NOTRE CULTURE

  Pour moitié environ, nous, les locuteurs de langue Zaza, sommes de tradition alévie - kizil bach, Kirmanc; cette moitié perpétue la culture et l’esprit d’ouverture séculaires, et habite le Dersim central dit aussi le « Petit Dersim ».        

L’autre moitié des Zazas s’est convertie progressivement à l’Islam sunnite, tout en préservant un attachement à la culture traditionnelle.

Permanents sont les liens entre nos peuplades.

 Notre « constitution culturelle » s'est transmise le plus souvent oralement et clandestinement dans nos montagnes.

Notre tradition alévie est fondée sur le Sacré, et s’inscrit dans le lointain des temps de l’Humanité, époque où il n’était guère envisagé de re-lier les Humains par le moyen de la re-ligion, les Humains n’étant pas divisés entre eux, n’étant pas davantage dissociés des Autres Mondes ne faisant qu’Un. Là réside toute l'Unité mystérieuse.

            Nous vous parlons depuis ce Sacré très reculé. Bien plus reculé que celui qui vous est le plus connu en Europe, comme exemples : « Jérusalem » pour le Judéo-Christianisme, « la Mecque » pour l’Islam sunnite, ou « Najaf » pour l’Islam chi'ite. 

 Notre spiritualité alévie - kizil bach tend à diviniser la Nature (Panthéisme) et à attribuer aux « choses » une Âme analogue à l’âme humaine (Animisme).

Aux Esprits, les Alévis - Kizil Bach croient fondamentalement, lesquels Esprits trouvent Vie dans les multiples formes de la Nature-mère : le soleil, la lune, le feu, les montagnes, les sources, les rivières, les forêts, les animaux petits et grands, les pâturages, nos ancêtres aussi… sont en possession des Zazas, non pas dans un sens de la propriété, mais dans un sens d’être possédés par le Grand Monde

« Comme la plupart des peuples d'Asie mineure, la vision du monde des peuplades montagnardes zazas est généralement influencée par la nature et par leurs conditions matérielles. Les Zazas croient que les esprits vivent dans les plateaux, les pâturages, les montagnes et les forêts et si, la nuit, ils entendent un froissement de feuilles, ils l'attribuent aux esprits; pour eux, les esprits conversent ou chantent après minuit. Respectueux des arbres et des plantes en général, ils croient que les crépitements du bois vert au feu sont les lamentations des esprits qui s'y trouvent et ils ne brûlent pas le bois qui n'a pas au moins attendu trois ans. D'une manière générale, tout arbre ou toute pousse est considéré comme un être vivant qui sert à faire respirer les fées de la forêt.  Dégrader intentionnellement et encore plus y mettre le feu, sont gravement considérés. Dans les montagnes du Dersim, les arbres les plus prisés sont le sapin et le chêne, symboles de solidité. Le bouleau est également un arbre sacré vis-à-vis duquel de nombreuses légendes courrent. Les sources, les lacs et les cours d'eau tiennent aussi une place importante dans la perception du monde et dans les croyances des Zazas. Les rivières les plus prisées sont l'EUphrate et Munzur. Ils ont plein de superstitions par rapport à ces deux fleuves. Comme les montagnes sacrées de Dersim, l'Euphrate et Munzur embrassent les populations avec leurs bras et les protègent de leurs ennemis, leur procure force et bravoure. Salir l'eau de ces fleuves sacrés est gravement considéré. Dans l'ensemble des superstitions des Zazas, les pics, les gros rochers, les cavités et les cavernes tiennent une place importante. Duzgun Baba, la montagne sacrée, est le symbole du Dersim. »

G. Asatiryan

La Tradition alévie  

La tradition alévie est basée sur les règles de quatre Éléments essentiels de la vie :

la terre, le feu, l’air, et l’eau,

et elle se fonde sur quatre Principes correspondant à ces quatre éléments :

tarikat (voie, méthode),

charia (normes, lois, règles),

maarifa (œuvre, pratique),

hakikat (vérité).

L’humain, est fait de ces quatre éléments matériels et de l’âme, qui doit suivre les quatre principes.

Dans la pratique l’humain se doit d'être fidèle :

à sa langue

(ne dire que du bien avec sa langue, enseigner le bien de l’humanité et ne dire le mal);

à sa ceinture

(ne pas être esclave de ses désirs, mais les satisfaire, ne pas tromper, et respecter le physique);

à sa main

(créer l’œuvre du bien avec la pratique de son travail, ne pas commettre du mal avec sa main);

à sa foi

(croire en l’humain et à la nature, à sa conscience (être fidèle à l’humanisme, à la science).

Tout ce qui se rapporte à l’humanité découle de ces quatre éléments matériels et

de ces quatre autres éléments moraux, qui en se liant traduisent l’union sacrée : l’amour.

