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712 - Partie II

 

4. Produire pour nos besoins

 

Considérant la situation que nous venons de décrire et ce que l'on attend d'un système de production, comment pouvons-nous déterminer succinctement le rôle de l'industrie dans une Nouvelle Société et donc poser les critères qui nous permettront de la doter d'une structure propice à sa mission ? Avant tout, il faut faire le constat que l'industrie ne sera plus au coeur d'une Nouvelle Société.

Une Nouvelle Société sera postindustrielle. Produire des biens ne sera ni le but, ni la principale activité du citoyen moyen. L'industrie dont la finalité a été pervertie et qui n'est plus orientée vers la satisfaction de la demande, mais uniquement vers sa continuité comme système, est devenue une fin en soi. Une fin absurde, car elle exige du travailleur un effort qui souvent n'est plus nécessaire, pour lui remettre un argent qui n'a plus valeur réelle, pour rendre effective sa demande. pour des produits dont on arrive à grand peine à le convaincre qu'il les veut vraiment.

C'est à cette absurdité qu'il faut échapper. Il est évident que, dans une société d'abondance matérielle, la richesse devient triviale et que l'importance de toute production ne peut que s'estomper au rythme des désirs satisfaits. Aujourd'hui, c'est le travail industriel qui a fini son tour de piste. L'industrie doit se résigner à rentrer dans le rang et laisser les feux de la rampe à d'autres priorités. Nos priorités sont ailleurs.

Nos désirs ne sont pas tous satisfaits, loin de là, mais la vraie demande est pour des services. Des services que la production industrielle ne peut pas rendre et dont elle retarde la disponibilité, voulant à tout prix garder notre attention sur la fabrication de gadgets amusants, mais dont l'importance ne justifie pas les efforts qu'on insiste pour y investir.

La production industrielle hypertrophiée que nous entretenons est devenue un passe-temps imposé par les &laqno; gagnants » aux gens simples que l'abondance a désoeuvrés, ceux-là abusant du désarroi de ceux-ci. (*D-06), et un faire valoir pour une hiérarchie sociale qui ne correspond plus aux nouvelles priorités d'une société d'abondance. (709). Même le retour d'un profit aux investisseurs n'a plus que valeur de symbole, puisque ce profit ne fait que s'ajouter à la quasi-totalité de la richesse qui demeure sagement dans l'univers virtuel comme outil de pouvoir et ne conduit plus jamais à la consommation de biens réels.

Nos nouvelles priorités sont dans les domaines de la santé, de la culture, des loisirs de la pensée et de la spiritualité, dans celui des simples échanges gratifiants entre individus. Nous ne régresserons pas vers l'indigence, au contraire, mais la production industrielle, comme la production agricole l'est devenue il y a déjà longtemps dans les pays développés, sera considérée comme un acquis. Comme en agriculture, il ne restera finalement que 2 à 3% de la main-d'oeuvre en usine et l'on produira tout ce qu'on voudra, mais sans trop y accorder d'attention.

Dans une société postindustrielle qui s'assume comme telle, on ne produira plus pour produire mais pour satisfaire nos besoins. Nos besoins, nos désirs et même nos caprices, car une Nouvelle Société ne sera pas ascétique, mais au contraire résolument hédoniste, voire ludique. Considérant lucidement la condition humaine et les options qui s'offrent à l'individu, une Nouvelle Société mettra au pinacle de ses priorités le droit de l'individu de chercher son bonheur là où il croit le trouver et le devoir de la société de l'y aider. La société existe pour l'individu et non l'individu pour la société, la solidarité n'étant pas une forme d'abnégation, mais le passage obligé vers le mieux-être.

 

4.1 Les règles du jeu

 

Sans aucun compromis quant à la satisfaction totale que doit pouvoir chercher le consommateur, sa capacité à trouver cette satisfaction avec une consommation réduite plutôt que pléthorique de biens divers sera perçue comme une forme de civisme aussi bien que d'intelligence. Un consensus s'établira spontanément à ce sujet et c'est une valeur que véhiculeront le système d'éducation comme les médias.

Dans une Nouvelle Société, la création d'un besoin artificiel ou d'un critère de qualité illusoire ainsi que la promotion d'une surconsommation seront assimilées à de fausses représentations et les normes assurant la véracité de la publicité tendront à ramener celle-ci au niveau de l'information factuelle. Les producteurs auront la responsabilité de réduire l'obsolescence au niveau que le progrès des techniques impose ainsi que d'offrir aux consommateurs le moyen de se tenir raisonnablement indemne des conséquences d'une désuétude imprévue. La garantie légale qu'ils devront consentir fera que cette responsabilité soit assumée.

Ne produisant des biens que pour optimiser le mieux-être, une Nouvelle Société, dans le respect de la nature, de l'efficacité et du simple bon sens, n'en produira que ce qu'il faut pour que soit pleinement satisfaite la demande. Elle n'en produira pas qui, au vu du service qu'on en attend, ne soient pas de la meilleure qualité quant à leur durée, leur fiabilité et l'économie de leurs intrants. Qu'un marché de biens semi-durables se stabilise au niveau de remplacement le plus bas ne sera pas vu comme une calamité, mais comme la confirmation d'un objectif atteint.

Dans cette optique, les marchés pour les biens industriels comme pour les biens durables seront saturés rapidement dans les pays en voie de développement, comme ils le sont déjà dans les pays développés (WINS). Les 300 milliards de dollars de la guerre en Irak sont l'équivalent du coût de construction en géobéton (adobe renforcé) des 500 millions d'unités d'habitation rudimentaires mais salubres, qui constituent la demande insatisfaite à ce niveau de TOUS les pays sous-développés. Cette demande peut être satisfaite en 18 mois. Dans le système actuel, elle ne le sera pas dans cinquante ans.

Quand la production industrielle devient triviale, la fourniture de services prend le pas sur la production de biens. Les « services » qu'on ne peut programmer, qu'on doit fournir un à un et qui exigent donc un apport humain constant, deviennent de plus en plus recherchés et coûteux, relativement aux &laqno; biens » dont la fabrication industrielle garantit l'abondance. Le pouvoir bascule. Le capital ne perd pas toute importance, mais sa rémunération devient moins généreuse.

