire simplement,
au montant total des engagements que pourraient prendre simultanément,
légalement et de bonne foi, tous les acteurs de l'économie
canadienne. C'est pourquoi nous pouvons prendre ce chiffre comme base de
travail, tout en acceptant de bonne grâce que des raffinements puissent
ramener ce chiffre à six trillions ou le porter à dix. L'argumentaire
qui suit n'en serait d'ailleurs pas modifié; la rationalité
d'une taxe sur le capital plutôt que sur le revenu demeurerait inchangée
même si nos avoirs se calculaient en milliards plutôt qu'en
trillions.
8 trillions de dollars semble énorme. Pourtant, si on regarde les
chiffres compilés par Neil Weiner pour les USA en 1994, on trouve
des avoirs de 42 trillions de dollars (USD$), ce qui, par simple recoupement
et compte tenu de l'expansion de l'économie nord-américaine
depuis 5 ans, nous amène aussi aujourd'hui pour le Canada à
une valeur approximative de 8 trillions de dollars canadiens. 8 trillions
de dollars, c'est environ 265 000 $ pour chaque Canadien "moyen",
allant des nourrissons aux grabataires. Vous n'avez pas des actifs de 265
000 $ ? Vous votre conjoint(e) et vos deux enfants ne "valez"
pas plus d'un million de dollars? Normal. Pour que d'autres en aient plus,
il faut que vous en ayez moins. Pour que certains en aient immensément
plus, il faut que beaucoup n'en aient pas du tout.
Les impôts? Le gouvernement d'Ottawa perçoit présentement
417 milliards $ de taxes et impôts par année, dont 76 milliards
$ vont au service de la dette, laquelle se situe autour de 630 milliard
$ et fluctue naturellement tous les jours. Pour l'ensemble des gouvernements
et administrations jouissant d'un pouvoir de taxation au Canada, la somme
des montants perçus est de l'ordre des 600 milliards $ excluant le
service de la dette et la dette totale de toutes les entités publiques
est de 858 milliards de dollars.
On pourrait raffiner ces chiffres et il y aurait des remarques pertinentes
à faire départageant ce qui est dépense de ce qui est
investissement, mais ceci serait un autre débat et ne change essentiellement
rien à ce que nous discutons ici. Pour offrir à la population
les services qu'elle reçoit présentement, l'objectif quantitatif
large de la fiscalité est de recueillir annuellement ces 600 milliards
$ et de régler une vieille facture d'environ 900 milliards $ .
Pour remettre en perspective une taxe sur le capital, disons qu'une taxe
annuelle de 7,5%% sur le capital comblerait tous les besoins actuels - hors
le service de la dette - des deux paliers de gouvernement et de toute les
entités administratives, locales, régionales ou urbaines disposant
présentement d'un pouvoir de taxation. Quant à la dette publique,
elle pourrait être entièrement acquittée et il nous
resterait quelques miettes si on prélevait sur le capital une seule
taxe de 11%. Pas 11% par année, 11% une fois pour toute.
Pour le dire autrement, au lieu de prendre bon an mal an, en taxes directes
et indirectes, environ la moitié de ce que vous GAGNEZ, le gouvernement
pourrait rendre les mêmes services en prenant environ 7,5% de ce que
vous POSSÉDEZ. Faites votre bilan. Faites vos calculs. Si vos actifs
sont inférieurs à 7 fois vos gains annuels bruts il est probable
que vous y gagneriez au change. Est-ce que vous n'aimeriez pas payer annuellement
7,5% de votre capital et ne plus payer de TPS, de TVQ, de taxes d'affaires,
de taxes foncières, scolaires, municipales... ni d'impôt sur
le revenu?
Est-ce que vous réalisez comment votre train de vie serait embellie
si votre chèque de paye net devenait votre salaire brut? Ce qui ne
vous empêcherait pas d'économiser et de vous faire des rentes...
mais en comprenant que le capital que vous créeriez par votre travail
ne serait plus un ballon qui se gonfle tout seul, mais un réservoir
qui se vide si vous cessez de le remplir.
Ce 7,5% et ce 11%, cependant, ne sont là que pour servir d'illustration.
Les montants réels perçus seront ceux qui seront jugés
nécessaires par un gouvernement démocratique pour donner à
la population les services collectifs que cette population aura donné
pour mandat à ce gouvernement de lui procurer. (Voir
texte 6 ).
2.2 Les moyens de perception
Les procédés efficaces de perception fiscale sont ceux
qui sont équitables et qui limitent les moyens d'évasion.
Ces procédés doivent donc rompre avec la procédure
actuelle qui fixe capricieusement les taux d'imposition au nom de la progressivité,
cherche assez naïvement à transformer tous les entrepreneurs
en percepteurs du fisc et tous les contribuables en loyaux dépositaires
des sommes qu'ils estiment devoir à l'État - selon des règles
que seuls des experts peuvent comprendre! - et qui punit de temps en temps
les contrevenants, trop ou trop peu, de façon si arbitraire que si
on peut ainsi "faire un exemple", la justice, elle, n'y trouve
jamais son compte.
Une nouvelle fiscalité doit obéir à trois (3) règles
générales. D'abord, toute personne physique ou morale est
imposée sur son patrimoine, sur présentation de son bilan.
Ensuite, ce bilan, sous la forme d'une déclaration asssermentée,
est présentée au fisc le premier de chaque mois. Enfin, quelle
que soit la forme que revête sa richesse et quelle que soit l'importance
de son patrimoine, chaque contribuable est imposé au même taux.
Le bilan
Les individus sont imposés sur présention de leur bilan,
comme il le sont aujourd'hui sur la base d'une déclaration de leur
revenu. Quiconque possède des biens est un contribuable, aussi modeste
que soit sa contribution. Les mineurs sont représentés par
leurs tuteurs, les incapables par leur curateur ou tuteur aux biens. Ce
n'est pas sorcier; le véritable défi, c'est l'identification
des divers éléments de ce bilan et la mise en place des procédés
efficaces qui permettront d'en prélever, sans que personne ne triche,
la part de la richesse collective que la population veut confier à
l'État pour le bien commun.
La compagnie, personne dite "morale", doit aussi présenter
son bilan et être imposée de la même façon et
au même taux que l'individu. Est-ce que ceci ne crée pas une
double imposition pour les actionnaires des compagnies? Oui... et non. Oui,
dans le sens que la compagnie étant taxée sur ses propres
biens et les actionnaires sur les leurs, ces derniers voient évidemment
le couperet tomber deux fois; mais cette situation est-elle différente
de celle du salarié qui, dans le système actuel, doit payer
une taxe de vente sur les produits qu'il achète avec un salaire dont
l'État a déjà prélevé une bonne part
à la source? Tout le monde aujourd'hui est taxé plusieurs
fois. Une taxe sur le capital n'aggrave pas le fardeau fiscal des actionnaires;
elle le rend seulement plus visible... et plus juste. Non, d'autre part,
il n'y a pas double imposition, dans le sens qu'il ne faut tout de même
pas confondre le capital-action d'une compagnie - qui est, en définitive,
une dette de celle-ci envers ses actionnaires - avec ses éléments
d'actif! Une compagnie est taxée sur ce qu'elle possède, les
actionnaires sur leurs propres avoirs.
Le propriétaire d'une chose est celui au nom duquel est établi
le titre de propriété de cette chose et, pour les fins de
la fiscalité, il en reste le propriétaire jusqu'à ce
qu'un titre ait été établi au nom d'un nouveau propriétaire
ou qu'il ait déclaré solennellement qu'il ne l'a plus, qu'elle
ait été volée, détruite ou perdue. Toute chose,
qu'elle soit achetée, reçue, trouvée entre instantanément
dans le patrimoine de celui qui l'acquiert. Il n'y a pas de chose ni d'argent
sans maître.
Le "titre de propriété" sera aussi simple que la
facture acquittée et numérotée fournie par le vendeur.
Si une chose est perdue ou volée, elle doit être déclarée
perdue ou volée, sans quoi elle demeure dans le patrimoine du propriétaire;
si elle est retrouvée, elle doit être remise à son propriétaire
légitime sinon, si elle réapparaît entre les mains de
qui que ce soit, le possesseur sera accusé selon le cas de vol ou
de recel. Les choses de peu de valeur - disons moins de 100 $ - n'auront
pas à être représentées par un titre de propriété;
le possesseur en est présumé le propriétaire. Ces objets
devront néanmois être indiqués au bilan "en vrac"
avec une description sommaire de chacun et une estimation de leur valeur
globale.
La déclaration mensuelle
Le monde tourne trop vite pour que la fixation des taux d'imposition
et la perception des taxes directes ne se fassent qu'une fois l'an. Il tourne
aussi trop vite pour que les États se compromettent à des
budgets annuels, mais nous reviendrons ailleurs sur cette question des budgets.
En ce qui a trait à la taxe sur le capital, chaque contribuable remplira
et produira le premier jour de chaque mois une déclaration simple
qui sera en fait son bilan, présenté par catégories
prédéterminées de biens, avec la valeur de chaque bien
et le montant à payer selon le taux fixé pour le mois. Chacun
payera son impôt comme il paye son loyer, l'électricité
ou le téléphone.
Nous avons bien dit une déclaration SIMPLE. Il faut qu'au moins 95%
des contribuables puissent accomplir sans aide un devoir civique aussi élémentaire
que celui de payer leurs impôts. Si, comme aujourd'hui, le formulaire
à remplir exige l'intervention d'un expert, c'est que nous faisons
fausse route. Un enfant qui termine le cours primaire doit pouvoir remplir
une déclaration d'impôt simple. C'est possible et, si on m'en
lance le défi, je le prouverai.
Chaque déclaration mensuelle sera envoyée au contribuable
par le fisc avant le 20 de chaque mois. Elle sera identique à celle
du mois précédent, à l'exception du taux d'imposition
qui pourra avoir été modifié et du montant à
payer pour chaque bien, montants que le fisc aura calculés en appliquant
le nouveau taux et en tenant compte le cas échéant de la dépréciation
de certains biens afin que le déclarant n'ait pas à effectuer
ces calculs sauf pour en vérifier l'exactitude.
A cette déclaration, le contribuable pourra apporter les changements
nécessaires, y ajoutant les nouveaux biens acquis et en déduisant
les éléments qui ne sont plus dans son patrimoine, modifiant
aussi au besoin la valeur de chaque élément si celle-ci a
changé, selon les règles dont nous parlerons plus loin. Il
y joindra son paiement. Cette procédure déjà simple
ne vaudra d'ailleurs que pour une brève transition, après
laquelle, dans une société "branchée", la
déclaration mensuelle apparaîtra à l'écran de
l'ordinateur du contribuable, les modifications qu'il y apportera seront
certifiées par son NIP et un code que lui aura assigné le
Ministère du revenu et son paiement, par débit pré-autorisé,
sera déduit directement de son compte bancaire.
Le taux unique
Dans le système actuel d'impôt sur le revenu, le désir
d'apparence de justice a conduit à l'établissement de taux
variables d'imposition selon les strates de revenu: nous avons une imposition
"progressive". L'intention est bonne, mais la mise en application
est navrante. Le choix des taux est arbitraire, la progressivité
des taux est intrinsèquement inéquitable et la disparité
des taux a pour conséquence que la richesse soit imposée plus
ou moins selon celui qui la détient, ouvrant la porte aux prête-nom
de tout genre et à toutes les supercheries. Quand on taxe le capital,
on ne taxe pas "les riches" mais la richesse et l'équité
est implicite: qui a plus paye plus. Dans ce contexte, toute progressivité
est vexatoire et doit disparaître.