Une nécessité pour vaincre la mort et la solitude.

Pour parvenir à une fin des dieux.

La vanité mondaine est vaincue par l’épreuve quotidienne.

Si on ne réussit pas dans cette vie alors l’âme immortelle se retrouvera dans une autre vie pour, de nouveau, se remettre en épreuve pour rejoindre son dieu.

Et les éléments matériels se verront transformés dans d’autre systèmes pour se retrouver avec d’autres âmes. 

Dans le Dersim, on ne trouvera ni Mosquée, ni Église fréquentées par les Alévis - Kizil Bach, si ce n’est quelquefois pour honorer nos amis Arméniens, lors de leurs cérémonies (une profonde tradition d'amitié unissent les relations entre Zazas et Arméniens; ces derniers devenant souvent les parrains de nos enfants). Seulement dans la Nature, dans nos Montagnes, pourra t-on trouver des lieux saints que sont nos Ziyarets, où selon notre bon souhait il nous arrive de nous recueillir. Également dans nos maisons se déroulent nos pratiques pieuses.
 
« Les Zazas ne vont pas dans les mosquées construites dans les villages importants par le gouvernement turc parce que ces temples spécifiques appartiennent aux musulmans. Parfois ils utilisent même ces mosquées comme grenier ou écurie. Quand j'ai demandé à un Zaza pourquoi ils ne faisaient pas leurs prières dans les mosquées, il m'a dit : ''Dieu est grand, non? Alors il ne pourra pas entrer dedans la mosquée. Et si Dieu est partout, c'est donc qu'il est aussi dans nos maisons où nous faisons nos prières. »

Dagavaryan, cité par Garnik Asatrian.

 Au cours de longs siècles d’évènements et d’échanges, notre Sagesse alévie - kizil bach a par la suite tout autant puisé des préceptes jugés bons de plusieurs systèmes de croyances, sans nous imposer  - ou nous laisser imposer -  une divinité séparée, un seul « Livre », ou encore une institution religieuse unique.

Nos Mamelles nourricières anté-religieuses s’étirent à partir des ??? Panthéisme et Animisme et se prolongent avec les influences des religions Mazdéenne, Zarathoustréenne, Assyrienne, Islamique chi'ite,  Islamique sunnite, Chrétienne orthodoxe, Pavloitique … ( ?? panthéisme / animisme, plavloitisme ??  etc.) 

Son refuge, notre Peuple zaza l’a arrimé aux Rivières mythiques Euphrate, à l’ouest, et Tigre, à l’est. « Toit de l’eau » et « Culture ancienne de l’eau » définissent notre milieu et notre mode d’existences. L'Eau représente la continuité du cycle vital, l'Eau est comme le Lait de la Mère, du sein duquel coule la Vie.

            C’est pourquoi, nous sommes en symbiose particulièrement avec le Lieu saint qu’est notre Rivière Munzur qui parcourt notre pays. Voyez comme l’Eau de Munzur est sacrée…, l’Eau de Munzur que nous amenons jusque dans nos maisons de l’exil pour nous en humecter le visage et les mains et en boire, deux, trois gouttes... « Munzur te bénit », disons-nous alors...

Le Munzur et sa Vallée représentent un Patrimoine pour l’ensemble du Vivant de cette planète, par conséquent pour l’Humanité toute entière. De la même façon, vénérable est notre Montagne Düzgün Baba, où des projets miniers d'exploitation aurifère sont en cours. 

Sans doute, pouvez-vous mieux percevoir l'intime interdépendance qui lie les ingrédients spirituels, religieux, philosophiques et sociaux de la Cosmogonie des Alévis - Kizil Bach, et que nous demeurons profondément enracinés dans nos sagesses ancestrales qui fondent le socle de notre destinée.

Sans doute, pouvez-vous mieux percevoir qu'il est inimaginable pour nous comme il est irrecevable que des « humains », que nous qualifions de prédateurs, attentent à nos lieux éminemment symboliques. 

Bien que nous vivions depuis des siècles dans la négation forcée de nos traditions culturelles, jusqu’il y a quelques décennies à peine, par l'effet bénéfique de notre incroyable isolement obligé, nous continuions à être hors de toute séparation première d’avec : la Terre - le Cosmos - les Êtres - les Esprits - les Éléments du cycle de vie…

Notre histoire récente s’en trouve malencontreusement déviée par le bouleversement de nos conditions d'existence.

C'est sans doute pourquoi il doit être assez exact que :

« Tous les matins à l'aube, les Zazas prient pour le malheur des Turcs.

Ils nous ont détérioré notre véritable religion. »

dans : Biographie d'un Sage zaza, écrite par M. Molinosisi, cité par G. Asatrian.

 

 

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