POUR L'AMOUR DE GAÏA
Quand on salit son nid
Gea - Gaïa, pour les intimes - c'est notre seule planète.
Il y en a sans doute un trillion d'autres dans le cosmos, mais ce ne sont
pas la nôtre. Gaïa est à nous et on l'aime bien. On
l'aime bien, mais on la maltraite. Du moins, c'est ce que disent les mauvaises
langues.
En réalité, il est bien difficile de croire que l'on puisse
faire du mal à Gaïa. Surtout quand on la connaît un
peu. Nous sommes bien petits, elle est bien grande. Vues de 12 000 mètres
d'altitude, les grandes métropoles humaines ont l'air de petites
moisissures. Les constructions humaines qu'on peut discerner de là-haut,
Pyramide ou Grande muraille de Chine, ont l'air de minuscules jouets d'enfants.
Un seul orage tropical dégage l'énergie de 1 000 bombes atomiques.
Il faut être bien prétentieux pour penser qu'on puisse
faire du mal à Gaïa. D'abord, parce que l'échelle n'est
vraiment pas la même, mais aussi parce que, quoi qu'on fasse, on n'ajoute
ni n'enlève rien de Gaia, sauf peut-être, lorsqu'on envoie
une fusée dans l'espace, ce qui pour Gaïa ne représente
pas vraiment une masse significative.
Est-il vraiment crédible que nous soyons en train de modifier
significativement et systématiquement les paramètres d'un
corps céleste ? La vérité, c'est que nous ne pouvons
pas faire grand-chose à Gaïa comme corps céleste. Que
la couche d'ozone s'amincisse, que le niveau des océans baisse ou
monte de 100 mètres, que la température ambiante varie de
5 ou 10° C. Gaïa en a vu bien d'autres dans sa longue vie et
ne s'en portera pas plus mal. Tout ce que l'on pourrait changer de Gaïa
sera simplement et tranquillement remis en place par Gaïa, qui refera
son maquillage à sa convenance et qui a tout son temps pour le faire.
Ce que nous POUVONS faire, toutefois, c'est de modifier, imperceptiblement
pour Gaïa, mais bien significativement pour nous, les quelques variables
qui permettent que nous puissions y vivre. Il n'est pas inutile de préciser
cette distinction, car il faut comprendre que, lorsque nous faisons quelques
efforts pour protéger notre terre nourricière, ce n'est pas
vraiment par amour de Gaïa, comme le laissent souvent entendre les
poètes sentimentaux de l'écologie, c'est pour nous rendre
la vie plus confortable à nous.
« Confortable » étant ici un euphémisme.
Si nous mêlons un peu les cartes, toute vie sera disparue de cette
planète bien avant que Gaïa comme planète en subisse
un préjudice. La vie des humains avant celle des autres, parce qu'elle
est plus fragile, plus dépendante de l'environnement artificiel que
nous avons posé sur l'environnement naturel. Quelques variations
du climat, et l'on meurt de faim.
Toute culture et toute civilisation auront disparu, d'ailleurs, bien
avant que la vie elle-même n'ait été affectée
par nos gestes. Quelques glaciers qui fondent, et ce qui sert d'habitat
à la moitié du genre humain disparaît sous les eaux.
La meilleure moitié, celle en bordure des fleuves et des océans
où s'est développée la civilisation.
Je suis un humaniste et que je ne souhaite pas que s'immole l'espèce
humaine pour céder la place à des espèces plus respectueuses
de l'environnement et mieux adaptées aux caprices de Gaïa, comme
peut-être les fourmis ou les bactéries. Je ne crois pas que
nous soyons au service de la planète, mais que celle-ci doit être
mise à notre service; mais, si la moitié de ce qu'on nous
dit est vrai, il faudrait prêter un peu attention à ce que
nous faisons à Gaïa. Pour notre propre bien.
Ouf, on crève !
On parle d'un réchauffement accéléré de
la planète, de tempêtes, d'ouragans. C'est ce qu'on nous prédit
depuis des décennies, mais on le fait avec plus de véhémence,
depuis quelques jours, depuis la sortie du Rapport Stern et son parrainage
par Al Gore, ex - et peut-être futur - candidat démocrate
à la présidence des États-Unis. On ajoute maintenant
- ça fait une manchette plus racoleuse que la simple fin du
monde - la disparition avant 50 ans de toute vie animale dans les océans
La température monte imperceptiblement. Un degré par 50
ans, ce n'est pas ce qui fait courir vers le thermostat, mais Gaïa,
elle, le ressent et nous le fait sentir. Est-ce bien vrai ? On n'est jamais
sûr de rien, mais ce ne sont pas des cartomanciens qui nous le disent.
C'est l'élite des scientifiques de la planète qui nous préviennent
qu'après la date butoir de 2050, il ne faudra plus penser sashimi,
seulement tofu et que, si rien ne change, encore quelques décennies
et notre survie même sera menacée. On ne peut être sûr
de rien, mais la plupart de ceux qui le disent semblent s'y connaître
mieux que la plupart de ceux qui refusent d'en parler.
Si le risque est bien là, il faudrait faire quelque chose tout
de suite, car on ne parle pas de siècles, on parle de l'avenir de
VOS enfants. L'enfant né aujourd'hui, avec une espérance raisonnable
vie de plus de 80 ans, connaîtra un monde où les pays tempérés
seront tropicaux et où les pays tropicaux seront devenus de nouveaux
Saharas. Les famines seront omniprésentes. Les rayons UV du soleil,
sans la protection d'une couche d'ozone, multiplieront par 10 le nombre
des cancers. On subira chaque année deux ou trois ouragans de type
« Katrina », non seulement sur le Golfe du Mexique et la Mer
de Chine, mais aussi là où l'on n'en a jamais connu. L'an
dernier, la côte du Brésil a vécu son PREMIER ouragan
de ce type. Toutes les villes en bord de mer devront être protégées
par des digues, transformées en autant de New Orleans n'attendant
que d'être englouties.
Faire quoi, en plus de songer à l'élevage du thon ? Il
semble que le réchauffement de la planète soit de loin le
problème le plus grave. Ce changement climatique résulte
surtout de l' « effet de serre » que produisent les émissions
de CO2 et autres gaz de combustion. L'atmosphère en est polluée
et la chaleur qui nous arrive du soleil ne s'irradie plus aussi bien vers
l'espace. La clim a des ratées.