Il faut mettre en place une procédure fiscale qui taxe chacun au
prorata de sa richesse, ce qui est non seulement conforme à nos objectifs
socio-politiques clairement affirmés mais indispensable, tant pour
maintenir le niveau de consommation que pour se plier à cette vérité
incontournable qu'on ne peut prendre que de ceux qui possèdent. Mais
cette procédure doit être "équitable" et le
même taux d'imposition s'appliquer à tout le monde. Toute richesse,
quelle que soit sa forme et quel que soit son propriétaire doit être
imposée au même taux. Il est inévitable que, le temps
aidant, un gouvernement ou un autre cherchera à manipuler l'activité
économique en introduisant des écarts de taux d'imposition
entre meubles et immeubles, par exemple, ou entre le capital action et les
obligations, etc. Souhaitons que ces manoeuvres n'aboutissent pas ou soient
vite mises au rancart.
C'est ce désir d'utiliser la fiscalité pour orienter le comportement
des acteurs économiques qui a conduit, pour une bonne part, au fouillis
innommable qu'est devenue notre politique fiscale et dont la déclaration
d'impôt inintelligible est l'illustration caricaturale. Prélever
de la richesse la part qui permet à l'État de remplir ses
obligations est une fin en soi. Si on veut orienter l'économie dans
un sens ou dans l'autre, qu'on le fasse en donnant des subsides ou autres
avantages et qu'on mette à concevoir ces mesures incitatives toute
l'ingéniosité qu'on voudra, mais qu'on ne touche pas à
la fiscalité: la fiscalité doit rester simple et le même
taux doit taxer toute richesse.
Il faut que la fiscalité taxe la richesse réelle (la richesse
d'usage, celle dont la valeur découle d'un consensus) tout autant
que la monnaie et les biens dont la valeur ferme s'exprime en monnaie. Il
faut taxer ces deux formes de richesse également, mais les moyens
pour le faire sont bien différents. Parlons d'abord des biens à
valeur monétaire.
2.2.1 Les biens à valeur monétaire
Il y a les biens à valeur consensuelle ... et il y a la monnaie.
La monnaie et tout ce dont la valeur ferme est exprimée en monnaie
est vulnérable à l'inflation. La façon la plus simple
de taxer le capital monétaire est de programmer une inflation qui
en soustrait une parcelle de la valeur au profit de l'État, ce qui
peut se faire sans même que le contribuable ait à poser quelque
geste que ce soit.
C'est par l'inflation qu'on doit taxerla masse monétaire liquide
et c'est la seule façon d'éviter toute évasion. Taxer
une créance ou une obligation exige un peu plus de subtilité,
mais le principe demeure le même.
2. 2. 1. 1 Taxer la masse monétaire
Pour taxer la monnaie, un gouvernement n'a qu'à imprimer plus
de billets, créant ainsi une inflation qui équivaut à
une taxe sur tous les détenteurs de billets. Ce n'est pas une trouvaille:
la richesse monétaire est toujours soumise à cette taxe spéciale
sur le capital qu'on appelle l'inflation et une inflation contrôlée
est un excellent outil fiscal. Le problème, comme nous l'avons vu
précédemment, c'est que l'inflation ne dépend plus
principalement de l'émission de monnaie tangible ou intangible par
l'État mais surtout des manipulations des institutions financières
et des spéculateurs. Aussi longtemps qu'il en sera ainsi, l'inflation
ne peut pas être contrôlée et donc utilisée à
bon escient.
En passant par l'intermédiaire obligé des shylocks, nous avons
créé, au gouvernement fédéral du Canada seulement,
une dette de 650 milliards de dollars, laquelle entraîne le paiement
chaque année de 76 000 000 000 de dollars en intérêts,
un transfert gratuit de richesse vers les nantis encore plus important que
les transferts que l'État fait aux pauvres! Peut-on au moins souhaiter
que ça s'arrête bientôt? Nous décrivons ici ce
qui devrait être fait. Ce qui sera fait quand on reconstruira un système
financier après la crise qui s'avance ou, miraculeusement, quand
cette crise sera si imminente qu'un gouvernement aura le courage d'affronter
les shylocks et de prévenir la catastrophe.
Ceci dit, comment se financer par l'inflation? Supposons que le gouvernement
veuille dépenser un milliard de dollars. Présentement, il
s'adresse à un consortium financier et promet, selon le taux du marché,
de lui verser 40, 60, 80 millions par année en "intérêts"
pour le privilège de prétendre que l'État n'a pas imprimé
cet argent mais qu'il s'agit de l'argent du consortium financier (argent,
d'ailleurs, qui consiste uniquement en chiffres écrits et manipulés
par des ordinateurs). Quand il a rempli cette formalité, le gouvernement
fait dans ses livres les modifications nécessaires, comme si, ayant
reçu la bénédiction des capitalistes, l'État
était miraculeusement devenu plus riche. Quand il a fait ces modifications,
il imprime les chèques, traites, effets et billets qu'il veut à
hauteur d'un milliard de dollars.
Dans un système dont les shylocks ont été chassés,
l'État imprime son milliard de chèques, traites, effets ou
billets sans rien promettre à personne. Quand l'État imprime
un milliard de dollars, il ne paye rien à personne: il annonce loyalement
au monde entier que sa masse monétaire a augmenté d'un milliard
de dollars et que la valeur de chaque dollar a donc baissé. Cette
baisse constitue une taxe à la source prélevée de chaque
détenteur de billets. De combien la valeur du dollar a-t-elle baissé?
Aujourd'hui, le rapport entre l'argent et la réalité est devenu
si élastique que personne ne peut plus savoir l'impact exact sur
sa valeur d'une augmentation de la monnaie en circulation. Si l'argent en
circulation a de nouveau un rapport avec les biens qu'il est censé
représenter, le calcul est enfantin: doubler la valeur nominale des
billets en circulation, par exemple, et chaque billet perd la moitié
de sa valeur d'achat. Augmentez la masse de 5% et vous diminuer la valeur
unitaire dans le même rapport.
Quand le Gouvernement ne se finance plus via les marché financiers
mais par une inflation contrôlée et une taxe de même
taux sur le capital réel, il décide d'abord du taux d'imposition
unique qu'il appliquera. La taxe sur biens à valeur monétaire
est alors perçue au moyen d'une "inflation fiscale" provoquée
sciemment par une augmentation précise et totalement transparente
de la masse monétaire. La même taxe est perçue sur le
capital réel, comme nous lee verrons plus loin. Prenons pour hypothèse
de travail que l'on a mis les shylocks hors d'état de nuire - (sans
nous interroger ici sur le sang et les larmes qu'il aura fallu verser pour
le faire, ce qui est une autre histoire) - et voyons comment, cette formalité
préalable ayant été accomplie, le reste d'un régime
fiscal équitable et efficace basé sur l'imposition du capital
peut être mis en place.
Le taux de taxation du capital est une décision qui dépend
des orientations politiques de l'État et ce n'est pas ce dont nous
traitons ici. A titre d'exemple, toutefois, considérons que l'État,
pour face face à ses obligations actuelles, sans redistribution accélérée
de la richesse - donc sans bouleversement de l'ordre social - et excluant
le remboursement de la dette dont nous parlerons plus loin, devrait taxer
le capital à la hauteur d'environ 7,5% par année.
Pour obtenir ce résultat - toujours en considérant qu'en l'absence
d'émissions sauvages par d'autres acteurs économiques le rapport
de la masse monétaire tangible à la valeur des unités
monétaires est redevenu normal - l'État peut augmenter la
masse monétaire de 0,6% par mois, diminuant donc d'autant le pouvoir
d'achat de l'argent en circulation. Concrètement, ce sont les prix
qui, toutes choses étant égales par ailleurs, augmentent de
0,6% par mois.
Ce n'est pas un cataclysme. Ce n'est pas la vision dantesque des milliards
de marks sans valeur du début des années trente. Cette vision
est évoquée par les shylocks qui ne veulent surtout pas qu'on
les court-circuite. Une inflation de 0,6% par mois - 7,5% par année
- c'est ce que nous avons connu à maintes reprises sans que souffle
la panique; au début des années 80, nous avons eu pendant
des années une inflation qui dépassait 10 %. Une inflation
de ce type, c'est ce qu'ont vécu sans problèmes, pendant des
décennies des pays comme l'Italie ou la France... et ils s'en sont
sortis plus riches que nous ! 7,5% d'inflation, c'est la robe à 100
$ qui vaut 107,50 $ l'année suivante.
En contrepartie, pour chaque cent milliards de masse monétaire en
circulation l'État a ajouté à celle-ci, à la
fin de l'année, 7,5 milliards de dollars qu'il a mis dans ses coffres.
L'État ne cherchera pas à couvrir tous ses besoins financiers
à partir d'ajouts à la masse monétaire; il doit, en
toute équité, taxer aussi les biens à valeur consensuelle.
Il retirera toutefois de l'inflation fiscale des sommes substantielles,
car il ne faut pas croire que l'inflation se limite à taxer les détenteurs
de billets de banque, ce qui est la menue monnaie de notre économie;
elle peut taxer aussi tous les détenteurs de créances non-indexées
libellées en dollars, et ça, c'est beaucoup d'argent. Les
seuls dépôts bancaires représentent aujourd'hui plus
d'un trillion de dollars; la dette publique, presque un trillion et il y
a le papier commercial et ces opérations hors-bilan dont nous avons
déjà parlé ...
2. 2. 1. 2 Taxer les créances
Une inflation programmée produit sur la valeur des créances
de tout acabit un effet prévisible. Libellée en dollars qui
perdent chaque mois un peu de leur valeur d'achat, chaque créance
s'amenuise en dollars constants aux frais du créancier et au profit
du débiteur. C'est d'ailleurs la situation qui prévaut depuis
bien longtemps par le seul effet d'une inflation qui peut être élevée
ou minime mais qui produit néanmoins toujours cette détérioration
du capital du créancier. Le créancier se prémunit contre
cette perte de valeur de son capital en exigeant un intérêt
qu'il juge suffisant.
Quand on introduit une inflation fiscale programmée, on SAIT quelle
sera la détérioration minimale du capital du créancier
et c'est cette baisse de la valeur de sa créance qui constitue pour
le créancier l'impôt qu'il doit payer sur le capital que représente
sa créance. Il n'a donc pas à poser d'autre gestes que de
faire état de cette créance à sa déclaration
fiscale mensuelle. Mais il doit faire cette déclaration et, corollaire
de ce devoir, toute créance, obligation, bon du trésor doit
être enregistrée, sous la responsabilité tant du prêteur
que de l'emprunteur, sous peine de ne plus être exigible et de donner
lui à une amende par surcroit.
Le montant que représente cette diminution due à l'inflation
de la valeur de la créance en dollars constants, c'est le débiteur
aujourd'hui qui en profite. Dans un régime d'inflation fiscale, celui-ci
devra faire état de sa dette, corroborant ainsi la déclaration
identique du créancier, et transmettre à l'État l'équivalent
de la différence de valeur - on fera le calcul pour lui - entre le
paiement qu'il effectue et celui qu'il aurait effectué si cette inflation
fiscale n'avait pas été mise en place. Le débiteur
n'est pas pénalisé; il ne fait que respecter ses engagements
contractuels et restituer à l'État une somme qui lui échoit
mais qui en fait doit revenir au fisc.
A remarquer que, pour les fins de l'inflation fiscale, c'est uniquement
du taux de celle-ci que le débiteur devra assumer le paiement et
non pas du taux d'inflation réel, lequel peut être plus élevé.
