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5. Une nouvelle structure de production

 

Connaître les désirs des consommateurs et produire à la commande a pour conséquence de prioriser la fabrication de produits de qualité dont la durée de vie est optimisée. C'est un grand pas en avant vers le bon sens, car on élimine ainsi une énorme part du gaspillage des ressources matérielles et du travail. À remarquer, cependant, que l'on n'a pas changé ainsi pour autant la volonté des producteurs de ne produire que ce qui les avantage le plus. Le client devient proactif, mais c'est encore, en bout de piste, le producteur qui décide.

Pour faire culbuter le système de façon permanente et que ce soit la demande qui détermine vraiment l'offre, et non l'inverse, il faut que ce soit le consommateur qui ait le pouvoir plutôt que le fabricant. Ceci veut dire que le client doit avoir une très large gamme de choix quand il décide d'acquérir un bien et que le producteur qui ne précipite pas pour le satisfaire périclite et disparaisse. Ceci implique une vraie concurrence.

Une Nouvelle Société prend pour acquis que la libre concurrence est la condition essentielle de la satisfaction du besoin et de l'innovation qui conduit au mieux-être. Toute structure monopolistique est anathème, qu'elle soit gouvernementale ou privée, et c'est une priorité de l'État de rendre le système plus concurrentiel. Une Nouvelle Société favorise une libre concurrence beaucoup plus ouverte et plus dynamique que celle que défend des lèvres, mais nie en pratique, la société néolibérale actuelle.

Nous avons vu dans la première partie de ce texte comment, en monopolisant les ressources humaines spécialisées et en produisant à partir de la position de force d'équipements déjà amortis, les producteurs dominants de chaque branche d'activité peuvent évincer les intrus et constituer des cartels de fait. Cela sans jamais enfreindre formellement la loi puisque la marche à suivre pour protéger les intérêts de tous est si évidente qu'aucune conspiration n'est nécessaire : on n'a qu'à écouter et l'on peut chanter au diapason. Ceci d'autant plus facilement que tous les concurrents sont financés par les mêmes institutions financières sans l'appui constant desquelles ils sont impuissants. Tant que Shylock ne fronce pas les sourcils, c'est qu'on est dans la bonne voie...

Comment briser ces cartels de fait qui se sont développé entre les cloisons étanches d'un système de production dont les gros peuvent systématiquement éliminer les petits et les anciens les jeunots ? En abattant ces cloisons étanches, ce qui va découler de la mise en application simultanée de deux (2) mesures dont nous avons déjà parlé sur ce site. La première de ces mesures est le partage du travail et le revenu-travail garanti (701) qui transforme les travailleurs experts en agents libres; la seconde est le remboursement de la dette publique et la fin de l'État-emprunteur (706), inversant le rapport de force entre le capital et l'initiative. La première crée une structure ENTREPRENEURIALE de production.

 

5.1 Une structure entrepreneuriale

 

Nous allons expliquer comment se crée une structure entrepreneuriale, mais voyons bien, d'abord, comment le système néo-libéral actuel n'est entrepreneurial que de nom. La notion d'entreprise, dans le système actuel est viciée au départ par deux facteurs. D'abord, par la ponction systémique sur les résultats du travail et de l'entrepreneurship que prennent les shylocks, les propriétaires du capital accumulé ; ensuite, par une approche salariale de la rémunération qui est un vestige du travail à la chaîne, procédé typique de la production industrielle .

Au début de l'industrialisation, quand chaque ouvrier surveille sa navette, on rémunère au résultat. Plutôt mal que bien, puisque la machine est reine et l'ouvrier quasi interchangeable. Quand arrive la grande industrie - et la chaîne de production qui fait de chaque usine une seule énorme machine dont les ouvriers ne sont que des pièces détachables - les écarts de productivité entre ouvriers ne sont plus un avantage mais un inconvénient, comme le serait dans une machine un rouage tournant plus vite qu'il ne faut. Il devient préférable de restreindre le rythme de travail de tous les ouvriers à celui que peuvent suivre tous les ouvriers sur la chaîne et, si on ne demande à personne d'en faire plus, pourquoi en payer certains davantage ?

Un seul salaire pour tous et la machine sera bien gardée. Les syndicats seront heureux, puisque nul n'aura intérêt à se les casser et qu'on semblera avoir ainsi mis un frein à l'exploitation. En réalité, l'exploitation augmentera dans toute la mesure du possible, c'est­à-dire en fonction inverse du pouvoir des travailleurs, lequel tend à diminuer puisque, étant tous égaux sur la chaîne, ils sont désormais parfaitement interchangeables et il y en a toujours trop. L'exploitation sera seulement plus supportable, puisque chacun en portera sa « juste » part.

Avec les progrès de l'automation et de la robotisation, toutefois, on substitue de vraies pièces détachables aux travailleurs qui en tenaient lieu à l'intérieur des chaînes ­machines. L'ouvrier sort de la machine et doit recommencer à penser. Il n'est plus interchangeable. L'efficacité du système dépend de sa capacité à penser, ce qui lui donne un pouvoir. Sa capacité à penser dépend pour une large part de sa motivation. Il faut qu'il veuille en faire plus. Il faut doter le secteur secondaire d'une structure qui en augmente l'efficacité, tout en en conciliant le fonctionnement avec les objectifs de justice comme de bien-être d'une Nouvelle Société.

Ceci est possible si on reconnaît le pouvoir croissant de chaque participant dans une société d'interdépendance et qu'on accepte la nature humaine comme l'une des constantes du problème. Ce n'est pas parce qu'on veut plus de justice et moins d'inégalités qu'on peut ni qu'on doit ignorer que les gens ne travaillent que pour atteindre LEURS objectifs. Ils ne travaillent pour la collectivité que si le bien commun est placé dans la trajectoire qui mène à leur bien personnel ; le défi d'une société est de faire en sorte que ce transit obligé par le bien commun soit incontournable.

Pour qu'un système de production soit efficace, il faut que tous ceux qui y prennent des décisions et tous ceux qui y exécutent des tâches y trouvent leur compte, c'est-à-dire que soit mis en place un système qui récompense la sagacité et l'effort. Une Nouvelle Société va redonner une légitimité à la notion que la rémunération doit dépendre des efforts et des résultats et généraliser l'application de ce principe. C'est en ça que consiste un système entrepreneurial.

L'avènement d'un système entrepreneurial est une révolution tranquille, puisqu'il découle tout naturellement de la prolifération de travailleurs autonomes à tous les niveaux au sein de la structure de production, un phénomène dont nous avons décrit les mécanismes au texte 701 et dont nous reprenons ici l'essentiel de l'argument pour éviter un renvoi.

Dans une Nouvelle Société, quiconque veut travailler peut travailler. S'il ne parvient pas à se trouver lui-même un emploi salarié, l'État a la responsabilité de lui procurer un emploi pour lequel il sera rémunéré selon son niveau de compétence, certifié par l'État sur la base de sa formation et de son expérience. (701, 704). Nul n'est cependant obligé d'accepter un travail salarié, ni surtout de s'y limiter. Celui qui peut s'assurer un revenu comme travailleur autonome est félicité, aidé et laissé en paix.

Même celui qui a recours aux services de l'État pour trouver un emploi peut aussi, dès qu'il s'est acquitté du travail que lui a confié l'État à sa demande, devenir simultanément un travailleur autonome et agir comme entrepreneur à sa guise et comme il l'entend. Il peut le faire sans devoir renoncer à ce poste que lui a confié l'État, ni au salaire qui y correspond et qui constitue alors pour lui un revenu de base garanti. Dans un système de travail partagé, où le travail salarié n'occupera qu'une fraction décroissante de son temps, le travailleur moyen aura tout le loisir de mener ces deux activités en parallèle. La plupart du temps, il sera salarié, mais deviendra AUSSI un entrepreneur.