Ne pouvant jouer son rôle multiplicateur que pour une part de la production ­ la fabrication industrielle - le capital ne mérite pas et ne conservera pas, quand il s'en écarte et collabore à la satisfaction de la demande pour les services, le caractère magique de se multiplier lui-même. Il devra s'activer pour survivre (706). Quand l'importance de l'industrie est décroissante, c'est la connaissance et la compétence, plutôt que le capital, qui sont les outils de pouvoir. Le savoir devient le pouvoir. &laqno; Knowledge is power ».

Revenant à sa finalité première, le système de production industrielle va apporter satisfaction, le mieux possible et au moindre coût. Il se dotera d'une structure qui mettra à profit tous les acquis de la technologie, notamment de la croissance exponentielle de la productivité machine et de la vitesse d'accès à l'information, celle-ci qui rendant possible ce qui auparavant ne l'était simplement pas.

Une Nouvelle Société tiendra compte des tendances incontournables qui découlent de cette évolution technologique : la saturation des marchés qui rend la possession matérielle triviale ; une demande accrue pour les services qui rend la compétence relativement plus rare - et donc plus précieuse - que le capital comme outil de pouvoir (*D-07) ; l'évolution du travail vers la créativité et l'initiative et donc vers l'autonomie et une rémunération liée aux résultats. Un lien stable entre la richesse réelle et son image virtuelle, lien sans lequel celle-ci est en péril imminent de perdre toute crédibilité, s'imposera aussi bientôt de lui-même

Ces tendances - et d'autres - convergent, se combinent et appellent des changements radicaux de notre société. La nouvelle structure de la production industrielle est une pièce maîtresse de la construction du nouvel édifice social. Les changements que nous proposons sur ce site tiennent compte de ces tendances, de leurs exigences, de leur interrelation et des effets cumulés qu'elles produisent.

La production industrielle joue un rôle différent dans une Nouvelle Société. Sa structure et son fonctionnement sont donc différents. C'est à l'usage que ses mécanismes prendront leur forme définitive. Nous croyons, toutefois, que trois (3) changements simples en constitueront des éléments essentiels Le système de production d'une Nouvelle Société va connaître la demande, produire pour cette demande et produire pour apporter la satisfaction.

 

4.2 Connaître la demande

 

La mission du secteur secondaire est de produire pour satisfaire nos désirs. Plus précisément, celle de l'industrie est de produire en masse les biens manufacturés qui font l'objet d'une demande et d'une consommation de masse. En masse, toutefois, ne veut pas dire nécessairement beaucoup, ni surtout le plus possible. L'industrie doit obéir strictement à la demande, une demande qu'une Nouvelle Société rend effective pour tous, bien au-delà de ce qu'il en faut pour satisfaire leurs besoins essentiels.

Pour obéir à la demande, il faut d'abord la connaître. Parlant ici strictement de l'industrie ­ que nous avons définie comme la production de biens matériels exigeant l'usage de machines et la collaboration de plus d'un travailleur - la connaissance de la demande suit deux voies parallèles, selon qu'il s'agit de la production de biens de consommation courante ou de biens semi-durables.

 

4.2.1 Les biens de consommation courante

 

En ce qui a trait aux produits de consommation courante, c'est par un suivi au niveau des ventes des détaillants que l'on obtient cette information sur la demande, par le biais d'un simple rapport des vendeurs à tous les paliers. L'information est compilée pour former un agrégat qui seul est rendu public et qui respecte donc la confidentialité des données de chaque commerçant. Cette démarche est déjà bien connue des organismes spécialisés en recherches de ce type, dont en France l'INSEE.

Aujourd'hui, on se sert de rapports mensuels, le plus souvent obtenus de simples échantillons, et le temps que requièrent la compilation, le traitement, et l'analyse des données recueillies font que l'image qu'on en obtient de l'activité commerciale est celle d'un passé récent mais révolu. Ce procédé ne peut donc être qu'un outil de politique commerciale et fiscale globale à moyen ou à long terme.

Pour que ce procédé de suivi devienne un outil de contrôle efficace de la production et de la distribution, il faudrait que les données remontent par paliers du commerce de détail vers le commerce de gros, vers le distributeur et de là vers les producteurs. Il faudrait y assigner des ressources dont les gouvernants actuels ne voient pas la nécessité. Pourtant, c'est ça qui est nécessaire. C'est techniquement tout à fait possible et c'est ce que l'on fera. Tôt ou tard. Le plus tôt sera le mieux,

Dans une Nouvelle Société, on le fait. Au départ, précisons que l'information est disponible. Tout ce qui est vendu par qui que ce soit à qui que ce soit, commerçant ou particulier, laisse une double trace. Une trace, d'abord, au palier du paiement, puisque chaque paiement est fait par le virement d'une somme de l'institution financière de l'acheteur à celle du vendeur et qu'il y a compensation à la Banque de l'État. (Cette première trace existe donc au moins en duplicata, souvent en triplicata si l'institution financière du vendeur n'est pas la même que celle de l'acheteur). Une deuxième trace de la transaction apparaît aussi aux bilans mensuels pour fin fiscale du vendeur comme de l'acheteur.

On sait que, dans une Nouvelle Société, tout individu responsable et chaque entité corporative doit remettre à l'État un bilan mensuel (BM) à partir duquel est fixé l'impôt sur le capital que chacun doit acquitter (706). Ce rapport mensuel, lorsqu'il émane du particulier non-commerçant, n'a qu'une valeur de contrôle fiscal, mais celui du commerçant devient l'outil maître de la prévision de la demande pour les biens de consommation courante.

Quiconque est commerçant - le volume de ses transactions étant le critère qui sépare un commerçant en semblables matières d'un non-commerçant est en effet tenu de produire, non seulement ce rapport mensuel, mais aussi un avis EN TEMPS RÉEL de toute transaction et de toute livraison qu'il effectue ou reçoit. Cet avis est envoyé par ordinateur au site Internet de l'État, à la section de l'Office National des Acquisitions d'Equipements (ONAE) créé à cette fin. Il contient la même information que le contrat, la facture ou le récépissé émis par l'une ou l'autre des parties et en est généralement la copie, transmise à l'ONAE simultanément à la remise de l'original à l'autre partie à la transaction.

Si quelque raison empêche cette simultanéité, le commerçant doit donner cet avis toutes affaires cessantes. C'est un délit pour lui de négliger de donner cet avis d'une transaction ou d'une livraison dans les 15 minutes qui suivent sa conclusion et il alors devra rendre compte de cette négligence. Chaque avis reste confidentiel, mais les totaux des opérations sont calculés automatiquement et publiés sur le site de l'ONAE, avec la restriction habituelle de confidentialité.