La perte supplémentaire que pourrait subir le créancier du
fait de cette inflation non-programmée - comme le gain correspondant
pour le débiteur - sont parties des risques qu'ils ont accepté
de courir et l'État n'a pas à s'en mêler. Ou plutôt,
l'État n'a à s'en mêler que pour adoucier la situation
du créancier qui, lorsqu'il a accordé le prêt, n'a pu
tenir compte de l'incidence d'une inflation fiscale encore inexistante.
Dans cette optique, l'État doit offrir de se substituer à
tout débiteur, remboursant sur le champ sans pénalité
au créancier le capital du prêt et les intérêts
courus, celui demeurant toutefois garant du remboursement par le débiteur
mais avec le privilège d'exiger que tous les recours soient épuisés
contre ce dernier avant que l'État ne fasse valoir sa garantie contre
l'ex-créancier. Le débiteur, par la même occasion, doit
avoir aussi le privilège de rembourser son emprunt sans pénalité,
s'évitant le trouble d'un paiement mensuel à l'État
et pouvant aussi se re-financer à meilleur compte sur le marché
des capitaux. Ce qu'il pourra faire sans difficultés, car il y aura
toujours un marché des capitaux.
2. 2. 1. 3 Le marché des capitaux
Il y aura toujours un marché des capitaux, car il ne s'agit pas
de faire mourir le capital sur le tapis roulant de l'inflation, seulement
de lui faire prendre un peu d'exercice. Il n'est pas question d'interdire
le prêt à intérêt, car toute prohibition qui contrarie
la nature humaine ne peut mener qu'à une transgression et, quand
on crée des "crimes" dont les victimes sont consentantes,
ces interdits qu'on ne peut faire respecter sapent la crédibilité
et la légitimité de l'État. L'intérêt,
qui est le prix de l'impatience, sert de toute façon un rôle
utile en priorisant les besoins et les projets collectifs comme individuels
au vu de nos ressources réelles disponibles, lesquelles ne sont pas
infinies.
L'intérêt ne disparaîtra pas d'une Nouvelle Société.
Il faut comprendre, toutefois, que sur un marché des capitaux où
l'État n'emprunte plus mais peut au contraire intervenir à
tout moment pour jouer le rôle de prêteur, le taux d'intérêt
sera à la baisse, ce qui est bien le but de l'opération. Quel
sera le taux d'intérêt de base ? En introduisant une inflation
programmé de 7,5% et en cessantd'accorder, comme emprunteur de dernier
ressort, une prime annnuelle au capital excédant 4%, l'État
fait chuter les taux de base calculés en dollars constants d'environ
12%. Le taux d'intérêt moyen actuel sera donc déplacé
d'environ 12% vers le bas, ce qui, ne l'oublions pas, laissera une marge
de manoeuvre encore considérable de couverture du risque à
ceux qui aujourd'hui prêtent à la consommation à des
taux qui dépassent largement 12% et atteignent parfois 33%.
Selon l'évaluation du risque et l'inflation réelle, les taux
en dollars courants seront ce que le marché en décidera mais
il est clair que, sinon dans la majorité des cas du moins en moyenne,
ils seront négatifs en dollars constants. Le capital "qui ne
court pas de risques" ne fructifiera pas comme aujourd'hui mais diminuera
en valeur constante au lieu d'augmenter. La réalité n'en étant
pas affectée, la valeur des choses et leur valeur monétaire
convergeront et l'écart entre eux sera résorbé PROGRESSIVEMENT,
mois après mois, de ce taux d'intérêt négatif
moyen qui pourra varier mais qui ne devrait jamais excéder le 7,5%
de l'inflation fiscale.
Le résultat est une déflation déguisée en inflation
et qui ne frappe que les possédants puisque celui qui n'est que consommateur
et n'a pas de placements financiers n'en subit pas le choc, l'inflation
à laquelle il doit faire face étant un paramètre connu
contre lequel il peut être prémuni par une politique des revenus
qui en tienne compte. Le résultat, c'est de nous faire parcourir
en sens inverse exactement le chemin financier que nous suivons depuis près
de 20 ans. On remonte tranquillement la pente - relativement - douce sur
laquelle nous glissons avant d'atteindre le bord du gouffre.
Deux facteurs peuvent empêcher la réalisation efficace de de
plan. Le premier, c'est une action concertée de sabotage par les
shylocks avant même que la démarche n'ait été
initiée; c'est ce que nous vivons présentement et la solution,
comme nous l'avons vu, c'est un gouvernement fort et habile dans un pays
fort. Le second, c'est la panique bien réelle qui peut saisir les
possédants quand ils verront leurs actifs s'effilocher, les amenant
à des réactions irrationnelles. L'Histoire est pleine de ces
situations où ceux dont le pouvoir est menacé rejettent du
revers de la main un règlement qui, quelques années plus tard
leur apparaît en retrospective comme une solution providentielle qu'ils
ont été stupides de refuser. La révolution française
est une séquence de ces rendez-vous manqués et on peut s'interroger
sur les motifs de ceux qui firent avorter la mission Hess en 1940.
Que peut-on faire contre la panique? Offrir un havre sûr aux propriétaires
de capitaux, où ils pourront se réfugier avec la certitude
que la décroissance de leur richesse n'ira pas en s'accélérant
mais se poursuivra au rythme annoncé. La nature humaine étant
ce qu'elle est, si la décroissance prévue de leur fortune
ne menace pas de remettre en question leur aisance dans le cours de ce qu'ils
considèrent subjectivement - et inconsciemment - comme leur espérance
de vie, il n'y aura pas de panique. Nous verrons au Chapitre 4 les refuges
que l'on offrira aux possédants petits et gros
2. 2. 2 Les biens à valeur consensuelle
Taxer la valeur monétaire par l'inflation apporte non seulement
des revenus significatifs mais contribue aussi à résorber
l'écart entre valeur réelle et symbolique Toutefois, ce n'est
pas suffisant. Une fiscalité juste ne peut pas se limiter à
taxer les détenteurs de monnaie et de titres à valeur fixe
exprimée en monnaie. Imposer la monnaie par l'inflation, sans imposer
les biens à valeur consensuelle, ne ferait qu'aggraver le déséquilibre
entre les nantis qui trouveraient refuge dans des investissements en biens
réels et ceux dont la seule richesse est un salaire dont l'ajustement
à l'inflation vient toujours avec un retard voulu.
D'autant plus que certains des biens à valeur marchande dont la valeur
repose sur un consensus et une spéculation - et tous les biens dont
la valeur repose sur un consensus peuvent faire l'objet d'une spéculation
- voient leur valeur augmenter en proportion directe de l'inflation. Contrairement
au détenteur de monnaie que l'inflation taxe - inexorablement - sans
même qu'il ait à s'en préoccuper, le propriétaire
de biens à valeur consensuelle doit donc payer régulièrement
son impôt sur le capital le premier jour de chaque mois.
Conformément au principe de taux unique que nous avons énoncé,
la taxe qui sera imposée sur le capital à valeur consensuelle
sera identique au taux d'inflation. Ce faisant, un calcul simple montre
qu'on ramène, après impôt, le capital investi en biens
à valeur consensuelle à la même valeur en numéraire
que s'il avait été conservé en espèces. Cette
valeur en numéraire est alors, malgré son affectation, imposée
par l'inflation fiscale au même taux que l'argent liquide et les créances
non-indexées exprimées en monnaie.
Au départ, le taux d'imposition que paye le propriétaire de
biens à valeur consensuelle est celui de l'inflation fiscale programmée.
Quelles que soient les mesures qu'on ait mises en place pour rassurer la
population et nettoyer le marché des spéculateurs, toutefois,
il apparaîtra sans doute une inflation non-programmée qui viendra
s'ajouter à l'inflation fiscale. Il sera donc nécessaire de
ré-ajuster ex post le taux d'imposition des biens à valeur
consensuelle dont la valeur augmente avec l'inflation afin que ce taux soit
conforme à l'inflation totale réelle. Chaque déclaration
mensuelle fera ce réajustement pour le mois précédent
ou anté-précédent, selon la capacité de l'État
de traiter rapidement les données de l'indice des prix à la
consommation.
Quel que soit le taux uniforme établi mensuellement, il faut aussi
connaître la valeur des biens réels du patrimoine et il faut
donc que ces biens soient clairement identifiés. Pour cette identification,
il est nécessaire d'instaurer un service d'entregistrement universel.
Il y a déjà beaucoup de choses sujettes à enregistrement,
allant de la propriété immobilière aux véhicules
en passant par l'immense majorité des valeurs mobilières.
Dans un régime de taxe sur le capital, TOUT ce qui a valeur marchande
de plus de 100 $ dollars doit être enregistré; l'enregistrement
doit préciser la valeur du bien enregistré et c'est cette
même valeur qui doit apparaître à la déclaration
fiscale mensuelle. Si l'on change la valeur à la déclaration,
elle doit aussi être changée à l'enregistrement. En
fait, dans un système informatisé, la mise à jour et
la concordance seront automatiques.
Un travail énorme ? Non. Au moment de la mise en place initiale,
l'enregistrement des biens existants et de leur valeur résiduelle
créera une tâche significative, mais les déclarations
existantes pour fins d'assurance faciliteront cette tâche... comme
les réclamations aux assureurs seront subséquemment facilitées
par la valeur marchande incontestable ainsi déterminée pour
chaque objet assuré. Quand le système est en place, l'enregistrement
de chaque transaction sur un objet valant plus de 100 $ sera obligatoire.
L'enregistrement sera en principe la responsabilité de l'acquéreur
mais sa déclaration sera évidemment corroborée par
celleautomatique et automatique du vendeur ou autre cédant, lequel
s'empressera de faire rayer objet cédé de ses stocks ou de
la liste des biens surs lesquels il est imposé.
La déclaration mensuelle indiquera, par catégories, les biens
à valeur consensuelle dont le déclarant est propriétaire,
avec la valeur et le numéro d'enregistrement de chaque bien dont
la valeur excède 100 $ et une estimation en vrac des biens de valeur
individuelle inférieure à 100 $. Chaque bien est taxé,
en date de la déclaration, au taux en vigueur pour le mois dont le
Ministère du revenu a décidé. Ce taux est égal
à celui de l'inflation fiscale, ajusté pour corriger tout
écart du mois précédent entre inflation fiscale et
inflation réelle..
Le montant à percevoir est dû le premier jour du mois et le
paiement doit accompagner la déclaration. Si un montant dû
au fisc n'est pas payé dans les trente (30) jours de son exigibilité,
il y a saisie automatique de plein droit de tous les biens inscrits à
la déclaration, le contribuable en défaut en devient le gardien
judiciaire - comme de tout bien qu'il aurait négligé de déclarer
mais dont on pourra faire la preuve qu'il était propriétaire
- et copie de la saisie est acheminée au bureau d'enregistrement,
rendant illégale toute transaction ultérieure sur ces biens
et avec ce contribuable jusqu'à ce que le montant dû ait été
acquitté. 30 jours plus tard, si le montant dû n'a pas été
versé, les biens passent formellement sous la garde du fisc qui fera
vendre périodiquement aux enchères les biens saisis et remettra
aux contribuablex négligenxt, s'il y a lieu, le reliquat du produit
de la vente de leurs biens, après paiement de l'impôt et des
frais.
