Les barrages en Anatolie :un gigantesque dessein géopolitique, économique et marchand

 Revenons maintenant à l’intérieur du pays, au plus proche de la vie des gens. Revenons à Dersim où les Peuples se lèvent, se relèvent
Durant ces dernières décennies, la situation de suprématie militaire, autour du pays de Dersim, a permis au régime turc d’entreprendre et de réaliser de grandes phases de son « 
plan stratégique de développement économique et financier. »

La tentation est grande pour un pays de contrôler une voie d’eau internationale. Ces projets nécessitent généralement la participation d’organismes comme la Banque mondiale. Mais les fonds proviennent de plus en plus d’investisseurs privés, les banques de développement et leurs politiques, le plus souvent néfastes, ne peuvent plus imposer leurs conditions relativement aux populations locales.

La Turquie réaffecte des fonds pour financer un projet contesté qui prévoit l’édification d’un gigantesque système de barrages sur les rivières et fleuves Euphrate, Tigre, Harçik et Munzur. Ce système, élaboré de longue date et annoncé pour l’irrigation et l’hydroélectricité de la Haute Mésopotamie, est appelé « G.A.P - Great Anatoly Project », comprend la construction de

 

32 barrages et 27 centrales hydroélectriques dans l’est anatolien.

 Ce méga-plan de « développement », le cinquième par la taille dans le monde, n’est pas unique en son genre puisqu’un même pharaonique cas de figure se projette notamment en Inde (barrage de Narmada) et en Chine (barrage des Trois-Gorges). 

 Le G.A.P correspond à une surface totale de 73 000 km2, soit une surface supérieure à deux fois la Belgique, ou l’équivalent d’1/7ème du territoire de la France métropolitaine. Quelques autres chiffres : 48 milliards de m3 de retenue d’eau, ???????? 1 664 mètres de long, ?????? 169 mètres de haut, 10% de l’énergie électrique totale de la Turquie, 1, 7 million d' ha de surfaces agricoles irriguées, dont 1,1 million d'ha par l'Euphrate et 0,6 par le Tigre. Une autre source moins récente cite 840 000 ha (Chesnot  Christian, La Bataille de l’eau au Proche-Orient, L’Harmattan, Paris, 1993).

 La mise en place de cette politique stratégique de développement provoquera en Anatolie orientale un bouleversement social, culturel, géographique et topographique immenses  : une trentaine de barrages, les vallées inondées, la coupure des liens entre nos villettes et nos autres lieux habités dans les montagnes, notre économie de subsistance réduite à néant, des routes pour leurs barrages, des milliers de kilomètres d’infrastructures bétonnées autour de leurs barrages, l’installation des infrastructures de production et de transport d’électricité, l’implantation de terrains de manœuvres militaires avec leurs infrastructures, l’implantation d’une politique de tourisme industriel autour des lacs en période ensoleillée et dans nos montagnes en période de neige, l’implantation massive de populations poussées par un rapport d'exploitation capitaliste de notre pays dévasté, … 

Au niveau de la situation intérieure, le régime turc finaliserait ainsi sa suprématie sur les ethnies non turques, telles les Zazas, en prenant garde que toutes velléités de résistance, d’autonomie puissent refaire surface au cœur du Dersim de tradition insoumise avérée, ainsi que sur le territoire du Kurdistan ????????

            Au niveau international, nous savons qu'un accord tacite existe entre la Turquie, la Syrie et l’Irak respecté par la Turquie depuis 1970, et malgré les polémiques concernant la part d’eau retenue par la Turquie sur le débit de l’Euphrate, la Turquie parvient à ménager les relations avec ces États voisins. Dans le même temps, elle continue sa politique de construction des barrages : 625 barrages existent déjà principalement dans la partie occidentale de l'Anatolie sur un total de 793 pour le Moyen-orient (source : Commission mondiale des barrages), et l'État turc refuse systématiquement de signer une convention avec la Syrie et l’Irak qui remplacerait l’actuel accord tacite.