Tous les combustibles que nous utilisons, y compris le bois et autres
matières organiques, produisent à des degrés divers
du CO2 et diverses saletés, avec pour conséquence de polluer
l'atmosphère dans laquelle nous évoluons. Tous, mais charbon,
pétrole et gaz produisent 92% de ces émissions. Le problème
est donc là. Tout baigne dans l'huile, mais on va en crever. Il faut
réduire la consommation des combustibles fossiles.
La grande illusion
C'est ce que demande la Protocole de Kyoto... qui n'a aucune chance d'être
respecté. Notre consommation de combustibles fossiles sert à
nous procurer de l'ÉNERGIE. À nous chauffer, à nous
rafraîchir, à la production industrielle et au transport.
C'est donc ça que le protocole de Kyoto voudrait nous faire réduire.
Évidemment, il n'en est pas question.
Il est tout à fait illusoire de penser que les pays en voie de
développement, Chine en tête, vont gentiment s'abstenir de
faire, maintenant qu'ils le peuvent, ce que nous avons déjà
fait lorsque nous nous sommes industrialisés et rester donc éternellement
tributaires de notre production. Si illusoire, qu'on ne le leur demande
même pas ! Kyoto s'abstient d'exiger des sacrifices des pays en
développement.
On peut le comprendre, mais il est tout aussi irréaliste de penser
que les pays développés vont spontanément freiner leur
production industrielle, en attendant que les pays en voie de développement
les aient rejoints. À eux on le demande, mais ils refusent, bien
sûr, comme les USA, ou disent oui, mais n'en font rien, comme la plupart
des autres pays. Il est inimaginable qu'ils le fassent.
Comme il est impensable, d'ailleurs, que le citoyen moyen d'un pays
en développement, dont la voiture est la satisfaction de son rêve
et de celui de son père avant lui, accepte volontairement de s'abstenir
d'utiliser cette voiture. On peut le lui interdire ou lui en rendre le
coût d'usage prohibitif, mais il sera TRES mécontent. Pour
l'en dissuader, il faudrait une génération de conditionnement
et aussi que les nantis lui en donnent l'exemple, ce qu'eux non plus ne
veulent pas.
On peut donc se donner bonne conscience, en jasant de réduire
la production d'énergie. On peut tenter de manipuler les autres
pour qu'ils le fassent, eux, pendant que l'on s'abstient naturellement soi-même
de le faire, mais il est absurde de croire que l'on réduira volontairement
la demande d'énergie dans le monde, puisque c'est cette énergie
qui est la source de la production et donc de toute richesse matérielle
On peut rationaliser la production; c'est ailleurs l'une des objectifs
d'une Nouvelle Société et nous en parlerons plus loin, mais
il ne faut pas se leurrer et penser à une diminution absolue de la
production d'énergie. La réduire serait faire volte-face
et décider que l'on va remonter le temps vers la pauvreté
et le sous-développement. Ce n'est pas ce qu'on veut.
En fait, la production mondiale d'énergie, dans 15 ans, devrait
avoir plus ou moins triplé, la consommation annuelle augmentant d'environ
8 800 MTEP, le MTEP étant l'énergie équivalente à
celle d'un million de tonnes de pétrole de qualité moyenne,
pour atteindre 22 000, peut être 33 000 MTEP, selon qu'on aura plus
ou moins convaincu les gens d'adopter la « bonne solution »
de réduire la production d'énergie.
La bonne solution qui serait la mauvaise, puisqu'elle freinerait à
bloc le développement des pays émergents, où la consommation
énergétique par tête n'est encore que le dixième
de celle des USA, et prolongerait donc indéfiniment la pauvreté
et les injustices. Il est inacceptable de freiner le développement.
Une baisse programmée de la consommation d'énergie est
illusoire. Il est non seulement inacceptable d'arrêter le développement,
mais même la suggestion sérieuse qu'on pourrait le freiner
entraînerait une crise économique sans précédent.
Entre freiner le développement et une catastrophe écologique
peut-être fatale, d'ailleurs, ne voit-on pas tous les jours le monde
choisir, par son inaction, le risque de catastrophe à venir plutôt
que la certitude de la crise immédiate ? On ne renoncera pas à
l'énergie. Alors allez, l'écolo, cause toujours !
Vive l'énergie propre
Causons toujours, mais causons utile. il faut comprendre que la solution
réaliste à la diminution de l'utilisation des combustibles
fossiles et donc au réchauffement de la planète n'est pas
de tenter de réduire la demande globale d'énergie, mais de
remplacer l'utilisation des combustibles fossiles par l'utilisation d'autres
formes d'énergie. Vive l'énergie, mais une énergie
propre. Une énergie qui respecte Gaïa.
Quelles sont ces énergies « propres » qui ne donnent
pas des bouffées de chaleur à Gaïa ? On les connaît
bien. Ce sont l'énergie nucléaire, certaines sources d'opportunité,
dont l'hydroélectricité est la plus évidente, mais
auxquelles il faut joindre la géothermie, les marémotrices,
etc et, enfin, les énergies éolienne et solaire, celle-ci
sous sa forme thermique ou photovoltaïque. Qu'est-ce qu'on peut attendre
de ces sources d'énergie, lesquelles, toutes ensemble, ne représentent
aujourd'hui qu'environ 10% de la production globale d'énergie ?
L'hydroélectricité est d'une pureté virginale au
palier de son exploitation, mais la mise en place initiale des équipements
n'est pas sans effets regrettables sur l'environnement immédiat.
Construction de barrages, remodelage pas toujours heureux du paysage et
quelques effets bien néfastes sur la faune. Puisqu'il s'agit de
survie planétaire, on pourrait peut-être fermer les yeux, mais
hélas, il n'y a pas un nombre infini de sites hydroélectriques
à aménager. Même chose pour la géothermie, les
marémotrices et autres sources d'opportunité. On dépend
ici d'un relief du sol, d'une activité volcanique, d'une singularité.