La déclaration mensuelle répartira les biens à valeur
consensuelle en plusieurs catégories regroupées en trois (3)
groupes. En effet, si tous les biens à valeur consensuelle voient
leur valeur augmenter au rythme de l'inflation, il en est dont la valeur
réelle est permanente ou semi-permanente, voire croissante, et dont
la valeur monétaire nette croit donc avec l'inflation, alors que
d'autres, qui se déprécient avec l'usage, ont une valeur monétaire
nette décroissante, la hausse découlant de l'inflation ne
compensant pas cette dépréciation. Il faut distinguer entre
ces deux groupes de biens pour les fins de la fiscalité. Un troisième
groupe - celui des droits cessibles - dont les éléments participent
des caractéristiques de l'un ou l'autre ou des deux groupes précédents,
est néanmoins traité à part à cause de la problématique
particulière qu'il soulève.
2. 2. 2. 1 Les biens sujets a appréciation
Les biens sujets a appréciation sont les biens que l'on perçoit
comme permanents ou semi-permanents: une maison, un terrain... Plus pratiquement,
les biens sujets a appréciation en termes monétaires sont
ceux dont la dépréciation par l'usage est si faible qu'elle
diminue la valeur réelle de la chose moins qu'une inflation même
modérée n'en augmente le prix . Il en est ainsi, par exemple,
des immeubles mais aussi, entre autre, des actions représentant cette
valeur intangible mais bien réelle que constitue une compagnie.
Taxer la monnaie par l'inflation crée une plus-value monétaire
sur ces biens, comme sur tous les biens qui ont une valeur réelle
d'usage et tous les autres symboles dont la valeur consensuelle n'est pas
exprimée en monnaie. Ainsi, laissant de coté toute autre influence
qui pourrait mener à une inflation réelle supérieure,
une inflation fiscale programmée de 7,5% per annum, par exemple,
devrait normalement entraîner une hausse équivalente des prix.
Une maison ou des actions en bourses qui symbolisent la propriété
d'une compagnie et qui valent 100 000 $ avant inflation fiscale devraient
en valoir 107 500 $ par la suite.
De combien faut-il taxer ces capitaux à valeur consensuelle pour
que leurs propriétaires contribuent au fisc autant que le détenteur
de monnaie? La réponse intuitive est "de sept mille cinq-cents
dollars", puisque le propriétaire de maison et le détenteur
d'actions - que les actions de ce dernier soient cotées en bourse
ou négociées de main à main - ayant payé cette
somme de 7,5% de la valeur du bien équivalente à la plus-value
due à l'inflation, resteront l'un comme l'autre avec une valeur résiduelle
de 100 000 $ en dollars courants tout comme le détenteur de monnaie,
et que, pour eux comme pour celui-ci, ces 100 000 $ en dollars courants
vaudront alors 97 087 $ dollars "constants", c'est-à-dire
en pouvoir d'achat comparable à celui des dollars d'avant l'inflation
fiscale.
En payant ce montant de 7 500 $ - ajusté subséquemment pour
qu'il corresponde à l'inflation réelle - le propriétaire
pose un geste équivalant à "racheter" la part de
son bien qu'il devrait normalement céder au fisc à titre d'impôt
sur le capital. Ceci s'applique à tous les biens dont la valeur monétaire
nette augmente ainsi avec l'inflation: propriétés, pierres
et métaux précieux, oeuvres d'art, parts sociales et autres
produits boursiers spéculatifs.
Determiner le taux n'est cependant qu'une partie du problème. La
question la plus épineuse est de déterminer la valeur de la
chose sur laquelle on veut prélever une taxe sur le capital. Pour
beaucoup de choses, cette valeur est évidente, soit nominative soit
déterminée par un "prix du marché". La valeur
d' une action en bourse, un jour donné, par exemple, peut être
fixée à son prix au moment de l'ouverture ou de la clôture
des marchés. Pour d'autres biens, la valeur prête à
interprétation et l'évaluation qu'on a fait pour fins fiscales
donne lieu à des discussions infinies. L'établissement du
rôle d'évaluation foncière est le meilleur exemple de
ce problème: une évaluation de tous les biens dont la valeur
dépasse 100 $ qui procéderait selon les mêmes règles
serait un cauchemar.
La solution définitive à ce problème est de laisser
chacun déterminer lui-même la valeur de chacun de ses biens...
mais de traiter la valeur qu'il assigne à ce bien comme le prix auquel
il est prêt à le céder à tout acheteur qui en
paye ce prix. Ainsi, le contribuable peut inscrire la valeur qu'il veut
à sa déclaration mensuelle pour chaque objet de son patrimoine
valant plus de 100 $ - et pour la somme de ses menus objets "en vrac"
- mais c'est cette même valeur qui est inscrite au bureau d'enregistrement
créé à cette fin et le contribuable, en présentant
sa déclaration fiscale mensuelle, fait une OFFRE IRRÉVOCABLE
DE VENTE (OIV) de tout bien qu'il y a inscrit au prix qu'il a assigné
à ce bien. Cette auto-évaluation s'appliquera à tous
les biens sujets à appréciation, les biens sujets à
dépréciation étant eux imposés sur leur valeur
résiduelle, comme nous le verrons plus loin.
Comment rendre effectif ce moyen de contrôle que constitue l'OIV ?
Les inscriptions au bureau d'enregistrement, par catégories de biens,
seront publiques. Quiconque le souhaite pourra y avoir accès, y trouver
la description du bien et la valeur que lui a assignée son propriétaire
et manifester son intention conditionnelle de s'en porter acquéreur
en avisant le registraire qui en avise le propriétaire et en mettant
la valeur indiquée au registre en dépôt judiciaire.
L'acheteur éventuel a 30 jours pour inspecter le bien et rendre l'achat
définitif, période durant laquelle le "vendeur"
doit lui apporter tout son concours pour faciliter cette inspection, sous
peine que le délai soit prolongé jusqu'à ce que l'inspection
ait pu avoir lieu et d'une condamnation à des dommages. On trouvera
ci-dessous, plus em détail, la procédure à suivre pour
un immeuble. La même procédure peut être appliquée
à tout autre bien sujet à appréciation
Certains biens n'ont pas deprix pour celui qui les possède; la valeur
en est sentimentale. Le propriétaire d'un bien pourra mettre ce bien
à l'abri de toute vente forcée par OIV en faisant accepter
par le fisc une déclaration de valeur pour ce bien égale au
double (ou toute autre majoration que la loi aura fixée) de sa valeur
marchande estimée par un expert du fisc.
Voyons les modalités d'application pratique de la taxe sur la capital
à chacune de quatre grandes catégories de biens sujets à
appréciation. Parlant des immeubles, nous en profiterons pour donner
un exemple plus détaillé du fonctionnement de l'OFFRE IRRÉVOCABLE
DE VENTE (OIV) .
L'immobilier
Quand on passe d'un impôt sur le revenu à un impôt
sur le capital, l'immobilier redevient primordial. Taxer l'immobilier est
facile. Vous envoyez la facture, vous recevez le paiement prévu ou,
sinon, vous prenez possession de l'immeuble, vous le vendez et vous vous
payez vous-même. La vraie question, ce n'est pas l'application d'une
taxe foncière, laquelle est la pierre d'assise d'une taxe sur le
capital, c'est l'estimation loyale de la valeur des immeubles. Cette estimation
loyale est rarement faite. Pensez simplement au "rôle d'évaluation"
actuel à Montréal, qu'on ne change pas parce qu'on n'ose pas
faire face aux bouleversements que ce changement entraînerait même
si on sait et qu'on avoue qu'il ne correspond plus en rien à la réalité
!
Que faut-il faire pour taxer loyalement la propriété foncière
selon sa valeur réelle? Appliquer une solution tellement simple qu'on
ne la voit pas: demander à chaque propriétaire de faire lui-même
l'évaluation de sa propriété. Évidemment, il
ne s'agit pas de mettre en place un "honor system"; il faudrait
ajouter une petite clause poison. Laquelle? La déclaration de la
valeur de sa propriété que dépose le propriétaire
au fisc est aussi déposée à un Registre des immeubles
du Bureau d'enregistrement et doit constituer une offre irrévocable
de vente (OIV) . Cette valeur, bien sûr, ne doit jamais être
inférieure au montant des hypothèques dont la propriété
est grevée.
Quiconque veut acquérir la propriété n'a qu'à
en déposer le prix ainsi fixé à la Cour Supérieure
et à remettre son acceptation conditionnelle des termes de l'OIV
au Registraire avec la preuve du dépôt judiciaire; l'acheteur
potentiel a ensuite 30 jours pour faire l'inspection et, s'il en est satisfait,
il peut prendre possession de la propriété 30 jours après
signification de son accord final au propriétaire. Il ne doit exister
aucun recours pour s'opposer à cette vente ou en retarder l'exécution;
tous les baux en vigueur affectant la propriété deviennent
donc caducs au moment de la vente. Le locataire en subit évidemment
un préjudice; il en est dédommagé par un montant fixé
de gré à gré avec le propriétaire au moment
de la signature du bail ou, à défaut de telle entente, par
une indemnité fixée par la loi équivalant à
quelques mois de loyer. Ce dédommagement doit rester acquis au locataire
même si le nouveau proprio lui accorde un nouveau bail à des
conditions identiques au précédent, ce à quoi ce dernier
n'est toutefois nullement tenu.
L'avantage de cette méthode est double. D'une part, on comprend que
c'est la valeur subjective que le propriétaire accorde à sa
maison qui devient l'assiette fiscale, laquelle est alors systématiquement
biaisée à la hausse si on la compare à la valeur objective
du marché, puisque la majorité des gens ne veulent PAS se
départir de leur propriété au prix du marché.
Est-ce que, de cette façon, on n'abuse pas tout aussi systématiquement
des propriétaires?
Pas si l'État joue franc-jeu. Jouer franc-jeu, pour l'État,
c'est de fixer au départ un taux pour l'imposition - disons 7,5%
- mais de rectifier ce taux à la baisse quand les évaluations
ont été soumises et que la valeur de l'assiette fiscale a
été précisément déterminée si,
comme on peut s'y attendre, celle-ci s'avère plus importante qu'on
aurait pu le supposer. Le contribuable recevra le trop perçu sous
forme de crédit sur ses impôts a venir, cette correction à
la baisse ayant sur la population le même impact pacifiant que le
"retour d'impôt"actuel, même si elle sera souvent
compensée par l'ajustement ex post à la hausse apportée
à la cotisation pour que celle-ci corresponde à l'impôt
réel et non seulement à l'impôt fiscal.
Dès qu'on introduira cette auto- évaluation qui devient une
OIV, il ne faudra pas longtemps avant que la "valeur subjective"
d'un immeuble et sa valeur marchande réelle tendent à se rejoindre.
Quand ils se rejoindront, ce qui arrivera de plus en plus fréquemment,
il y aura transaction. Le marché de l'immobilier se sera transformé
en un véritable marché transparent et plus actif, comme la
Bourse.
Le capital-action
Qu'en est-il des valeurs boursières? La valeur en bourse du capital
action d'une compagnie est 2 fois, 5 fois, 10 fois la valeur de ses actifs
matériels. On peut voir aussi que cette valeur en bourse représente
10, 20, 100 fois les profits annuels qu'on est en droit d'en attendre. Raisonnable
ou surfaite, on peut dire n'importe quoi de cette valeur - et les experts
financiers ne se gênent pas pour le faire ! - de sorte qu'il est futile
de prétendre établir dans quel rapport la valeur totale des
stocks que laisse supposer un Dow-Jones à 11 000 sur-évalue
la réalité matérielle et à combien de milliers
de milliards se chiffre l'écart entre la richesse réelle et
celle que les actionnaires sont persuadés de posséder. Aussi
longtemps qu'il y a un consensus - (comprendre: un acheteur présumé
solvable prêt à les acquérir) - les actions valent en
monnaie légale ce que le marché boursier prétend qu'elles
valent.
