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A Marseilles, on peut raconter des trucs incroyables, si
on le fait avec humour et avec esprit: on appelle ces mensonges énormes,
innocents parce qu'on ne peut pas y croire un instant, des galéjades.
Au Québec - comme dans le reste du monde d'ailleurs - la télévision,
la radio, les journaux, les panneaux-réclames servent un flot de
galéjades pour lesquelles on n'exige ni humour ni esprit pour autant
qu'on y mette le fric: on appelle ça la publicité.
Tout le monde est pour la vérité, mais tout le monde soutient
de ses deniers, à coup de milliards, des mensonges énormes.
Des galéjades qui sont bien moins innocentes qu'à Marseilles,
puisqu'on finit toujours par y croire un peu, et qu'elles deviennent alors
les amorces d'une infinité de petites escroqueries ainsi perpétrées
jour après jour sur le monde ordinaire.
On sait bien que le Savon A n'a pas "un arôme qui enchante tous
les hommes", et qu'il est ridicule de dire que "9 sur 10 des principales
étoiles de l'écran emploient le Savon B". Mais vraiment
personne n'est-il dupe, quand on affirme que tel tissu résiste mieux
à l'usure, ou que la carrosserie en alliage X de Superbazou résiste
mieux aux collisions que celle des Supertacots?
On a gaspillé l'an dernier, au Canada, TROIS MILLIARDS de dollars
- le prix du métro ET du stade olympique! - pour raconter des balivernes,
faire avaler des couleuvres et faire passer un peu plus vers "ceux
d'en haut" l'argent du monde ordinaire. Tout ça pour "informer"
le consommateur - qu'on nous dit - comme si on informait quand on dit n'importe
quoi! Ça galèje beaucoup dans la publicité...
Les publicistes ne pourraient-ils pas nous donner (vendre)
presque l'heure juste? L'heure juste, à la limite, ce serait de dire
au consommateur "la vérité, toute la vérité
et rien que la vérité", comme on dit au tribunal. Ce
qui serait trop demander, parce qu'il y a mentir et galéjer, et qu'on
ne veut pas interdire une activité qui donne de la couleur aux murs
et qui suscite une saine émulation au niveau des vendeurs tout en
encourageant nos créateurs. Presque l'heure juste, parce qu'il faudrait
cependant interdire que l'on mente effrontément à la population.
Il y a galéjer... et mentir. Quand Pepsi prétend s'identifier
à une génération, ça ne m'inquiète pas.
Si American Express laisse entendre que sa carte donne accès en "avant-première"
à des représentations artistiques, ça me fait dresser
un peu l'oreille, mais bon... passons. Mais si Advil et Tylenol, prétendent
tous deux soulager mieux que leurs concurrents les maux de tête, je
dis: STOP!
Stop, parce que ceci est un fait - et dans ce cas, un fait important. Il
faudrait qu'on sache si oui ou non l'un ou l'autre de ces médicaments
est plus efficace que ses concurrents, et dans quelles circonstances. Comme
il faut que la population sache que les concurrents d'Aspirine qui utilisent
uniquement le même bon vieil acide acetylsalicilique n'offrent pas
autre chose que la bonne vieille aspirine.
Si on allègue un fait vérifiable, qu'on vérifie. Si
on veut dire d'un savon qu'il peut laver plus blanc, d'un dentifrice
qu'il préviendra mieux les caries - et surtout d'un médicament
qu'il guérit! - on ne devrait pouvoir le dire que quand la preuve
en a été faite.
Dans une Nouvelle Société, tout annonceur
de services ou de produits vendus sur le marché qui prétend
que ceux-ci permettent d'obtenir un résultat vérifiable, ou
sont supérieurs aux services ou produits concurrents, devrait pouvoir
en faire la preuve à la satisfaction d'un Office de la Publicité
qui serait créé à cet effet.
Attention, il ne s'agit pas de mettre en place la Censure ou l'Inquisition.