Les biens livrés du fabricant, au distributeur, au grossiste, au détaillant et finalement au consommateur sont suivis dans leur périple physique grâce aux avis donnés aux divers paliers et l'on connaît du même coup la variation des stocks qui équilibre l'équation à chaque palier. On sait où sont les choses. En parallèle, l'avis des ventes effectuées, émis aussi à chaque palier, permet de connaître en tout temps qui en est le propriétaire, indépendamment de qui en a la possession, celle-ci étant alors assimilée à la garde de l'objet.

Complexe ? Il n'y a rien dans cette procédure qui la distingue de celle de DHL ou FedEx suivant le cheminement de ses envois, ou de l'inventaire en continu (rolling inventory) qu'utilise aujourd'hui même, pour la gestion interne de ses opérations, tout détaillant ou grossiste de quelque importance. Rien, sauf la transmission de l'information à l'État. Le volume des renseignements ainsi traités ne constitue plus un défi pour la capacité des ordinateurs actuels. En fait, l'ordre de magnitude des transactions du groupe Wal-Mart se situe plus près de celui de l'économie globale que de celui d'un individu !

Quand tout fabricant peut, à tout moment, voir sur son écran d'ordinateur les fluctuations des stocks à tous les paliers de la chaîne de distribution, il possède l'information clef pour ajuster sa production à la demande. On peut l'aider davantage, car l'État possède et peut rendre accessibles les données des extrants du secteur primaire et celles des catégories du tableau des échanges entre branches d'activité de la comptabilité nationale, chiffres qui pourront corroborer ou nuancer l'information que l'on retire des rapports de vente et livraison des divers produits industriels.

Ceci d'autant mieux que le suivi en temps réel de toutes les transactions transforme aussi les comptes nationaux qui deviennent aussi l'image en temps réel de l'activité économique. Ceux d'entre nous qui avons connu l'époque des enquêtes par courrier et des compilations sur machines Burroughs devons nous pincer pour y croire, mais il est tout à fait possible, dès qu'on universalise l'accès à Internet, de constituer et de gérer aujourd'hui une Table d'input-output DYNAMIQUE de l'ensemble de l'économie nationale

L'État peut aider les producteurs encore davantage, en mettant en ligne les volumes de consommation de chaque produit au cours des dernières années, la tendance (trend) à la hausse ou à la baisse, les prix moyens payés aux divers paliers, les données relatives aux variations saisonnières et tout autre indicateur jugé pertinent. On peut, par exemple, fournir à tout moment aux fabricants le montant du revenu distribué au titre du revenu garanti ainsi que la marge du crédit global disponible, on peut raffiner et le lui donner pour les diverses tranches de revenu, de même que les études comparatives liant le profil de la consommation aux catégories de revenus jusqu'à un seuil de saturation.

Avec la capacité de traitement de l'information dont on peut disposer maintenant, aucun aspect de ce scénario ne présente plus un défi technique sérieux. Le défi est seulement de comprendre que la production n'est pas une partie de poker entre initiés - dont une part de l'astuce est de ne pas donner aux concurrents l'information qui leur permettraient de prendre des décisions éclairées et donc adéquates - mais de SATISFAIRE LA DEMANDE.

C'est avec ce principe bien en tête - et sachant pertinemment que le seuil de saturation pour la plupart des biens de consommation courante est déjà atteint dans les pays développés et le sera bientôt partout - que le fabricant doit décider de stabiliser sa production pour le bénéfice d'une clientèle déjà fidélisée ou d'engager une lutte pour augmenter sa part de marché.

A moins qu'il n'offre une valeur spécifique bien nouvelle, il doit être conscient que ses chances de modifier significativement sa part de marché est mince, pour deux raisons. D'abord, une Nouvelle Société a mis en place un réseau efficace d'accès à toute l'information VRAIE concernant les produits de consommation courante comme les autres produits et la publicité peut utiliser l'hyperbole, mais pas le mensonge. Ensuite, le contrôle exigeant de la qualité et la notion omniprésente d'une garantie de résultats rend pratiquement impossible la distribution d'un produit de qualité vraiment inacceptable. Il n'est donc pas facile de se démarquer des autres.

La concurrence est un élément essentiel de la production dans une Nouvelle Société, mais la concurrence entre fabricants doit se faire entièrement au niveau de la valeur intrinsèque de leur produit et de leur efficacité à produire. Personne n'empêche un fabricant de produire ce qu'il veut, mais celui qui survivra sera celui qui produira mieux un meilleur produit ; produire trop ne sera plus une stratégie gagnante et les volumes de production tendront vers la satisfaction de la demande : RIEN DE PLUS.

En ce qui concerne les biens industriels de consommation courante, on voit que les mécanismes de connaissance de la demande et de commercialisation s'apparentent, mutadis mutandis, à ceux pour les produits agricoles que nous avons vus au texte 711 touchant le secteur primaire. Ceci est normal, puisqu'on fait face, dans les deux cas, à des marchés dont la saturation, lorsqu'elle est atteinte, peut bien difficilement être contestée

 

4.2.2 Les biens semi-durables

 

Ce qui n'est pas le cas lorsqu'on passe à la production de biens semi-durables. C'est en ce qui a trait à ce type de production, surtout, qu'une adaptation de la production aux besoins exprimés peut apporter une meilleure adéquation. Comment connaître les intentions des consommateurs à ce sujet et en tirer profit ? On peut ici aussi faire des analyses théoriques, mais rien ne semble aussi efficace pour connaître la demande des consommateurs en bien semi-durables que de leur demander ce qu'ils veulent. La capacité de traitement de l'information dont on dispose rend désormais cette démarche pratique.

La nécessité pour chacun de produire un bilan mensuel (BM) pour fin fiscale établit une communication périodique permanente entre l'État et chaque contribuable. Cette communication peut être élargie en demandant à chaque citoyen d'autres renseignements et particulièrement, en ce qui nous intéresse ici, ses intentions d'achat en biens durables (*D - 08) et semi-durables. Chaque agent économique peut ainsi, en cochant une liste qui apparaît sur demande à l'écran de son ordinateur, jointe à sa déclaration d'impôt mensuelle, indiquer s'il entend acquérir tel ou tel type de biens au cours des trois, des six, douze ou vingt-quatre prochains mois, ainsi que le prix approximatif qu'il compte payer pour l'acquérir.