Le principe d'imposition du capital action est donc le même que pour
les immeubles, à cette distinction près que la valeur d'une
compagnie cotée en bourse est déjà déterminée
en tout temps par le prix du marché. Pour les actions transigées
au comptoir ou les compagnies privées, c'est le principe de l'OIV
qui s'appliquera. Le propriétaire enregistré d'actions sera
donc imposé sur le capital que représente à la fermeture,
le jour de sa déclaration, la valeur de ses actions cotées
et le prix qu'il demande pour ses actions non cotées. Pour celles-ci,
le propriétaire pourra en modifier la valeur demandée en tout
temps... à condition de réajuster à la hausse - jamais
à la baisse avant la prochaine déclaration mensuelle - son
versement au fisc. Il sera imposé, comme tout le monde, au taux de
l'inflation fiscale, lequel sera réajusté à celui de
l'inflation réelle dans la déclaration mensuelle suivante.
On constate qu'avec cette réforme de la fiscalité le marché
au comptoir devient totalement transparent et que toutes les compagnies,
en un sens, deviennent publiques, puisque toute compagnie est à vendre
au prix dont décident son ou ses actionnaires en établissant
la valeur capitale sur laquelle ils seront imposés. Les détenteurs
d'actions de compagnies de prospection, pourront demander un délai
de trois (3) ans pour le paiement de l'impôt sur le capital de compagnies
qui ne sont pas en exploitation mais ils devront en fixer la valeur. L'impôt,
s'il n'est pas payé sur le champ, s'accumulera néanmoins mois
après mois; après trois ans de cumul, le total des impôts
dûs sera payé ou la compagnie passera au fisc avec ses actifs.
Les stocks
Les stocks auxquels nous nous référons sont ici la plupart
du temps des biens de consommation courante. Que font sous cette rubrique
les biens de consommation immédiate ou quasi immédiate - nourriture,
vêtements, denrées périssables diverses? C'est que les
biens de consommation ont une double vie. Ils sont acquis pour leur valeur
d'usage... après une vie de spéculation mouvementée
Quand ils sont parvenus entre les mains du vrai consommateur, ces biens
sont généralement consommés sans délai; ils
ne constituent pas pour un consommateur un capital significatif et ils ne
servent pas de valeur-refuge contre l'inflation, sauf en cas de catastrophe,
réelle ou anticipée. Ces biens n'ont pas à être
taxés entre les mains du consommateur final, sauf si la quantité
dont celui-ci s'est muni dépasse un stock normal de consommation
mensuelle que la réglementation fiscale aura défini, laissant
supposer qu'il en fait le commerce. Avant d'arriver entre les mains du consommateur,
toutefois, les biens de consommation courante font l'objet d'une négociation
âpre et d'une spéculation effrénée entre divers
intermédiaires allant du producteur au détaillant.
Féroce, la spéculation sur les biens de consommation est pourtant
de courte durée. Elle débute et se termine, la plupart du
temps, avant qu'une variation significative du rapport entre la valeur de
ces biens et celle de la monnaie se soit manifestée qui constituerait
une appréciation due à l'inflation. Les stocks sont donc des
biens distincts des autres biens sujets à appréciation. D'autre
part, toute dépréciation de la valeur d'usage du produit est
déjà intégrée dans le prix d'achat de l'intermédiaire
précédent, et il n'est donc pas question de taxer ces biens
comme des biens sujets à dépréciation, uniquement sur
une valeur résiduelle dont l'évaluation serait byzantine.
Les stocks seront taxés, le premier de chaque mois, entre les mains
de leur propriétaire du moment. La perception d'une taxe de 0,6%
sur la valeur de ces biens n'est pas sans importance sur les marges parfois
bien fines des nombreux intermédiaires qui interviennent sur ce marché,
mais le moment de la ponction fiscale étant ainsi connu, le marché
en tiendra compte et en étalera l'impact par une variation des prix
en fonction de cette échéance.
Même s'il s'agit de biens sujets à "fluctuation"
plutôt qu'à appréciation, les stocks seront taxés
à la valeur que leur propriétaire leur aura assignée...
en les achetant. Une part importante des transactions sur les stocks se
passe sur le marché boursier des denrées, une autre part a
lieu sur des marchés moins formels que la Bourse de Chicago mais
dont les arbitrages ne sont pas moins contraignants et la valeur que pourrait
fixer le propriétaire ne s'écarterait pas impunément
du prix auquel celui-ci les a acquis. Au palier du détaillant ou
du grossiste, la mise en place d'un système d'OIV créerait
des tracasseries que ne justifierait pas les avantages qu'on en pourrait
tirer.
Les stocks constituent une catégorie atypique de biens dont la carrière
se passe en transit, les biens réels passant d'un entrepôt
à l'autre et leur propriété d'un détenteur à
l'autre des titres qui en établissent cette propriété
jusqu'à ceque possession physique et propriété légale
se rejoignent quand les stocks sont livrés à un commerçant
en semblables matières, grossiste, puis détaillant jusqu'à
ce qu'ils soient vendus au consommateur. Ces biens constituent un capital
considérable qui doit être taxé quel qu'en soit le propriétaire
et il faut éviter que ces biens - dont l'âme (propriété)
vii en quelque sorte séparée du corps (bien physique) échappent
au fisc. Il faut donc appliquer ici strictement le principe qu'il n'y a
pas de choses sans maître. Les stocks, identifiés par unités
dont la valeur n'est pas inférieure à 100 $, demeureront la
responsabilité fiscale de chaque intermédiaire à la
déclaration mensuelle duquel ils sont apparus, jusqu'à ce
que l'impôt s'y appliquant ait été perçu d'un
autre contribuable en aval, intermédiaire, grossiste ou détaillant.
Les intermédiaires se donneront caution entre eux au beson de la
satisfaction de leurs obligations fiscales à venir.
Les stocks etant identifiés par unités dont la valeur n'est
pas inférieure à 100 $, le morcellement des lots au palier
du détailant fera que les unités de stocks cesseront normalement
d'apparaître à l'une ou l'autre de ses déclarations
mensuelles, le reliquat s'ajoutant à une déclaration générale
en vrac pour ne pas alourdir indûment le processus, mais les objets
non vendus émergeant toujours à son inventaire et permettant
une vérification occasionnelle. On peut, de toute façon, supposer
que le commerçant légitime ne cherche pas tant à se
constituer une richesse à l'abri du en thésaurisant les invendus
qu'à s'en défaire au meilleur prix possible.
Les refuges
Tout bien sujet a appréciation peut servir de valeur refuge,
mais il y a deux sortes de biens dont ce semble être la vocation première:
les pierres et métaux précieux ... et les oeuvres d'art. Pour
les métaux précieux et pour l'or en particulier il y a un
prix du marché qui ramène les variations de leur valeur à
une fourchette étroite et - relativement - stable. Il n'est pas nécessaire
de créer un mécanisme d'offre irrévocable de vente
pour les métaux précieux, ce mécanisme existe déjà.
Pour les pierres précieuses, le marché est moins formel au
palier de la vente au détail. Mais à celui des grossistes,
on n'est pas non plus au bazar: les prix, à qualité égale,
sont aussi déterminés par un marché global et relativement
rigides. On procédera donc ici par OIV pour établir la valeur
des pierres et bijoux, mais conscient que la valeur des pierres brutes s'ajustera
à celle du marché et que celle déclarée pour
les bijoux sera presque toujours supérieure à leur valeur
marchande, non seulement pour tenir compte du travail de joaillerie mais
aussi pour éliminer concrètement la possibilité de
devoir céder un bien dont la valeur sentimentale dépasse souvent
sa valeur matérielle. Dans ce dernier cas, le contribuable utilisera
souvent, d'ailleurs, la possibilité qui lui est offerte de mettre
un bien totalement à l'abri d'une vente forcée en faisant
accepter par le fisc une auto-évaluation égale au double de
la valeur marchande estimée par un expert du fisc
L'or et les métaux précieux seront évidemment sujets
à enregistrement, avec titre de propriété pour les
pièces dont la valeur excède 100 $ et en vrac pour les autres.
On exigera, d'ailleurs, que toute transaction sur les métaux précieux
excédant 100 $ et ne mettant pas en cause un bijou ou une oeuvre
d'art ne soit faite légalement que sous forme de pièces ou
de lingots poinçonnés, numérotés et inscrits
à l'actif d'un propriétaire - c'est ainsi que se font déjà,
par "compte métal", la plus grande partie des transactions
légales sur l'or.
Malgré ces précautions, pierres et métaux demeureront
une richesse "au porteur" et le risque d'évasion fiscale
ne peut être totalement éliminé. Bien sûr, des
transactions illégales auront lieu. Toutefois, ces transactions ne
poseront jamais le problème insoluble que pose aujourd'hui le trafic
des drogues, un bien consommables dont l'"utilité" est
bien plus intimement ressentie et dont la valeur marchande au kilo est bien
supérieure à celle de l'or . Les pierres précieuses?
Il vaut mieux s'y connaître, car peu de gens savent dans quelle mesure
ce marché est artificiel et leur valeur précaire. Soyons pragmatiques
et taxons simplement pierres et métaux comme tout autre capital réel.
Comme certains oiseaux, les métaux précieux et les pierreries
peuvent voler bien longtemps hors de vue mais, tôt ou tard, il faut
bien qu'ils touchent terre... et le percepteur sera là pour les attendre.
Parce qu'elles ont un support matériel, il faut bien introduire les
oeuvres d'art parmi les éléments de la richesse réelle
à valeur consensuelle, même si en ce cas le "réel"
est bien tenu et la part de l'imaginaire énorme. Une oeuvre d'art
considérée comme un capital est tout aussi "symbolique"
que la monnaie, à cette différence près que ce n'est
pas l'État qui en garantit la valeur mais un consensus.
L'oeuvre d'art a le désavantage de pouvoir se déprécier
sans limite et de façon imprévisible. D'autre part, l'oeuvre
d'art a sur la monnaie l'avantage de s'apprécier avec l'inflation,
comme tout autre bien à valeur consensuelle. En fait, les oeuvres
d'art s'apparentent surtout à un capital social , mais un capital
social dont la valeur ne varie pas en fonction d'une production plus grande
ou d'une saine gestion, mais seulement en fonction d'un arbitraire imprévisible
et impondérable.
Comme tout autre bien réel, toute oeuvre d'art doit être imposée
à sa valeur consensuelle selon le prix que lui assigne son propriétaire
et qui devient une OIV. Le Rembrandt ou le Van Gogh qui vaut des millions
doit être enregistré, de même que toute oeuvre dont la
valeur atteint 100 $ . Les oeuvres d'art sont bien mobiles et donc aisément
dissimulées. Est-ce à dire que mieux encore que l'or ou les
diamants, l'art sera la valeur refuge par excellence pour la richesse occulte?
Certainement pas plus que maintenant. Il y aura des fraudes, mais bien moins
qu'on ne pourrait le penser. En effet, si le propriétaire n'en déclare
pas la propriété, il ne fait pas que commettre un délit
et risquer gros s'il est découvert - confiscation de l'oeuvre, poursuite
pénale pour fraude fiscale, etc - il se prive aussi de la valeur
ostentatoire de l'oeuvre qui est, en fait, sa raison d'être et il
perd aussi ses recours si on la lui vole, puisque on ne peut lui voler ce
qui ne lui appartient pas...