Ce sont des cadeaux que nous fait Gaïa, mais sa générosité
à ses limites
On couvre aujourd'hui par l'hydroélectricité 2,6 %de nos
besoins mondiaux d'énergie. Même en utilisant tous les sites
d'opportunité rentables -- au prix de bouleversements inouïs,
comme dans le cas d'Aswan, ou plus récemment des Trois Gorges du
Yangtze -- on ne fera pas mieux que ce 2,6 %. Cette proportion ira même
en diminuant, puisqu'il est prévu que nos besoins en énergie
tripleront d'ici 20 ans et qu'il est clair que, même en lui accordant
la priorité qu'elle mérite, on ne pourra pas tripler l'apport
au bouquet énergétique de la production hydroélectrique
et des autres sources d'opportunité.
L'énergie nucléaire, pour sa part, fournit à peu
près 7,6 % des besoins mondiaux. Son développement est limité
par la disponibilité d'uranium et certains problèmes bien
réels reliés à l'élimination des déchets
radioactifs, mais surtout par les réticences de la population. On
peut dire, bien sûr que les réticences à l'utilisation
de l'énergie atomique sont largement fomentées par le lobby
des hydrocarbures, ce qui est vrai, mais, jusqu'à présent,
seule la France a réussi à résister au lavage de cerveau
anti-nucléaire et à faire de l'atome sa première source
d'énergie. Les USA font aussi du nucléaire, mais accessoirement,
discrètement, presque en cachette. Ça ne règle pas
le problème de la planète
Après tout le mal qu'on en a dit et avec les problèmes
réels que comporte l'utilisation du nucléaire, ce serait déjà
un défi de multiplier la production d'énergie nucléaire
par 3, en 15 ans, pour que cette source maintienne seulement sa part du
marché. La multiplier par 30 pour en faire le produit de substitution
aux sources actuelles d'énergie ne serait pas accueilli par la population.
A moins que l'on ne découvre enfin la fusion à froid --
mais rien ne semble indiquer qu'on s'en rapproche et le temps presse --
il est douteux qu'on aille beaucoup plus loin dans la voie du nucléaire
avant d'avoir vraiment TOUT essayé. « Tout », c'est
l'énergie solaire et éolienne.
Au vent et au soleil
Pourquoi pas l'énergie éolienne ? Il est techniquement
réalisable de passer à l'éolien. Les éoliennes
fonctionnent, leur capacité et leur efficacité augmentent
tous les jours. Le Danemark satisfait en hiver à 30 % de ses besoins
de chauffage par son réseau d'éoliennes.
L'Allemagne, leader en éoliennes, en a maintenant d'une capacité
de 6 MW, assez puissantes pour tous les besoins d'un petit bourg. Les éoliennes
de 10 MW sont déjà en construction. Mieux, on peut créer
des « fermes» d'éoliennes, et la capacité de
ces fermes n'est évidemment limitée que par le nombre de machines
en réseau qu'on y met et la qualité du vent.
Encore mieux, pour ceux qui préfèrent ne voir un moulin-à-vent
dans le paysage qu'en Hollande ou dans la Mancha, Norsk Hydro a déjà
le plan, prêt à réaliser clef-en-main, d'un développement
offshore de 200 éoliennes de 5 MW chacune, pour une capacité
totale de 1 GW équivalente à celle d'une grosse centrale nucléaire.
On les voit plus, on ne les entend plus, elles ne polluent pas. Le bonheur.
L'Observatoire de l'Energie, en France, estime à 547 TWh le
potentiel d'énergie éolienne dans l'Hexagone et considère
qu'il est réaliste de penser couvrir à partir du vent 30%
de nos besoins en 2040. Pourquoi 2040, plutôt que 2010 ?
La capacité d'énergie éolienne installée
aujourd'hui dans le monde atteint 60 GW, c'est-à-dire l'équivalent
des besoins de la Grèce et du Portugal. On n'est plus en phase
expérimentale. Il n'y a aucune raison technique pour ne pas passer
à l'utilisation massive de cette énergie propre. Une simple
décision politique à prendre.
Pourquoi pas l'énergie solaire ? Il est tout aussi techniquement
réalisable de passer à l'énergie solaire. L'utilisation
thermique de l'énergie solaire est devenue une discipline mature.
Son utilisation ne présente plus vraiment de surprises. L'utilisation
de l'énergie solaire captée et transformée en courant
électrique par des cellules photovoltaïques fait elle aussi chaque
jour des progrès. L'Australie a annoncé la mise en place
prochaine d'un ensemble photovoltaïque d'une capacité de 154
MW.
Comme l'éolien, le solaire a dépassé le stade expérimental.
En Californie, dans le désert de Mojave et aux alentours, on a 354
MW installés de capteurs solaires, 64MW de plus sont en construction.
On prévoit que la Californie, en 2020, couvrira à partir du
solaire 20%de ses besoins en énergie, lesquels sont du même
ordre de grandeur que ceux de la France. Bravo, mais pourquoi seulement
20% et pourquoi seulement en 2020 ?
Évidemment il y a des contraintes physiques. Il n'y a finalement
qu'un certain nombre d'endroits sur la planète où l'on peut
mettre des éoliennes et où l'on peut poser des cellules photovoltaïques
ou des miroirs solaires. La substitution de ces énergies propres
aux combustibles fossiles est-elle physiquement réalisable ?
La question n'est pas sans pertinence, car il n'y a aujourd'hui que
0,02 % des besoins mondiaux en énergie qui sont satisfaits par le
vent et moins de 0,4 % qui le sont par l'énergie solaire. Si on
veut que le solaire et l'éolien prennent la relève des combustibles
fossiles, on parle de multiplier par 500 la production d'énergie
des éoliennes en service et à multiplier au moins par 200
les superficies couvertes de capteurs solaires.
Ces chiffres sont énormes, il faut les voir comme ils sont, sous
peine de les exagérer encore par l'imagination. Le solaire, surtout
le photovoltaïque, exige beaucoup d'espace, qu'on nous dit, mais beaucoup
d'espace est bien relatif. Où peut-on placer commodément
ces équipements ?
Pour les éoliennes, les forts vents qui prévalent sur
les cimes montagneuses et en bordure de mer rendraient possible d'en tirer
l'énergie dont nous avons besoin. On ne s'amusera pas, cependant
à mettre inutilement un moulin-à-vent dans chaque paysage;
c'est le vent du large qui est la solution.
