Ephémère reine de France « qui rendait contents tous ceux qui la voyaient », la veuve de François II n'avait que dix-huit ans quand elle regagna son royaume d'Ecosse déchiré par les guerres religieuses et les ambitions. Très belle, généreuse, courageuse, mais impulsive, imprudente, ballottée par ses sens, elle fut perdue par son besoin d'amour et de protection. C'est la passion amoureuse qui l'aveugla au point de se discréditer et de déchaîner une insurrection en épousant Bothwell, le meurtrier de son deuxième mari, le vaniteux Darnley. C'est le besoin de protection ou la candeur qui la conduisit, en 1569, à chercher refuge auprès de sa cousine la protestante Elisabeth Ière, détentrice d'une couronne d'Angleterre à laquelle Marie, petite-fille de Marguerite Tudor, pouvait prétendre. Pendant dix-neuf ans, jusqu'à sa décapitation, la reine d'Ecosse sera traînée de prison en prison. C'est alors que, touchant le fond de la détresse, perdant l'espoir de redevenir une amante, une épouse, une mère, elle trouva dans l'orgueil dynastique la force de lutter contre le désespoir. Elle se comporta en reine catholique intransigeante dont les persécutions transfigurèrent l'image. Son martyre effaça ses faiblesses de jeunesse et, quand lui fut signifié son arrêt de mort, elle fit de son supplice, sous le signe de la foi catholique et du caractère sacré des rois, un chef-d'œuvre grandiose destiné à montrer à l'Histoire, face à Elisabeth Ière, qui était la vraie reine.

 


 

« Depuis qu’elle arriva en France à l'âge de six ans, les hommes révèrent de cette femme enchanteresse, muse, sainte et martyre pour les uns, monstre infernal pour les autres. »

 

Philippe Erlanger, « Marie Stuart »

 

Marie Stuart: Biographie

 

Reine au berceau : Naissance de Marie, ses premières années en Ecosse

 

1542 – 1548

 

 

Les parents de Marie: James V et Marie de GuiseLe 8 décembre 1542, au château de Linlithgow, près d’Edimbourg, la reine d’Ecosse Marie de Guise-Lorraine, met au monde une fille. Elle est bien soucieuse, la pauvre reine. Elle vient de perdre deux fils florissants, emportés tout jeunes par un mal mystérieux où elle soupçonne la main des nobles écossais, irrités par les rudesse de son mari, le roi James V, le beau cavalier qui, quatre ans plus tôt, était allé la cueillir, toute jeune veuve du duc de Longueville, à la cour des Valois. Au moment où elle met au monde l’enfant qui sera Marie Stuart, elle est rongée par l’inquiétude au sujet de son mari. Il vient d’être battu à Solway Moss par les Anglais d’Henri VIII, ayant été, sur le champ de bataille, au moment décisif, trahi par sa noblesse factieuse. Il se réfugie au château de Falkland, miné par la fièvre, douloureusement hanté par les fantômes de ses ancêtres, tous morts par la violence, James I, James III assassinés, James II, James IV tombés sur le champ de bataille. En apprenant la nouvelle de la naissance de la petite Marie, désespéré de ne pas laisser de descendant mâle légitime, alors qu’il avait eu sept bâtards avant son mariage, et prévoyant le sort de la future reine – à qui il lègue un royaume déchiré par la révolution et par la guerre, par les querelles religieuses et les haines féroces des clans, où la noblesse est, en majorité, hostile à sa race, et le peuple en partie détaché de sa dynastie par le protestantisme, de plus en plus envahissant – il dit tristement, faisant allusion à l’origine de la couronne royale d’Ecosse, apportée à un de ses lointains ancêtres Walter Stuart par Marjory, la fille de Robert Bruce : « Par fille elle est venue, par fille elle s’en ira. » Et, six jours plus tard, il meurt solitaire, sans avoir revu sa femme ni sa fille.
Marie est couronnée reine, à moins d’un an, le 9 septembre 1543. En fait, les difficultés et les intrigues commencent tôt autour de son berceau : non seulement dans son milieu immédiat, où les passions font tout de suite rage entre plusieurs grandes familles écossaises protestantes et le chef du parti catholique, le cardinal Beaton, qui se disputent le pouvoir et l’influence, mais aussi en Angleterre – car Henri VIII qui convoite l’Ecosse et qui, jadis, avait été candidat à la main de Marie de Guise, fait demander à celle-ci la main de sa fille pour son fils Edouard, le futur Edouard VI, qui est alors âgé de six ans. Il multiplie les intrigues et même les incursions à main armée pour l’obtenir. Mais Marie de Guise a un autre projet qui lui tient à cœur : elle rêve de faire de sa fille une reine de France, en la fiançant au dauphin François, fils de Henri II.
D’une ténacité que rien ne pouvait lasser, ayant gagné à son idée les Guises et la Cour de France, sous prétexte qu’une future princesse de France devait recevoir une éducation française, en réalité pour la soustraire aux dangers incessants dont les ambitions écossaises et anglaises menaçaient la liberté, sinon la vie de la future reine, elle l’envoya en France, le 7 août 1548, sur un vaisseau français, escorté de toute une flottille de protection.

 