On voit l'horreur d'un système où chaque écrit, chaque
message télédiffusé ou radiodiffusé serait soumis
au contrôle de l'État! On ne parle ici que des documents diffusés
dans le public dont l'objectif est de vendre et qui alleguent des
faits vérifiables.
Rien donc qui puisse créer obstacle à une dissémination
des idées ou des opinions, rien qui puisse empêcher qui que
ce soit, par exemple, de prôner un parti politique ou une religion...
à moins que ce parti ou cette religion ne vende le paradis
dans une bouteille, auquel cas ils devraient être assujettis aux mêmes
règles que les vendeurs de quelqu'autre camelote. Rien non plus pour
empêcher qu'on demande des fonds pour une cause, puisqu'on ne vend
alors rien en retour.
Mais s'il s'agit de convaincre le public d'acheter et de payer, et si l'annonceur
veut prétendre que son produit lave mieux, guérit mieux ou
est utilisé par un nombre ou un pourcentage donné de la population
en général ou d'un groupe en particulier - (les vedettes ou
les dentistes, etc.) - il faudrait qu'il en fasse la preuve avant la diffusion
du message. La preuve selon les critères et normes de l'Office de
la Publicité, et qu'il obtienne de celle-ci un "sceau de vérité".
Disons vite que la majorité du matériel publicitaire
n'alléguant pas de faits vérifiables, ou ne disant que de
bêtes évidences, on n'aura pas besoin d'y apposer un sceau
de l'Office. Que le publiciste y aille sans craintes pour nous dire que
boire une eau gazeuse nous rafraîchit, ou - ô merveille! - "que
du beurre, c'est du beurre". Tout est dans le ton, et ça ce
n'est pas du mensonge, c'est du talent.
Mais si on veut diffuser un message publicitaire qui affirme quelque chose
qui prête à controverse, on devrait pouvoir être en mesure
de prouver ce qu'on affirme. Je n'aime pas, par exemple, qu'on suggère
à l'acheteur que les dentistes recommandent un dentifrice plutôt
qu'un autre... à moins qu'on ne le prouve, auquel cas je voudrais
qu'on le crie bien plus fort.
S'il y a doute - et c'est l'annonceur qui devrait avoir le fardeau de la
preuve - toute publicité devrait avoir reçu l'aval préalable
de l'Office. S'il s'agit d'un document visuel, il devrait porter dans son
coin inférieur gauche, occupant au moins 1/16ème de la surface
du texte et/ou de l''image, le "sceau de vérité"
de l'Office accompagné d'un message approprié. Pour la publicité
audio, le message de l'Office précéderait la diffusion.
Pourquoi le sceau de vérité alors qu'il suffirait d'interdire
la publicité mensongère? Pour la même raison qu'on souligne
un passage dans un texte: pour attirer l'attention de la population sur
les messages publicitaires qui véhiculent une information utile parmi
une masse de messages idiots. Le grand tort de la publicité n'est
pas qu'elle ment: c'est qu'elle nous distrait et ainsi nous cache la vérité.
Ceci dit, ce n'est pas un péché de perdre
son argent et ce n'est pas un crime de dire des niaiseries. Il y a, dans
la publicité actuelle, bien plus d'insignifiance que de désinformation,
plus de demi-vérités et d'insinuations, de suppressio veri
et de suggestio falsi et des péchés véniels
contre la vérité définis par le théologiens,
que de vrais mensonges. Qu'est-ce-qu'on fait avec les péchés
véniels?
On les laisse faire... Si une brasserie veut se mettre en vedette en collant
son image à celle du hockey, pourquoi pas? Si une distillerie veut
faire la même chose en jouant la carte du baseball, pourquoi s'en
préoccuper? Si un fabricant de cigarettes veut s'associer à
la course automobile ou au tennis, grand bien lui fasse! L'État n'a
pas à s'immiscer dans le droit sacré des gens et des compagnies
à se faire connaître et à vouloir se rendre sympathique.
