TEMOIGNAGE DANS LA PRESSE TURQUE, 1938.

L'article ci-dessous est publié dans lej ournal "Cunihutiyet". principal représentant et porte-parole du kemalisme gouvernemental, pendant les prépmtifs militaires, juste avant le nettoyage ethnique du 1938.

Cet article a été traduit en français pour témoigner de la position des intellectuels turcs de l'époque vis à vis des Zazas et aussi parce que le problème garde toujours son actualité.

Dersim Site 

Face aux réalités de la question de Tunceli (Dersim)

par: Y. Mazhar Âren

"Cumhuriyet" (Istanbul) le 29 juin 1937

Cette plaie s'est encore rouverte. Elle dégage ses odeurs pestilantielles... Le monde entier croit-il que Dersim n'est qu'un foyer de troubles, isolé ? Non!!. Cet endroit est le centre d'un grand incendie de banditisme dont les éclats s'éparpillent dans tout le -triangle formé par les villes de Sivas,.-Malatya et Bayburt

Il y'en a qui croient que les gens de Dersim sont des Turcs. Moi, je ne les ai jamais pris poui des Turcs. Le nomadisme, le primitivisme, la barbarie, la violence et le vampirisme ne peuvent pas être tous ensemble réunis chez le Turc. Par ailleurs, antropologiquement le Turc et les Zazas sont différents; la langue turque est une chose la langue Zaza en est une autre.

Ces gens là - quant à mon opinion - sont d'une race installée, depuis des temps reculés de l'histoire, dans ces régions escarpées et re stée hors de toute civilissation parce que persoruie ne pouvait les y joindre. Le fait que quelques villages ont des noms en turc ou que quelques tribus portent des noms turcs ne peut provenir que des quelques aventuriers turcs qui les ont sou mis et dirigés penclant les périodes de splendeur des Turcs. Leur intelligence ne peut être comparée qu'à un réflexe instinci'-if d'un animal qui essaye de garder sa proie ou &une proie qui tente d'échapper à son étrangleur.



Leurs organes de respiration et de circulation sanguine sont plus solides que le brorize et leurs os et leurs muscles sont comme l'acier. J'ai, moi-même vu des jeunes Zazas capables d'épauler un sac de sel de soixante kilos et de trotter derrière le mulet de leur père tout en devisant, pour grimper à deux mille mètres, ou des hommes qui traversaient un torrent sans broncher, avex un sac de cent kilos sur le dos et en plus quelqu'un assis dessus.

Savais vu au&â, le jour où je me rendais aux réjouissances qu'on organisait à Erzincan pour fêter la libération dlzinir, des gens de Dersim qui, assis aux abords du pont d'Acemoglu, attendaient des nouvelles des voyageurs. Je ne peux décrire comme ils étaient malheureux quand ils ont appris la cause des festivités de la. ville. Pourquoi??. Parce qu'après la victoire une période de paix s'installe. En période de paix le gouvernement instaure la sécurité... Le banditisme et le pillage deviennent difficiles.

Une fois, chez un villageois de Nohutlu à Kuzucan, j'ai vu comme tout mobilier une outre bien goniflée suspendue au coin de l'âtre, -un tapis de poils de chèvre par terre et un fusil de guerre rutillant au mur... A quoi pouvait-elle bien w.-rvir cette outre? Je vais vous le raconter.




VEuphrate es~. une frontière naturelle qui entoure Dersim à partir du Pont Gôtür jusqu'à i«,-~ mine de Keban. Dans ces gorges d'une q aat-àintaine de kilomètres, depuis le Pont Gôtür jusqu'à la vallée d'Erzincan, les eaux de l'Euphrate coulent comme wi toreew... Il est difficile des les traverser... Mais à l'arrivée vers la vallée le lit da fleuve s'élargit et permet alors un passage à la nage ou même à pied.. A cet endroit, j'ai toujours vu des sentinelles gouvernementales monter la garde.

A "Iliç», là où l'Euphrate prend un virage vers Kemaliye, il y a un pont... Lses deux côtés de ce pont on apperçoit d'immenses portiques semblables aux ponts levis des châteaux et au milieu un blockhaus... Il y a aussi des gardes gouvernetnent,*,LUX à cet endroit... Néanmins, le Zazas, quand il gonfle son outre, traverse le fleuve même aux moments des plus fortes crues... Et commet le méfait qu'il veut... Voilà à quoi sert l'outre que j'ai vu au village de Nohutlu.

Moi, je ne con,;o.i s pas Dersim comme tout le monde. Pour moi il y a trois Dersim: il y a un noyau Dersim, une chair Dersim et une poau Dersim... Comme toute cellule vivante... Mais tout le monde se contente d'appeler Dersim seulement la peau.. Si toutefois le noyau -se brisait la chair se putréfierait et la peau se dessécherait... J'ai enlevé la peau de Dersim à Kuruçay, dans quelques villages de Kemah et même à Refahiye et à Zara, Kuzucan, Tercan, Palu, et à Cupakçur... etc. J'ai touché la chair de Dersim.