Attention. On ne fait pas ici un sondage sur ses pieuses intentions. Quand un déclarant indique qu'il veut acquérir quelque bien semi-durable que ce soit, il s'agit d'une décision d'achat ferme, même si des éléments en demeurent à préciser, comme l'identité du vendeur éventuel, par exemple. Le déclarant rend sa décision ferme et crédible en versant immédiatement au compte de l'ONAE 2% du montant approximatif qu'il fixe lui-même de l'achat dont il donne ainsi avis. Il ne s'agit pas d'un dépôt ; cette somme ne lui sera jamais remboursée, qu'il donne suite ou non à son avis d'achat.

Pourquoi le déclarant donnerait-il cet avis et verserait-il 2% du montant en jeu ? Parce que celui qui donne un tel avis, il reçoit de l'ONAE, au moment où il effectue son achat, une ristourne sur le montant de l'achat ou, s'il a donné avis d'un montant moindre, sur le montant a fixé pour cet achat. Ristourne de 6, 9, 12 ou 15% selon que l'avis donné a été de trois (3), six (6), douze (12) ou vingt-quatre (24) mois. Une économie nette, donc, de 4, 7,10 ou 13 %, considérant le 2% qu'il a initialement versé.

L'acheteur reçoit cette ristourne directement de l'ONAE et elle vient donc s'ajouter à tout autre avantage que lui consentirait le vendeur lors des tractations menant à la vente. Il n'a pas à aviser le vendeur de l'avis qu'il a donné à l'ONAE et qui lui vaut une ristourne, pas plus que l'ONAE n'en avisera les producteurs. Les producteurs sauront qu'ils doivent prévoir le remboursement à l'État de ces ristournes et devront en tenir compte dans l'établissement de leurs prix, mais ils n'auront pas l'information qui leur permettrait de consentir un meilleur prix à celui qui ne reçoit pas de ristourne, ce qui viderait cette démarche de son sens.

Le consommateur fera-t-il sérieusement cet exercice ? Rien ne l'oblige à donner cet avis d'achat, mais s'il ne le fait pas il renonce à une ristourne qui peut être significative, surtout s'il s'agit de l'achat d'une automobile ou d'un ordinateur, par exemple. En revanche, s'il émet cet avis et n'y donne pas suite, il perd le 2% qu'il a versé, ce qui n'est pas non plus toujours un montant négligeable. Si ce pourcentage n'est pas suffisant, d'ailleurs, pour que les ristournes créent la motivation nécessaire et que les consommateurs donnent l'avis qu'on attend d'eux, la valeur des ristournes sera simplement augmentée jusqu'à ce qu'elles jouent leur rôle.

Elles joueront leur rôle quand la publication de la compilation journalière des offres d'achat par types de produits, sur le site de l'État, permettra aux producteurs de suivre efficacement en continu les fluctuations de la demande. Ici, comme pour les produits industriels de consommation courante, toute une batterie de données statistiques sur la saisonnalité, les tendances et le crédit/revenu permettront au fabricant qui le veut de d'ajuster son offre à la demande.

La spécificité des produits semi-durables, toutefois, laisse la porte ouverte à des ambitions plus larges pour le producteur qu'une simple variation de sa part de marché. La tentation est grande pour lui d'être proactif et le danger est donc là d'une production qui s'emballe et tente encore de manipuler la demande. Pour canaliser l'énergie des vendeurs tout en s'assurant que l'offre des produits semi-durables se plie vraiment à la demande, il faut faire plus qu'une simple diffusion de renseignements. Au lieu d'une adéquation de l'offre globale à une demande estimée, il faut tenter d'en arriver le plus possible à une offre précise répondant à une demande précise. Produire sur commande.

 

4.3 Produire sur commande

 

Notre système de production actuel fonctionne à partir d'une présomption de boulimie dans une société obèse. On prend pour acquis que, si on lui en donne les moyens, le consommateur achètera éternellement n'importe quoi, sans égard à ses besoins. La passerelle permettant de quitter un tel système pour un autre où c'est la satisfaction qui est le but découle tout naturellement de la procédure que nous venons de voir pour connaître la demande et en est l'extension.

Lorsque le contribuable donne avis de son intention ferme d'achat à terme, on peut lui offrir le choix d'autoriser l'ONAE à transmettre son nom aux fournisseurs du type de biens qu'il a l'intention d'acquérir. Il n'est pas tenu de le faire et il n'est pas indispensable qu'il le fasse, car sa demande, même anonyme, sera prise en compte dans la compilation de toutes les intentions d'achat exprimées pour un produit donné qui sera transmise aux fabricants concernés.

S'il le fait, toutefois, il en retire un avantage et la société également, puisqu'il deviendra la cible des efforts des fabricants et fournisseurs pour s'assurer sa clientèle et qu'il sera alors activement informé sur ces produits qu'il désire acquérir. Ceci lui sera utile, car n'oublions pas que la publicité dans une Nouvelle Société quitte l'hyperbole et devient essentiellement une information. En invitant le démarchage des vendeurs pour les produits spécifiques qu'il VEUT acquérir, le consommateur retrouve le sentiment d'être dorloté par un vendeur qui s'intéresse passionnément à lui sans être soumis a un barrage de sollicitations concernant l'acquisition de biens qu'il ne veut pas

Producteurs et commerçants approcheront ceux qui auront accepté d'être identifiés comme acheteurs potentiels -acheteurs sérieux, puisqu'ils ont versé des arrhes à l'ONAE ­ et ils feront l'impossible pour les convaincre d'acheter leur marchandise. Le consommateur en contact avec les vendeurs aura l'occasion de préciser sa demande. Son intérêt pour l'achat d'un type de biens pourra vite devenir le choix du modèle bien précis d'un fabricant bien identifié. Plus seulement une petite voiture d'environ n dollars, mais une Smart décapotable, jaune, avec des banquettes blanches

Et quand il sait ce qu'il veut, pourquoi ne pas l'acheter ? Le vendeur lui consentira bien un petit avantage de plus pour conclure sa vente Les producteurs seront avides de convaincre ceux qui se sont déjà jusqu'à un certain point commis à acheter, à se commettre définitivement en passant immédiatement avec eux et non un concurrent un contrat final, indiquant les termes et conditions de la vente.