Avec le modèle Norsk que nous avons vu plus haut, ce sont de
véritables "barrages de vent" qu'on peut créer sur l'océan
et qui peuvent avoir la capacité de barrages hydrauliques. Rien
n'empêche de trouver le fjord bien orienté où les vents
s'engouffrent, d'y aménager des éoliennes sur cent ou deux
cents kilomètres et d'en tirer 5 ou 10 GW.
Pour le solaire, c'est encore beaucoup plus simple. Il ne s'agit pas
de poser des capteurs solaires sur les Champs-Élysées -
même si on finira bien par en avoir sur tous les toits ! - mais n'importe
où, où le terrain est raisonnablement plat et o� le soleil
brille. Gaïa nous a donné tout ce qu'il faut. Madame est bien
bonne
Un kilomètre carré de cellules photovoltaïques en
Californie, avec 4 000 heures d'ensoleillement par année, peut produire
environ 105 Gwh par an d'énergie. Demain on fera mieux, mais ce
rendement est déjà bien satisfaisant.
Si on fait l'équivalence entre Mwh et MTEP (1 MWh = 0,083 tep
, 1 tep = 11 630 KWh) , 1 Kw = 875 000 KWh par an), on constate que les
8800 MTEP d'énergie dont le monde a aujourd'hui besoin exigent une
capacité installée d'environ 12 000 000 MW (12 TW) et peuvent
être obtenus en couvrant de photovoltaïques un territoire de
96 000 Km2 , c'est a dire un carré approximatif de 310 Km de côté.
Ce qui n'est rien du tout. Une petite mouche, sur la joue de Gaïa.
Le monde est plein de déserts bien plats où le soleil brille
plus de 4 000 heures par an et où un carré de 310 Km de côté
n'est pas une aubaine immobilière
Vous voulez produire de l'énergie ? Partez au Tanezrouft. Retournez
à Bidon 5, depuis longtemps abandonné, mais dont les plus
vieux se souviendront. Au lieu de planter des tours de forage, cette fois,
avancez comme l' « Homme qui plantait des arbres », mais en
plaçant des cellules photovoltaïques plutôt que des glands
de chêne.
60 kilomètres tout droit, 60 à droite Délimitez
un espace de 3600 Km2. Allez sans crainte, les obstacles sont rares. Vous
ne dérangerez personne. La population locale sera ravie de vous aider,
si vous la motivez un peu. Vos 3600 Km2 de reg ou de sable vont vous offrir
une capacité de 450 000 MW d'électricité et une production
annuelle d'énergie 30 fois supérieure à celle de
Chooz, la plus grosse centrale nucléaire de France. En fait, votre
petit enclos va produire plus d'énergie que n'en consomme aujourd'hui
toute la France, laquelle s'en tient modestement à 279 MTEP d'énergie
primaire et à peine 160 MTEP d'énergie utile par année.
Évidemment, il faut des infrastructures de stockage et de distribution,
toute une logistique qui demande qu'on y pense. Le message que je passe
ici, c'est que vous ne manquerez pas d'espace et que vous ne manquerez pas
d'énergie solaire. N'en abusez pas. Restez sagement dans votre carré
de sable et n'allez pas plus loin. Laissez-en pour les autres
Les autres ont aussi ce qu'il faut. Il est amusant de penser que, si
l'on réalisait la même opération au Rub al-Khali et
qu'on ne s'arrêtait pas à la satisfaction des besoins locaux,
l'Arabie Saoudite, le plus gros producteur de pétrole du monde, pourrait
tirer chaque année, en exploitant ce seul désert, 10 fois
plus d'énergie de son soleil que l'on n'en tire aujourd'hui de la
combustion de tout le pétrole qu'elle exporte ! Une énergie
propre, infiniment renouvelable.
Il suffit de penser « lignes de transmission » plutôt
que « pipelines ». Le Rub al-Khali pourrait, si c'était
nécessaire, satisfaire àlui seul, en énergie solaire, tous les besoins en énergie de la planète pendant tout l'avenir prévisible.
Si c'était nécessaire.., mais ça ne l'est pas. Il y a de l'énergie
partout et pour tout le monde. Si vous êtes encore anxieux, souvenez-
vous que le soleil nous envoie, en permanence, 15 000 fois plus d'énergie
que nous n'en consommons aujourd'hui.
On dit souvent qu'on ne peut dépendre que d'une seule source
d'énergie Vrai, mais le vent et le soleil sont admirablement complémentaires.
Pourquoi ne pas se mettre à l'éolien et au solaire et arrêter
la consommation de gaz, de pétrole et de charbon dès que l'infrastructure
de ces énergies propres sera en place ? Parce qu'on parle d'argent
La logique économique
Aujourd'hui, on ne discute pas vraiment de la faisabilité de
l'énergie éolienne ou de l'énergie solaire, on discute
uniquement de leurs coûts. On se borne à comparer le coût
de production des énergies éolienne et solaire au coût
de production des énergies procédant des combustibles fossiles.
Toutes ces comparaisons sont biaisées, exactement dans le sens et
la mesure qu'on veut, puisque, pour les comparer, on doit nécessairement
poser au départ quelques hypothèses concernant les coûts
fixes et les coûts variables, entre les coûts de première
installation et les coûts récurrents des diverses solutions
énergétiques et que leur rentabilité relative dépend
entièrement de ces hypothèses.
Tout dépend de la période d'amortissement choisie et de
la projection du coût des intrants. Le soleil et le vent ne coûtent
rien. On peut dire que le pétrole, le gaz et le charbon eux aussi sont
gratuits : il suffit d'aller les chercher... Mais chaque million de tonnes
de charbon exige, pour son extraction, le même temps de travail que
l'extraction de chaque million de tonnes qui l'a précédé
et que chaque million de tonnes qui suivra. Pour le vent et le soleil, quand
les systèmes sont en place, leurs coûts d'opération
n'est pas nul - il y a toujours des déficiences techniques - mais
il ne représente que 2 % du coût de mise en place initiale
dans le cas des éoliennes et encore moins dans le cas des cellules
photovoltaïques.
Le rapport des coûts entre l'utilisation des combustibles fossiles
et celle des sources vent et soleil dépend donc d'abord de l'horizon
que l'on se fixe. Ensuite, il se modifie chaque jour en faveur de ces dernières.