Plus qu'à une recrudescence de l'usage de l'art comme abri fiscal,
il faut s'attendre à une baisse de la valeur marchande des oeuvres
d'art; en effet, c'est une chose de posséder une toile de cinquante
millions de dollars dont on peut espérer qu'elle en vaudra demain
soixante... mais c'en est une autre que de payer en impôt plus de
10 000 $ par jour le plaisir de voir dans son salon une image dont on peut,
pour cent dollars. faire exécuter par ordinateur une copie que seul
un expert pourra distinguer de l'original! Privé - ou soulagé
- de la spéculation dont il fait l'objet, l'art aura peut-être
besoin d'un appui financier plus ferme de la part de l'État. Ceci
est un autre débat.
2. 2. 2. 2 Les biens sujets à dépréciation
Il y a des biens dont normalement la valeur nette n'augmente pas avec
le temps; ce sont ceux qui se déprécient à l'usage,
comme une voiture, un électroménager, tous les biens qu'ont
dit "durables" ou "semi durables" et dont la caractéristique
principale ... est de ne pas durer. Leur valeur n'est jamais aussi élevée
qu'au moment de leur acquisition, puisqu'ils sont acquis exclusivement pour
leur valeur d'usage et se détériorent constamment. Plus ou
moins.
On distingue traditionnellement entre biens durables et semi-durables, mais
pour les fins de la fiscalité cette distinction est spécieuse.
Ces biens ont en commun - et c'est ça, ici, l'important - que, même
si leur valeur monétaire augmente en raison inverse de l'inflation,
comme celle de tout bien à valeur consensuelle, cette hausse de valeur
monétaire porte sur une valeur résiduelle après usage,
ne compense pas la baisse de valeur qui résulte de leur usure normale
et que ces biens sont donc sujets à une dépréciation
continue.
On pourrait, bien sûr, imposer les biens sujets à dépréciation
de la même façon que les biens sujets à appréciation,
le propriétaire en fixant la valeur qui devient alors une OIV dûment
enregistrée et publique. Cette approche ici ne serait pas pratique,
toutefois, car elle s'appuie sur la notion qu'il existe un marché
implicite pour tout bien à valeur marchande et qu'il suffit de rendre
ce marché transparent pour que la valeur de consensus des choses
apparaisse, ce qui n'est pas toujours le cas pour les biens sujets à
dépréciation.
Quand on rend transparentes l'offre et la demande pour les biens sujets
à dépréciation, ceci ne conduit pas nécessairement
à la génération spontanée d'un marché,
pour deux raisons: a) l'usage qu'on a fait d'une chose n'est pas nécessairement
"normal" et déterminer la détérioration qu'elle
a subie exige une certaine expertise, de sorte que faire de la déclaration
de valeur par le propriétaire une OIV n'entraînerait pas nécessairement
une estimation rigoureusement honnête et ne susciterait pas nécessairement
un large intérêt; b) certains biens sujets à dépréciation
(les équipements de production, par exemple) ne peuvent être
utiles que pour un nombre parfois bien restreint d'utilisateurs, excluant
donc qu'il se forme sans connivence ni cartel un véritable "marché"
qui en fixerait la valeur équitable. (Qui offrirait combien pour
les presses d'un journal ou l'équipement d'une papetière?)
Actuellement, ces biens durables entre les mains des producteurs sont dits
"sujets à amortissement" et donnent lieu à des pirouettes
fiscales clownesques. Dans un régime d'imposition du capital, la
même notion s'applique, mais différemment: la façon
correcte de les imposer est de fixer pour chaque catégorie de biens
durables une table d'amortissement qui en établisse la valeur résiduelle
moyenne, calquant d'aussi près que possible la réalité.
Un exemple existe déjà de ce genre de tables: c'est le "Blue
Book" qui indique la valeur "normale" d'une voiture usagée.
Évidemment une voiture peut se vendre plus ou mois cher que sa valeur
"normale", mais le prix du Blue Book est un indicateur raisonnable
de sa valeur.
Pour les fins de la fiscalité, un indicateur du type Blue Book pour
tous les biens durables - véhicules de toutes sortes, électroménagers,
etc - serait suffisant. Si le propriétaire prend si bien soin de
son bien que la valeur marchande de celui-ci dépasse la valeur moyenne,
grand bien lui fasse. Quand la valeur résiduelle d'un bien durable
a été ainsi déterminée, c'est le même
taux d'imposition (celui de d'inflation) qui s'y applique, comme pour les
biens sujets à appréciation.
La même règle peut-elle s'appliquer à tous les biens
durables ? Oui, sous réserve des modalités de contrôle
qui peuvent varier, non pas tant de par la nature du bien imposé
que de par l'usage - consommation ou revente - auquel le destine celui qui
l'acquiert. La procédure mise en place doit tendre à faciliter
ce contrôle et à supprimer, dans toute la mesure du possible,
la part d'arbitraire et de discrétionnaire dans la détermination
des objectifs d'usage de l'acquéreur. Comment les choses procéderont-elles
en pratique?
Pour les transactions au détail d'une valeur inférieure à
100 $ à un présumé consommateur final, l'identification
de l'acquéreur comme le montant de la vente seront automatiquement
notés, permettant au fisc d'en faire le contrôle éventuel
par échantillonnage. Les ventes d'objets dont la valeur atteint 100
$ devront être enregistrées par le vendeur au bureau d'enregistrement,
une procédure qui sera nomalement automatisée à partir
de sa caisse.
Les données qui apparaîtront aux déclarations mensuelles
des compagnies et des individus devront recouper celles ainsi inscrites
au bureau d'enregistrement. Pour le consommateur final, les biens acquis
doivent se retrouver dans son patrimoine, leur valeur diminuant selon les
taux de dépréciation s'appliquant à la catégorie
où ils s'inscrivent et qui apparaitra sur sa facture enregistrée.
S'ils se départit d'un bien, ce bien doit apparaître dans un
autre patrimoine; en ce cas, tout comme s'il est perdu, volé, détruit,
il faut que le bureau d'enregistrement en soit avisé.
Pour les ventes du producteur au distributeur ou à un grossiste,
ou du grossiste au détaillant, toutes les transactions doivent être
enregistrées, mais si les biens qui en font l'objet n'ont chacun
qu'une valeur inférieure à 100 $, c'est le seul montant global
de la transaction qui sera noté. Chaque intermédiaire commercial,
dans sa déclaration mensuelle, fera état de ses stocks en
inventaire. Cet inventaire doit correspondre à celui du mois précédent,
plus les entrées (achats) moins les sorties (ventes) et l'intermédiaire
est taxé sur la valeur d'achat des biens de son inventaire. Ceci
recoupe ce que nous avons dit précédemment pour les stocks.
Intermédiaire comme consommateur final n'auront pas à suer
sans et eau pour préparer leur déclaration fiscale. Le prix
d'un bien et la catégorie à laquelle il appartient pour fins
de dépréciation seront indiqués sur les factures d'achat.
Dès que un bien apparaîtra à une première déclaration
mensuelle, les formulaires de déclaration mensuelle suivants qui
seront expédiés au déclarant par le fisc en feront
état comme d'un élément de son patrimoine. Le montant
dû au fisc aura été pré-calculé, compte
tenu du prix du bien, de sa dépréciation ainsi que du taux
d'imposition pour le mois; le contribuable n'aura pas à le faire,
sauf s'il veut en vérifier l'exactitude en consultant lui même
la table idoine ou s'il a à en modifier la valeur de certains éléments.
Il y a deux (2) grandes catégories de bien sujets à dépréciation.
Je les distingue ici pour que l'on saisisse bien ce que cette appellation
recouvre, mais je le fais avec une certaine appréhension car les
deux doivent être taxées au même taux: celui de l'inflation
fiscale corrigé ex post pour qu'il corresponde à l'inflation
réelle. Or, il est à craindre que pour les fins de sa politique
générale et pour promouvoir certains types d'investissements,
l'État ne décide un jour ou l'autre de s'écarter du
taux unique d'imposition. Ce serait une erreur. On ne devrait PAS utiliser
la fiscalité à cette fin.
Le capital fixe
C'est l'équipements et l'outillage lourd et, par extension, le
mobilier et les autres biens qu'utilise une compagnie ou un individu pour
son industrie dans le cours normal de ses affaires. La capital fixe peut
représenter le plus clair des avoirs d'une corporation: il faut le
taxer. La raison qu'on pourrait apporter pour ne pas le faire, le faire
à un taux inférieur ou trafiquer les tables de dépréciation
sera qu'il faut encourager les investissements productifs. En réalité,
ne pas taxer le capital fixe pourrait bien encourager plutôt les propriétaires
d'équipement à ralentir le rythme de mise au rancart - puisqu'il
n'en coûterait alors rien de garder le vieux matériel - et
freiner la mise à jour continue des équipements qui est essentielle
à l'optimisation de la productivité. Taxons pareillement tout
capital, et trouvons plutôt d'autres façon de promouvoir les
comportemente économiques que l'on souhaite.
Les biens durables domestiques
Ces biens sont ceux - véhicules, meubles, électroménagers,
etc - qu'on trouve chez chaque ménage et, en principe, ils doivent
être imposés exactement comme le capital fixe et les autres
éléments de la richesse. Une taxe sur la valeur résiduelle
de ces biens constituera une incitation à renouveler l'équipement
domestique alors que les taxes de ventes actuelles tendent à en dissuader;
c'est une bonne nouvelle pour le soutien du secteur industriel au moment
ou il cède de plus en plus de terrain à celui des services.
On peut se demander si l'État à vraiment avantage à
se rendre odieux en serrant les mailles du filet et en cherchant à
taxer comme capital les réfrigérateurs, les téléviseurs
et les tondeuses à gazon, alors que le plus clair de ses revenus
viendra d'ailleurs et qu'une petite augmentation du taux d'inflation pourrait
rendre ce volet de taxation inutile. Si on pense uniquement en termes politiques,
taxer la valeur capitale résiduelle des petits biens de consommation
durables n'est peut-être pas, en effet, une très bonne affaire.
Cependant, même si une décision de ne pas taxer est toujours
populaire, il faut prendre garde qu'en exemptant ces biens domestiques durables
de l'impôt sur le capital on ne réduise pas de façon
trop radicale la liste des payeurs de taxe. Il est important qu'une immense
majorité de la population se perçoive comme "contribuable"
et s'identifie ainsi à la chose publique. Il ne faut pas créer
une situation où seuls les "riches" sont imposés,
car on creuserait alors davantage, entre les classes économiques,
le fossé que nous voulons combler.
Il faut que chacun soit imposé en fonction de sa richesse, petite
ou grande. Toute autre "progressivité" est malsaine, ne
serait-ce que parce qu'elle sera tôt ou tard contournée. Les
gouvernements devront prendre une décision quant à l'opportunité
de taxer comme capital la valeur résiduelle des biens durables des
ménages. Ce point deviendra inévitablement un enjeu électoral
mais espérons que la décision sera prise au vu non seulement
des sommes mais aussi des principes en jeu.
2. 2. 2. 3 Les droits cessibles (achalandage)
Il n'y a pas que les objets qui sont représentés par des
symboles, il y a aussi des droits et certains de ces droits sont des sources
de revenus importantes; il faut les considérer comme un capital.
Ceci semble évident, mais la ligne est parfois mince entre un droit
que l'on peut imposer sans discussion et un droit inhérent à
la personne qui, même s'il constitue indubitablement une richesse,
ne peut simplement pas être taxer sans mener à des bizarreries.
On ne peut pas taxer la beauté ni l'intelligence, on ne taxera certainement
pas l'éducation acquise, ni un contrat de travail. Où met-on
la barre? Où est la logique qui justifie de la mettre là et
pas ailleurs? On peut dire que l'on taxe ce que le contribuable "a"
et non pas ce qu'il "est", mais il y a place à interprétation.