La reine-dauphine

1548 – 1559

La princesse n’a pas encore tout à fait six ans. C’est une robuste et jolie fillette aux cheveux dorés, qui est de vue tout à fait plaisante. Son frère bâtard James Stuart, qui est âgé de quinze ans, et quatre filles de son âge, appartenant au meilleures familles du royaume, quatre Maries, l’accompagnent, sous la haute surveillance de lady Fleming, sa gouvernante, et de Janet Sinclair, sa nourrice. Elle paraît appelée à un brillant avenir : reine couronnée d’Ecosse, son mariage la fera, par surcroît, reine de France. Et par la filiation de son père, fils de Marguerite Tudor, fille de Henri VII et sœur de Henri VIII, elle a des droits éventuels à la couronne d’Angleterre. Aux côtés de l’ambassadeur M. de Brézé, envoyé en Ecosse pour accompagner Marie en France, le poète Joachim du Bellay représentait la Muse française.
Le 13 août, elle touche la terre de France à Roscoff, mais, reprenant la mer, c’est par Nantes qu’elle fait son entrée solennelle dans le royaume qui devait devenir sien. Remontant la Loire sur la nef royale elle est partout accueillie avec des honneurs souverains. Les Ecossais de sa suite se délectent de l’excellence des vins d’Anjou et de Touraine, les petites voyageuses elles-mêmes n’y sont pas insensibles, et elles goûtent la beauté des sites et la douceur incomparable de l’air, en ce bel automne de France.
D’étape en étape, le cortège arrive au château de Carrières-Saint-Denis où l’attendent les enfants de France. C’est là que s’affrontent la fiancée de six ans et le fiancé de quatre ans et demi. Selon les nouvelles aussitôt transmises à Henri II, ils s’accommodent tout de suite l’un à l’autre, en apparence au moins, car la robuste montagnarde qu’est Marie, pétulante et débordante de joie de vivre, ne dut pas trouver très beau le petit garçon blême, au visage vieillot et boutonneux, qui représentait son fiancé. Lui, au moins, car il était, à tous les points de vue hélas ! de la descendance de François Ier, trouve Marie fort à son goût. Elle fait, en tout cas, la conquête du roi, dès qu’il la voit, de la maîtresse royale, Diane de Poitiers et même de la reine Catherine de Médicis.

Et, alors, commence pour Marie une vie de rêve : Les quatre Maries ayant été mises au couvent, la jeune dauphine est placée sur pied d’égalité avec les enfants de France, elle partage leurs jeux et leurs travaux, elle a les mêmes maîtres. Elle révèle un esprit prompt et avisé, elle se montre particulièrement apte au latin que lui enseigne Amyot, et, à treize ans, elle prononce devant la cour un discours en latin, fort bien tourné et qui émerveille les connaisseurs. Elle apprend aussi le grec, l’italien. Ronsard et du Bellay corrigent ses premiers vers français. Elle aime l’étude, mais elle aime plus encore le chant, la musique, la danse, les toilettes somptueuses et les belles œuvres d’art ; quand elle aura grandi, très tôt excellente écuyère, elle suivra passionnément les chasses de la Cour. Son esprit s’affine dans le commerce précieux de Marguerite de France, la sœur très cultivée de Henri II, et surtout dans celui des grandes figures de la famille de sa mère de la lignée des Guises. A les voir agir, à les entendre, du chef vénéré de la famille, Claude de Lorraine, le héros de Marignan, jusqu’au fameux chef de guerre François le Balafré, et Charles le futur cardinal de Lorraine, elle conçoit un idéal de vie ardente et passionnée, d’ambition et de sagesse politique. Cet idéal contrebalance, d’une certaine façon, le spectacle de ce qu’on appelle à l’étranger « les licences de la Cour de Diane de Poitiers ou de Catherine de Médicis », et pallie les influences fâcheuses que ces cours exercent sur sa formation, en lui inspirant une ardeur excessive à jouir de la vie et un penchant dangereux à se laisser aller aux plaisirs des sens.
Physiquement elle se forme davantage, avec chaque année qui passe : sa santé est quasiment parfaite, sa beauté s'affine, tout le monde s’accorde à en convenir, même sa gouvernante acariâtre Françoise d’Estourville, remplaçante de lady Flemming, qui avait donné au roi des leçons d’anglais trop intimes, doit avouer qu’  « elle rend contents tous ceux qui la voient ». De grands yeux marron, un teint d’une blancheur de lys, un front d’une courbe sans défaut, des cheveux abondants d’un blond ardent, une démarche unissant sans efforts la souplesse et la dignité, font d’elle une créature d’exception. On le lui dit et on ne le lui montre que trop, et ainsi se développent en elle, fâcheusement, sa vanité et son désir naturel de plaire.

Cinq ans plus tard, dans la joie d’avoir vu les Anglais chassés de Calais et de France par l’oncle de Marie, François de Guise, Henri II se résout à hâter le mariage des deux enfants royaux. La cérémonie a lieu le 24 avril 1558, à Notre-Dame de Paris. Marie est rayonnante de bonheur et de beauté dans sa robe semée de diamants et de perles. Sous le lourd diadème qui lui meurtrit le front, le Dauphin fait piteuse mine. Il parait malingre et blafard sous son pourpoint de velours, mais si heureux que cela lui donne tout de même une sorte de beauté. Tout, cérémonie, banquets, réjouissances qui suivent, sont somptueux à souhait. Une seule ombre au tableau : Marie de Guise, la reine d’Ecosse, n’est pas là – elle n’avait pu quitter Edimbourg, car l’anarchie et la révolution y grondaient. Le soir, malgré sa fatigue écrasante, Marie prend le temps de lui écrire qu’elle s’estime « la plus heureuse des femmes du monde ». Malheureusement, elle ne devait pas le rester longtemps !
Le contrat de mariage, établi le 9 avril au Louvre, est, sans que la nouvelle dauphine s’en doute, responsable d’une bonne partie de ses futurs malheurs. Le Dauphin a été reconnu roi d’Ecosse par les députés d’Edimbourg, dans le cas de son propre décès, il assure à sa femme un douaire de 60 000 livres tournois. Quant aux futurs enfants, le fils aîné devra régner sur la France ainsi que sur l’Ecosse ; à défaut d’un héritier mâle, la fille aînée n’héritera que de la couronne d’Ecosse. Cela semblait parfait, mais, quinze jours avant, le 4 avril, à Fontainebleau, devant le roi, le Duc de Guise, le Cardinal de Lorraine et le Garde des Sceaux de France, Marie a dû apposer une mention lourde de conséquences...  au cas où elle viendrait à mourir sans enfants, elle laisserait au roi de France la couronne d’Ecosse et tous ses droits à celles d’Angleterre et d’Irlande. Si la chose s’avérait impossible, l’Ecosse aurait à payer au roi de France la somme d’un million d’or par annuités. Marie ne comprit pas – et on se garda bien de lui expliquer – la lourdeur possible des conséquences de ses signatures, mais elle prit là – en en ayant peut-être conscience – une première leçon de ruse et de duperie. C’est ainsi que – avant de monter effectivement sur le trône d’Ecosse – elle trahit la cause de son pays.