Une année, je me rendais à Kigi en passant par le mont Akmezar, Agasenligi et Altinhüseyin... La neige n'avait pas encore fondu et j'avais besoin de porteurs pour mes bagages; j'étais moi-même à pied. A Agasenligi, j'avais découvert le royaume du Shah Hüseyinoglu Mustafa Bey qui régnait sur trois cent villages. J'étais pris en otage, là bas. Le Bey &Altinhüseyin, installé dans sa luge tirée par dix à quinze hommes, m'avait croisé sur les contreforts enneigés &une montagne et avait réussi à faire parvenir avec l'un de ses hommes, l'ordre de m'arrêter avant que j'atteigne son village. Savais seulement réussi à continuer ma route après y être retenu pendant dix heures.

J'ai tant vu de villages de Zaza dans la région d'Erzincan, sur l'autre rive de l'Euphrate... Je Woublierai jamais, dans l'un d'eux, un quidam nommé Hayrettin mavait donné des leçons de Shiîsme... Mais cette religion qui commence comme l'Alévîsme au tivëâWdê~lâ peau,, se transforme en un étrange paganisme plein de superstitions au fur et à mesure que l'on s'approche de son noyau, sacralisant les arbres, le Mont Subuz, le soleil... et même certains rochers.




Encore pendant une de ces périodes où les Zaza étaient en effervescence, je devais voyager de Kemah à Kernaliye.. Dans le bourg d'Iliç, le commissaire du gouvernement a voulu m'empêcher d'aller plus loin: le danger était trop grand. Néanmoins, un jeune &Arapgir a prétendu pouvoir mamener sain et sauf jusqu'à Egin... Nous avons donc continué notre chemin, mais sans prendre le chemin connu, plus court...Nous sommes entrées sous les contreforts des montagnes de Dersim, et passant par des gorges de "Hosta" nous sommes bien arrivés à notre destination. Selon le jeune dArapgir, comme les Z&zas étaient sùrs que personne ne pouvait traverser ces endroits escarpés, ils ne i'occuppaient que faire des descentes sur les voies de passage habituelles. Le même jour où j'étais passé par Hosùa, un convoi militaire de nourriture et cà..- munitions qui avait pris le chemin du bas était effectivement tombé dans une embuscade des Zazas.

A cette époque, les Zazas, profitant de ce que les troupes gouvernementales étaient plutôt occupées par l'insurrection du Cheik Saiît, réussissaient de tels débordements de temps en temps. Si les insurgés n'étaient pas rapidement décimés devant Diyarbakir, ces débordements seraient devenus des fleuves et les bandits de Dersim sc seraient éparpillés partout comme des torrents de laves...

Savais entendi qu'une personne connaissant bien les région de l'est et ayant autorité en matière militaire, avait fait un rapport au goi,.vernement au sujet de la pacification de Dersim... Les intéressés rWavaient aimi demandé mon avis... Il paraît que mon opinion West pas conforme aux conclusions de ce rapport. Il paraît que ce tapport contient des projets d'aménagement et d'éducation... Pourquoi? Pour qui? J'ai posé ces deux questions, personne ne m'a répondu.

Quel rocher du Dersim central peut être aménagé, et au profit de qui? Il n'y a pas assez de terres cultivables et la saison est courte. Cet endroit da aucune valeur ni &importance agricole... Quant à l'éducation, on sait qu'aucune éducation qui ne s'appuie pes sur des activités économiques ou agricoles ne peut donner des résultats tangibles... Disons qu'en un siècle, en leur apprenant à lire et à écrire on arrive à vaincre la cruauté, la barbarie et la priinitivité ancestrales de cette race... Mais, aucun être humain civilisé ne peut s'épanouir dans ce nid d'aigle... Comme chez les peaux rouges d'Amérique et malgré les qualités poétiques que Chateaubriand leur trouve (pour simplement prouver qu'il y est allé), qui peut nous affirmer que les qualités et les potentialités que certains croient déceler chez ces gens-là ne soient seulement au niveau zéro?

Moi, je ne pense pas qu'il est possible de faire perdurer les Zazas du noyau dur, habitant en tout et pour tout sur 2000 à 2500 krn2 de terres, en les faisant cohabiter avec des gens civilisés. Autrement, on perdra du temps et de l'énergie... Si nous ne le faisans pas, nos enfants seront obligés de le faim. Faire traîner cette affaire c'est encore laisser les autres gens des alentours sous la menace des pillages. Si l'on vide Dersim, on pourra enfin y créer des activités hautement enrichissantes comme l'élevage ou les industries forestières et toute cette région, nid du grand banditisme, deviendrait alors un paradis paisible.




Il est inutile de faire l'historique de Dersim par rapport aux gouvernements, par rapport aux populations voisines. Puisque tout le monde le sait... Cette plaie était fermée parce que l'on avait assez du viol systématique des populations innocentes par ces bandits sans vergogne; mais elle saigne à nouveau, elle est infectée... Un nettoyage radicale serait la meilleure solution. Il y a de tels villages en Anatolie où les gens sont tellement occupés par leurs activités qu7ils Warrivent pas à trouver des gardiens de troupeaux ou des gardes forestiers... SI l'on dispersait ces gens par deux dans ces villages prospères ils seraient éloignés de l'ignorance et du banditisme et ne pourraient nuire à leur entourage. Si l'on faisait le calcul on pourrait voir que même la totalité de ces Zazas durs ne serait pas suffisant pour tous ces villages qui cherchent de tels hommes de main.

Je suis d'avis et je crois que, si un jour de nouveau notre pays était en danger ou était occupé par &autres problèmes, Dersim se réveillerait comme un cancer en notre sein...


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