Les conditions que les vendeurs offriront aux consommateurs seront les meilleures, chaque fabricant souhaitant conclure ainsi des ventes fermes avec un préavis qui lui permettra de déterminer son volume de production à moindre risque. Rien n'interdit d'ailleurs à un fabricant, au cours de la négociation qui va alors s'engager, d'offrir au client potentiel des conditions exceptionnelles pour le convaincre d'allonger l'échéance de livraison du produit.

Quand le fabricant en arrive à conclure une vente de bien semi-durable si longtemps avant le moment prévu pour la livraison qu'il peut ne commencer sa production qu'à partir d'un carnet de commande déjà suffisant pour garantir la rentabilité de sa production, la démarche de vente au consommateur devient une entreprise différente et les paramètre de base de la production et de sa rentabilité sont totalement transformés.

Si un fabricant peut vendre une part significative de ses produits avec une anticipation suffisante, il peut ajuster sa production à la demande, non seulement en quantité mais aussi en tenant compte des désirs spécifiques du client. Le risque inhérent aux caprices changeants du client s'estompe et, du même coup, le risque d'avoir produit pour rien ce que le consommateur ne veut pas. Le risque d'avoir privilégié, par exemple, un détail insignifiant qui devient tout à coup un désavantage marqué au moment de la vente.

Surtout, le producteur qui travaille habilement pourra finaliser ses plans de production et vendre sa production avant même d'approcher un investisseur, élément crucial dans une structure de production basée sur des projets dont nous verrons le détail ci-dessous. S'il y est parvenu, il aura alors avec ce dernier une tout autre discussion Cette commande ferme réduit à bien peu de chose, en effet, le risque du fabricant, surtout quand on considère que les engagements du consommateur sont avalisés par l'État à la hauteur de son revenu garanti et d'une marge de crédit équivalant à un facteur variable mais toujours significatif de ce revenu garanti (701). En fait, c'est une demande non seulement effective, mais cautionnée par l'Etat qu'on identifie et souvenons-nous que la faillite n'existe pas dans une Nouvelle Société (702b).

En fixant à un montant suffisant le coût de son dédit - dont l'ONAE, contre une prime, garantira aussi le paiement éventuel - le fabricant peut même obtenir du consommateur un engagement ferme, tout en conservant lui-même l'option de renoncer au projet. Cette situation n'est pas totalement inouïe ; c'est celle d'un promoteur immobilier vendant des maisons sur plan, ou d'un fournisseur d'équipement militaire faisant payer par l'État les frais de développement d'un prototype, sans devoir même annoncer à quel prix il vendra les unités produites en série. Dans le domaine des bien semi-durables, à usage civil, toutefois, c'est une nouvelle approche et qui devrait susciter chez les producteurs une béatitude confinant au satori ou à l'orgasme.

Cette approche produira une allégresse plus sereine, mais tout aussi indiscutable, chez tous ceux qui souhaitent que le système de production reprenne du service auprès de la demande. Le profit est le prix du risque. Quand le risque diminue, diminue de même la provision que doit prévoir le fabricant pour s'en prémunir et donc le prix qu'il faut exiger du client pour le produit. Produire sur commande - et largement « sur mesure » - signifie une meilleure efficacité, une plus grande satisfaction du consommateur et un enrichissement sociétal, puisqu'on met fin au gaspillage de ressources naturelles et de travail.

Cette approche, d'autre part, fait appel comme on le voit à une collaboration accrue entre l'État et les entreprises. Non seulement l'ONAE fournit aux fabricants les données d'analyse du marché qui permettent à ceux-ci d'estimer correctement la demande, mais l'ONAE intervient aussi pour valider les offres d'achat, recueillir des arrhes qui engagent le client et cautionner en quelque sorte les paiements aux fabricants, à partir de retenues à la source automatique sur le revenu garanti de l'acheteur

L'État, en contrepartie, impose aux fabricants des conditions de garantie légale allongée : un bien semi-durable ne peut être vendu comme tel que si le fabricant, hormis le cas d'usage abusif dont il a le fardeau de la preuve - en garantit totalement le fonctionnement pour trois (3) ans, cinq (5) ans ou dix (10) ans, selon la nature du produit. L'ONAE est caution de cette garantie, s'assurant que le produit est de qualité acceptable et que le fabricant dispose d'une réserve lui permettant de faire face à cette obligation. Si le commerçant cesse ses activités ou fait autrement défaut à ses engagements, l'ONAE en tient le consommateur indemne, prenant ensuite les mesures pour récupérer ses frais du fabricant en faute, sans que le client ait à en porter le poids.

L'État joue donc un rôle actif dans tout le processus de commercialisation, mais uniquement comme facilitateur, jamais comme décideur. L'État est ici au service des parties. Il découle des services que rend ainsi l'État qu'un lien direct peut plus facilement s'établir entre fabricants et consommateurs et que se développera considérablement l'approche aujourd'hui relativement timide de la vente directe du fabricant au consommateur.

Cette approche va apporter une réduction des coûts de transport, de publicité et de commercialisation en général, permettre la suppression de tous les coûts liés aux erreurs d'appréciation de la demande et, surtout, faciliter grandement la protection du consommateur dont producteurs et détaillants peuvent aujourd'hui esquiver la responsabilité en compliquant à plaisir la maquette de leurs engagements respectifs envers le client. Les avantages d'une vente directe du fabricant aux consommateurs feront qu'une proportion significative des transactions concernant les biens semi-durables s'effectuera de cette façon.

Doit-on penser que tout le réseau d'intermédiaires allant du distributeur au détaillant est désormais superflu et que le commerce deviendra peu à peu simplement un volet mineur du processus de production ? Ce serait mal comprendre l'avenir des notions de services et de commodité. Il y aura toujours des acheteurs pour qui les avantages de ne décider qu'au moment de conclure l'affaire l'emporteront sur la différence de prix, quelle que soit cette différence. Disons plutôt que la vente directe du producteur au consommateur se développera en parallèle à un réseau de distribution, dont le rôle et les objectifs seront plus larges que ceux du réseau actuel.

