Tome II
Chapitre 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 13
Tome I

 

 

Un homme malade ce n'est jamais beau à voir. Depuis deux jours José se traînait du lit à la salle de bain son front brûlant entre les mains, un rouleau de papier toilette rose sous le bras.
"Aahh, j'ai mal à la tête…" c'est tout ce qu'il disait quand il levait les yeux vers Louise qui essayait par tous les moyens de le convaincre d'aller voir un médecin.
"Il ne pourrait pas venir ici ?" dit José en reniflant dans son papier rose, il était couvert jusqu'aux oreilles sous sa couette épaisse mais la fièvre le faisait encore trembler.
"Oh, écoute, tu n'es pas mourant quand même, c'est à deux pas, on y va, allez, lève toi."

Le docteur Jolivet avait une petite salle d'attente où étaient assis sept adultes. Les enfants dépassaient dans le couloir, il y en avait debout, assis sur les genoux et dans les poussettes. Certains criaient mais la plupart étaient calmes et occupés avec l'un de leurs jouets ou une des revues de jardinage placées sur la petite table basse.
De temps en temps on entendait les voix du docteur et de ses patients venues de la salle de consultation, par dessus, la petite musique d'ambiance empêchait qu'on ne sache de quoi il retournait.
Tandis que José continuait de se moucher et de somnoler les yeux larmoyants, Louise observait le manège des enfants qui avaient déjà organisé une sorte de jeu autour de l'entrée de la salle d'attente. Il s'agissait manifestement d'entrer et de sortir sans toucher du pied la barre en métal doré qui raccordait les deux morceaux de moquette sous la porte. Le petit dans la poussette était attaché et se remuait dans tous les sens pour s'extirper de ses liens, il voulait participer au jeu des grands, le plus grand, lui, sous les ordres de sa mère, tentait de distraire le petit et d'agir en jeune garçon responsable : il ne fallait pas déranger les malades. Le petit commençait à crier un peu et les biscuits que son frère lui tendait avec insistance ne résolvaient pas le problème car l'un des autres enfants presque du même âge, le narguait du regard en faisant rouler une petite voiture type 4L rouge qui faisait du bruit sur la moquette du couloir du cabinet médical.
Le docteur Jolivet apparut enfin. Une déception pour Louise… la famille suivante entrait avec trois enfants, le petit à la voiture rouge, et deux grands qu'elle n'avait pas remarqués jusqu'alors car ils étaient occupés autour des revues du docteur. Une vieille habitude française voulait que les médecins sous-estiment toujours le temps de leurs consultations et acceptent une famille entière soit trois ou quatre patients sous couvert d'un unique rendez-vous. L'attente n'en était que plus longue et plus pénible, déjà une heure s'était passée et il restait toujours autant de monde dans la petite pièce. Les néons un peu anciens donnaient un air blanchâtre plutôt livide aux patients impatients.
Au retour José se sentait un peu mieux, c'était sans doute le fait qu'un médecin l'ait vu et ne se soit pas inquiété de son état ("Juste un petit virus hivernal Monsieur, ce qu'il vous faut c'est du repos, et je vais vous faire une ordonnance…") qui lui avait remonté le moral. Il observa le gel sur le pare-brise des voitures, et les arbres nus et presque noirs qui se détachaient sur le ciel blanc. C'était vraiment étrange ce ciel bas, un ciel qui paraissait vous tomber sur la tête, on n'y voyait pas les gros nuages blancs, auxquels il était habitué, se déplacer très haut dans le ciel bleu. Parfois des masses grises obscurcissaient la lueur déjà pâle du soleil distant et la pluie, ou la neige, tombait sur la ville.
Ils se pressèrent sous le porche d'entrée de leur petit immeuble, tirant maladroitement sur leurs gants pour attraper leurs clés, la boîte aux lettres était pleine, entre deux prospectus de supermarché et le journal de petites annonces du quartier, ils trouvèrent une magnifique vue de la plage de Canto, et se sentirent un peu réchauffés par cette image venue de l'autre continent. Ils montèrent rapidement et retrouvèrent la chaleur du chauffage central dans leur petit appartement. José se moucha pendant que Louise lui lisait la carte postale de Cordélio :
"Chers amis, nous pensons bien à vous, vous nous manquez ! Paris a l'air d'une ville superbe ! Merci pour votre carte. Le petit va bien, il a beaucoup grandi, il adore aller à la lanchonete avec moi, Socorro reste souvent à la maison car elle attend un deuxième bébé ! Meilleur souvenir. Cordélio et Socorro"
"Oh, un deuxième bébé déjà ! c'est formidable ! dit Louise."
Le nez dans ses kleenex José reniflait toujours, "Formidable, comme tu dis !" il rit un peu, "les brésiliens sont incroyables ! tellement d'enfants sans même savoir de quoi ils vont vivre !"
"Tu exagères, Cordélio est travailleur, il arrivera toujours à subvenir aux besoins de sa famille."
"Il faut espérer."
"Bon tu devrais prendre tes médicaments et dormir un peu, le médecin te l'a dit : rester au lit et prendre du repos !"
José retira ses chaussures en ronchonnant un peu.

 
 
Tous droits réservés
© Juliette Silva
[email protected]
 
Hosted by www.Geocities.ws

1