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Dedication Le Chapitre I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV

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C'est alors qu'apparut le renard.
-Bonjour, dit le renard.
-Bonjour, repondit poliment le petit prince, qui se tourna mais ne vit rien.
-Je suis la, dit la voix, sous le pommier.
-Qui es-tu? dit le petit prince. Tu es bien joli...

-Je suis un renard, dit le renard.
-Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
-Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoise
-Ah! Pardon, fit le petit prince.
Mais apres reflexion, il ajouta :
-Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
-Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu?
-Je cherche les hommes, dit le petit prince.Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
-Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien genant! Il elevent aussi des poules. C'est leur seul interet. Tu cherches des poules?
-Non, dit le petit prince. Je cherche des amis.Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
-C'est une chose trop oubliee, dit le renard. Ca signifie "Creer des liens..."
-Creer des liens?
-Bien sur,dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garcon tout semblable a cent mille petits garcons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'a pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable a cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...
-Je commence a comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoise...
-C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...
-Oh! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince. Le renard parut tres intrigue :
-Sur une autre planete ?
-Oui.
-Il y a des chasseurs sur cette planete-la ?
-Non.
-Ca, c'est interessant! Et des poules ?
-Non.
-Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint a son idee :
-Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillee. Je connaitrai un bruit de pas qui sera different de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appelera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois, la-bas, les champs de ble? Je ne mange pas de pain. Le ble pour moi est inutile. Les champs de ble ne me rappellent rien. Et ca, c'est triste! Mais tu a des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'aura apprivoise! Le ble, qui est dore, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le ble...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
-S'il te plait... apprivoise-moi! dit-il.
-Je veux bien, repondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis a decouvrir et beaucoup de choses a connaitre.
-On ne connait que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaitre. Il achetent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!
-Que faut-il faire? dit le petit prince.
-Il faut etre tres patient, repondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ca, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus pres...
Le lendemain revint le petit prince.
-Il eut mieux valu revenir a la meme heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, a quatre heures de l'apres-midi, des trois heures je commencerai d'etre heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, deja, je m'agiterai et m'inquieterai; je decouvrira le prix du bonheur! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais a quelle heure m'habiller le coeur... il faut des rites.
-Qu'est-ce qu'un rite? dit le petit prince.
-C'est quelque chose trop oublie, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est different des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux! Je vais me promener jusqu'a la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurait point de vacances.

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du depart fut proche :
-Ah! dit le renard... je preurerai.
-C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
-Bien sur, dit le renard.
-Mais tu vas pleurer! dit le petit prince.
-Bien sur, dit le renard.
-Alors tu n'y gagnes rien!
-J'y gagne, dit le renard, a cause de la couleur du ble.
Puis il ajouta :
-Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.
Le petit prince s'en fut revoir les roses.
-Vous n'etes pas du tout semblables a ma rose, vous n'etes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoise et vous n'avez apprivoise personne. Vous etes comme etait mon renard. Ce n'etait qu'un renard semblable a cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses etaient genees.
-Vous etes belles mais vous etes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sur, ma rose a moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais a elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosee. Puisque c'est elle que j'ai abritee par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tue les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai ecoutee se plaindre, ou se vanter, ou meme quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.
Et il revint vers le renard :
-Adieu, dit-il...
-Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est tres simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
-L'essentiel est invisible pour les yeux, repeta le petit prince, afin de se souvenir.
-C'est le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
-C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
-Les hommes on oublie cette verite, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoise. Tu es responsable de ta rose...
-Je suis responsable de ma rose... repeta le petit prince, afin de se souvenir.
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