Pour certains travailleurs, l'entreprise sera un « petit boulot ». Pour d'autres, elle sera un projet personnel de créativité artistique ou littéraire. Pour d'autres, toutefois, elle sera simplement une poursuite à leur propre compte d'activités similaires à celles dont ils s'acquittent dans le cadre de leur travail salarié. Quand c'est ce qu'il fait, le travailleur devient ainsi, dans une certaine mesure, le concurrent de son employeur.

Des normes seront établies qui éviteront que cette concurrence ne soit déloyale ; le travailleur qui prendra avantage des renseignements confidentiels auxquels il a eu accès dans le cadre de son travail pourra faire l'objet de poursuites judiciaires. Mais rien n'empêchera le travailleur autonome d'avoir pignon sur rue et rien n'empêchera que les clients de son employeur puissent faire appel à ses services. Rien n'empêchera qu'il puisse leur offrir ses services à de meilleures conditions que son patron. Dans ce genre de situation, il deviendra vite plus avantageux, tant pour le travailleur que pour l'entreprise, de transformer la relation salariale traditionnelle en une relation de consultation, d'impartition ou de sous-traitance qui permettra de rémunérer le travailleur comme un entrepreneur et en fonction des résultats qu'il produit.

Le travailleur qui accepte cette proposition voit son entreprise grandir mais se retrouve à nouveau sans emploi salarié. Peut-il demander à l'État de lui en fournir un autre ? Bien sûr. Le voudra-t-il ? Pour un temps, peut-être, mais tôt ou tard le salaire qu'on le paye ne justifiera pas qu'il y consacre le temps qu'il sera plus profitable pour lui de consacrer à son entreprise. Il cessera d'être un salarié, mais sans jamais perdre le droit de le redevenir si son entreprise tourne mal.

Ayant supprimé le droit du travailleur à garder son emploi et lui assurant en échange le droit imprescriptible à son revenu, lui permettant également de travailler en parallèle comme salarié et travailleur autonome, une Nouvelle Société va effectivement faciliter la disparition progressive du travail salarié. Du travail salarié qui sera partagé en tranches aussi fines que la technique le permet, mais pas des travailleurs salariés, puisque le travail à salaire, remplaçant les paiements de subsistance aujourd'hui jetés en pitance à ceux qui ne travaillent pas, la proportion de ceux qui y goûteront pour un temps va au contraire augmenter.

Au début, tout au moins, il y a plus de travailleurs salariés, dans une Nouvelle Société, car l'emploi est le filet sous le trapèze. Dans une société entrepreneuriale, plus dynamique, tout le monde peut y tomber et l'on y choira plus souvent mais l'on n'y restera pas longtemps. Surtout, on ne s'y sera pas fait mal, car il n'y aura pas d'opprobre à avoir touché un salaire pendant qu'on cherchait une activité plus rentable. C'est vers cette nouvelle structure de travail dont le travailleur autonome est l'élément de base que va évoluer l'industrie.

Parfois, le travailleur agira de façon totalement autonome. Parfois, des groupes de travailleurs se constitueront en équipe au sein d'une entreprise et se verront sous-traiter un objectif de production en considération d'un prix ferme. En ce dernier cas, ils pourront travailler au sein d'une entreprise et avec l'équipement de celle-ci, l'amortissement de l'équipement faisant partie des conditions du contrat, mais ils pourront aussi déplacer leurs pénates.

Le contrat ferme qu'ils auront signé avec leur ex-employeur leur assurera la crédibilité requise pour obtenir le financement nécessaire et assumer la responsabilité d'un l'équipement, de son entretien et de son amélioration progressive. Il deviendra alors logique ­ et avantageux pour tous ­ qu'ils deviennent eux-mêmes une entité corporative, sous-traitante de la corporation initiale, mais ne lui accordant son exclusivité que dans la mesure où cette exclusivité a été consentie, un consentement qui n'est jamais illimité. L'équipe des travailleurs autonomes sera devenue une compagnie et assumera toutes les responsabilités d'une compagnie.

À l'Intérieur de cette compagnie, il pourra se développer des inégalités, certains travailleurs devenant de quasi-patrons et d'autres de quasi employés. La compagnie qui dérivera dans ce sens, toutefois, fera face aux mêmes problèmes motivationnels que la compagnie mère initiale ; il tendra à s'y développer des équipes qui, à leur tour, s'émanciperont pour ramener sans cesse la rémunération du travail en correspondance avec l'utilité du travail produit par chacun. L'équilibre ne s'établit que quand chaque travailleur peut gagner plus en travaillant plus et ne peut espérer gagner plus dans une structure autre que celle à laquelle il participe.

Dans une société où la spécialisation tend à rendre chacun indispensable et où son revenu de base garanti met chaque travailleur en position de force pour exiger son dû, le système tend vers cet équilibre. La structure industrielle globale tend à devenir un agencement de structures participatives, à l'intérieur de chacune desquelles prévalent la compétence pour les décisions et l'équité pour le partage des revenus. Cette structure globale de l'industrie n'exige pas qu'on l'impose, seulement qu'on la laisse naître

Dans cette structure globale, une nouvelle compagnie qui se forme peut avoir pour cliente une corporation géante type General Motors, mais les avantages de gérer en participation et donc de produire au sein d'une entité de taille humaine ­ en fait, « familiale » - sont tels, qu'il faut envisager une structure presque totalement par paliers. L'équipe de travail devenue compagnie n'aura pas normalement pour cliente la corporation géante initiale, mais plutôt une entité bien plus petite, devenue elle-même sous traitante d'une autre et cette dernière sous-traitante d'une autre également et ainsi de suite, jusqu'au palier d'une ex-division (profit center), devenue compagnie, déjà énorme, et dont la corporation géante primitive est devenue la cliente.

Ce processus de constitution en équipes de travail et d'incorporation, visant à la sous-traitance sans s'y limiter, peut être appliqué avec profit à autant de paliers qu'il est possible d'en définir où le résultat est clairement identifiable et où la valeur ajoutée dépend de la motivation, de la qualité et de la quantité du travail effectué. C'est ce processus qui jouera pour maintenir la motivation essentielle à l'efficacité et au profit dans une structure de production industrielle dont l'importance relative dans l'économie sera inévitablement décroissante.

La structure industrielle devient ainsi une collection de mini entreprises dont chacune a son plan, son équipement, sa structure interne, sa notion de partage des profits. Le mot « mini » se réfère ici à la volonté de garder à échelle humaine le nombre des acteurs participants, pas à l'importance du groupe ni à la richesse dont il dispose. Pas plus que la taille d'un Conseil d'Administration, aujourd'hui, n'est révélatrice de l'importance des décisions qu'il prend. Dans une structure industrielle par paliers, des mini-groupes collés aux ateliers peuvent ne gérer que quelques milliers de dollars, alors que d'autres mini-groupes, au faîte de la pyramide, peuvent en gérer des dizaines de milliards.

Ce que décident et font les groupes au faîte de la pyramide a naturellement plus d'impact sur ceux qui sont en bas que ceux-ci n'en ont sur ceux-là. L'impact des petits sur les grands n'est pas nul, cependant, et ceux qui réussiront seront ceux qui seront très attentifs aux attitudes de la base. Ce qui caractérise cette structure modulaire, en effet, c'est que si les objectifs sont fixés à chaque groupe par son ou ses contrats et donc par les groupes « acheteurs », l'exécution est entièrement à la discrétion des participants du groupe « vendeur », où le profit que chacun en retire dépend du volume et de la qualité de son travail. C'est à ce niveau que se scelle l'efficacité du système. La motivation est donc la clef. L'attitude de ceux qui exécutent est primordiale. Le respect qu'on doit leur témoigner est incontournable.