Pourquoi ? Pour trois raisons complémentaires.
La première, c'est le facteur rareté. Les combustibles
fossiles s'épuisent; leur coût ne peut donc que s'élever,
d'autant plus vite qu'on les exploite davantage. Le vent et le soleil, eux, resteront
gratuits
La deuxième, c'est que, dans n'importe quel processus industrialisé,
aussi longtemps que le cadre technologique reste stable, ce sont les coûts
de main-d'oeuvre qui contribuent à l'augmentation des coûts de
production. La production d'énergie par les combustibles fossiles
étant à plus forte intensité travail, ses coûts
de production s'élèveront plus rapidement que ceux pour la
production solaire et éolienne.
Enfin, c'est cette croissance des coûts de main-d'oeuvre qui sert
d'incitation pour que le cadre technologique soit amélioré.
Toutes choses étant égales, c'est donc la production des énergies
fossiles qui devrait réagir par des innovations. Mais, étant
une industrie mature, elle va au contraire modifier ses technologies plus
lentement que le solaire ou l'éolien, ce dont on a la preuve tous
les jours. Ce sont ces deux dernières sources, qui non seulement
vont améliorer chaque jour leur positionnement concurrentiel parce
qu'elles sont à plus faible intensité de travail, mais vont
aussi, de temps en temps, bondir en avant par introduction de procédés
radicalement nouveaux et plus performants
Avec un horizon ouvert -- le seul réaliste, puisqu'on ne prévoit
pas y mettre un terme à l'activité humaine et fermer la planète ! --
il est clair que le temps travaille pour l'éolien et le solaire, lesquels
ne peuvent tôt ou tard qu'être plus rentables que des ressources
en voie d'épuisement.
Cela dit, c'est un raffinement bien inutile que de vouloir prouver la rentabilité
relative des énergies propres en les comparant aux énergies
basées sur les combustibles fossiles, puisque nous sommes partis
de l'hypothèse d'une détérioration fatale de l'environnement
liés à l'utilisation de ces dernières et qui met celles-ci
hors-jeu.
On peut faire le calcul exact des coûts requis pour mettre en
place une structure énergétique basée sur l'utilisation
d'éoliennes et de capteurs solaires et de ceux requis pour fournir
l'énergie par le biais des combustibles fossiles. Ce calcul montrerait
que, l'infrastructure pour les énergies solaire et éolienne
étant à bâtir, le coût en est nécessairement
plus élevé au départ, mais que, cette structure mise
en place, elle fournit ensuite l'énergie à un bien moindre
coût que le charbon, le gaz ou le pétrole.
On peut faire ce calcul, ce qui nous donnerait des mois ou des années
de plaisir, mais, quel qu'en soit le résultat, il faudra ensuite jeter
le glaive dans la balance et effectuer le passage à l'éolien
et au solaire, puisque, si la vie sur la terre en dépend, il est clair
que rien n'est vraiment trop cher pour la préserver.
Rien de trop cher, non plus, pour préserver une société
riche en énergie, le résultat de nos derniers 5 000 ans d'efforts.
Une réduction annoncée et programmées de la production
d'énergie signifierait le retour vers une société
de rareté d'énergie et de pauvreté et serait absolument
inacceptable. On veut que les roues tournent et, puisqu'il semble bien qu'elles
ne peuvent plus tourner que par l'action du soleil et du vent, on fera ce
qu'il faut faire pour s'y adapter, quel que soit le prix qu'il en coûtera. Cela dit,
combien nous en coûtera-t-il ?
La grosse facture
On parle d'un projet à échelle planétaire et dont
les coûts ne peuvent être qu'à dimension planétaire.
Combien en coûterait-t-il pour substituer entièrement les énergies
éolienne et solaire aux combustibles fossiles, aux prix d'aujourd'hui
et avec l'efficacité d'aujourd'hui ?
Présentement, les coûts moyens d'installation des équipements
pour le captage et le stockage des énergies éolienne et solaire
oscillent entre USD $ 1 000 et 1 500 ¤ par mégawatt. Disons
en moyenne USD $ 1 500/MW, avec un large marge d'erreur. il y a des études
techniques et comptables à faire, mais ceci n'est pas une offre de
services : j'ai donné au bureau. Il n'est pas nécessaire de faire un devis détaillépour comprendre l'ordre de grandeur du projet et c'est ce qui nous intéresse.
Les énergies fossiles représentent aujourd'hui 90% de la
consommation mondiale d'énergie qui est d'environ 8 800 MTEP. Pour
s'y substituer, nous avons besoin d'environ 11 millions de mégawatts
Installés (11 TW). Prenant l'hypothèse de USD $ 1 500/MW pour
l'installation des équipements requis, nous devrons faire face, pour
passer au solaire et à l'éolien, à une facture d'environ
USD $ 16,5 trillions. Pouvons-nous l'acquitter ?
Bien sûr. D'abord, un trillion est encore beaucoup d'argent, mais
ce n'est plus une somme qui dépasse la réalité quotidienne.
Le PNB des USA atteint 11 trillions de dollars. Les transactions financières
à échelle globale se mesurent déjà en trillions.
La valeur globale des actions en bourses est aussi une affaire de trillions.
Huit (8) trillions de dollars se sont perdus, à Wall Street, dans
les seules deux séances qui ont suivi l'attaque du 11 septembre 2001
contre le World Trade Center de New York.
16,5 trillions, ce n'est même pas une année de revenu pour
l'humanité. Il n'y a rien de choquant à ce qu'un propriétaire
investisse quelque mois de revenus, pour changer le système de chauffage
et réparer la maison qui menace ruine. Disons que c'est une fleur
pour Gaïa; il n'est pas du tout certain qu, en bout de piste, cette petite attention
nous coûte plus cher que les misères que nous lui faisons et
qu'elle nous rendra bien.
16,5 trillions, une aubaine. Mais ça, comme disent les opticiens,
�a, c'est pour la monture. ll faut aussi prévoir l'avenir. Il faut
se demander à quel rythme augmentera la consommation d'énergie.