La commercialisation des biens semi-durables se fera selon l'une ou l'autre de deux (2) voies. L'une suivra la &laqno; voie courte » que nous venons de décrire, allant du fabricant au consommateur, alors que la seconde passera par un système de revente similaire au réseau de distribution actuel. C'est au texte 713, traitant du secteur tertiaire, que nous parlerons en détail de la relation entre les producteurs et les revendeurs à tous les paliers et du nouveau rôle qui échoit aux commerçants dans une Nouvelle Société, mais nous ne pouvons donner une vue claire du fonctionnement de la production sans en dire ici quelques mots.

Disons donc seulement que les commandes placées à terme auprès des fabricants ne proviendront pas seulement des consommateurs, mais aussi de revendeurs/commerçants. Ceux-ci, mettant à profit leur expérience et leur pouvoir d'achat, achèteront aussi à terme des produits semi-durables, avec l'intention de les revendre avec profit, au moment de leur livraison, à une clientèle qui, justement, aura préféré ne pas se commettre avec un fabricant mais plutôt attendre et acheter de ces revendeurs.

Ces revendeurs ne pourront évidemment pas concurrencer au niveau des prix les fabricants qui vendront directement aux consommateurs et qui, en plus d'éviter le coût des intermédiaires, auront minimisé leurs risques en finalisant leurs ventes des mois ou des années avant la livraison. Les revendeurs devront offrir une valeur ajoutée sérieuse. Les revendeurs joueront le rôle de la structure de distribution actuelle, mais en y ajoutant autre chose. Ce faisant, ils feront faire un autre pas en avant à la structure de production et distribution d'une Nouvelle Société : ils offriront une gestion de la satisfaction du besoin.

 

4.4 La gestion de la satisfaction

 

Quand les biens industriels semi-durables sont produits et vendus sur commande, la quantité des divers équipements en service et la demande pour ces biens tendent à se stabiliser. La production industrielle trouve un rythme de croisières qui correspond à une prévision des changements technologiques, qui détermineront l'obsolescence et les taux de remplacement. La production ajuste ses prix pour effectuer l'amortissement de ses équipements en fonction de ces taux de remplacements, mais sans perdre de vue son obligation légale d'assurer pour trois ou cinq ou dix ans le bon fonctionnement des biens semi-durables qu'elle a vendus.

C'est une évolution positive, mais on peut faire encore mieux. Dans une étape suivante, on peut passer de la notion traditionnelle d'un bien qu'on vend à celle d'un service qu'on assure et donc se rapprocher de la réalité qui est celle d'une satisfaction qu'on offre. Même aujourd'hui, quand on achète des &laqno; biens », c'est toujours un « service » qu'on achète et une satisfaction qu'on recherche. Ce qui satisfait, c'est ce qui donne le meilleur service. Celui qui vend un produit doit se percevoir comme un fournisseur de service et faire tout en son pouvoir pour gérer la satisfaction de son client.

Nous avons dit qu'il ne fallait pas croire que la distribution ne deviendrait qu'un volet mineur de la fonction production. C'est presque le contraire que l'avenir nous réserve. C'est la fonction production qui ne deviendra qu'un volet mineur d'une activité plus générale qui inclura la distribution et aura pour mission explicite d'offrir au consommateur la satisfaction de ses désirs.On lui procure cette satisfaction en mettant à sa disposition un objet dont il tire certains services qu'il requiert, mais il est convenu que c'est le service rendu et non l'objet lui-même qui est l'essence de la transaction.

Une transaction qu'on peut préciser et redéfinir. « Mettre à la disposition » ne veut pas nécessairement dire « vendre ».Vendre implique un transfert total de propriété, conférant à l'acheteur le droit d' « user et abuser » de ce qu'il acquiert ; ce n'est qu'une modalité parmi toutes celles qui permettent à un vendeur et un acheteur de convenir de la cession d'un bien contre paiement.

Pour les biens de consommation courante ­ une bière ou une aspirine, par exemple ­ il n'y a pas d'ambiguïté : le produit doit être vendu puisqu'il est consommé (détruit) au premier usage. (*D - 09)

Pour les biens durables, il y a divers scénarios, mais la société a la plupart du temps intérêt à ce que l'occupant d'un bâtiment - surtout résidentiel - en soit le propriétaire. On peut présumer qu'il sera alors mieux à même d'en constater les besoins d'entretien et plus motivé pour s'en occuper, assurant donc une gestion plus efficace du patrimoine. Dans le cas des biens durables, la vente semble la bonne solution.

Pour les biens industriels semi-durables, toutefois, les vendre n'est pas toujours la meilleure façon de procéder. À moins qu'on ne parle d'art ou d'objets à valeur sentimentale - auquel cas l'objet doit être assimilé à un bien durable par destination, puisque l'intention est d'en prolonger indéfiniment la durée - ce que le consommateur veut d'un objet semi-durable strictement « utile », c'est le service qu'il en retire. Il ne cherche rien d'autre d'un bien utilitaire que l'usage qu'il peut en faire.

Mais alors, pourquoi les acheter ? Un téléphone, une voiture, une chaise nous sont utiles et l'on en attend un « service », lequel ne se distingue des services que nous rendent les gens qu'en ce que les choses ne peuvent discuter ni marchander les services qu'elles nous rendent. On achète des objets et l'on en tire les services qu'on veut. Mais ne peut-on pas cesser d'acheter des biens et n'acquérir que le droit d'en tirer les services qu'ils peuvent rendre ?

Le consommateur qui achète simplement un service et en paye le prix a ce qu'il veut et n'a pas d'autre responsabilité que d'en faire un usage normal, un concept auquel la coutume donne vite son plein sens juridique Si l'objet loué ne rend pas ce service, il a le droit d'en exiger un autre. En revanche, il n'a rien d'autre à en exiger que ce service. Ce n'est pas une bizarrerie, c'est bien ce qu'on fait chaque fois qu'on utilise un équipement collectif.

Une Nouvelle Société va encourager, dans toute la mesure du possible, le recours à des équipements collectifs ­ à commencer par le transport en commun ! - simplement parce que c'est l'utilisation la plus efficace qu'on peut faire d'un équipement et qu'une société qui partage ses équipements a, de toute évidence, plus de services et de satisfaction pour le travail qu'elle y met, même si le consommateur veut se réserver l'exclusivité d'un objet dont il tire des services, pourquoi voudrait-il en devenir propriétaire ? S'il en a la possession et la pleine disposition pour le temps qui lui convient, n'est-ce pas suffisant ?