En attendant que l’avenir lui démontre les inconvénients de ce genre de complot, le présent la place devant un fait précis qui amènera pour Marie une situation dangereuse d’où viendront les premières difficultés de son règne : Henri VIII avait laissé, en mourant en 1547, trois enfants – Marie Tudor, née légitimement de sa première femme Catherine d’Aragon, Elisabeth dont la mère était Anne Boleyn et Edouard, le fils de Jane Seymour. Edouard succéda à son père, mais il mourut en 1553. Marie Tudor monta sur le trône après la mort de son frère, mais ne vécut que jusqu’en 1558, et la grave question de la succession se posa : des enfants directs d’Henri VIII, il ne restait plus qu’Elisabeth. Mais les catholiques, n’ayant jamais voulu reconnaître le divorce du roi de sa première épouse, avaient déclaré non valable son mariage avec Anne Boleyn et illégitime la fille (Elisabeth) qui en était née. Henri VIII lui-même l’avait, comme d’ailleurs sa fille aînée, déclarée illégitime. Il leur avait bien rendu leurs droits à la mort de Jane Seymour, mais cette réintégration n’avait aucune valeur aux yeux des catholiques. Pour eux, il n’existait qu’une seule héritière légitime : MARIE STUART, descendante des Tudor par sa grand-mère Marguerite. Celle-ci, fille de Henri VII, était devenu femme de James IV, roi d’Ecosse, père de James V. Marie étant la fille de ce dernier, ses droits apparaissaient incontestables aux catholiques, non seulement d’Ecosse et d’Angleterre, mais de France et d’Espagne, qui étaient fort inquiets des progrès du protestantisme en Angleterre, causés par le refus du pape d’accorder à Henry VIII son divorce. Donc Marie devait, aux yeux de la France, devenir reine d’Angleterre, et, sur l’ordre d’Henri II, excité par le cardinal de Lorraine, les jeunes époux François et Marie prirent le titre de roi et reine d’Angleterre et d’Irlande. Les armes d’Angleterre se trouvèrent désormais partout dans leur chambre, leur chapelle, leur garde-robe, leur vaisselle. Plus tard, Marie se fera appeler « Regina Franciae, Scotiae, Angliae et Hiberniae » sur tous les documents.

En fait, l’opposition des catholiques n’empêcha pas Elisabeth Tudor de devenir reine et d’être couronnée le 15 janvier 1559. Mais fort inquiète des prétentions de Marie Stuart, elle se mit immédiatement, avec son ministre William Cecil, à ébranler en Ecosse même la situation des Stuarts en soutenant les efforts du presbytérianisme écossais et de son chef redoutable, le pasteur fanatique John Knox.
Marie de Guise, la régente, trouva presque toujours ces deux ennemis farouches à l’origine de la plupart des difficultés contre lesquelles elle eut à lutter – et c’est en combattant un mouvement de rébellion des lords, provoqué par John Knox, encouragé par Elisabeth, qu’elle mourut le 10 juin 1560. Mais avant de connaître ce deuil, Marie en avait connu un autre en France : Henri II avait été tué accidentellement le 10 juillet 1559 dans un tournoi qu’il donnait en l’honneur du mariage de sa fille Elisabeth avec Philippe II d’Espagne.



Marie, reine de France – La reine blanche

 

1559 – 1561

 

Cet accident amenait prématurément le jeune couple royal sur le trône. François avait quinze ans et Marie dix-sept. Le sacre eut lieu à Reims, le 18 septembre 1559. Treize mois plus tard, le 5 décembre 1560, la jeune reine devenait veuve. [Visitez la section Sources Primaires pour lire de très jolies vers que Marie composa Sur la mort de François II] Quand elle rentra dans le monde, après la claustration rituelle des quarante jours, elle redevint tout de suite la proie des intrigues : Son oncle, le Cardinal, songe dès maintenant à la remarier ; il songe à Don Carlos, le fils de Philippe II, mais Catherine de Médicis, qui a pris le pouvoir en mains comme régente pendant la minorité de son deuxième fils, Charles XI qui a tout juste dix ans, s’emploie de toute son énergie à faire échouer ce projet qui lui paraît dangereux pour la sécurité de la France. Elle montre d’ailleurs à Marie qu’elle a cessé de l’intéresser et que sa présence est indésirable à la Cour. Alors la jeune veuve quitte Paris en mars 1561 et va se réfugier en Lorraine près de ses oncles. En plus, des émissaires catholiques la supplient de revenir en Ecosse pour y prendre la tête du mouvement de résistance aux presbytériens et aux Anglais. Elle a appris, en quelques mois, assez de choses graves sur la situation de son pays natal pour savoir que, si elle répond à leur appel, elle va au devant des pires difficultés, mais elle a du sang des Guises dans les veines, est elle est après tout reine d’Ecosse. Elle n’a plus rien à faire en France, et elle va où son devoir la conduit.
Le 15 août 1561, elle s’embarque à Calais. Elle pleure longuement en voyant disparaître les êtres qu’elle aime et qui assistent à son départ, et les côtes de France, où elle a vécu près de treize ans, insouciante et heureuse. Elle quitte la France avec le sentiment qu’elle n’y reviendra plus : « Adieu, France ! Je pense ne vous revoir jamais plus. » [Voir Sources Primaires pour une Chanson attribuée à Marie Sur son départ pour l’Ecosse]

La Cour et ses amis d’autrefois l’auront bientôt oubliée, seul les poètes français continueront à la chanter, tel que Ronsard le fit à l’occasion de son départ dans son élégie « Au départ » :

Comment pourroient chanter les bouches des poètes,
Quand par votre départ les Muses sont muettes ?
Tout ce qui est de beau ne se garde longtemps,
Les roses et les lys ne règnent qu’un printemps.
Ainsi votre beauté seulement apparue
Quinze ans en notre France, est soudain disparue,
Comme on voit d’un éclair s’évanouir le trait
Et d’elle n’a laissé sinon le regret,
Sinon le déplaisir qui me remet sans cesse
Au cœur le souvenir d’une telle princesse. 