Le travail autonome, qui relie étroitement résultats obtenus et rémunération, est le SEUL efficace quand la nature du travail exige une initiative, une créativité une qualité de la relation interpersonnelle qui ne se développent que si existe une grande motivation. C'est cette façon de travailler qui prévaudra presque partout dans le secteur tertiaire, lequel occupera peu à peu la quasi-totalité de la main-d'uvre. Dans toute la mesure du possible, en y apportant les ajustements que nous venons de décrire, c'est le travail autonome qui sera aussi appliqué dans le secteur secondaire.

 

5.2 Une structure par projets

 

La structure industrielle d'une Nouvelle Société doit refléter l'autonomie du travailleur et son désir d'entreprendre. Elle doit tenir compte des progrès de la technique qui rendent la production de biens industriels triviale, de la saturation des marchés et de la demande croissante pour les services. Tenir compte aussi d'une nouvelle conscience de l'environnement qui suscite le désir de mettre fin au gaspillage des ressources naturelles et d'une désaffection pour le travail inutile à mesure que croît la quête d'une « simplicité » qui est, en fait, une réorientation vers des valeurs qui ne sont pas fondamentalement plus simples, mais simplement plus fondamentales.

C'est dans ce contexte qu'il faut repenser la structure de l'industrie, laquelle demeure la pierre d'assise de l'abondance, mais qui ne sera désormais considérée que comme un acquis et dont l'importance relative est donc en décroissance. Il ne devrait pas rester 5% de la main-d'uvre dans l'industrie dans 20 ans. Même si le capital se bat d'arrache pied pour retarder cette évolution, il n'en restera sans doute pas 10 %.

Tous les grands besoins matériels étant satisfaits et tous les marchés industriels importants étant arrivés à maturité, l'industrie doit se mettre en vitesse de croisière, répondant à une demande déjà optimisée pour les biens de consommation courante et à une demande de biens semi-durables visant au remplacement de ceux déjà en place. Quand l'aberration du « produire pour produire » est stoppée par une production sur commande et une mise au pas de la publicité, le plus grand danger qui demeure, en ce qui touche la production industrielle, c'est la menace des monopoles, des « cartels de fait » dont nous avons déjà parlé. Un monopole n'a pas la motivation pressante d'optimiser son efficacité ni d'innover.

Nous avons tracé, dans la section précédente, le portrait d'une main-d'uvre autonome, mobile, permettant des permutations de ressources humaines et une structure de production plus dynamique. Cette approche, nous l'avons dit, est nécessaire pour la motivation des travailleurs. Elle est aussi celle qui nous apportera protection contre la menace des cartels. La structure actuelle est composée essentiellement de corporations géantes, occupant par grappes, dans chaque secteur, une position de dominance pérenne garantie par leur contrôle des ressources humaines qualifiées qu'exige ce type de production. Cette structure est désuète et va disparaître.

Une structure industrielle « modulaire », composée d'une myriade d'unités de production autonomes et entrepreneuriales, devient plus flexible et crée les conditions pour une nouvelle dynamique de concurrence. Les cloisons étanches entre branches d'activités sont abattues, puisque les ressources humaines qualifiées deviennent autant d'agents libres qu'on peut réagencer comme un jeu de meccano. Rien n'empêche plus un milliardaire du pétrole de financer un Steve Job et de disposer rapidement en cascade de toute une série d'équipes qui lui permettent d'affronter Microsoft sur son terrain. L'argent de Mitsubishi peut concurrencer Hoffman-Laroche. Cargill peut miser sur une voiture à carburant végétal et défier Toshiba ou GM, aujourd'hui au Brésil, demain dans le monde entier.

Dans une structure modulaire, la concurrence n'existe pas seulement entre géants, mais à l'intérieur des frontières corporatives. Ceci n'est pas une surprise pour ceux qui connaissent les luttes intestines féroces qui se développent parfois dans les entreprises actuelles, mais la structure par modules rend cette émulation omniprésente. C'est aussi un facteur de dynamisme, mais aussi d'efficacité, dans la mesure où la duplication des équipements n'est pas toujours indispensable pour permettre l'expérimentation concrète simultanée de deux ou plusieurs façons de les utiliser et est souvent pur gaspillage. Il n'est pas nécessaire, non plus, qu'une expérience de gestion porte sur un échantillon plus grand que ne le suggèrent les exigences techniques pour en tirer une conclusion.

Entre l'analyse théorique dont la fiabilité est toujours sujette à caution et l'application d'un procédé, il manque souvent l'étape pilote qui est sa mise en application restreinte, non pas par des théoriciens, mais par des gens qui y croient et dont la récompense dépend du succès de l'expérience. Tout « acheteur », dans une structure de production composée de modules autonomes, reçoit des « vendeurs » potentiels des propositions, des offres de services qui couvrent une large gamme des possibilités raisonnables de réalisation. Quelle meilleure façon de départager le bon grain de l'ivraie que de confier de petits mandats à plusieurs d'entre eux, de voir les résultats, puis de privilégier la meilleure solution en la retenant pour la réalisation d'un plus gros contrat ou du contrat global ?

Cette façon de faire n'est pas si différente de ce que fait tous les jours Wal-Mart pour le choix de ses fournisseurs. On n'est pas si loin d'une structure de production modulaire. Il suffit d'attacher quelques fils

Un monde plus concurrentiel vient ajouter un autre appui à la démarche pour remettre la demande en contrôle de l'offre. Une structure entrepreneuriale à tous les niveaux et disposant, comme nous le verrons plus loin, d'un accès facile à des capitaux pratiquement illimités, crée une concurrence si vive que les fabricants DOIVENT adapter leur production à la demande plutôt que de tenter de manipuler celle-ci.

Les grandes corporations qui contrôlent aujourd'hui leurs segments respectifs du marché vont devoir se prémunir des incursions de nouveaux rivaux, raids que vont rendre faciles non seulement la mobilité accrue des compétences mais aussi un capital de risque devenu bien plus abondant avec le remboursement de la dette publique (706). Empêchés par une concurrence accrue de prolonger ad nauseam la production des mêmes choses pour rentabiliser encore davantage leur équipement - au moment même où la technique exigerait qu'ils en changent de plus en plus fréquemment - les producteurs vont prendre la décision réaliste de réduire dramatiquement les temps d'amortissement. Surtout, ils répondront à une exigence des investisseurs en montrant clairement l'impact de cette décision dans leurs plans d'affaire.

La concurrence ne pouvant que se faire sur les parts respectives de marchés matures et la publicité « galéjade » (117) n'existant plus, c'est l'efficience de la production qui sera le meilleur atout et le plus important critère de profitabilité. Quand le changement des équipements peut s'imposer si vite qu'il devient le principal risque que soit réduite à néant l'espérance de gain, le résultat inévitable est que l'on produise désormais par projets. Comme les fournisseurs de matériel militaire, comme les bâtisseurs de barrage. Parce que les meilleures choses comme les pires ont une fin et que, dans l'industrie, la croissance exponentielle des techniques rend toujours prochaine la satisfaction de tout besoin et la fin de tout équipement.

Une structure de production devenues modulaire fait vite le saut pour substituer peu à peu à ses composantes statiques que sont les grandes corporations, des regroupements ad hoc, plus dynamiques et plus efficaces ayant pour but défini la réalisation de projets et de « mégaprojets » (ceux-ci mettant en jeu plus d'un milliard d'euros et devant faire l'objet d'un suivi attentif de l'État). Le système de production devient une mosaïque de « projets», dont chacun exprime d'abord une décision d'investissement en capital fixe qui s'est donné un horizon de rentabilité.