Est qu'on "a" un doctorat ou est-on devenu un docteur? Le critère
qui me semble pratique est celui de l'aliénabilité. Ce qui
peut être cédé à autrui sans perdre toute valeur
réelle peut être saisi et vendu et peut donc aussi être
taxé. Taxons le.
Au premier chef, ceci vaut pour les brevets, patentes, droits de prospection
et d'exploitation, droits d'auteurs, etc. Ces droits n'existant que pour
un temps, on pourrait penser à les traiter comme des biens sujets
à dépréciation, mais la difficulté de leur assigner
une valeur initiale et l'incertitude quand à la durée de leur
valeur réelle - qui n'est pas limitée principalement par leur
terme nominal mais par l'évolution de l'environnement technique et
social - rend cette approche inapplicable. En fait, la valeur de ces droits
ne peut vraiment être estimée que sur la base des revenus qui
en découlent et la volatilité de leur rentabilité exclut
qu'on détermine leur valeur capitale à partir de ces revenus
estimés à un moment ou l'autre de la vie de ces droits.
C'est une occasion où la méthode de l'auto-évaluation
constituant une OIV s'applique donc parfaitement, à cette distinction
près que le contribuable lui-même, en ce cas, n'a pas une idée
raisonnable de la valeur de son bien. Donnons lui la chance de faire cette
évaluation mais tout en maintenant le principe de l'universalité
de la taxe sur le capital. Donnons lui le choix entre deux approches. Compte
tenu de l'OIV qui s'y rattache, les deux approches ont chacune leurs avantages
pour le déclarant.
a) D'abord, comme aux compagnies de prospection, permettons lui de mettre
dès le départ un prix sur ces droits; la taxe sur le capital
s'appliquera alors et l'OIV sera en vigueur, mais le paiement en sera différé
jusqu'à trois ans. Si les taxes cumulées ne sont pas payées
à cette échéance, les droits passeront au fisc en solde
de tout compte pertinent à ces droits.
b) Alternativement, permettons lui de ne fixer la valeur de son droit et
de ne mettre une OIV en vigueur qu'à la fin d'une période
d'un an, mais payant alors rétroactivement au fisc, au moment de
la première déclaration, les montants correspondants à
cette évaluation qu'il en fait après un an comme si ces montants
avaient été fixés au départ et que le paiement
en avait été simplement reporté. Si le déclarant
à la fin de l'année fixe à ses droits une valeur nulle,
les droits passeront aussi au fisc en solde de tout compte pertinent à
ces droits.
Il y aaussit la question de l'achalandage. Je crois que même s'il
s'agit d'une valeur et d'une réalité à laquelle on
appose un prix bien concret quand une entreprise est cédée,
il ne faut pas checher à taxer cette directement cette valeur puisque
une compagnie ne peut vendre son achalandage et continuer d'opérer,
pas plus qu'un individu ne peut vendre sa réputation et vivre par
la suite plus riche mais moins honnête. Il ne s'agit pas vraiment
d'un droit cessible. L'achalandage d'une compagnie a un impact sur sa valeur
qui répercute sur la valeur de ses actions, lesquelles sont taxées
entre les mains de leurs propriétaires les actionnaires. Chercher
à en autre chose mènerait à des aberrations.
Autres droits qui ont une valeur certaine, tous ceux reliés à
la propriété, de l'emphytéose au droit de vue. Celui
qui possède un tel droit doit lui assigner une valeur et, normalement,
le propriétaire de l'immeuble que grève ce droit en tiendra
compte pour réduire l'évaluation de sa propriété.
Un droit qui ne peut être cédé n'étant pas imposé,
il y aura une tendance à utiliser davantage, les droits comme l'usage
ou le droit de passage limité à un ou plusieurs individus.
Si des abus se produisent, une législation appropriée y mettra
fin en temps et lieux.
Il y a aussi, parmi les biens cessibles, une foule de cas d'espéces
que je ne souhaite pas traiter de façon exhaustive, parce qu'ils
nous distrairaient de l'essentiel de cette proposition mais auxquels il
faudra apporter une réponse. Quelques exemple suffiront.
- Qu'en est-il d'une rente viagère - excluant, bien sûr, celle
que créérait l'État en application de la méthode
de protection des rentiers dont nous parlerons plus loin? Doit elle être
taxée en fonction d'une table actuarielle sur la base du capital
investi qui donne lieu aux versements qui constituent la rente, ou les versements
eux-mêmes, effectués en monnaie, sont-il adéquatement
taxés par l'inflation?
- Les biens donnés à titre d'aliments et déclarés
insaisissables doivent-ils être reconnus comme tels? Il faudra bien
que la donateur ou le donataire verse la taxe sur ce capital et il faudra
définir les modalités de perception.
-Un membership non transmissible dans un club de golf est-il un capital
imposable pour celui qui en est membre, ou est-ce que les objectifs et les
principes fiscaux sont satisfaits si on ne taxe que le Club lui-même
pour l'argent qu'il a touché?
- Un "timesharing" ou une participation dans une collectif d'habitation
est une valeur imposable; comment concilie-t-on, en ce cas, le principe
de l'auto-évaluation jointe à une OIV aux restrictions que
peut imposer le collectif à la transmission du droit d'usage des
lieux et qui en diminueraient artificiellement la valeur marchande?
Il reste bien des problèmes concrets de ce type à résoudre
avant de mettre en application une taxe sur la capital, comme il y a une
myriade de détails qu'on ne peut traiter dans un texte qui demeure
tout de même un effort de vulgarisation. Je crois, cependant, que
ce que nous en avons dit est suffisant pour qu'on en comprenne et qu'on
en accepte le principe.
3. LA DETTE
Le problème de la dette est inséparable de celui de la
fiscalité. D'abord, la dette n'est que le résultat des insuffisances
fiscales du passé; ensuite, le service de la dette est un élément
important du budget et en a été d'ailleurs la cause première
des déficits, les revenus annuels de l'État en couvrant généralement
les dépenses courantes depuis des années. Enfin, la dette
et son renouvellement constant sont la façon dont l'État choisit
de collaborer activement au pillage de la richesse commune par les shylocks.
Le fait que dans un petit pays comme le Canada nous ne puission actuelleemnt
rien y faire ne doit pas nous empêcher de prévoir la solution
à appliquer dès que l'équilibre des forces aura été
modifié.
Le gouvernement fédéral a une dette de 623 milliards $ et
celle de l'ensemble des entités publiques au Canada ayant une autorité
fiscale s'élève à 858 milliards $ . En posant l'hypothèse
de travail d'une taxe sur la capital de 7,5% par année, nous excluons
les cents milliards et plus par année que requiert le service de
la dette. Le service de la seule dette du gouvernement fédéral
est budgété à 76 milliards $ et chaque jour qui passe
nous coûte deux cent millions de dollars.Il n'y a pas d'autre raison
valable de ne pas rembourser cette dette que le chantage éhonté
qu'exercent les institutions financières sur les gouvernements. La
dette, on la paye dès qu'on le peut - c'est-à-dire dès
qu'on a mis Shylock hors d'état de nuire. Sans délai.
C'est un leurre de penser qu'il faut amortir les travaux gigantesques sur
une longue période, sous prétexte que l'État - la collectivité
- ne peut pas payer d'un seul coût une oeuvre comme le Stade olympique,
ou mieux, le complexe de la Baie James. Le coûr réel du complexe
de la Baie James, c'est le travail des ouvriers qui l'ont bâti, de
ceux qui ont fabriqué les équipements requis, de ceux qui
ont rendu disponibles les matières premières pour bâtir
ou fabriquer ce qui devait l'être. Ce travail a été
payé aux travailleurs, normalement chaque deux semaines, et il a
été payé avant que ne soit coupé le ruban d'inauguration
du projet. Le report du paiement des travaux de la Baie James, comme le
report de tout paiement effectué par l'État, n'est qu'une
magouille financière pour payer un intérêt à
Shylock. La dette publique représente la somme de ces magouilles.
858 milliards de dollars de magouilles.
Pourquoi payer la dette publique s'il n'existe aucune justification morale
pour son existence ? Pour trois (3) raisons. La première, c'est qu'il
le faut pour maintenir la légitimité de l'État. Si
l'État fait faillite, que ne nous fera-t-il pas? Et si l'on fait
faillite une fois, pourquoi pas deux? La deuxième raison, c'est qu'il
serait injuste de dénoncer la dette publique alors que d'autres shylocks
se tireraient indemnes de la restructuration de nos finances simplement
parce qu'ils auraient évité ce type particulier d'investissements.
Une nouvelle fiscalité doit répartir le fardeau entre tous
le plus équitablement possible. Enfin, parce que le bon grain est
avec l'ivraie. Les obligations du gouvernement qui constituent la dette
publique appartiennent majoritairement à des institutions financières
(banques mais aussi fonds mutuels, caisses de retraites, etc.) qui doivent
elles-mêmes des sous à leurs membres et créanciers ...
c'est à dire, entre autres, les retraités, les petits épargnants,
les petits actionnaires qui n'ont pas à payer plus que leur part
des frais de nettoyage du système.
La dette publique doit être honorée et le fardeau de la rembourser
doit retomber équitablement sur les épaules de tous, chacun
au prorata de sa richesse. Comment ? En prélevant une seule fois
une taxe de 11% sur ce même capital de biens réels et symboliques
qui servira désormais d'assiette à la nouvelle fiscalité.
Cette taxe de 11% épongera les disponibilités libérées
par le retrait de l'État du marché financier et servira de
protection supplémentaire contre l'inflation "non-programmée"
qui pourrait s'ajouter à celle qui servira d'outil fiscal à
l'État et qui doit restée dans les limites du raisonnable.
Comme nous le verrons plus loin, ce ne sera pas la seule protection contre
l'inflation.
Il y a d'autres moyens de rembourser la dette que cette ponction de 11%
au départ. Ce sont des moyens plus complexes et dont chacun a pour
objet d'en faire porter le poids du remboursement par certains groupes sociaux
plutôt que par d'autres. Il peut y avoir d'excellentes raisons de
choisir l'une ou l'autre de ces solutions et il est clair que celle qui
sera retenue sera celle qui favorisera - ou défavorisera le moins
- le pouvoir en place quand la décision sera prise. Dans la situation
qui prévaut actuellement, je crois que c'est la solution d'une taxe
de 11% sur la capital, perçue en une seule fois, qui est la plus
raisonnable. Dans un autre contexte, après un effondrement financier
qui mettrait le pouvoir en d'autres mains, il est clair qu'une autre solution
pourrait prévaloir, dont la plus simpliste qui consiste à
ne rien rembourser du tout. Si on choisit cette dernière option,
tôt ou tard, on le regrettera.
Après la dette
Quand la dette aura été remboursée ... il ne faudra
plus recommencer. Un gouvernement qui assumera les rênes du pouvoir
devra faire connaître son plan financier à long terme et à
moyen terme puis, chaque mois, l'État réajustera son budget
au vu des circonstances en annonçant le taux d'inflation fiscal.
Ce budget visera à un parfait équilibre. Au cours du mois,
des impondérables - dont le taux d'inflation non-programmé
- feront que cet équilibre parfait ne sera pas atteint. Un ajustement
en fin de mois déterminera le montant en plus ou en moins qu'aurait
du payer chaque contribuable pour que l'équilibre se réalise
et le taux d'inflation fiscal pour l'exercice suivant en tiendra compte
de façon à ce que l'écart soit immédiatement
corrigé. Le "déficit" - ou le surplus - du budget
mensuel restera dans les limites d'une erreur d'estimation, ce qui est une
contrainte technique inévitable et n'a pas de conséquences
périlleuses.