Et une dernière fois les poètes de la « Pléiade » s’exclament en regrettant son départ :

Ce jour le même voile emporta loin de France
Les Muses, qui songeaient y faire demeurance 

Elle voguait vers un destin cruel…
Son retour en Ecosse lui avait été rendu difficile par le refus qu’Elisabeth avait opposé à sa demande de passer par l’Angleterre.
Elle dut donc s’imposer une traversée assez longue. Après un voyage de quatre jours, et après avoir échappé aux vaisseaux anglais, elle débarqua à Leith, le port d’Edimbourg, à l’embouchure de la Forth, le 19 août 1561.

Le 16 mai 1568, elle reprendra la mer, dans un bateau de pêcheur, pour traverser la baie de Solway, mais, cette fois, en fugitive, chassée de son pays, brisée, vaincue, venant solliciter, malgré les supplications de ses derniers fidèles, l’hospitalité de sa plus grande ennemie, la reine d’Angleterre. Elle aura donc régné, pas tout à fait sept ans, mais des années tumultueuses, pleines d’événements et tragiques.


Marie, reine d’Ecosse

1561 – 1568

L’arrivée de Marie sur sa terre d’Ecosse s’était faite avant la date et l’heure prévues, sans éclat. Ni escorte, ni chevaux ne l’attendaient à Leith. A Edimbourg même, le peuple se montra démonstratif et, le soir, un discordant concert de violons vint, lui écorchant les oreilles, lui faire regretter les suaves musiques qu’elle avait connues en France. Le château de Holyrood, sa résidence normale, était une sorte de forteresse moyenâgeuse, maussade, surplombant sinistrement la masse grouillante des maisons sans beauté qui garnissaient les flancs du rocher sur lequel était bâti le château. Marie, en le voyant, pensa avec mélancolie aux résidences royales de la Loire, ou au château de Saint-Germain. Mais cela n’était rien par rapport aux autres désillusions qui l’attendaient…
Elle arriva avec les meilleures intentions, toute prête à aimer son rude peuple et à composer avec sa noblesse turbulente et avide, mais entre son peuple et elle se dressait, dès l’abord, un terrible obstacle, celui de la religion : elle était catholique, la majorité du peuple était presbytérienne. C’est ainsi que, en face d’elle, elle avait trouvé le plus farouche, le plus fanatique des apôtres, le pasteur John Knox. Celui-ci, ancien forçat des galères d’Henri II, libéré par caprice, exécrant le papisme, était, après avoir vainement essayé de faire fortune en Angleterre, venu en Ecosse. Par une propagande forcenée, il y avait assuré le triomphe définitif de la foi nouvelle. Il avait gagné à sa cause les lords écossais, toujours besogneux, en leur faisant entrevoir leur enrichissement par la dissolution des monastères et des églises catholiques. Il escomptait l’appui de ces lords convertis, dits « de la Congrégation », à la tête desquels était, dans l’ombre, le propre frère de Marie, l’ambitieux James Stuart. Plus d’une fois John Knox avait trouvé leur aide et avait obtenu, grâce à elle, l’intervention armée de l’Angleterre. Dès qu’il fut en présence de la reine, il lui fit une guerre aussi acharnée que celle qu’il avait faite à la régente. Dans ses sermons il livra la papiste à l’exécration publique, déformant ses moindres gestes et propos. C’est inutilement que Marie essaya de le calmer, de l’amadouer – tous ses efforts furent impuissants. C’est en vain que, le 23 août 1561, elle promit aux presbytériens le libre exercice de leur culte, à condition qu’ils ne molesteraient pas le sien – ce que voulait Knox , c’était l’éviction totale du catholicisme en Ecosse et il resta intransigeant dans son fanatisme. Knox avait déclenché la chasse aux prêtres, la mise des couvents sous séquestre, l’interdiction sous peine de mort des messes, et , malgré tous les efforts de Marie de Guise, il avait obtenu du Parlement, illégalement réuni, un vote décrétant l’abolition du catholicisme en Ecosse. Quand Marie voulut pratiquer son culte dans son privé, il provoqua des troubles populaires. Toute sa vie, il lui resta hostile, acharné à sa perte, excitant le peuple contre sa reine, lors des affaires Riccio, Darnley, Bothwell. Et finalement il parvint à rendre suspecte et odieuse à son peuple cette reine qui ne demandait qu’à aimer et à être aimée.
Par malheur pour Marie sa noblesse était, elle aussi, presque entièrement presbytérienne, ayant beaucoup profité des sécularisations de 1560. Pour les lords comme pour le peuple, elle n’était que la papiste et, par conséquent, elle n’avait pas à attendre de secours de leur part.
Le danger anglais n’était pas moins redoutable : sous prétexte de défendre le protestantisme, les Anglais ne manquaient pas une occasion d'envahir l’Ecosse. Après la mort de la régente ils avaient conclu, le 6 juillet 1560, avec les Ecossais, le traité d’Edimbourg : Ce traité assurait, à part l’évacuation des troupes françaises de l’Ecosses, pleine liberté de culte aux protestants, l’amnistie des lords dits rebelles, l’abandon de l’alliance française, la reconnaissance entière des droits d’Elisabeth à la succession d’Henri VIII, et la renonciation par Marie Stuart à toutes ses prétentions au trône d’Angleterre. Naturellement, quand ce traité fait illégalement sans leur assentiment, fut présenté à leur ratification, François et Marie refusèrent de le signer, ne voulant consacrer de leur sceau la défaite définitive du catholicisme en Ecosse et la renonciation des Stuarts au sceptre anglais. Ils avaient, par la suite, ordonné de préparer une expédition armée en Ecosse. Elisabeth en avait conçu une violente irritation, et, dès lors, considéra Marie comme une rivale et une ennemie de l’Angleterre et du protestantisme. Mais Marie voulut également faire preuve de bonne volonté envers Elisabeth : Elle offrit de ratifier les clauses du traité d’Edimbourg concernant ses droits au trône d’Angleterre, mais à condition qu’elle en serait déclarée héritière ipso facto, c’est-à-dire si la reine d’Angleterre venait à mourir sans enfants. Celle-ci refusa, et l’inimité instinctive des deux femmes fut avivée. Elisabeth fit surveiller de très près les faits et gestes de sa rivale et sa position vis-à-vis de ses ennemis en Ecosse même.