Les chiffres actuels prévoient une augmentation en 15 ans de 250
% à 415%, passant des 8 800 MTEP actuels à une fourchette
allant de 22 000 à 33 000 MTEP. Le MTEP basé sur le pétrole
étant alors devenu archaïque, disons plutôt, ce qui est
la même chose, qu'en 2020 la demande globale d'énergie exigera
que la puissance installée passe de 12 aujourd'hui à 30, voire
à 50 térawatts (TW).
Si on ne pense plus uniquement au 11 TW de capacité pour la substitution
aux énergies fossiles, mais à une demande globale d'énergie
qui exigera de 30 à 50 TW de puissance installée dans 15 ans,
ce n'est plus une dépense de USD $ 16,5 trillions qu'il faut prévoir,
mais une dépense de 45 à 75 trillions de dollars américains
durant cette période pour installer la capacité requise !
C'est beaucoup.
On parle de USD $ 3 à 5 trillions par année durant ces
15 ans, ce qui, dans une large fourchette, nous donne pour chaque habitant
de la planète de 500 à 800 dollars par année, en dollars
constants 2006, et de deux � trois fois plus pour chaque travailleur ou autre bénéficiaire d'un revenu, selon les hypothèses de démographie et de participation à l'effort productif que l'on retient. Est-ce que nos ressources économiques nous permettentce d'absorber ce coût, ou la tâche est-elle au-dessus des moyens de l'humanité?
Apparemment, c'est trop cher: c'est près de la moitié du PNB des
USA et, selon les diverses hypothèses que l'on peut poser, deux
à trois fois celui de la Chine ! C'est trop. Mais on va faire
des économies... et les apparences sont bien trompeuses.
La prime au progrès
D'abord, on va faire de sérieuses économies et sans aucun
effort. Nous nous sommes élevés contre la thèse d'une
réduction programmée de la production et de la consommation
d'énergie, laquelle nous semble le négation de tous les espoirs
humains et un risque grave de remplacer une dynamique de progrès
par une attitude défaitiste qui pourrait marquer un tournant pour
le pire dans l'histoire de l'humanité. On ne doit pas remplacer
par moins, on doit remplacer par mieux.
Or, remplacer par mieux entraîne des économies d'énergie.
Il y a déjà 30 ans que l'on constate que le rapport de la
consommation d'énergie à la production globale est en constante
régression et que cette régression est en corrélation
avec l'augmentation du niveau de vie. Ce phénomène n'a rien
de mystérieux et est m�me trivial pour quiconque a lu un peu sur le site
Nouvelle Société : c'est l'effet évident du passage
à une société de services. La fourniture de services
consomme moins d'énergie que la production de biens. Elle carbure
à la pensée et à la bonne volonté.
Cette tendance vers la production d'intangibles va s'accélérer
encore dans les pays développés. À mesure que les
pays en voie de développement vont satisfaire leurs exigences matérielles
de base et demander plus de services, ils atteindront eux aussi les seuils
de tertiarisation que nous avons déjà atteints dans les pays
développés et la consommation RELATIVE d'énergie diminuera
à l'échelle globale.
Il y a des économies à prévoir et il faut les accueillir
avec enthousiasme, parce qu'elles ne sont pas le résultat d'une
volonté d'amoindrir, mais un simple effet de la satiété
et d'une volonté souvent inconsciente d'échapper à
la dépendance envers la matière dont le contrôle peut
en être désormais tenu pour acquis.
Il ne faut pas oublier, cependant, que les deux tiers de l'humanité
n'en sont pas encore là, et que ce n'est pas parce que les usines
qui fonctionnent aux énergies fossiles produisent avec moins de travailleurs
qu'elles font moins de fumée La consommation d'énergie relative
au PNB global diminuera, mais pas la consommation d'énergie en termes
absolus.
Je répète donc qu'il ne faut pas freiner le développement
par une pression à la baisse sur la production d'énergie.
Il faut changer le type d'énergies. Il faut cependant être
réceptif au freinage spontané qui résultera d'une
allocation prioritaire des ressources au secteur tertiaire à mesure
que les besoins matériels essentiels son satisfaits. La consommation
d'énergie se stabilisera et sa production aussi, laquelle, si elle
était indéfiniment augmentée ferait obstacle aux investissements
requis dans les services.
USD $ 75 trillions pour l'infrastructure énergétique en
quinze ans? Les croissances dont l'extrapolation mène à des
absurdités se résorbent d'elles-mêmes. Ce n'est pas
un miracle, c'est une lapalissade. C'est pour ça qu'à partir
de 1973 la consommation d'énergie a cessé de doubler chaque
année, comme elle le faisait depuis assez longtemps pour les naïfs
y voient une loi de la nature.
C'est pour ça que nous n'investirons pas indéfiniment
chaque année dans la production d'énergie trois (3) fois le
PNB de la Chine. Un coût, soulignons-le, qui à terme ne serait
pas moindre si on choisissait de garder la solution des énergies
fossiles. Nous arrivons à l'ère des services et des produits
intangibles. La consommation d'énergie augmentera encore pour un
temps, mais elle atteindra un plateau.
Il est donc d'autant plus important, d'abord de consentir le coup de
collier initial qui nous permettra de passer aux énergies propres
- et d'être encore là pour jouir de l'abondance promise !
- mais ensuite de ne pas rompre prématurément l'essor du développement
par une réduction intempestive de la consommation d'énergie,
laquelle se stabilisera à son rythme dans bien peu de temps.
Cette tendance à une tertiarisation économe en énergie
sera accélérée par l'avènement d'une Nouvelle
Société, laquelle posera des questions sur la part de la production
industrielle qui est indispensable pour le développement et le bonheur
de l'humanité, et les parts qui en sont en simplement utile, discrétionnaire
et même, a la limite, totalement ridicule. Nous discutons de cette
rationalisation de la production industrielle au texte 712
Une Nouvelle Société rationalise la production industrielle
en supprimant tout ce qui est simplement ridicule n'est là que pour
favoriser l'accumulation de richesse virtuelle. Elle rationalise aussi
le transport, par la large substitution du transport en commun au transport
privé dans les zones urbaines et par le quadrillage des zones interurbaines
et rurales par un système ferroviaire adéquat.
Même si on laisse de côté la rationalisation que
devrait amener une Nouvelle Société, il faut s'attendre à
une contraction relative de la production industrielle, simple constat de
la priorité des services dans l'évolution de la consommation.
