Tome II
Chapitre 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 13
Tome I

 

 

Tous les moments passés au téléphone avec la famille de José et les frères et sœurs de Louise ne rendaient pas au jeune couple cette sensation de chaleur humaine qui leur manquait depuis leur arrivée en France. Parfois Jeanne appelait sa nièce avec une invitation à dîner ou à prendre le thé mais ces moments étaient emprunts d'une certaine formalité qui leur déplaisait un peu. Enfin ce fut Noël et l'on se réunit chez Jeanne pour la grande fête de famille annuelle qu'elle aimait organiser depuis que leurs parents étaient décédés.
Louise et José étaient arrivés tôt mais la tante Carole et sa famille les avaient devancés ainsi que le grand-oncle. Assis dans le salon autour de la grande table basse, chacun à son tour posait une question au grand-oncle renfrogné qui avait vécu la guerre quarante et détestait l'Europe, bougonnant et toussotant derrière son grand mouchoir à carreaux.
Les cousins de Louise, deux adolescents aux cheveux châtains, entraient et sortaient du salon si rapidement qu'on n'avait pas le temps de voir quel était le plus jeune ni de leur demander comment allaient leurs études. Avec une habitude toute familière ils traversaient le grand appartement évitant avec dextérité les journaux empilés dans le couloir par leur père, le géographe, toujours à l'affût des remues ménages tectoniques et autres accidents naturels dont il étudiait la récurrence "sous l'angle du rationalisme" aimait-il à ajouter. Rémi surveillait de son fauteuil ses deux fils qui n'avaient pas hérité de son calme légendaire, il lançait de temps en temps un petit "Oh! Oh! Oh!" qui visait à apaiser les disputes naissantes mais n'attirait plus aucun regard tant la musique en était habituelle.
Tout au fond d'un troisième fauteuil gris aux grands bras un peu râpés, une jeune femme maigre et musclée s'était affalée avec dans les bras le petit dernier de Carole ("Décidément ! Que des garçons" disait la jeune maman en riant) il n'avait pas quatre ans et une nounou anglaise lui avait été allouée pour occuper ses longues journées d'enfant non-scolarisé.
"Germain" fit Louise "viens me voir, on va jouer à la voiture".
Germain se tortillait sur les genoux de Cathy qui le laissa s'élancer vers les petites voitures colorées qu'il avait abandonnées plus tôt aux pieds de sa cousine.
"Le camion" dit-il en propulsant son camion jaune dans les chaussures du grand-oncle Léon.
"Tiens" grommela Léon en lui tendant l'objet. Il n'était pas mauvais homme mais il fallait bien dire que son intérêt pour les enfants se limitait à l'origine de leurs prénoms (exercice auquel il était absolument incollable) et à leur ascendance… il était bien entendu féru de généalogie.
José observait toujours avec attention l'appartement de Rémi et Jeanne, il était grand mais paraissait petit, enfin étriqué, oui il était… rempli ! Contemplant la bibliothèque d'où débordaient des dizaines de livres de poche blanchâtres, José se souvint soudain de la publicité sur l'espace de stockage, les français avaient décidément besoin d'espace !
S'il n'avait pas été retenu par la gêne qu'imposait le formalisme français, il aurait lancé une bonne blague à la brésilienne sur la vanité des choses terrestres. Un léger sourire apparut sur son visage au moment même où il tournait les yeux vers Jean-Marc, assis près du sapin de Noël, dont le visage était éclairé par les lumières clignotantes rouges et vertes, il avait l'air de sortir d'une piste de danse.
"Et vous José ? comment va ?" vous travaillez, je crois, vous êtes journaliste ?"
"Oui, enfin, au Brésil, ici je suis office-boy"
"Ah, et ce n'est pas trop frustrant de ne pas pouvoir exploiter vos capacités ?"
'"Non" les questions de Jean-Marc avaient toujours quelque chose d'un peu négatif une sorte de désir de comprendre votre éventuelle souffrance… "du moment que je gagne ma vie, je m'estime heureux, sourit José, de nos jours ce n'est pas si facile d'avoir un travail, et puis j'écris quelques articles sur la France…"
"Ah ! Formidable, approuva Jean-Marc "et sur quoi donc ?"
"Sur la vie en France, les événements politiques aussi."
José n'avait pas envie d'entrer dans les détails de ses articles, il n'avait envoyé que deux papiers depuis son arrivée et ils avaient été largement coupés à la parution.
"Vous aimez la politique ?" demanda la jeune anglaise.
"Eh bien, oui", dit José en riant "comme tous les journalistes je crois !"
"Moi je déteste ça !" rétorqua-t-elle avec une moue renfrognée "chaque fois qu'on en parle les femmes se taisent et les hommes se disputent…"
"Vous exagérez Cathy intervint Jeanne qui se sentit offensée dans son orgueil de femme d'affaires hyper politisée.
"Elle n'a pas tout à fait tort s'écria Louise qui avait des souvenirs de terribles disputes familiales autour du thème des prochaines élections.
"Vroum, vroum" lança Germain qui se déplaçait à genoux vers sa nounou en poussant d'une main la voiture rouge et de l'autre le camion jaune.
Enfin arrivèrent Claude et Annick, la plus jeune des tantes de Louise. Annick avait été la grande sœur française de Louise lors de ses études à Paris, elle était la benjamine et pas encore mariée à l'époque. Aujourd'hui maman de deux petites jumelles aussi blondes qu'elle était brune, elle semblait beaucoup plus distante à Louise, toujours occupée à surveiller Marthe et Marie, la tête toujours ailleurs de tant penser à elles, les yeux fixés sur elles, une main sur l'une, un bras autour de l'autre… il était bien rare de la voir discuter avec quelqu'un plus de deux minutes sans interruption.
Son mari tentait parfois de s'occuper de ses deux filles mais la maman reprenait bien vite ses droits sur ce papa qui n'était jamais assez proche, assez attentif, assez rapide… pour répondre aux besoins des jumelles.
Etrangement, durant cette réunion de famille, c'était à José que revenait l'honneur de s'occuper des deux demoiselles. Du haut de leurs deux ans, Marie et Marthe éprouvaient une admiration sans borne pour cet homme si différent qui riait en leur racontant des bêtises qu'elles ne comprenaient bien entendu pas du tout mais écoutaient sans se fatiguer, assises chacune sur un genou, tirant son col et à l'occasion ses cheveux courts avec des petits gloussements de bonheur. Louise, un peu jalouse au fond que son mari soit si populaire auprès de deux enfants qui n'étaient même pas les siens, riait tout de même de bon cœur.
On avait déjà apporté les petits fours salés et servit un verre de vin blanc en guise d'apéritif, il fut bientôt temps de passer à table.

 
 
Tous droits réservés
© Juliette Silva
[email protected]
 
Hosted by www.Geocities.ws

1