Un projet est constitué pour une durée précise et il se définit par un but et des objectifs intermédiaires, quantitatifs et qualitatifs. L'horizon est fixé en tenant compte de la durée réaliste d'amortissement du capital fixe qu'on y investit ; les équipements sont acquis avec ce terme en vue et leur amortissement est établi sur cette période. Établi, donc, avec un il sur le moment de l'apparition probable d'un substitut permettant une production plus rentable ou plus conforme aux désirs de consommateurs, ce qui signifiera alors la mise au rancart de cet équipement devenu suranné, avec une provision le cas échéant pour une valeur résiduelle. C'est en fonction de cet horizon « naturel » que les marges de profits sont estimées, non en supposant que des astuces publicitaires ou réglementaires permettront d'en poursuivre indéfiniment la rentabilisation.

Le système de production cesse d'être une collection de grandes entreprises permanentes pour devenir un réseau dynamique de projets de durées variables mais déterminées, réalisés par des structures temporaires agencées par des entrepreneurs avec l'appui de financiers et auxquelles sont jointes les ressources nécessaires. En devenant modulaire, la structure industrielle permet que non seulement l'équipement mais tous les facteurs de la production soient optimisés. Les ressources humaines sont mises sous contrat pour la durée du projet, ou mieux, pour la durée du segment du projet où leur participation est utile. La production par projet est motivante, favorise la concurrence et est souverainement efficace.

Comment viendra cette conversion de la structure industrielle en un vaste réseau de projets? Elle est déjà bien en marche. Une grande société d'ingénierie qui le souhaiterait pourrait y arriver en quelques jours. Son organigramme actuel tient déjà compte de l'affectation de la plupart de ses ressources humaines à des projets distincts et des conditions de partage de la compétence de celles qui sont communes à plusieurs. Il suffit d'un travail juridique et comptable relativement simple pour que naisse, en place de la compagnie actuelle, toute une constellation d'entreprises inter reliées, mais dont les participants de chacune ont l'essentiel de la responsabilité des engagements qui découlent de LEUR entreprise et en retire chacun une rémunération conforme à la nature, au volume et à la qualité de son apport.

Le même scénario est plus complexe, mais tout aussi réalisable, pour quelque grande entreprise que ce soit, d'autant mieux déjà amorcé, d'ailleurs, qu'il s'agit de compagnies à multiples vocations. Mitsubishi, par exemple, peut se transformer en une constellation ­ une galaxie ! ­ de « projets », presque sans aucun délai. Le bon sens a fait que, dans certaines transnationales, sans lui donner son nom, on mette déjà en place une structure qui soit l'embryon de celle ici proposée.

Par-delà la transformation des entités existantes, il faut penser à l'émergence de nouveaux « projets ». Qui est l'initiateur d'un projet ? Qui en est l'entrepreneur.qui en assume les risques et en retirera les profits ? Quiconque le souhaite peut le faire s'il en a les moyens, ce qui en pratique veut dire quiconque sait établir un plan de production, assembler les ressources pour son exécution et a la crédibilité requise pour que le financement lui en soit assuré.

Parfois, c'est un concepteur professionnel, avatar du MBA actuel, qui prendra l'initiative de monter un projet et qui, seul ou avec une équipe, en dressera le plan détaillé, en obtiendra le financement de la Banque d'État ou d'un groupe financier (voir section suivante), puis mettra sous contrat les ressources humaines essentielles à sa réalisation.

Parfois, au contraire, c'est un groupe financier qui, ayant choisi un secteur où il veut s'investir donnera à un concepteur professionnel le mandat de mettre en place le projet et sa structure, incluant ou non la mise sous contrat des ressources et/ou l'acquisition des équipements, ainsi que l'identification d'un président et d'un conseil d'administration. Le rôle du concepteur est alors terminé. Le projet suit ensuite son cours, comme suivrait aujourd'hui le sien une corporation, à cette distinction près qu'il a un objectif précis - souvent un seul - un plan d'action, un budget fixe qui ne varie plus et une échéance. Dans une structure industrielle par projets, on voit tout l'intérêt de la production sur commande dont nous avons discuté au chapitre précédent.

L'industrie faisant face à des marchés matures, une importante dimension de son activité consistera en une recherche constante de l'innovation. Innovation sur le plan des procédés de fabrication, puisque la rentabilité passe par l'efficience. Innovation sur le plan des produits, aussi, car les changements techniques font que les produits évolueront vite, leur évolution, toutefois, devant signifier dorénavant une amélioration réelle et non plus seulement cosmétique, du service qu'on en tire

La recherche est primordiale dans une Nouvelle Société. De gigantesques moyens de recherche pure et appliquée doivent faire avancer la science et préparer l'avenir à moyen et à long terme ; la question de la recherche et des droits d'exclusivité sera abordée au texte 713. C'est au sein même de la structure de production, cependant, qu'on doit chercher des procédés de fabrication concrets plus efficaces et qu'on a la compétence et la motivation pour en trouver

Sur ce plan, une structure de production modulaire est plus efficace que la structure actuelle. Chaque module de la structure globale, - mini entreprise ou projet ­ est tout entier tourné vers un aspect bien pointu de la réalité industrielle : il est parfaitement ciblé et c'est sa force. Ce sont ceux qui sont collés à la réalité de la production quotidienne qui voient l'ineptie cachée dans le mécanisme de production mis en place par les experts venus d'ailleurs. Ce sont eux, aussi, consommateurs autant que producteurs, qui voient l'irritant qui doit être corrigé et le besoin du client qui apparaît peut-être insignifiant, mais qui a l'avantage de ne PAS être satisfait. Et qui représente donc un marché nouveau.

Ces marchés nouveaux dont l'industrie a bien besoin, non pas tant pour augmenter ses bénéfices que pour garder son dynamisme. En parallèle aux projets et mégaprojets, il faut penser aussi à de petits projets dont certains deviendront grands. Tout en maintenant son mariage avec la production tranquille de ce dont nous avons besoin, l'industrie, dans une Nouvelle Société, trouve son plaisir et crée des fortunes en identifiant de nouveaux marchés.

Des marchés qui sont bien marginaux, si on les compare au patrimoine de base du consommateur moyen, mais qui créent tout de même quelques fortunes. Même aujourd'hui, que représente la valeur d'un cellulaire dans le bilan d'un consommateur moyen ? Mais il s'en vend tout de même beaucoup pour un temps. À côté des marchés industriels traditionnels saturés, vont continuer apparaître des occasions d'affaires passagères mais passionnantes.

Compte tenu de la rareté relative des nouveaux produits qui peuvent passionner les consommateurs, apporter l'innovation qui y parvient est maintenant la découverte d'un Klondike. Un Klondike qui ne peut durer que ce que durent les Klondike, puisque, considérant la capacité de production énorme dont dispose maintenant l'industrie et l'intensité de son désir à vouloir satisfaire un nouveau caprice, elle peut désormais le faire à une vitesse inouïe. Il a fallu un siècle pour que plafonne la demande pour l'automobile, 20 ans pour les ordinateurs, même pas 10 ans pour les cellulaires. Une nouvelle structure industrielle doit constamment innover.