Cette contraction aura un impact important sur la consommation d'énergie.
On peut donc espérer, sans freiner en rien le développement
réel que souhaitent les populations, que le taux de croissance la
consommation d'énergie diminuera progressivement, à mesure
que la demande pour des biens sera satisfaite et remplacée par
une demande de services de plus en plus intangibles. On peut espérer
qu'elle ne dépassera pas 30 TW en 2020 et ne montera pas beaucoup
plus haut.
On peut l'espérer ... ou ne pas y accorder trop d'attention.
Quand le coût initial de mise en place est amorti, l'énergie
solaire ou éolienne devient bien économique. On fera peut-être
alors des choix sociaux qui encourageront une consommation supérieure
d'énergie au lieu de tenter d'en dissuader. Une question à
régler entre humains; tant qu'on s'en tient au soleil et au vent,
Gaïa s'en fiche.
Au-delà des apparences.
Atteindre une capacité globale de 30 TW pour 2020 exige encore
qu'on y consacre USD $ 3 trillions par année pendant 15 ans. Est-ce
qu'on y arrivera ? On peut dire que l'on parle pour rien, puisqu'il le
faut et qu'on le fera, mais il faut surtout dire qu'on parle de RIEN.
Parler d'argent n'est pas seulement ici inconvenant, mais aberrant,
parce que, non seulement aucune somme ne sera si exorbitante qu'on renoncera
à sauver Gaïa ou même à maintenir notre niveau
de développement, mais surtout parce que l'on parle de « rien
». Tout cet argent est virtuel, symbolique et n'a d'autre réalité
que celle que nous lui prêtons.
Il faut enlever les oeillères monétaristes que nous a
posées le capitalisme pour que nous marchions tout droit et revenir
ici, encore une fois, à cette évidence que nous avons soulignée
si souvent sur ce site: toute matière première est gratuite
; la seule valeur ajoutée, c'est le travail. Il faut donc poser
autrement la question de notre aptitude à relever le défi
de la mise en place de cette capacité énergétique de
30 TW.
Si l'on veut bâtir des éoliennes ou des capteurs photovoltaïques
et les installer, non pas dans le miroir financier, mais dans la réalité,
on ne parle pas d'or, de monnaie, ni de signes dans un ordinateur qu'un
État peut manipuler. On parle de trois (3) choses : les connaissances
techniques requises, la main-d'uvre adéquate et, enfin, des quantités
relativement modestes de matières premières qui ne sont pas
rares, même si le marché du sélénium pour les
capteurs solaires a été et peut encore être manipulé
pour en donner l'impression.
Quand on a ces trois éléments, on peut bâtir des
éoliennes ou des capteurs photovoltaïques et les installer.
L'argent n'entre dans cette équation que pour faciliter l'utilisation
des facteurs. Il y aura toujours l'argent nécessaire pour payer ce
qui est essentiel, puisque s'il nous faut un peu plus de monnaie, c'est
le rapport de l'argent aux bien réels qui va devoir s'ajuster et
que c'est la valeur même de l'argent qui va fluctuer.
Il faut donc plutôt demander : « Pouvons-nous disposer des
matières premières nécessaires et des ressources humaines
adéquates pour faire le travail d'implantation des éoliennes
et des capteurs solaires qui pourront fournir à l'humanité,
d'ici 15 ans, les milliers de terawatts-heures par année d'énergie
dont elle aura besoin? » Quand la question est ainsi posée,
la réponse est évidemment : OUI. On formera les ressources
et on les aura. C'est un choix.
Le miroir monétaire est une fascinante distraction pour une civilisation
en croissance, mais on ne périra pas pour protéger le miroir.
Il n'y a aucun obstacle RÉEL à ce que la transformation
totale de la production d'énergie à l'éolien et au
solaire se fasse. Il n'y a pas de « coût exorbitant »;
il n'y a que du travail que l'on ne veut pas encore faire. Du travail que
l'on ne veut pas financer, alors que son financement ne changerait pourtant
pas d'un l'iota les biens réels dont disposent ceux qui ont aujourd'hui
l'argent.
La transformation vers l'éolien et le solaire n'est plus un défi
technique. Il n'y a aucune raison pour que le travail nécessaire
ne soit pas fait. Sa réalisation dépend de l'issue d'une guerre
à gagner contre les lobbies des hydrocarbures et du charbon. Une
guerre à gagner contre les mauvaises habitudes. Une guerre pour le
bon sens. La première bataille à livrer, c'est celle d'un
véritable accord pour que le passage à l'éolien et
au solaire puisse se faire
La Bataille de Kyoto II
N'importe quel pays peut décider demain, de son propre chef,
de cesser la consommation ou la production d'énergies fossiles. Il
y gagnera sur le plan environnemental et, tôt ou tard, sur le plan
économique également. Ce n'est pas ça, toutefois, qui
réglera le problème du réchauffement de la planète.
Pour régler ce problème, il faut une action concertée.
Une décision globale. Kyoto.
Mais Kyoto a été une bataille perdue. Elle l'a été
parce qu'on y a introduit une composante de décroissance. Il faut
livrer une Deuxième bataille de Kyoto, laquelle, cette fois, n'évoquera
pas l'hypothèse irrecevable de diminuer la consommation d'énergie
sur la planète, mais posera le problème dans sa véritable
dimension qui est de se mettre au travail et d'apporter les changements
nécessaires à notre approvisionnement en énergie.
Si on veut que « Kyoto II » soit autre chose qu'un autre
coup d'épée dans l'eau, il faudra qu'il se traduise par un
engagement ferme des pays en développement comme des pays développés
de faire rapidement tout ce qu'il faut pour que tout ce qui fonctionne aujourd'hui
aux énergies fossiles fonctionne rapidement à l'éolien
et au solaire.
L'accord de Kyoto II doit être universel. Il doit prévoir
une diminution progressive de la production des énergies fossiles
ainsi que des quotas d'achat dégressifs pour les pays importateurs
qui soient ajustés à cette baisse de production. Il faudra
que cet accord soit assorti de conditions sévères, que les
pays signataires s'engageront à faire respecter par un embargo total
sur les échanges de toute nature avec les pays délinquants.