Ces ennemis sont nombreux : ce sont les pasteurs presbytériens, les lords de la Congrégation chez qui la voix de l’intérêt domine toutes les autres et aussi toutes ces autres grandes familles (les Douglas, les Lindsay, les Crawford), en partie catholiques, que ses parents avaient tenté de maîtriser.
Mais c’est surtout celui qui, pour Marie, est le plus dangereux, sans qu’elle sans doute: son frère illégitime, James Stuart, prieur de Saint-Andrew, chef occulte des lords écossais. Effroyablement ambitieux, il aspire à la couronne, s’en jugeant plus digne que Marie, qui n’est qu’une petite fille. Ayant abjuré le papisme, possédant de rares dons de dissimulation, il travaille inlassablement à se créer un parti, mais il travaille dans l’ombre, faisant marcher et compromettant les autres, sans se démasquer. Marie, pourtant, est informée de ses intrigues dès 1559 et lui écrit une lettre dure, sans doute dictée par son oncle le cardinal de Lorraine. Jamais James ne lui pardonnera d’avoir été démasqué. Si, elle, n’a pas la rancune longue, lui l’a tenace. Quand Marie revient en Ecosse, il se montre gentil à souhait, Marie, sans méfiance, se laisse tromper et le comble de cadeaux et de titres. Elle le fait comte de Mar, quand il se marie en 1562, le nomme son premier ministre en attendant de le faire comte de Murray.
Elle fait cela en espérant trouver en lui un appui puissant. Si elle avait, en effet, été aidée par lui, elle aurait peut-être pu faire face à Knox et à ses lords, mais elle finira par comprendre – trop tard ! – qu’il l’a sans cesse perfidement trahie.
En attendant, Marie, en tant que reine d’Ecosse, continue à être convoitée : En décembre 1561 elle reçoit l’ambassadeur du duc de Savoie qui vient lui proposer un mariage avec le duc de Ferrare, mais Marie le trouve trop insignifiant et trop pauvre. Il lui laisse, en partant, un présent qui sera fatal à la reine : le musicien Riccio… Un jésuite venu en mission à Edimbourg voit bien la situation de Marie Stuart : « Elle est seule et n’a pas un protecteur ou conseiller désintéressé. » Elle a besoin d’un mari pour l’aider à porter sa charge. Tout le monde, en Europe, partage cet avis et l’on s’en préoccupe : les rois de Danemark, de Suède, Jacques de Savoie, don Juan d’Autriche et, au début de 1563, le deuxième fils de l’empereur Ferdinand, l’archiduc Charles, se portent candidats – en vain, car ils ne conviennent pas à Marie et à ses conseillers de France. Marie pense toujours avec regret au fils de Philippe II, don Carlos, bien que, physiquement, il ne soit pas plus séduisant que ses autres prétendants – mais l’appui sans réserves de l’Espagne catholique lui serait bien utile…la chose lui paraît si désirable qu’elle intrigue : elle envoie, en grand secret, son secrétaire d’État William Maitland of Lethington auprès de l’ambassadeur espagnol à Londres. En agitant le spectre d’un mariage de Marie avec l’aîné de ses beaux-frères, Charles IX, Maitland impressionne l’ambassadeur. Mais Knox, ayant eu vent de ce projet de mariage avec un prince catholique, le dénonce, du haut de sa chaire, comme un danger public pour l’Ecosse. Par peur d’un mariage français, Philippe II inclinerait à accorder son fils, mais le Pape, travaillé par le duc de Guise, partisan d’un mariage avec l’archiduc Charles, fait pression sur lui. Par surcroît, tout l’édifice si astucieusement élaboré par Maitland s’effondre, l’ambassadeur espagnol à Londres étant mort ! Philippe recule.
Quand, de leur côté, les ministres anglais, Cecil et Walsingham, eurent percé le secret de ces négociations, ils entrèrent en lice et travaillèrent à substituer à don Carlos un candidat de leur propre choix, est surtout moins dangereux ! D’accord avec Elisabeth, ils songent impudemment au favori de la reine elle-même, Robert Dudley, le fils de Northumberland, ministre des divertissements et fêtes de la Cour, vraisemblablement l’amant d’Elisabeth et candidat patient et obstiné à sa main. Il est encore beau, le futur baron de Denbigh et comte de Leicester, mais il représente une marchandise singulièrement défraîchie. Pour le faire passer, on fait miroiter l’assurance de la succession anglaise. Les négociations traînent tout l’été de 1564, mais Marie, qui ne désespère toujours pas d’obtenir don Carlos et qui a été mise au courant de ce qu’est en effet le candidat des Anglais, finit par le refuser franchement – à la grande satisfaction de Leicester et d’Elisabeth qui n’a jamais pensé sérieusement à lui céder son favori.
C’est alors que, en décembre, Marie ayant eu la désillusion d’apprendre que Philippe avait définitivement abandonné le projet de mariage de son fils, elle accepte la candidature du jeune Henry Stuart, lord Darnley. Celui-ci était le cousin de Marie. Il était le fils aîné d’un grand d’Ecosse, le comte de Lennox. Ce dernier avait un instant, en 1543, prétendu à la main de Marie de Lorraine, mais, ayant eu le sentiment d’avoir été joué, il s’était jeté dans le parti anglais. La régente l’avait déclaré traître à son pays et avait confisqué ses terres, et il avait dû se réfugier en Angleterre. Il y avait épousé la fille que Marguerite Tudor avait eue de son second mari, le comte de Douglas. C’est de ce mariage qu’était né Darnley. Il descendait donc de la souche des Tudors, même plus directement que Marie Stuart. C’était un premier prince du sang. Il était beau garçon, avenant de manières, excellant dans tous les exercices physiques, il adorait la danse, la chasse, l’escrime, la poésie. Quand, grâce aux intrigues de son père, il pénétra à la cour de Marie, il y fut bien accueilli, sauf par Murray qui avait vu, avec dépit, échouer la combinaison Dudley. Il flaira le danger que ce garçon écervelé allait représenter par sa cupidité. La reine ne voit d’abord en lui qu’un compagnon qui, par surcroît, est catholique. Une opportune rougeole, gagnée par Darnley, donne à Marie l’occasion de s’occuper plus spécialement de son cousin, de le soigner et peu à peu, s’insinue en elle l’idée qu’il pourrait, après tout, faire un mari convenable. Elle s’éprend de lui pour de bon : il a dix-neuf ans, elle en a vingt-deux ; ils vont faire un beau couple.