            De cette manière, elle se réserve régionalement un pouvoir de domination, de chantage et de contrôle par le moyen de l’Or bleu. La marchandisation de l'Eau (déjà en cours avec la fourniture commerciale à Israël, Syrie, ...) augure d’une manne financière illimitée... L'Eau potable, saine à boire,  représenterait actuellement (selon des chiffres occidentaux...) 0,5% de la masse totale d'eau présente sur notre planète Terre. C'est dire l'enjeu fondamental de subsistance pour l'Humanité. Nous voudrions y ajouter que ce problème aquatique concerne tous les Êtres vivants, mais nous savons bien que les Non-humains comptent si peu dans les préoccupations des marchés économiques et financiers mondiaux. En effet, les Animaux et les Plantes ne disposent pas de compte en banque ou de ''bas de laine'', même si nous savons pourtant qu'ils « rapportent » beaucoup de sale argent aux actionnaires de tout acabit par le fait d'une surexploitation honteuse qu'ils subissent.

            Le gourvernement turc, quelques multinationales, organisations internationales et groupes financiers, ainsi que d'autres firmes et groupements d'intérêt en embuscade, se préparent à utiliser

la technique des barrages et des pipelines, pour exporter en vrac d'énormes volumes d'eau du fleuve Manavgat vers les « marchés » commerciaux de Chypre, Malte, Libye, Grèce, Égypte, Israël. Ce dernier a acheté en été 2000 pour 50 milliards de dollars d'eau (? chiffre à vérifier). Les pompes turques semblent destinées à fournir les régions assoiffées d'Europe centrale et du ''Proche-orient''.

     Au Dersim, sont situées les Montagnes parmis les plus hautes de l'Anatolie orientale. Ces montagnes sauvages sont la richesse de notre pays. Cette richesse naturelle, l'État turc et les capitaux financiers internationaux veulent l'extraire et l'exploiter pour en faire une capacité de puissance conquérante, productrice de déstabilisation et de destruction. Systématiquement, nous constatons que le même processus est mis en mouvement par une fraction décadente de l'espèce humaine qui domine le bon vouloir de l'immense majorité des bipèdes domestiqués.

             Tout ceci tente de montrer succinctement que la Turquie avec son « Château d’eau » veut plus que toute autre considération être une pièce maîtresse dans la géopolitique eurasienne.

             Nous savons la valeur souvent non-directement contraignante des Conventions, Contrats et Déclarations internationales. Toutefois, ils et elles existent et entrent en ligne de compte.

            La Turquie a signé des Conventions internationales : à Paris, en 1975, pour la « protection du Patrimoinne et des Richesses naturelles »; à Berne, en 1979, pour la « protection et la défense de la vie sauvage et les équilibres du vivant »; ??? à Rio, en ??2000, xxxxxxxx.

            La Turquie, en 1971,  a classé 42 000 ha d'Anatolie orientale en Parc national (le 2ème de Turquie). Ce Parc national a été, en 1972, reconnu par l'UNESCO « Patrimoine culturel et naturel mondial de valeur universelle physique et biologique », lors de son 17ème Congrès, reconnaissant l'existence du même intérêt exprimé par la population.Un Contrat de protection du Parc national est également établi. ???

                Dans l'ensemble des régions de la Terre, citoyens, scientifiques, associations, organisations nationales et internationales, etc., etc.,  sont maintenant le cou penché sur ces problèmes de l'eau,  mais aussi les questions des ressources naturelles, de l'espace sauvage, de l'environnement, du patrimoine..., et cherchent à élaborer des solutions pour la sauvegarde de la Nature, où la présence humaine est rigoureusement éloignée.   

                 Déjà, nous pouvons tous voir les pancartes, les règlements, les codes de conduite, les barrières, les gardiens, les milices vertes à cheval, et les expropriations... Un arsenal certain de répression qui n'augure rien de bon pour notre Peuple qui n'avons pas besoin qu'on nous délivre un permis de vivre dans le pays qui nous a vu exister depuis des siècles et des siècles. 

         La Turquie est créditée de 12 parcs nationaux. Tous sont de création récente. Les deux plus importants sont Olympus Beydaglari (69 620 ha) et Munzur Valley (42 800 ha) institués en 1970 et en 1972. Notre point de vue vis-à-vis de la notion de Parc national et de Parc naturel et de leur fonction est partagé par d'autres qui l'expriment en des termes clairs :