Dans une structure de production industrielle modulaire, la rentabilité des mini entreprises dépend de leur productivité et donc, pour une bonne part, de leur initiative. Elles ont aussi un besoin constant de financement et donc une ligne ouverte avec le système financier. Les mini entreprises, à tous les niveaux, sont donc un terrain fertile pour l'innovation et deviennent une pépinière d'entrepreneurs, de découvreurs et d'aventuriers. Ce sont eux qui explorent de nouveaux territoires et, quand la demande réagit à une innovation et en fait un Klondike, ce ne sont pas les gros pontes qui vont s'en emparer mais les aventuriers

Jadis, pour satisfaire la demande de véhicules automobiles ou d'avions par exemple, tout le système de production pouvait tourner lentement sur lui-même comme une majestueuse armada. Vu la marginalité des nouveaux besoins et les moyens dont on dispose pour y répondre, cette approche n'est plus nécessaire et serait la cause d'un énorme gaspillage. Il ne s'agit plus, pour répondre à la demande à une vitesse compatible avec l'amortissement des équipements, que de dépêcher une canonnière et quelques vedettes. Monter quelques projets Le système de production industrielle va donc apprendre à réagir avec célérité, mais efficience, en fonctionnant par projets dont la majorité seront conçus au palier de mini entreprises

Comment les mini entreprises auront-elles la crédibilité financière pour le faire ? Dans la structure actuelle, il y a des contes de fées, Land, Job, Gates, mais la norme est encore que ce soit le capital qui rafle l'idée et le profit qui en découle. Dans une Nouvelle Société, le capital est toujours indispensable, mais c'est la compétence qui est le meneur de jeu. Quelle que soit sa position dans la maquette de la production, qu'elle joue avec des milliers ou des milliards de dollars ou d'euros, la « mini entreprise » qui trouvera un filon aura une chance raisonnable de pouvoir l'exploiter. À une nouvelle structure de production va correspondre une nouvelle structure de financement. Plus accessible, plus accueillante.

 

5.3 Le financement de l'entrepreneuriat

 

Une structure de production par projets met en évidence les fonctions du concepteur - qui fait le plan et l'assemblage des modules de ressources - et celui de l'entrepreneur qui prend le risque et les décisions, mais celle du banquier demeure naturellement tout aussi indispensable. Le banquier, dans le sens ici de quiconque assure la disponibilité du capital, travaille dans le contexte financier d'une Nouvelle Société, tel que nous l'avons décrit au texte 706.

On sait que, dans une Nouvelle Société, la dette publique est remboursée et les institutions financières réduites à prêter ce qu'elles possèdent. Le taux de base qui établit le plancher absolu des taux d'intérêts n'existe plus. Simultanément, une inflation fiscale programmée et parfaitement jugulée fait le point tous les mois d'une diminution en continu de la valeur de la monnaie.

Si on prend l'exemple d'un taux de base de 4% qui disparaît et d'une inflation programmée de 6%, on a pour résultat une translation de la moyenne des taux d'intérêts annuels payés sur le capital, en monnaie constante (indexée), d'environ 10%. Ce qui signifie que le taux réel de 6 à 8% que paye aujourd'hui un emprunteur solvable baissera en moyenne à un taux nominal de 3% à 5% et donc, tenant compte de l'inflation programmée de 6%, à un taux réel NEGATIF de ­1 à -3%.

Est-ce acceptable ? Il faudrait se demander s'il y a une façon moins pénible de retourner vers les citoyens ordinaires le surplus de richesse qui ne sert plus à satisfaire aucun désir, mais simplement de faire valoir au pouvoir. Il faudrait se demander si on peut faire mieux, mais surtout se demander ce qui arrivera si on ne fait rien. Je suis persuadé que dans les années qui ont suivi 1789 et 1917, bien des gens se sont demandés souvent pourquoi diable on n'avait pas laissé sortir un peu la vapeur

La question, toutefois, n'est pas de discuter ici les mérites de cette approche ­ on le fait au texte 706 ­ mais d'en voir les effets sur le financement d'une nouvelle structure de production. Il faut toujours un capital pour démarrer une entreprise et produire. En termes réels, c'est le coût des matières premières, des outils et équipements, du travail qui est exécuté et doit être payé bien avant que l'uvre ne rende les services qu'on en attend. Comment finance-t-on les activités d'une structure de production par projets ?

L'énorme masse des capitaux disponibles résultant du remboursement de la dette incitera les institutions financières privées à offrir des taux bien avantageux. A quel taux la Banque d'État consentira-t-elle ses prêts ? Elle s'adaptera à la demande, exigeant plus que le taux du marché, cherchant à ne se positionner que comme le prêteur de dernier recours pour faciliter aux financiers du secteur privé le placement de leurs capitaux, mais sans laisser se creuser un hiatus, toutefois, entre ses taux et ceux du marché.

L'hypothèse de taux nominaux allant de 3 à 5% alors que l'inflation programmée est à 6% n'est pas irréaliste. Ce n'est qu'une hypothèse de travail, cependant. Si des circonstances ou une manipulation poussaient le marché des capitaux à la hausse, ce serait une question d'opportunité et une décision politique pour l'État de maintenir alors ses taux inchangés alors que ceux des financiers privés augmenteraient et de devenir ainsi le prêteur de premier recours. C'est ce que l'État ferait pour empêcher que les taux réels ne redeviennent supérieurs à 0% et que ne recommence donc la création de richesse virtuelle qui nous a menés au bord de l'abîme.

La responsabilité d'apporter le capital pour lancer un projet peut être assumée par l'une ou l'autre des parties au projet ou par toutes, conjointement ou solidairement. Quand sont appliquées les règles d'une Nouvelle Société, le crédit personnel devient une source de financement bien plus crédible, mais, dès qu'un projet a une certaine envergure, on lui donne néanmoins, comme aujourd'hui, une vie juridique qui lui permet de devenir aussi un emprunteur à part entière. Il est alors généralement fait appel à une source distincte de financement et, dans une Nouvelle Société tout comme maintenant, il existe deux sources distinctes de financement : l'État et le secteur privé.

 

5.3.1 L'emprunt personnel

 

Quand chacun y met du sien, on peut déjà faire beaucoup. Le citoyen majeur et en possession de ses facultés d'une Nouvelle Société est toujours un travailleur et un contribuable. Il a toujours une « Carte de travail » qui indique la qualification professionnelle la plus élevée qui lui a été certifiée et détermine donc le salaire le plus bas qu'il peut toucher pour sa participation à la production dans le système des emplois. Il a toujours aussi un bilan qui fait foi de la valeur de son patrimoine, bilan d'autant plus précis qu'il doit être mis à jour mensuellement pour le paiement de l'impôt sur le capital qui est devenu l'outil fiscal par excellence.

Tout citoyen a donc des biens et un revenu. Le citoyen de la société actuelle a aussi des biens et un revenu, mais ses biens ne sont pas identifiés et son revenu est précaire. Le citoyen/travailleur d'une Nouvelle Société a des avoirs qui peuvent être modestes, mais que l'on connaît avec précision. Il est possible que, réussissant comme travailleur autonome ou entrepreneur, il ne touche pas présentement le salaire minimum auquel il a droit, mais ce salaire peut être à lui n'importe quand, s'il choisit de s'inscrire au Bureau du Travail et de s'acquitter de l'emploi qui lui sera alors confié. Il est quelqu'un à qui l'on peut faire crédit.

La Banque d'État lui prête sans discussion sur la garanti de son revenu garanti, s'il en fait la demande, un capital dont les mensualités de remboursement, sur une période limitée à son espérance de vie actuarielle, ou à 10 ans au maximum, ne dépassent pas l'excédant de son revenu mensuel garanti sur le minimum jugé vital établi par la loi. Cela, que l'emprunteur soit ou non à se prévaloir. au moment où il demande ce prêt, de son droit à obtenir un emploi salarié et le revenu que justifie sa certification professionnelle.