4. L'INFLATION
L'inflation sous toute ses formes est anathème pour le Système.
Proposer une inflation fiscale programmée, en certains milieus, est
l'équivalent d'évoquer un Cinquième Cavalier de l'Apocalypse
et de l'applaudir quand il jette le Système par terre et l'achève
comme Saint-Georges le dragon. Il devrait être clair à ce point
que mes sympathies ne vont pas vers le dragon.
Il ne faut pas en déduire que je prenne à la légère
les dangers de l'inflation, lesquels sont bien réels independamment
de l'utilisation malveillante qu'en fait le Système à l'occasion.
Une inflation "non-programmée" - celle incontrôlable
qui viendrait s'ajouter à l'inflation fiscale et qui découlerait
des craintes de la population, ne représente-t-elle pas un risque
trop grand si l'on tente d'appliquer un plan comme celui-ci? ? Il y deux
cas de figure.
Si le pouvoir financier occulte n'a pas été mis efficacement
hors d'état de nuire, l'inflation non-programmée est plus
qu'un risque: c'est une certitude et les mesures à prendre pour la
juguler entraîneront une escalade dont nul ne sait comment elle se
terminera, pas plus que ceux qui ont prêté le serment du Jeu
de Paume n'entrevoyait la guillotine ni Bonaparte.
Si, au contraire, ce pouvoir des shylocks a été muselé
correctement, l'inflation "non-programmée" peut être
contrôlée sans bouleversements inacceptables. D'abord, parce
que les mesures que réclament la réforme fiscale proposée
n'agissent pas toutes dans la même direction mais, dans une certaine
mesure, s'équilibrent; ensuite, parce qu'il est possible de calmer
l'anxiété de la population en offrant un havre où peut
se réfugier la monnaie que l'inflation menace.
Quels sont les facteurs d'équilibre? La disparition de l'impôt
sur le revenu et des taxes indirectes aura un impact inflationniste évident.
Il aura cet effet parce qu'en augmentant le pouvoir d'achat des salariés
il créera une demande pour les biens de consommation, relançant
la production, créant des emplois et une énorme demande pour
les services des travailleurs autonomes... Toutes choses notoirement inflationnistes
mais que je ne peux pas me résigner à trouver intolérables.
D'autre part, le paiement de la dette n' aura pas d'effet inflationniste,
contrairement à ce qu'on prétendra peut-être, puisque
cette somme sera compensée par une ponction équivalente sur
le capital de tous au prorata de leurs avoirs.
Il est vrai qu'en remboursant la dette on la rend "liquide", mais
rappelons-nous que le système actuel tout entier fonctionne sur cette
prémisse - qui ne changera pas rapidement - que l'argent des nantis
ne sert pas à la consommation. En fait, un abondance subite de liquidités
pour investissement, advenant concurremment à la disparition de l'État
comme emprunteur de dernier ressort sur le marché des capitaux, poussera
les taux d'intérêts à la baisse et aura un effet déflationniste.
La question est de savoir lequel sera le plus fort de l'effet déflationniste
sur le marché des capitaux ou de la pression sur les prix à
la consommation; la réponse n'est pas évidente. En principe,
on devrait pouvoir savoir à quoi s'attendre si on lâche ces
deux forces opposées et qu'on s'en remet aux lois du marché,
car il existe aujourd'hui des modèles économétriques
performants (Multimod du FMI, entre autres) qui permettent de calculer ces
impacts. En pratique non, car nous ne connaissons pas vraiment ce paramètre
important que constitue la richesse virtuelle que nous avons appelée
"M4"; on peut l'estimer, mais en se souvenant que tout a été
fait pour qu'il ne soit pas facile à estimer.
De plus. mis à part les facteurs tangibles qu'on peut estimer avec
plus ou moins de précision, le résultat de souque à
la corde entre inflation et déflation qui résultera d'une
réforme de la fiscalité similaire à celle que nous
avons décrite dépendront pour une bonne part des attitudes
et des comportements atypiques que génèrera cette réforme
elle-même, ce qui rend saugrenue l'application à une situation
postérieure de quelque modèle que ce soit basé sur
des données antérieures. La peur de l'inflation, au premier
chef, peut être une cause d'inflation plus déterminante qu'aucun
facteur concret. Comment s'en prémunir?
Un contrôle des prix est possible mais n'est pas une bonne solution,
car cette mesure ne fait que stimuler l'imagination de ceux qui veulent
la contourner. Il faut, au contraire - et on a pu voir tout au long de cette
proposition que je n'hésite pas à le faire - utiliser à
bon escient les mécanismes du marché qui ont prouvé
leur efficacité. Pour lutter contre la peur panique mais sincère
de l'inflation, il faut offrit un refuge à ceux qui ont peur. Qui
sont-ils ?
4. 1 Le refuge des petits...
Il n'y a pas que les shylocks à qui l'inflation fait peur, il
y a aussi la foule des petits retraités propriétaires de REER
qu'on a fait monter dans la barque capitaliste pour qu'ils servent de boucliers
humains aux shylocks, comme ces prisonniers civils de pays conquis qu'on
fait marcher devant les chars d'assaut des envahisseurs. Comment protéger
les petits rentiers qui ne demandent qu'à préserver pendant
quelques années encore le niveau de vie qu'ils se sont mérité
par le travail et l'épargne, jouant de bonne foi le jeu du Système
selon les règles que le Système leur imposait? Une Nouvelle
Société mettra en place des mécanismes plus performants
de soutien aux retraités, mais ceci est une autre histoire et n'a
rien a voir avec les droits acquis de ceux qui sont là aujourd'hui.
On ne peut simplement exempter d'impôts le capital des petits retraités
sans créer dans la nouvelle fiscalité une ouverture béante
par laquelle fuiraient les gros bien plus vite que les petits et, de toute
façon on ne pourrait protéger les "petits" de l'inflation,
dont la grande vertu fiscale est justement de ne laisser échapper
personne. Une des solutions - et celle qui me semble la meilleure, malgré
le changement d'attitude qu'elle suppose - serait d'offrir aux rentiers
l'alternative entre le mode standard d'imposition du capital que nous décrivons
dans ce rapport et la formule qui suit: "tout rentier pourraitt, quelle
que soit sa fortune et la nature de ses biens, en céder la propriété
à l'État à tout moment en échange d'une rente
viagère égale, en dollars constants, au revenu net après
impôt qu'il retirait de cette fortune immédiatement avant que
ne soit mise en place la nouvelle fiscalité".
Le résultat est évident. Celui qui possède peu bénéficie
de cette approche, car, disposant d'un même revenu garanti, il jouit
désormais d'un marché de consommation où les taxes
indirectes n'existent plus et il n'a même plus a craindre l'inflation
qui existe encore aujourd'hui et dont rien ne dit qu'elle n'augmentera pas
même si la nouvelle fiscalité n'est pas mise en place. Celui
qui a atteint un certain seuil de richesse, au contraire, n'en bénéficie
pas, car le revenu net qu'il touchait avant la réforme ne lui accordait
pas le taux d'une viagère mais celui moins élevé d'un
simple investissement dont le capital est remboursable. Celui-ci préferera
ne pas céder ses biens à l'État mais engraisser davantage
son héritage au bénéfice éventuel de ses héritiers.
Un calcul simple lui montrera que, même diminué de l'impôt
sur le capital, son patrimoine demeurera à son décès
une valeur significative à transmettre. Le fisc, disposant des renseignements
requis, fera gratuitement le calcul des résultats des deux approches
pour quiconque en fera la demande.
Va pour les petits, mais que fera-t-on pour les vrais capitalistes qui,
dans le régime fiscal proposé, peuvent se percevoir comme
une espèce menacée? On va aussi leur ouvrir un refuge....
4. 2 ... et celui des gros
On peut pallier le risque d'une inflation galopante résultant
d'une peur panique de l'inflation en offrant aux capitalistes un havre sûr
où ancrer leur fortune. En même temps qu'il rembourse la dette
publique, l'État doit créer des bons du trésor indexés,
monnayables en tout temps, dont la valeur sera toujours celle de leur prix
d'achat majoré de tout excédent de l'inflation réelle
sur l'inflation fiscale programmée.
Ainsi, si un détenteur de bons du trésor indexés les
a achetés il y a deux ans à 1 000 $, que l'inflation programmée
sur cette période a été de 10% et l'inflation réelle
de 15 %, il a le droit d'en obtenir maintenant 1 045.45$. Ces 1 045.45 $
représentent désormais 909.09 $ , en dollars constants, compte
tenu de l'inflation de 15%, et sa position financière est la même
que s'il avait gardé ses espèces en main et que l'inflation
avait bien été de 10% comme on le lui a dit. Le financier
qui investit ses argents en bons du trésors indexés a la garantie
ferme que son capital ne sera pas "taxé" indûment
par une inflation imprévisible, mais uniquement du pourcentage fiscal
annoncé. On met un plancher absolu à la baisse de valeur qui
peut résulter d'une inflation non-programmée
La mise en marché de tels bons du trésor indexés a
d'abord pour résultat de sécuriser les capitalistes mais elle
a aussi pour effet secondaire de déposer entre les mains de l'État
des sommes énormes sur lesquelles il n'a plus à payer d'intérêt.
Ne tombons pas dans le piège monétariste de croire que ces
dépôts soient essentiels; l'État aura établi
son budget sans en tenir compte, du moins au départ. Toutefois, ce
sera un avantage non négligeable de disposer de ces sommes que l'État
pourra prêter aux banques pour qu'elles les redistribuent à
la population, tout comme aujourd'hui ... ou prêter directement aux
citoyens. (Un choix politique quand à l'avenir des banques qui n'est
pas pertinent au présent exposé).
Les bons du trésor indexés joueront aussi le rôle de
régularisateurs du marché des capitaux. Quand l'économie
roulera si bien que le profit à attendre d'un investissement bien
réfléchi sera supérieur au taux anticipé d'inflation
réelle, les investisseurs sortiront du havre qu'on leur a ménagé
comme une flottille de corsaires. Quand il y aura risque d'une inflation
non-programmée supérieure au profit à attendre d'un
investissement prudent, les financiers se hâteront d'acheter des bons
du trésor indexés et de se mettre ainsi à l'abri...
réduisant le risque d'inflation mais fournissant à l'État,
sans frais, les fonds avec lesquels celui-ci pourra intervenir ponctuellement
pour éviter une baisse d'activité qui mettrait sérieusement
l'économie en péril.
CONCLUSION
Y a-t-il quelque chosee à ajouter à cette analyse ? On
peut suggérer que chacun, selon ses propres moyens, fasse ce qu'il
peut pour que l'on évite la catastrophe, mais en étant bien
conscient, quoi qu'en dise le discours démocratique de bon ton, que
le pouvoir d'agir n'est pas vraiment entre nos mains. Quand on comprend
notre impuissance à freiner le train en marche vers l'abime, il ne
reste guère qu'à inciter chacun, selon ses préférences,
à invoquer ou évoquer Saint-Georges.... Dommage que l'Église
ait jugé que Saint-Georges n'avait jamais existé... car le
Dragon, lui, est bien réel et crache du feu tous les jours.
Je sais que ce texte est ardu. Je ne le considère, en toute humilité,
que comme une mise en situation et le canevas d'un débat à
engager. Je serai d'autant plus heureux des commentaires qu'on voudra me
faire parvenir et je répondrai à toute critique avec gratitude
et sérénité.