Si, pour les immeubles, c'est le manque d'entretien courant qui est la première cause de détérioration, ce qui suggère que l'occupant en soit propriétaire, ce sont les vices de fabrication et l'obsolescence qui menacent surtout un objet semi-durable. Il est donc raisonnable que ce ne soit pas le consommateur qui en devienne propriétaire, mais plutôt le fabricant (vendeur) qui le demeure, ce dernier étant plus en mesure de se prémunir contre ces deux risques.

Une Nouvelle Société exigera que la vente de tout bien semi-durable soit accompagnée d'une garantie légale de bon fonctionnement de 3. 5 ou 10 ans, selon la nature du bien vendu, mais pourquoi assumer même le risque des ennuis découlant de la nécessité de faire valoir ce droit s'il y a une mal fonction intempestive de l'objet ou une obsolescence accélérée ? Pourquoi, dans une société dont la fiscalité imposera le capital - et donc le patrimoine - plutôt que le revenu (706), encombrer son bilan d'un bien sujet à dépréciation ?

Il vaut mieux louer qu'acheter un bien semi-durable. Ce raisonnement a déjà été fait depuis longtemps dans le secteur des véhicules automobiles, où la location à long terme tend de plus en plus à remplacer l'achat. Même phénomène pour les ordinateurs, avec un peu de retard, mais autant d'enthousiasme. Ce qui est déjà en marche sur le marché des voitures et des ordinateurs peut être appliqué à TOUS les biens semi-durables.

Ce qui limite aujourd'hui l'universalisation de cette approche locative, ce sont les exigences du crédit et l'incertitude du commerçant quant à la durée de vie utile de ce qu'il vend, deux facteurs qui l'obligent, le premier à exiger un paiement initial qui n'optimise pas la demande effective et, le second, à exiger des paiements mensuels alourdis d'une prime de risque qui les rend trop onéreux. Dans une Nouvelle Société, ces contraintes n'existent plus.

Le locateur peut toujours exiger un montant initial au moment de la location, mais il n'a plus aucune raison de le faire ­ sauf la couverture de la perte de valeur inhérente à la première utilisation du produit qu'on « étrenne » - puisque le contrat de location lie le locataire pour la durée de son engagement et que l'État, par le biais de l'ONAE se porte garant du respect de ce contrat quelle qu'en soit la durée. Les montants à payer sont prélevés directement du revenu garanti du locataire comme ils le seraient du revenu d'un acheteur et versés directement par la Banque de l'État au compte du locateur. Il n'y a plus de risque significatif inhérent à la location.

Si tout ceci ne suffisait pas à le rassurer, le locateur doit considérer les autres avantages que lui offre une Nouvelle Société. D'abord le crédit disponible de chacun est parfaitement connu ­ et divulgué avec sa permission à ceux, comme ses créanciers, qui ont un intérêt à le connaître - et garanti par l'État à la hauteur d'un facteur connu de son revenu garanti. En cas rarissimes de conflit, tout jugement comporte une saisie de plein droit des actifs du débiteur au profit de ses créanciers, l'insolvabilité entraîne la mise en curatelle immédiate et la faillite n'existe pas. (702b)

Quant à l'incertitude concernant la vie utile des bien semi-durables, il faut ici tourner la table. C'est justement pour inciter le fabricant à fabriquer des choses qui durent qu'on préfère qu'elles soient louées plutôt que vendues. Celui qui ne voudra pas louer sera soupçonné, souvent à bon droit, de ne pas vouloir produire des biens qui durent vraiment. On surveillera avec une grande vigilance ses réserves lui permettant de dédommager les acheteurs si les biens ne durent pas le temps minimal que fixe la loi. On ne l'empêchera pas de vendre - une Nouvelle Société n'aime pas les prohibitions ­ mais il est bien probable que sa position concurrentielle se dégradera rapidement face à ceux qui accepteront de louer.

Le fabricant pourra louer directement au consommateur et certains le feront, mais généralement ce sont des revendeurs/commerçants, dont nous verrons le rôle au Texte 713, qui assureront ce service. Au lieu de constituer une chaîne allant de grossistes en détaillants, ces commerçants se situeront à un unique palier et deviendront les seuls intermédiaires utiles entre le fabricant et l'usager

Que le fabricant lui-même en prenne l'initiative ou que ce soit un intermédiaire qui le fasse, les avantages de la location sur la vente font que la consommation de biens semi-durables prendra vite la forme d'un réseau de location universel. Tout bien semi-durable, c'est-à-dire dont on peut tirer des services pendant trois (3) ans ou plus, tendra à ne plus être acheté mais loué. C'est un service qui sera offert et c'est la satisfaction du besoin qui sera gérée.

La gestion de la satisfaction du besoin ira de paire avec la rationalisation de la gestion du parc des équipements eux-mêmes. Dans un système de production où les biens sont faits pour durer, le marché de la location consiste de plus en plus en biens usagés plutôt qu'en biens neufs. Prenons l'exemple du marché de l'automobile, avec lequel tout le monde est familier, tout en nous souvenant que la même logique s'applique à tous les biens semi-durables.

Quand on construit les voitures pour qu'elles durent et que la question de solvabilité du client ne se pose plus, le marché de la location d'automobile se transforme de deux façons. D'abord, au lieu de deux (2) types seulement de contrats - à court terme (renting) ou à long terme (leasing) ­ les exigences de la concurrence font qu'on offre désormais une infinité de contrats de durée variable. Ensuite, la location d'un véhicule usagé n'est plus une rare aubaine, mais la transaction la plus courante. La structure des prix de location doit refléter cette double innovation.

Les prix de location varient donc selon l'âge du véhicule loué, la logique étant que, neuf à sa location, le produit devient de plus en plus usagé avec le passage du temps et que sa valeur locative diminue d'autant selon l'offre et la demande pour de tels produits usagés. Les taux, toutes autres choses étant égales, sont donc réajustés chaque mois selon l'âge du véhicule. Celui qui loue une voiture &laqno; neuve » paye normalement une prime liée à la perte de valeur qu'elle subit quand elle a déjà servi, ne serait-ce qu'une fois. Il a donc intérêt à amortir cette prime sur un contrat de location à plus long terme, mais il n'y est pas tenu.