Le 7 avril 1565, la reine consulte son conseil. Murray proteste et quitte la salle : il va essayer d’obtenir une intervention militaire d’Elisabeth. Marie ne s’en laisse pas intimider : avant toute cérémonie officielle, le mariage est consacré par un prêtre catholique dans l’appartement du secrétaire privé, Riccio, qui est devenu le conseiller intime de la reine et qui a favorisé la candidature de Darnley.
L’Ecosse entière est consternée par le choix que Marie a fait de ce papiste. Murray exploite ce sentiment et ne manque pas de souligner le rôle qu’a joué Riccio qu’il déteste. Mais la reine poursuit droit son chemin, dans la première ivresse de sa passion. Elle se fait sourde aux remontrances anglaises, même à celles de son oncle, aux grondements de John Knox et des Ecossais. Le mariage officiel a lieu le 29 juillet 1565, avant que soit arrivée l’autorisation papale. Darnley ne veut plus attendre, il veut enfin devenir roi. Marie doit vite reconnaître quel être vil et méprisable elle a épousé, que Darnley est foncièrement inintelligent, d’une vanité et d’une ambition excessives, et , par surcroît, ivrogne et coureur de filles. Bientôt elle doit subir ses grossièretés en public. Tout en l’accablant de titres et de largesse, elle se voit forcée de lui refuser toute participation à la conduite des affaires d’état, et cela fait naître en lui une haine féroce contre sa femme. C’est ainsi qu’il devient chef d’un complot qui ligue toutes les haines qui se sont amassées contre Riccio. Darnley soupçonne l’Italien d’être l’obstacle qui l’empêche de se saisir effectivement du pouvoir ; et on n’a pas eu de peine à le persuader que l’amitié de la reine pour Riccio s’explique par des raisons plus intimes. Les lords protestants voient en Riccio un agent de la papauté.
Certains propos fâcheux de Marie sur son désir de rendre au catholicisme la place qu’il a perdu en Ecosse confirment leurs soupçons. Un complot est ensuite organisé à l’instigation de Murray, qui reste dans l’ombre mais atteste sa participation par une signature imprudente. Le complot s’exécute le soir du 9 mars 1566, Darnley y jouant un rôle actif : Riccio est arraché du cabinet de la reine où il dîne avec elle et ses dames, et sauvagement assassiné sous ses yeux. Ce complot comportait, d’ailleurs, outre le meurtre de Riccio, la déposition de Marie et le transfert du pouvoir sur son mari, s’y l’occasion s’y prêtait. Dans les rues d’Edimbourg l’émeute gronde déchaînée par Murray et ses lords ; la reine est prisonnière dans son château. Darnley, irrité par le rôle que joue Murray, retourné par Marie qui ignore la part que son mari a prise dans toute l’action, abandonne ses complices et partage la fuite de la reine au château de Dunbar, à trente milles d’Edimbourg (11 mars).
Tout de suite elle sonne le ralliement de ses fidèles. Parmi eux se trouve le comte de Bothwell qui lui apporte un contingent de Borderers. Le 18 mars, à la tête d’une armée imposante, elle fait sa rentrée victorieuse à Edimbourg. Elle prend des sanctions contre les principaux révoltés et apprend, par son frère Murray, que Darnley lui-même fut l’âme de ce complot, et qu’il a signé non seulement l’arrêt de mort de Riccio, mais aussi l’acte de déposition de la reine, sa femme. Marie est dégoûtée, mais quand même elle continue à le tolérer.
Le 19 juin 1566, elle donna naissance à un fils qui sera le roi Jacques VI d’Ecosse et Jacques Ier d’Angleterre. Cependant, malgré son indulgence et sa volonté d’aveuglement, elle vivait dans l’exaspération quotidienne des preuves s’accumulant toujours plus nombreuses du mauvais caractère de Darnley : celui-ci refuse de participer au baptême de son fils, s’abrutit dans des querelles de tavernes et ne vit plus que dans la haine qu’il éprouve pour le comte de Murray.
Un nouveau drame se prépare : Fin septembre, Darnley s’enfuit à Glasgow et raconte partout qu’il désire aller vivre en France. Murray ne prend pas ses velléités d’exil au sérieux – il sent qu’entre Darnley et lui s’engagera un duel à mort. Dès lors Henry Darnley est condamné.
Murray intéresse à sa cause le comte de Bothwell, peut-être en lui laissant entrevoir la possibilité d’une union avec Marie, Darnley une fois disparu. Il essaie, en plus, d’amener sa sœur à divorcer de Darnley. Mais en même temps il laisse entrevoir que, si elle répugne au moyen légal, il en connaît un qui est plus rapide et plus secret. Marie consent à pardonner aux meurtriers de son secrétaire italien, Riccio, mais refuse la solution violente que Murray lui propose.
Darnley ayant attrapé à Glasgow la petite vérole elle va même l’y soigner. Le 31 janvier 1567, elle le ramène, en apparence repentant et corrigé, à Edimbourg. Murray et ses complices l’y attendent. Ils sont décidés à ne pas tergiverser davantage pour se débarrasser du gêneur qu’est Darnley. Celui-ci, ne pouvant pas encore habiter le château royal à cause du danger que représenterait la contagion pour le petit prince, doit s’installer dans une maison aux confins de la ville, à Kirk of Field, que Murray a choisie. Marie y fait apporter des meubles confortables et de beaux tapis et s’y fait installer une chambre.