La Banque de l'État lui prête aussi sans discussion sur son patrimoine un montant - remboursable à terme n'excédant pas 10 ans - équivalant à 80% de la valeur déclarée de quelques-uns ou de tous les éléments qui apparaissent depuis au moins 3 ans au bilan mensuel qu'il présente au fisc pour fin du paiement de l'impôt sur le capital. L'État s'assure simplement qu'il n'y a pas une disproportion manifeste entre la valeur marchande et la valeur déclarée des biens ainsi mis en garantie, ce qui créerait une présomption d'incompétence sinon d'intention frauduleuse.

L'emprunteur sur bilan doit simplement accepter de surseoir à l'aliénation de ces biens mis en garantie, aussi longtemps que le prêt n'est pas remboursé, puisque ces biens sont alors considérés comme sous saisie par l'État et qu'il n'en est plus que le gardien. Si un bien mis ainsi en garantie est sujet à amortissement et que la valeur en diminue donc progressivement, un bien supplémentaire doit être mis en garantie ou une partie équivalente de la dette remboursée. Sont exclus seulement de ce type de mise en garantie les biens dont la valeur fiscale a été fixée de gré à gré avec le fisc, à un niveau supérieur à leur valeur marchande, pour éviter qu'ils ne puissent être acquis par acceptation d'une Offre de Vente Irrévocable (706).

L'État prêteur sur gage ? Ceci n'est surprenant que pour ceux qui oublient le rôle des monts-de-piété, - bien présents dans tout l'Occident depuis le Moyen âge - et dont cette mesure ne fait que permettre à l'État d'assumer pleinement la fonction

Tout citoyen d'une Nouvelle Société a donc, auprès de la Banque d'État, l'équivalent d'une marge de crédit permanente dépendant de son revenu et de son patrimoine, consentie sans discussion en fonction de sa capacité à rembourser. Cette marge n'est pas négligeable. Si le salaire minimum garanti d'un travailleur est le double du minimum vital établi par la loi et que ses biens valent trois fois son revenu annuel, sa capacité d'emprunt équivaut à 7,4 fois son revenu annuel.

À titre d'exemple, avec un minimum vital fixé à 15 000 euros par années, le travailleur de soixante ans et ayant donc une espérance de vie de plus de 10 ans, gagnant 30 000 euros par année et propriétaire de biens meubles ou immeubles dont la valeur nette est de 90 000 euros, peut obtenir une crédit de 222 000 euros. 72 000 euros sur son patrimoine, 150 000 euros sur son revenu garanti pendant 10 ans. Ce n'est pas rien. Des citoyens qui veulent mettre en commun leurs ressources et marges de crédit peuvent dégager ainsi un capital significatif, bien suffisant pour lancer une petite entreprise. Surtout si, comme ce sera souvent le cas, les entrepreneurs s'auto exploitent en retirant au départ de leur affaire un revenu inférieur à la valeur du travail qu'ils y mettent.

Beaucoup de travailleurs salariés, voulant devenir autonomes ou entrepreneurs, pourront le faire tout simplement en empruntant sur leur crédit personnel. Ils devront seulement tenir compte de l'ensemble de leurs engagements, puisque aucun crédit personnel ne peut être consenti si les mensualités de remboursement en sont telles que le débiteur, en s'y conformant, ne disposerait plus du revenu mensuel minimum vital établi par la loi. Cette restriction est contraignante, puisque non seulement la Banque d'État en ce cas ne lui en prêtera pas, mais aucun prêteur privé ne le fera sous peine pour ce dernier que la transaction ne soit déclarée non valide et que le montant prêté ne puisse plus jamais être réclamé.

N'est-il pas hasardeux de donner ainsi à chaque citoyen l'accès inconditionnel à tout son crédit ? Une Nouvelle Société accorde la liberté à ses citoyens majeurs et en pleine possession de leurs droits. Si quelqu'un ne peut pas gérer son revenu et devient insolvable, il sera mis sous curatelle (702b) ; en attendant, il est présumé apte à le faire, avec, comme nous le verrons au texte 713, l'assistance gratuite d'un professionnel pour le conseiller dans sa gestion financière.

La mise en circulation de las richesse au palier des individus est l'une des deux mesures fondatrices d'une Nouvelle Société; l'autre est la liberté d'entreprendre que leur apportent le travail autonome et le revenu garanti.

 

5.3.2 Le prêt au projet

 

Si on parle d'une entreprise ou d'un projet considérable, les individus pourront y apporter leur caution, mais c'est l'entreprise ou le projet même qui sera l'emprunteur. Le prêt sur projet sera consenti a une compagnie crée pour cette fin et dont la limite de l'engagement financier sera clairement identifiée, comme elle le sera toujours dans une Nouvelle Société. (702 b),

 

5.3.2.1 Le capital public

Sur examen et approbation d'un projet jugé viable, l'État pourra en assurer le financement, en contrôlant cependant chaque semaine les déboursés et engagements, afin que le capital versé soit bien affecté tel que prévu selon le plan soumis. La politique normale de la Banque d'État sera d'exiger la caution personnelle du prêt par le ou les entrepreneurs, à la hauteur du montant dont les conditions de remboursement n'auraient pour conséquence, pour aucun d'entre, de ramener son revenu mensuel disponible sous le minimum vital.

Le respect de cette règle suggérera parfois que des ententes entre entrepreneurs fassent porter à certains une plus large part de la responsabilité ; rien ne s'y opposera, à condition que cette disparité soit clairement énoncée par écrit et librement acceptée par tous. Comme toujours dans une Nouvelle Société (702 b), le montant de cette responsabilité financière des entrepreneurs sera clairement indiqué et aucune faillite ne leur permettra de s'en libérer

Le projet aura ainsi l'aval de ceux qui le proposent, une exigence qui est en accord avec la stratégie de l'État de se positionner comme prêteur de dernier recours. La Banque d'État, toutefois, si elle considère un projet comme d'intérêt public, pourra agir de façon discrétionnaire pour le financer à d'autres conditions. À toute condition acceptable à l'entrepreneur. Elle pourra, entre autres, limiter la garantie personnelle des entrepreneurs au montant qu'elle jugera suffisant pour faire la preuve de l'intérêt et du dévouement que doit susciter en eux le projet.

C'est une discrétion que la Banque d'État exercera cependant avec prudence, car il faut encourager une relation entre l'initiative personnelle et le capital ; c'est la meilleure garantie d'une transition sans violence vers une société où la compétence assume le pouvoir. Toutes ces opérations de financement de la Banque d'État seront donc publiques ­ accessibles sur Internet ! - et parfaitement transparentes ; si le résultat final d'un projet financé à des conditions exceptionnelles est un échec, il est clair qu'il y aura un prix politique à payer par le gouvernement qui aura autorisé cette transaction. Comme toute décision hasardeuse d'un fonctionnaire sera scrutée très attentivement, dans une société où toute corruption sera considérée et punie comme un crime grave.

 

5.3.2.2 Le capital privé

Sans parler des prédateurs ou des riches philanthropes qui seront toujours là pour lui servir d'anges gardiens ou de démons familiers, l'entrepreneur en quête de financement aura deux types d'interlocuteurs au secteur privé: les « banques d'affaire » et les « investisseurs institutionnels».

La distinction entre banques d'affaire et investisseurs institutionnels est largement formelle et ne sert qu'à suivre plus facilement les mouvements du capital, capital dont une Nouvelle Société ne souhaite ni l'extinction ni la confiscation, mais seulement une meilleure utilisation. Les deux types d'entreprises auront souvent les mêmes actionnaires et opéreront parfois côte à côte.