Ce cas mis à part, celui qui loue pour une journée ou une semaine une voiture qui n'est pas « neuve » paye le taux en vigueur pour cette voiture, tenant compte de son âge en mois. Si la voiture est louée pour une période plus longue, la logique d'un taux dégressif s'applique, même si, par souci de commodité, on calcule la moyenne de ces taux dégressifs et qu'on applique au client un même taux mensuel sur toute la période. Le taux appliqué est alors égal à cette moyenne, mais bonifié pour tenir compte de l'avantage du locateur à ne pas devoir passer durant la durée de ce contrat à long terme, les multiples petits contrats qui en tiendraient lieu et dont le coût administratif d'exécution n'est pas nul. Le coût mensuel de location, pour un même bien, varie donc non seulement selon l'âge du véhicule , mais aussi selon la durée de l'engagement

Ces taux dégressifs établissent de façon rationnelle et tout à fait empirique la valeur de location normale de tout véhicule usagé. Dans un système où la location est la façon normale de satisfaire un besoin, mais où il n'est tout de même pas interdit d'acheter, cette valeur de location devient aussi automatiquement le déterminant de la valeur d'achat du produit lui-même.

Ces contrats de durées variables peuvent sans difficulté permettre des changements en cours de contrat, en échange naturellement d'une prime à payer. On peut prévoir le changement du modèle loué pour un plus récent après un an, deux ans, etc. On peut louer un modèle déjà usagé et en prévoir le remplacement, après des mois ou des années, par un autre, usagé également. Des marchés distincts s'établissent donc pour ceux qui ne veulent louer que du neuf et pour ceux qui préfèrent renoncer au prestige et louer la voiture de deux, trois ou cinq ans d'âge. Pour ceux, aussi, qui cherchent une économie en louant des voitures de dix ou vingt ans, ce qui sera tout à fait raisonnable quand on construira des voitures pour qu'elles durent.

Cette approche, en plus de ces avantages évidents, a deux (2) autres conséquences hautement bénéfiques. D'abord, celui d'intégrer tout le marché des véhicules usagés à celui des véhicules neufs, ce qui permet aux fabricants de raffiner encore davantage leurs plans de production pour tenir compte de l'amortissement optimal du parc de véhicules existants. Ensuite, de soumettre toutes les transactions touchant des véhicules usagés aux règles de garanties établies pour les véhicules neufs qui jouissent d'une caution de l'État, à la seule exception de la règle touchant la garantie légale de fonctionnement minimal de (10 ans, pour un véhicule), laquelle le commerçant locateur peut faire valoir contre le fabricant, mais non le consommateur contre le locateur.

En ce qui a trait à la relation entre l'usager et le locateur, la garantie légale du véhicule n'a plus d'importance. Le locateur est astreint à l'obligation plus exigeante de voir à ce que le locataire puisse retirer le service prévu du bien loué, quelle qu'en soit la vétusté. Le locateur d'un véhicule qui tombe en panne a la responsabilité d'en fournir un autre sur le champ au client et de dédommager celui-ci des inconvénients prévisibles qui résultent de cette panne.

On comprend qu'à ces conditions, le locateur décide lui-même d'envoyer à la casse les véhicules dont il estime que, compte tenu de la fréquence des avaries, il ne peut plus tirer un profit. Ce n'est plus le consommateur jocrisse qui doit prendre cette décision. En remplaçant vente par location, on permet donc aussi au système de gérer l'introduction raisonnable de l'innovation et l'on optimise le service qu'on retire des biens produits, ce qui sont bien des objectifs qu'une Nouvelle Société veut fixer à la production.

Nous avons mentionné les véhicules, mais le même scénario est possible pour les ordinateurs, les électroménagers, l'ameublement Quand on pense à un système de production sur commande et à la location des biens semi-durables, on voit se profiler une amélioration qualitative stupéfiante des équipements. Lorsque le fabricant ne calcule plus la rentabilité de son entreprise en fonction du profit immédiat sur ses ventes, mais plutôt en tenant compte des coûts et bénéfices de fournir à ses clients un SERVICE permanent, durant une période illimitée, changeant au besoin les produits qui leur procure ce service, il a une nouvelle vision de sa mission. Et nous avons une économie sans gaspillage.

Pour les produits en évolution rapide, les prix de location tiennent compte d'une mise à jour biennale, voire annuelle de l'équipement. Faut-il souligner que les produits sont alors conçus pour faciliter cette mise à jour plutôt que d'encourager la mise au rancart ? Pour les produits dont la désuétude est moins rapide ­ et souvent planifiée aujourd'hui sans autre raison que de maintenir actif un marché autrement totalement saturé ­ c'est la pure qualité qui devient l'objectif, puisque l'entretien et les réparations deviennet les plus graves aléas du métier.

Il sera facile d'obtenir l'adhésion de la clientèle à cette transformation du marché des biens semi-durables, la garantie de l'État /ONAE venant pallier le manque de confiance qui s'est installé et qui détourne maintenant les consommateurs de la qualité. Celui qui aujourd'hui achète un réfrigérateur de 500 euros verra avec enthousiasme la possibilité de louer, pour 10 ou 15 euros par mois durant dix ans, un appareil haut de gamme qui en vaudrait de 1 200 a 1 800 à l'achat et dont on lui garantira de façon crédible l'entretien inconditionnel sauf sinistre, mauvaise foi ou grossière négligence.

>Et quel mobilier pouvez-vous vous permettre, si on en étale le prix sur les 360 mensualités d'un contrat de 30 ans ? Surtout si vous pouvez, à peu de frais, changer votre simili Louis XV usiné, mais de haute qualité, pour un Queen Ann tout aussi manufacturé, mais de toute aussi bonne facture, votre commerçant ayant déjà la liste des propriétaires de Queen Ann qui voudraient du Louis XV.

Cet échange de biens industriels semi-durables, devenant peu à peu durables parce qu'ils sont faits avec un souci de qualité qui leur confère progressivement une valeur autre qu'utilitaire, va incessamment se développer sur Internet ; il se développera mieux et offrira une meilleure protection au consommateur si en sont parties prenantes des fabricants et des commerçants reconnus.

Quand on échappe au miroir monétaire et qu'on voit la réalité des objets eux-mêmes, c'est cette amélioration de la qualité de tout ce qui est produit - et donc la possession croissante par tous et chacun de produits haut-de-gamme - qui est la conséquence bien tangible d'une nouvelle structure de production industrielle.

 

 

Pierre JC Allard


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