Cependant les préparatifs de l’exécution du complot sont activement poussés par les soins de Bothwell. Pour ne pas se compromettre, Murray quitte Edimbourg – son plan est pourtant simple : Darnley une fois expédié dans l’autre monde, Bothwell épousera Marie. Le scandale qui en résultera forcera la reine à abdiquer, Bothwell prendra la fuite et Murray s’emparera du pouvoir… La maison, savamment minée, ne demande qu’à sauter. Il ne faut plus qu’attendre la soirée où Marie, pour une raison quelconque, ne sera pas auprès de son époux – or, le 9 mars, Marie assiste au mariage de deux serviteurs qui a lieu au château. La maison, dont la cave à été bourrée de poudre, saute. Darnley, ayant entendu des bruits suspects, s’est échappé à temps dans le jardin ; mais il y est rejoint par les conjurés et froidement assassiné.
Bothwell qui, entre temps est retourné au château, feint la surprise en apprenant la nouvelle, Marie est atterrée. L’est-elle sincèrement ? Joue-t-elle la comédie ? A-t-elle ou non, en ramenant son mari à Edimbourg, délibérément attiré Darnley dans un piège ? A-t-elle vraiment écrit au chef avéré de la conspiration des lettres d’amour qui trahissaient son impatience d’être délivrée de Darnley et d’épouser Bothwell ? Les lettres réellement écrites à ce dernier, trouvées dans une cassette – d’où leur nom fameux de « lettres de la cassette » - sont-elles exactes où ont-elles été falsifiées ? Toute la question est là, puisque c’est sur l’authenticité des lettres que reposent toutes les accusations lancées contre elle, lors de son procès et après sa mort.
Depuis Buchanan qui les tenait pour vraies, tous les adversaires de Marie se sont fondés sur elles pour la condamner. Ses amis et défenseurs, au contraire, s’évertuèrent à démontrer leur fausseté, et conclurent que les mutilations ou additions que Murray et ses partisans leur avaient fait subir leur enlèvent toutes valeurs de preuves – d’autant plus que, au cours du procès de 1586, on ne produisit que des copies. [Visitez les Sources Primaires pour lire des extraits des Sonnets que Marie est censée avoir écrits à Bothwell et trouvés dans l’omineuse cassette]
Quoi qu’il en soit de cette question très compliquée, un fait est certain, c’est que Marie eut l’air d’avoir la conscience tranquille, car elle institua immédiatement une Cour de justice avec ordre « d’enquêter sur le délit et de poursuivre partout les coupables ». Par contre, les juges qu’elle nomma, faisaient presque tous partie des conjurés. Il est difficile d’imaginer chez cette nature droite le degré d’impudence qu’il eût fallu pour imaginer cette combinaison machiavélique.
Dans le peuple et la noblesse, le bruit finit par se répandre que l’âme du complot, c’est Bothwell. Après avoir longtemps hésité, le père de Darnley porte plainte contre lui. Bothwell, qui n’avait rien à craindre d’un tribunal composé en bonne partie par ses complices, se présenta le 12 avril 1567, escorté d’une petite armée – 4000 nobles et 200 archers – à la séance solennelle des Assises – l’air très assuré. Il plaida non coupable. Le verdict le proclama « quitte et absous du meurtre du roi ». Mais la ratification du verdict d’acquittement par le Parlement ne convainquit pas le peuple : pour lui, le comte de Bothwell resta le régicide et la reine…sa complice.
Le scandale fut grand lorsque Bothwell porta, à l’occasion de l’ouverture du Parlement, le sceptre du royaume d’Ecosse en tant que grand-amiral du royaume. Le plan n’était pourtant qu’à moitié exécuté : le 19 avril, Bothwell soutira à ses complices un écrit reconnaissant la légitimité de ses prétentions à la main de la reine, par lequel ils s’engageaient à le défendre corps et âme. James Hepburn, comte de Bothwell, avait alors trente-deux ans. Il n’était pas beau, c'était un homme riche, il avait trois femmes vivantes et il était, au reste, calviniste mais anglophobe. Bien qu’il ne soit pas aimé des lords, ils le poussent à poser sa candidature auprès de Marie, voyant par là un moyen de compromettre la reine en lui faisant faire cause commune avec celui que l’opinion publique considère comme régicide. Ils envoient une députation à la reine pour lui représenter que le royaume a besoin d’un roi et que Bothwell est digne d’en jouer le rôle. Marie ne trouve pas le personnage très avenant, mais elle se sent terriblement seule, en face de la meute des ennemis, en face de son frère qu’elle a appris à craindre. Elle hésite encore, et Bothwell, qui, comme jadis Darnley, est impatient de devenir roi, décide d’user de la force : Le 24 avril il enlève la reine qui revenait de Stirling, il l’emmène à Dunbar, et là, Marie résistant à ses sollicitations, un beau soir il la viole. Le mariage est devenu une nécessité.
Le 14 mai, elle signe le contrat de mariage mais proteste qu’elle a seulement cédé à la sollicitation des lords. Le 15 le mariage a lieu, protestant, sur le désir du marié. De toutes parts, même de la Cour papale, lui parviennent des blâmes, et, par une volte-face qu’elle n’avait pas prévue mais qui était entendue d’avance, les lords se soulèvent contre leur reine, au début de juin 1567. Marie et Bothwell se réfugient à Dunbar, abandonnant Edimbourg aux insurgés. Elle réussit à réunir 2000 hommes et marche sur Edimbourg. Après une « bataille » à Carberry-Hill qui se passe en pourparlers et discours, Bothwell est forcé de quitter Marie après lui avoir révélé les noms des assassins de Darnley. Il omet de se nommer lui-même et se réfugie à Dunbar. Marie se rend aux insurgés qui la ramènent à Edimbourg où ils la tiennent désormais prisonnière.
Le soir du 16 juin, ils la mènent au château de Lochleven où règne lady Douglas, la mère de Murray. Le 25 juillet, les lords envoient deux délégués à Lochleven avec un acte d’abdication. Marie refuse d’abord de le signer, mais elle y est finalement contrainte sous menace de mort.
Quand même, elle refuse de le lire – si elle l’avait lu, elle y aurait vu que

