Tome I
Chapitre 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 13
Tome II

 

 

Il arrivait toujours un moment où il fallait sans faute aller à la banque. Aussi fort qu'ils essayaient, tous les guichets électroniques du monde ne suffiraient jamais à régler l'ensemble des opérations qu'on se devait d'effectuer dans ces temples de l'argent fugitif.
La première tâche bancaire du mois consistait à aller chercher le salaire de José sur le compte que l'entreprise avait ouvert pour lui et à l'emporter jusqu'à la banque où il avait son propre compte fixe -un compte qui ne disparaissait pas lorsqu'il changeait d'entreprise. Parfois cette opération était rapide, par exemple, si la banque A possédait des distributeurs automatiques, il était possible de retirer son salaire là après une attente acceptable dans la file de gens venus le jour de leur paye pour faire la même chose que José. La seconde condition, était que le découvert sur le compte de la banque B (ou banque destination, ou compte propre) ne soit pas arrivé au point de limite où tout retrait résulterait en un dépassement du rouge pré-négocié avec l'agence. Si tel n'était pas le cas, José pouvait là encore faire bon usage de la machine électronique qui garantissait qu'en quarante-huit heures son argent atteindrait son compte. Malheureusement, les factures aussi arrivaient à cette période de collecte des salaires et, elles aussi, se payaient à la banque. Ainsi était-il plus commode ou disons plus logique, de faire la queue à l'intérieur de la banque B pour à la fois déposer l'argent provenant de la banque A et en même temps payer les factures qui avaient déjà atteint le seuil de la porte de l'appartement 204. Cela prenait en général une bonne heure.
Fatigué et affamé, José sortit de la banque où il venait d'effectuer ses corvées mensuelles et se dirigea vers la lanchonete de Cordélio dans l'intention d'y trouver une oreille et un petit café. Cordélio était là et ne manqua pas cette occasion inespérée de compter ses déboires mobiliers. Les deux hommes commencèrent énervés, jetant de ci de là des jurons du terroir, refaisant le monde et renversant le président cent fois. Au bout du troisième café, le sourire était revenu et déjà Cordélio faisait de nouveaux plans d'aménagement où il empruntait en pensée à tous ses copains, leur offrant en échange des parts de la société qu'il allait créer :"hotdogdahelp.com.br". José trouvait l'idée géniale, il pouvait lui présenter quelqu'un qui mettrait en place le site Internet, Cordélio aurait seulement besoin d'un ordinateur, il recevrait les commandes de 'chiens chauds' par Internet ! C'était ça la modernité ! Ils allaient faire fortune !
José entama un hot-dog avec appétit, il avait atteint la dernière bouchée lorsqu'il se souvint enfin que Louise l'attendait pour déjeuner. Il paya et salua Cordélio qui l'engageait à revenir dès que possible mettre au point les détails de leur projet. Il se dirigea vers l'arrêt de l'autobus, il y avait là une cabine téléphonique bleue en forme d'oreille, il sortit sa carte pour appeler sa femme.
"Eh bien où es-tu ?"demanda Louise sans attendre.
"Je suis encore en ville, excuse moi ma chérie, j'ai pris un café avec Cordélio et je n'ai pas vu le temps passer…"
"Tu rentres ou tu vas directement travailler ?"
"Non, non, j'ai le temps de rentrer, j'arrive !"José savait que son épouse se sentait trahie lorsqu'il oubliait qu'elle l'attendait, comme elle ne travaillait pas, les journées se tournaient parfois monotones dans cet environnement étranger, éloigné de sa famille. Il se sentit soudain triste d'avoir laissé sa femme seule, triste de ne pouvoir lui offrir des conditions de vie meilleure, triste de ne pas pouvoir l'emmener ailleurs par ses propres moyens. En vérité José comptait sur elle, il pensait que ce serait bon pour eux deux, la France, mais il ne voyait vraiment pas comment il pourrait participer à l'organisation de ce départ."Et le journal ?"pensa-t-il"je suis quand même journaliste, ça devrait pouvoir me permettre de voyager, ça !". 'De notre correspondant en France', voilà une phrase qui sonnait bien, 'de notre correspondant culturel en France', l'imagination fertile de José commençait à travailler, il pourrait réellement utiliser sa profession à l'étranger, 'de notre correspondant culturel international', mais oui, si le journal l'envoyait il aurait accès non seulement à la France mais à toute l'Europe, voir au reste du monde ! Il était maintenant impatient d'arriver chez lui : Louise allait adorer l'idée !

"Ah oui ? Tu crois que c'est une possibilité ?"
"Et comment que c'est une possibilité ! Ricardo va adorer, tu vas voir. On manque toujours de nouvelles internationales, je pourrais couvrir les événements culturels ou écrire une chronique hebdomadaire..."
"Tu pourrais en effet essayer…"la jeune-femme demeurait dubitative, le journal allait-il accepter un accord comme celui-là ?
"Mais oui, j'ai une profession internationale, universelle dirais-je même, il s'agit simplement d'obtenir ma carte de journaliste internationale… bon, j'y vais Loulou, à tout à l'heure !"termina-t-il se dirigeant de nouveau vers la porte qu'il avait passée quelques minutes auparavant.
"José ! et ton repas ! tu n'as rien mangé !"
Sans l'écouter José était reparti vers l'arrêt de bus, voyant que celui-ci était désert il poussa jusqu'à la route principale où passaient tous les bus pour le centre, il s'arrêta pour attendre un véhicule avec une grande impatience : sa conscience de la distance à parcourir l'avait fait renoncer à regrets à son envie première d'aller au journal à pied.
Entrant enfin comme une furie dans la salle de son rédacteur, José sans demander pardon, se mit à expliquer à Ricardo tous les détails de son idée. Au fur et à mesure qu'il parlait en sautillant d'un pied sur l'autre, le journaliste s'aperçut que son rédacteur, assis en face de lui, avait une allure un peu différente. Qu'était-ce donc ? se demandait-il tout en continuant ses explications, la casquette ? Non, il avait déjà vu Ricardo en casquette à plusieurs reprises. La chemise ? mais cette chemise n'était pas neuve, il l'avait déjà mise au journal, la barbe alors ? Ricardo l'interrompit dans ses pensées pour lui poser une question.
"Combien ?"demanda-t-il seulement.
"Combien quoi ?"demanda José encore surpris par la brusque intervention de son chef.
"Combien tu voudrais que je te paye pour ce travail dont tu parles."
Soudain José vit clairement ce qu'il y avait d'étrange dans l'apparence de son rédacteur, il ressemblait avec tous ces éléments rassemblés - la barbe, la casquette, la chemise à carreaux - à une caricature d'américain du Nord. Il sourit en se demandant si Ricardo se prenait pour le héros d'un film Hollywoodien.
"Je ne sais pas Ricardo…"répondit-il enfin"C'est un travail intéressant pour le journal, non ?"
"Effectivement, tu sais exactement de quoi nous manquons dans nos colonnes, n'est-ce pas ?"
"Bon, l'idéal pour moi serait que tu doubles mon salaire, mais si la direction ne peut pas se le permettre on peut faire un accord."
"Par exemple ?"
"Par exemple, tu nous aides à partir…"

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