Une banque d'affaire est un prêteur à intérêt, la réincarnation du shylock d'aujourd'hui, lequel une Nouvelle Société n'interdit pas de séjour, mais à qui elle offre cependant un marché où la vie est moins facile. D'abord, parce que le remboursement de la dette publique aura rendu disponible un énorme capital ; la concurrence pour prêter sera énorme et ce sera un « marché d'acheteurs » pour celui qui veut emprunter. Ensuite, parce qu'il il devra compter avec la présence sur le marché des capitaux de la Banque d'État.

Le banquier d'une banque d'affaires privé prêtera à un taux aussi élevé qu'il le peut ­ c'est son commerce et il a la liberté de l'exercer - mais l'État n'est plus, comme maintenant, un prêteur occasionnel pour ceux qui ont des amis ou ceux qui ne satisfont pas vraiment aux exigences du crédit. La Banque d'État, au contraire, est devenu un prêteur concurrent.

La Banque d'État a des critères à suivre. La qualité de son travail n'est pas évaluée par le rendement sur ses investissements, mais par l'utilité publique et le succès des entreprises dont elle facilite la mise en marche. Son but n'est pas d'acculer les banques d'affaires à la ruine, mais de boucler son budget La Banque d'État est un concurrent aimable. Un concurrent toutefois qui, comme un kangourou, peut boxer avec retenue et élégance mais peut aussi vous étriper d'un coup de patte si vous trichez.

Que fait une banque d'affaire dans ce contexte ? Elle devient vraiment une source de capital de risque et accepte des projets plus aléatoires. Elle doit exiger de sa clientèle cible un taux d'intérêt moins élevé que la Banque d'État, tout en demeurant un placement intéressant pour ses propres actionnaires, leur offrant un rendement supérieur à celui des obligations indexées de l'État (Texte 706) qui constituent l'alternative simple pour quiconque veut simplement placer son capital plutôt que de travailler activement à le faire fructifier.

La banque d'affaire n'a comme clientèle que ceux qui préfèrent ne pas céder une participation dans leur projet, car il y a une autre source de financement : l'investisseur institutionnel. L'investisseur institutionnel peut n'être qu'un seul individu constitué en compagnie. Il peut s'agir, au contraire, d'un groupe complexe représentant des capitaux colossaux. Ce qui le différencie d'une banque d'affaire, c'est qu'il ne prête pas : il investit. Il participe comme il l'entend aux projets qu'il finance, mais il en accepte les risques et en profite ou y perd selon que le projet réussit ou non.

Un investisseur institutionnel n'est donc pas un créancier du projet ou de l'entreprise. Il doit être considéré comme le partenaire du ou des entrepreneurs. Il peut même en être ou en devenir le seul entrepreneur, le concepteur acceptant alors de n'être que son employé ou son conseiller, aux conditions que lui et l'investisseur institutionnel auront négociées.

Banques d'affaires et investisseurs institutionnels travailleront généralement en symbiose. Analysant les projets qu'on lui soumet, la banque d'affaires se sert de l'information qu'on lui a légitimement transmise. Elle évalue son risque et établit son taux, en s'ajustant à la concurrence. Elle cherche du même coup, toutefois, l'occasion exceptionnelle que les concurrents n'ont pas vue. Si elle voit une bonne affaire, plutôt que de consentir un prêt, elle réfèrera l'entrepreneur à un investisseur institutionnel avec qui elle entretient des relations privilégiées.

Pendant que la banque d'affaire gère une inévitable décroissance en bon ordre du capital, l'investisseur institutionnel est là pour accroître la richesse. Ce qui est légitime, car le but d'une Nouvelle Société n'est pas d'étouffer la richesse mais de l'amener à produire pour le bien commun en même temps que pour le bien de celui qui la possède.

C'est dans le cadre de ces institutions financières qui justifieront leurs profits par la justesse de leurs décisions et la profitabilité de leurs investissements que devra s'activer le capital qui, aujourd'hui, se contente de toucher une rente sans apporter rien de concret à l'activité économique. L'expertise des investisseurs institutionnels, leurs contacts, leur expérience et leur clairvoyance seront leurs contributions valables à la production du secteur industriel.

 

CONCLUSION

 

Si on regarde les décisions à prendre et les gestes à poser pour transformer notre structure de production dans le sens que nous venons de décrire, on s'aperçoit que, mises à part des mesures qui ne sont pas vraiment contestées, comme un meilleur contrôle de la publicité et l'imposition de garanties légales sur la qualité des biens, il ne s'agit que de mettre en marche un seul organisme.

Il suffit de créer un Office National des Acquisitions d'Équipement (ONAE) qui diffusera l'information permettant aux fabricants de prévoir la demande et facilitera la relation entre ceux-ci et les consommateurs de sorte qu'on ne produise plus que ce que nous voulons vraiment. Pour le reste, les changements arriveront d'eux-mêmes, en suivant simplement la ligne de moindre résistance ; une structure de production industrielle modulaire par projets naîtra d'elle=même qui sera adéquate, efficace, économe de ressources, innovatrice et répondra à nos désirs.

Faire si peu et obtenir tant? OuiMais il faut être bien conscient que la mise en place de l'ONEA vient simplement poser la clef de voûte qui complète le gros uvre de la cathédrale NS. Elle est le lien qui permet qu'on puisse tirer le plein profit de deux (2) mesures préalables indispensables qui ne sont, elles, ni simples ni faciles à mettre en place.

Pour avoir le système de production d'une Nouvelle Société, il faut poser les assises d'une Nouvelle Société.

- Il faut instaurer le partage du travail, garantir un revenu selon la compétence et permettre le travail autonome en parallèle au travail salarié. (701).

- Il faut établir un impôt sur le capital, rembourser la dette publique et ne plus s'endetter, gérer l'inflation et éliminer toutes les autres mesures fiscales (706).

Pour avoir le courage d'entreprendre la construction de ces deux murs de la nef, il faut avoir en tête l'image du bâtiment achevé. Il faut voir la structure de production industrielle que nous venons de décrire et qui en est la voûte. Pour justifier la tâche de réorganiser la main d'uvre et les finances de la société, il faut penser à la récompense. La récompense, c'est la prise de possession de l'abondance par le moyen d'un système de production nous donne CE QUE NOUS VOULONS.

Pour que la construction soit possible, il faut cette vision et il faut aussi que les maçons puissent travailler en paix. Il n'y a pas ici de bataille à gagner. L'évolution des technologies rend inéluctable une société où le travail est création, initiative et interaction et où le système doit donc privilégier l'autonomie et la motivation. Cette partie est déjà jouée. Ce qui reste à définir, c'est un processus de transition qui soit assez souple pour ne pas mener à la violence. Il faut pouvoir travailler en paix.

Il en coûterait trop cher de le faire autrement. Notre système de production, complexe et dynamique, est inévitablement fragile et en équilibre précaire. On ne peut changer de barreur et de cap sans faire chavirer la barque - et s'éviter des décennies de désordre ! - que s'il existe un large consensus pour faire ces changements et qu'en soit partie prenante une majorité effective de ceux qui ont le pouvoir économique et politique. (401).

Cette acquiescence au changement de ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir n'est pas une utopie, mais il faut bien comprendre l'obstacle qu'elle doit franchir et la condition sine qua non pour qu'elle soit accordée.

L'obstacle, c'est la méfiance bien compréhensible d'une classe dont le pouvoir repose sur le contrôle du capital envers une évolution qui met l'accent sur la production de services et fragilise le lien entre une richesse investie dans l'équipement industriel et le pouvoir politique. Il faut rassurer ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir. Il est donc crucial de souligner deux (2) évidences.