    Les réalisations de ce pays seraient – nous dit Claude Lachaux –  

« le fruit d'initiatives individuelles intelligentes et d'une active coopération internationale, les responsables de parcs turcs ayant pu se former aux Etats-Unis. C'est sans doute aussi pour cette raison que le tourisme y serait systématiquement encouragé. »  Sa conclusion est aussi explicite : « Par son ampleur même, la progression du nombre de parcs nationaux dans le monde est suspecte [...] Le risque est grand que l'on privilégie les parcs qui n'existeraient que sur le papier (« paper reserves »). [...] Quel peut être l'intérêt des parcs nationaux s'ils ne doivent être les derniers remparts d'une nature intacte avant d'être investis à leur tour ? La conservation de la nature intéresse la biosphère et c'est donc la terre tout entière qu'il faudrait ériger en parc. » Il termine par une citation de Bertrand de Jouvenel, reprise de ''La Civilisation de puissance'' : « Notre dépendance à l'égard des plus humbles formes de la vie devrait nous inspirer une salutaire humilité et un salutaire amour pour la nature vivante. »

Claude Lachaux, Les Parcs nationaux, PUF, Que sais-je?, n°1827, Paris, 1980.

 « [Il apparaît] qu'en dépit des trajectoires historiques très différentes des mouvements de conservation de la nature dans le monde, les besoins et les droits des peuples autochtones n'ont pas été pris en considération. Les parcs nationaux et autres zones naturelles protégées ont imposé les vues de l'élite sur l'utilisation de ces terres, vues qui ont conduit à l'aliénation à l'État des terres collectives. [...] La plupart des parcs nationaux et des zones protégées dans le monde a eu des effets négatifs sur ceux qui y habitaient antérieurement. [...] La délocalisation forcée est pratiquement la pire chose que l'on puisse faire à quelqu'un, à part le tuer.»

Markus Colchester, anthropologue, Royaume-Uni, extrait de Nature sauvage, nature sauvée?, Ethnies n°24-25, 1999.

            Le premier Parc naturel au monde, celui de Yellowstone, en 1882, a expulsé les Shoshone, l'administration du parc fut confiée à l'armée des U.S.A.

            Fin du siècle dernier, en Ouganda, 30 000 indigènes de la réserve forestière de Kibale et du corridor de chasse ont été expulsé sans préavi, pour la réalisation d'un « projet de développement » financé conjointement par la Banque mondiale, l'Union européenne, la Danidad, la Norad, visant à créer un corridor naturel pour la chasse entre la réserve forestière de Kibale et le parc national Queen Elizabeth II.

            Les Parcs nationaux ont déjà amené dans le monde beaucoup de  « délocalisations » forcées :

- les Iks, en Ouganda colonial

- les Mongondows, en Indonésie

- les Vedda, au Sri Lanka

- les Pygmées Batwa, au Zaïre, Ouganda, Rwanda

                 Les !Kung San (Bushmens/Bochimans), au Botswana, dans la réserve centrale du Kalahari, ont également été délogé sous la pression des « conservationnistes » préoccupés par les changements du mode de vie à leurs yeux moins traditionnalistes des habitants. Une protestation internationale a replacé les !Kung San dans leur habitat.

 « Quand nous nous sommes installés dans ces forêts voilà deux siècles, Bangkok n'était qu'un petit village entouré d'une végétation luxuriante. Durant ces nombreuses années, nous, les Karen, avons protégé nos forêts par respect pour nos ancêtres et nos enfants. Peut-être que si nous avions abattu la forêt, détruit la terre et construit une grande cité comme Bangkok l'est aujourd'hui, nous ne serions pas maintenant confrontés à cette éventualité d'expulsion. »

Un Karen, face à l'expulsion de son peuple du sanctuaire naturel de Thuang Yai en Thaïlande. 

          L'expérience dans diverses parties du monde suggère que la mobilisation des peuples autochtones eux-mêmes est nécessaire pour permettre la prise en considération de leurs préoccupations concernant les Parcs et les zones vertes protégées. Ceci afin de renforcer la possibilité d'autodétermination des populations indigènes conciliant les objectifs de sauvegarde des territoires naturels face aux activités industrielles humaines prédatrices.

              Notre Peuple indigène n'est pas installé dans la problématique stricte de la « conservation de notre Milieu naturel », à la manière de certains courants écologistes occidentaux, mais dans notre vocabulaire traditionnel, comme d'autres peuplades autochtones, nous parlons plutôt de Mère-nature.

                Pour autant, les préoccupations écologiques se font sentir chez nos Jeunes universitaires à Istanbul, et des influences pénètrent nos diasporas installées en Europe.

                Mais le problème de destruction au Dersim provient du cartel : État ↔ Milieux financiers et marchands ↔ Militaires, contre lequel nous nous soulevons.

 

 

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