Il n'a pas non plus à s'opposer à leur privilège de
dire des âneries.
Et si un jeune fume une cigarette de plus, ou prend un verre de trop, parce
qu'il a vu le nom du fabricant accolé à celui de son sport
favori, le remède n'est pas d'empêcher le fabricant de mettre
son nom là où il veut, mais d'éduquer l'adolescent
afin qu'il soit un peu moins bête.
Ici, nous ne parlons pas d'éducation, mais du droit à la vérité
pour le monde ordinaire. La responsabilité de l'État en ce
domaine est de faire en sorte que tout ce qui est affirmé comme un
fait ait été prouvé, et que tout ce qui n'est qu'une
opinion apparaisse, par contraste, comme le verbiage sans conséquence
dont il s'agit, pas plus. Mais il faut toute la vérité...
Pas seulement rien que la vérité, mais aussi
toute la vérité. La publicité prétend informer,
mais c'est un leurre. Elle n'informe que sur les produits de ceux qui ont
les moyens requis pour faire passer leurs messages. Dans sa forme actuelle,
la publicité ne joue pas en faveur de l'innovation, mais du statu
quo, sauf si l'innovation a été récupérée
par un producteur déjà en place et dont elle sert les intérêts
commerciaux..
Il faudrait rendre toute l'information accessible à tous, et une
Nouvelle Société devrait prendre à sa charge la constitution
d'un catalogue informatisé complet des biens et services offerts
au public. Les biens et services de tous les détaillants qui voudraient
s'incrire y seraient répartis par catégories, sous-catégories,
sections, etc .
Une brève définition de chaque catégorie et sous-catégorie
ferait en sorte que le consommateur sache vraiment ce qu'il y a sur le marché.
Au dernier palier apparaîtrait le nom commercial des produits, et,
pour chacun, le nom, l'adresse et le numéro de téléphone
des détaillants chez qui on peut se les procurer. Chaque détaillant
pourrait aussi, s'il le désire, indiquer le prix auquel il offre
un produit. Rien n'obligerait le vendeur à indiquer un prix; mais,
s'il le faisait, ce serait une offre ferme de vente et il devrait s'y tenir
sous peine des recours prévus par la loi.
Les fabricants qui auraient obtenu le sceau-vérité de l'Office
de la Publicité pour un ou plusieurs de leurs messages auraient le
droit d'inscrire ces messages au catalogue, mais aucune autre publicité
n'y serait admise. Rien que la vérité.
Vous vous souvenez de ce catalogue dont se servaient nos
grand-mères campagnardes pour les grands achats du printemps et de
l'automne? C'était pratique, mais un peu limité, un peu statique.
Aujourd'hui le marché est plus fluide: les stocks s'épuisent,
de nouveaux produits naissent, les prix fluctuent, et un catalogue semestriel
des biens et services ne servirait plus beaucoup. L'État doit faire
mieux pour l'information du consommateur.
L'État doit gérer la mise à jour continue du catalogue,
en fournissant à chaque détaillant un code d'accès
qui lui permette de modifier les renseignements qui le concernent et seulement
ceux-là. L'État doit aussi permettre à tous les citoyens
un accès facile au catalogue. Ceci exige qu'on distribue à
tous les ménages - comme un bottin téléphonique - la
table des matières du catalogue, après quoi on pourra y avoir
accès de deux façons
D'abord, dès qu'une Nouvelle Société aura généralisé
l'usage du fax pour remplacer le système des postes, tout abonné
pourra composer un numéro de téléphone, suivi du numéro
d'une section du catalogue, pour que celle-ci s'imprime sur son fax. L'autre
méthode, plus économique, sera de procéder par la télévision
interactive - type Videoway ou autre - pour obtenir une image de la partie
voulue du catalogue. D'une façon ou de l'autre, tout consommateur
aura enfin accès à un marché parfaitement transparent;
il pourra "magasiner" à partir de chez lui et obtenir les
meilleurs services au meilleur prix possible.