Si ce qu'on nous dit est vrai, la transformation aux énergies
propres est urgente pour Gaïa et donc pour nous. Il faudra donc établir
un échéancier. À discuter, mais disons 20 ans, pour
qu'il ne s'utilise plus de combustibles fossiles, avec un oeil sur la suppression
des autres sources de gaz à effet de serre dont ils ne faudrait
pas que l'élimination du charbon, du pétrole et du gaz, fasse
exploser l'utilisation. C'est une décision pour les énergies
propres que l'on prend.
Un échéancier suppose un plan. Il faut qu'il soit préparé,
fasse consensus et soit appliqué. Il faut que chaque année
l'on puisse faire le point, fustiger les contrevenants, aider les retardataires,
corriger les bévues.
Sauver le monde, l'Histoire en a fait la preuve, n'est pas une motivation
suffisante pour pousser les gens à l'action. Il leur faut un petit
bonus. Qu'est-ce qu'on offre pour les motiver à sauver leur peau
?
Pour les pays en voie de développement et les pays sous-développés,
la carotte officielle est la possibilité d'une autosuffisance énergétique
à laquelle ils n'ont jamais pu rêver, sauf s'ils sont eux-mêmes
producteurs d'énergies fossiles. Officieusement, c'est aussi le
boom économique qui ira de paire avec leurs efforts pour mettre en
place les infrastructures de production et distribution des nouvelles énergies.
Les pays en voie de développement ou sous-développés,
cependant, ne pourront, assumer eux-mêmes le financement de cette
transformation. S'ils s'y essayaient, ils retarderaient leur développement
et, pendant des décennies additionnelles, imposeraient la pauvreté
à leurs populations déjà pénalisées de
ce que les pays développés se soient industrialisés
avant elles.
Ce boom qui les motivera à faire les transformations nécessaires
et à suivre la même voie vers l'éolien et le solaire
ne sera donc possible que s'ils reçoivent une assistance financière
et technique massive mais ciblée qui leur permettra de les faire.
Les pays développés doivent être disposés à
fournir cette assistance. Ils la fourniront d'autant meilleure grâce
qu'ils financeront ainsi, pour une large part, la vente à ces pays
de leurs équipements et de leur expertise.
Pour les pays développés, le bonus sera ces 30 trillions
de contrats, qui leur échoiront nécessairement presque en
totalité, puisque ce sont eux qui ont les brevets, feront les plans,
vendront les équipements et, au moins au départ, fourniront
le plus clair de la main-d'oeuvre spécialisée. Ils auront
aussi la satisfaction supplémentaire de s'affranchir d'une dépendance
envers les pays producteurs d'énergies fossiles qui leur pèse
de plus en plus lourd.
Les conditions de crédit qui seront accordées aux pays
en développement et les plans vers l'autosuffisance énergétique
qu'on leur proposera détermineront pour une bonne part le succès
de leur passage rapide aux énergies solaire et éolienne. Il
faudra que les banquiers fassent quelques ajustements, mais l'opération
demeure dans la ligne de ce qu'ils font déjà. Une Nouvelle
Société le financera autrement, mais le résultat sur
le terrain sera identique : on captera l'énergie éolienne
et solaire partout.
Le financement de l'opération de transformation elle-même,
cependant, ne sera qu'une partie du problème que posera aux pays
en voie de développement et aux pays sous-développés
le passage aux énergies propres. Cette transformation va modifier
les termes d'échanges et les conditions de concurrence entre tous
les pays.
Il faudra donc que soit trouvée une solution qui permettra que
ne soit pas irrémédiablement bouleversé l'équilibre
de l'économie mondiale. Cette solution sera une combinaison de dons
et de prêts qui devra être négociée simultanément
aux ententes concernant la transformation elle-même au solaire et
à l'éolien.
Seront particulièrement touchées, naturellement, les économies
et la position concurrentielle dans le monde des pays producteurs et surtout
exportateurs de combustibles fossiles. Il faudra aussi en tenir compte.
Il faudra prévoir des mesures d'aide à la transition pour
s'assurer que cette perte de marchés n'entraîne pas pour eux
des conséquences politiques dramatiques. C'est une question épineuse.
Je ne la réglerai pas aujourd'hui... Il faudra bien, cependant, que
l'on s'attaque au problème. La bonne nouvelle, c'est que la transition
se fera sur 20 ans. On a le temps de voir venir.
Sortir des énergies fossiles impose une logistique impeccable.
Entrer dans l'ère de l'éolien et du solaire n'est pas moins
exigeant. Il faudra rendre plus efficaces les moyens de stockage et de distribution
de l'énergie. Par l'électricité d'abord, puisque le
lien entre la captage par cellules photovoltaïques et la distribution
de l'électricité peut être direct, mais en pensant aussi
à d'autres vecteurs, comme l'hydrogène, puisque la disponibilité
en abondance des énergies propres éliminera l'obstacle majeur
à sa fabrication et donc à son utilisation généralisée.
Conclusion
Un vaste mouvement s'est désormais engagé pour réduire
la pollution et stopper le réchauffement de la planète. Ce
mouvement doit relever le double défi, d'une part de passer au solaire
et à l'éolien, mais aussi, d'autre part, de sortir sans catastrophe
politico-économique d'un monde drogué aux énergies
fossiles.
Ce mouvement réussira d'autant mieux qu'il adoptera une attitude
positive, conquérante, messianique On ne convaincra pas l'humanité
d'accepter un sevrage de l'énergie qui est un modèle de régression
vers la pauvreté. On peut la convaincre, cependant, de consentir
avec ferveur les efforts pour passer à des énergies propres.
Plutôt que d'exiger de l'humanité des sacrifices qu'elle
ne consentira pas, il serait plus astucieux et plus efficace pour le mouvement
de défense de l'environnement de se donner pour objectif concret
le passage accéléré aux énergies propres complémentaires
que sont l'éolien et le solaire.
Dans le respect de l'hydroélectricité en place, un coup
d'il sur la géothermie et une ouverture d'esprit au maréthermique,
mais, pour l'essentiel, miser sur le vent et le soleil. Un travail énorme
à faire, mais tout à fait réalisable et qu'on doit
accomplir sans délai. Pour l'amour de Gaïa. Pour l'amour de
nous-mêmes.
Pierre JC Allard