D'abord, l'indispensabilité de la structure industrielle. On produira moins, dans une Nouvelle Société, mais ce qui sera produit demeurera essentiel. Ce n'est pas de la taille de la clef que dépend la sécurité d'une serrure. Même s'il est clair que l'agriculture n'occupe plus le centre de l'échiquier, le pouvoir de ceux qui contrôlent la production et la distribution des produits alimentaires dans le monde n'est pas devenu négligeable. L'inquiétude qui pousse présentement les investisseurs à fuir le secteur industriel et à courir comme des lemmings vers la richesse virtuelle et l'imaginaire de la spéculation n'est pas seulement littéralement « contreproductive », elle est aussi injustifiée.

Ensuite, l'indispensabilité du capital lui-même dans toute production. Dans le secteur industriel, le transfert énorme des ressources humaines vers la production de services exigera que l'efficacité en soit spectaculairement accrue. La population d'une Nouvelle Société, comme de toute autre société avant elle, ne sera satisfaite qu'à la mesure de l'aisance dont elle jouira et c'est l'output du secteur industriel qui apporte le signe le plus tangible de l'abondance. Il faudra y investir et chaque investissement sera une occasion de rentabiliser le capital.

Dans le secteur des services, le capital devient peu à peu incontournable. Le capital s'est taillé une place au sein des services. Il suffit de voir un grand centre hospitalier moderne pour comprendre comment la symbiose s'est faite ; l'investissement en équipement par travailleur de la santé n'est pas aussi considérable que l'investissement par travailleur dans l'industrie automobile, mais celui par médecin l'est devenu. La stratégie de démocratiser les services ­ ici la médecine ­ en transformant le travailleur moyen en fournisseur de services professionnels été abandonné, au moins pour l'instant, au profit d'une autre qui a permis l'accession au cercle des « gagnants » d'un nombre croissant mais limité de professionnels dont l'enrichissement repose sur la rémunération bien inférieure de la masse des travailleurs de la santé.

On a reproduit en santé le modèle des branches d'activité industrielle et le rendement du capital y est tout aussi élevé que dans l'industrie. Même le professionnel haut-de-gamme tend à devenir un salarié et, dès qu'il réussit, un « gagnant » comme ceux qui l'ont précédé préférant, même s'il est outrageusement bien payé, miser sur le rendement de son capital acquis plutôt que sur la rémunération de son travail. La lutte titanesque entre « industrie » et « services », qui s'étire depuis 50 ans, se régle a l'amiable par l'accession d'une petite partie des professionnlel à la caste des seigneurs shylocks. Mais les services nécessaires ne sont toujours pas fournis et la lutte continue

Voyez les équipements en médecin, et aussi dans le secteur des loisirs qui est le plus dynamique de tous ; le pouvoir de la richesse ne sera plus absolu, dans une société basée sur la compétence, mais il ne disparaîtra pas.(*D -10)

Il ne suffit pas de rassurer, toutefois, pour que ceux qui ont le pouvoir s'empressent de transformer le système de production et de l'adapter à nos nouveaux besoins. Même le constat, pourtant bien évident, que le système est en perdition ne sera pas suffisant pour susciter l'action. Une condition sine qua non, pour que le changement soit accepté par tous, c'est que ce changement non seulement satisfasse enfin les besoins de ceux qui n'ont pas assez, mais apporte aussi PLUS à la grande majorité de ceux qui sont déjà les gagnants. Il faut que riches comme pauvres trouvent leur profit au changement. C'est à ce prix seulement que leur indispensable collaboration sera acquise.

Qu'est-ce qu'on peut offrir à celui qui a tout pour qu'il choisisse la voie d'une évolution dans la sérénité ? D'abord, il faut privilégier le consensus, plutôt que la revanche et renoncer à confisquer le trop-plein de la richesse, la laissant se résorber sans éclat, comme indiqué au Texte 706. Ensuite. Il faut mettre accent sur la production des services, des équipements collectifs et des infrastructures qui sont aujourd'hui laissés pour compte. C'est une erreur de croire que les gagnants sont à l'abri des embouteillages, de la pollution, de l'incompétence des experts et de l'incurie administrative... Même celui qui a tout pour s'éviter les problèmes a encore celui de devoir les éviter et préfèrerait que les choses soient belles et qu'elles fonctionnent. Si on ne lui enlève rien, bien sûr...

Mettre l'accent aussi sur la production de biens haut-de-gamme. La valeur objective des choses ne se mesure qu'en travail. Le prix qu'on assigne aux produits de grand luxe est intimement lié à l'inefficacité de leur mode de fabrication - qui est souvent voulu artisanal - et nulle pénurie de travailleurs ne viendra imposer à une Nouvelle Société le choix de produire pour l'essentiel ou pour le luxe. La production et la consommation de produits haut-de-gamme ne priveront personne Le système de production produira sans peine les produits de première nécessité ; il ne doit pas rougir de produire aussi des biens d'un luxe outrancier.

Il faut encourager cette production d'objets de luxe qui motivent et accélèrent du même coup la redistribution de la richesse. Chaque fois qu'on facilita l'acquisition de bijoux « sans prix », on échange en fait des cailloux pour du papier, rien de plus. On permet, aussi, qu'une partie de cette anti-matière financière qu'est la richesse virtuelle reprenne contact avec notre réalité en apportant une gratification plutôt qu'une cataclysmique explosion. Ces petites gratifications valent mieux que des manipulations supplémentaires de cette richesse virtuelle dont on risque, chaque fois qu'on y touche, de laisser paraître qu'elle n'est qu'une construction mentale, au grand dommage de ceux qui la possèdent et des autres.

Les gagnants ont aussi à gagner à l'avènement d'une Nouvelle Société. Les « quasi-gagnants », aussi, ceux qui n'ayant pas tout, sont aujourd'hui satisfaits, mais peuvent tout à coup vouloir plus et faire basculer la majorité effective qui décide en dernier ressort de la direction que prend une société (401). Pour les uns comme pour les autres, toutefois, il y a en faveur du changement et de l'avènement d'une Nouvelle Société, l'argument de l'impact sur la qualité de vie de tous d'un climat social paisible.

À un premier niveau, et en pays développés, la paix entre les catégories sociales traditionnelles est à s'établir par défaut. Le déclin de l'industrie marque la fin d'une situation où des solidarités se créaient parce que ce sont les groupes qui étaient indispensables et, du même coup, fait des syndicats, par exemple, un phénomène du passé. Désormais, chacun a le pouvoir qui correspond à son propre talent à se rendre indispensable et c'est chacun pour soi. On peut affirmer que la guerre des classes n'aura pas lieu. On peut le regretter, mais le regretter n'y changera rien.

Il faut se garder de pavoiser, toutefois, car à un autre niveau, c'est un autre clivage qui menace. Clivage entre ceux qui favorisent la contnuité et ceux qui n'on même plus un espoir de changement ni même le désir d'une action concertée. Ceux qui n'ont aucun pouvoir... sauf un pouvoir individuel de destruction qui est croissant dans une société de haute technologie...et est devenu terrifiant. Une force totalement négative. Comme celle des terroristes dont le contrôle échappe même à ceux qui veulent en utiliser l'action à leurs propres fins. Comme celle de ces adolescents du Honduras qui errent sans buts, sans revendications et qui ne tuent que pour tuer.

Le terrorisme n'est pas une toquade ; c'est la réaction finale à une situation devenue intolérable. Une Nouvelle Société offre une réponse à ce problème en mettant fin à la misère et à l'exclusion, en offrant la solution de la solidarité et d'un encadrement (709). Créons la paix. Si les gagnants n'acquiescent pas au changement parce qu'ils en ont compris les avantages, souhaitons qu'ils comprennent au moins les cons�quences n�fastes d'en retarder l'av�nement. Ce ne serait pas la première fois qu'on b�tirait une cathédrale pour éviter une jacquerie... et les cathédrales n'en sont pas moins belles.

 

 

 

Pierre JC Allard


 

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