1° fatiguée du pouvoir, elle abdiquait joyeusement en faveur de son fils

2° elle confiait la régence au comte de Murray

3° elle désignait le duc de Chatelleraut, les comtes d’Agryll, de Morton, d’Athole, de Glencain et de Mar pour le remplacer, s’il se récusait.

Le 29 juillet, le petit prince, qui n’a alors que treize mois, est sacré roi. La Révolution est finie, Marie a cessé d’être reine d’Ecosse.
Cependant, pour qu’elle paraisse avoir mérité sa déchéance, il faut que son indignité éclate aux yeux de tous, et Murray s’y emploie activement : il fabrique de fausses lettres et falsifie les vraies lettres à Bothwell qu’il a trouvées dans une cassette à Holyrood. Cela doit être fait si bien que la complicité de Marie dans le meurtre du roi paraisse évidente…
Le 15 août, il se rend à Lochleven pour confronter sa sœur avec les preuves. Les quelques fidèles qui restent à Marie sont terrorisés par Murray et impuissants. Quant à Bothwell il vit de piraterie au large des côtes d’Ecosse, puis, traqué par des vaisseaux de Murray, il se réfugie dans les îles Orcade, pour finir par fuir au Danemark, où, suspect, y étant poursuivi par les accusations de régicide, il est emprisonné à Copenhague.
Marie est donc seule. Le 4 décembre 1567, Murray la fait formellement accuser par le Conseil privé de complicité d’intention et de participation dans le meurtre de Henry Darnley. L’accusation est basée sur les lettres au comte de Bothwell.
Le 15, le Parlement raye le catholicisme d’Ecosse et prend ouvertement à son compte l’acte d’accusation du Conseil.
Cependant, bien que la période de chagrins et de soucis qu’elle vient de traverser l’ait prématurément vieillie, son charme reste irrésistible – le jeune fils de sa geôlière s’éprend de Marie et l’aide à préparer sa fuite. Une première tentative échoue en mars 1568, mais une seconde, le 2 mai, est plus heureuse. Marie peut s’évader ; réfugiée au château des Hamilton, elle veut encore faire acte de souveraine : elle suspend le régent, renie l’abdication et fait appel à ses amis. Ceux-ci arrivent assez nombreux. Ils apportent leurs bonnes intentions, mais aussi leurs jalousies, ils ne s’entendent pas ! Une armée se rassemble, mais assez incohérente, est quand arrive le jour de la rencontre avec les troupes moins nombreuses mais solides du régent Murray, au pied de la colline de Langside, l’armée royale est battue, le 13 mai 1568.
Affolée à l’idée qu’elle pourrait tomber entre les mains de son frère, Marie Stuart fuit à cheval vers le Sud, accompagnée de quelques fidèles.
Elle fuit vers les bras qu’elle s’imagine qu’Elisabeth va lui tendre. Elle est sourde à toutes les objections, à tous les sages avertissements. Le 16 mai, à l’aube, elle s’embarque pour traverser le golfe de Solway, aborde sur la rive anglaise, à trente milles de Carlisle, et, tout de suite le lendemain, elle écrit à Elisabeth pour demander asile, assistance, et la faveur d’une entrevue.

Elle ne se doute pas qu’elle va se heurter à la froideur impitoyable d’une ennemie, à la fois embarrassée et heureuse de l’avoir en sa puissance, et dès l’abord décidée à la faire disparaître de son chemin, où elle représente un obstacle assez dangereux. Au lieu de la sœur escomptée et à laquelle elle adressait un appel tellement touchant, elle trouvera en elle une implacable geôlière qui lui fera attendre 19 longues années sa libération, et cette libération sera la mort.


 Marie en Angleterre

1568 – 1587

La prisonnière

Quand elle vient ainsi, par un coup de déplorable folie, chercher un refuge en Angleterre, Marie a 25 ans. Elle a tant souffert pendant les sept terribles années de son règne éphémère et tragique qu’elle n’a plus sa fraîcheur d’antan. Elle reste pourtant infiniment séduisante et son âme, si abattue, si meurtrie pour l’instant, ne demanderait qu’un signe favorable de la destinée pour reprendre son élan. Il y a quelques jours à peine, quand le jeune Douglas l’a fait évader de Lochleven, qu’elle a retrouvé quelques fidèles, elle a sauté joyeusement à cheval J et galopé, ivre de liberté et d’espoir dans l’air frais de la nuit.
Elle a évidemment un passé qui est lourd, mais qui le paraît plus qu’il ne l’est. Il le paraît grâce aux bons offices de Murray et de ses complices, qui ont semé à pleines mains les plus odieuses calomnies contre elle et multiplié les faux pour convaincre l’opinion publique de son indignité, grâce aussi aux inlassables attaques de Knox. Ce sont eux qui sont le principaux responsables des légendes qui, très tôt, ont fait de Marie la sombre criminelle que la critique historique moderne a eu tant de peine a réhabiliter. Elle a pu être, il serait difficile de le contester, exubérante de jeunesse, de joie de vivre, en quelques occasions d’une sensualité dévorante, orgueilleuse de sa beauté, de son pouvoir de séduction, fière et jalouse de sa puissance royale, elle a pu être dans ses actes de gouvernement plus impulsive que réfléchie, et elle a souvent écouté plus volontiers la voix de ses désirs que celle de la sagesse, elle a manqué de psychologie et de discernement dans sa façon de juger les hommes et de les conduire, mais elle n’a jamais été assez subtile pour forger les machinations qu’on lui a prêtées – elle a toujours été franche, jusqu’à la naïveté …

Son plus grand défaut a été de trop avoir confiance en la bonté et la sincérité des autres, ainsi les expériences désastreuses qu’elle a faites avec Murray ne lui ont pas servi, encore qu’elles lui aient coûté sa couronne, elle montre la même crédulité vis-à-vis d’Elisabeth et cela va lui coûter la liberté, en attendant qu’elle y perde la vie.

Elisabeth restera toujours indifférente aux appels sentimentaux de Marie. L’étourdie est venue se jeter dans ses griffes, elle ne la lâchera plus, la prudence lui commande, pour elle-même et pour la cause du protestantisme, de la rendre inoffensive – pour y arriver elle ne reculera devant aucun moyen, pas même la suppression. Elle y est d’ailleurs poussée par son premier ministre William Cecil, le futur lord Burleigh, qui avait, lui aussi, froidement calculé ce que Marie représentait de dangers pour sa reine et pour l’Angleterre protestante. Il avait conclu, comme sa souveraine, que Marie devait être traitée en ennemie, et il va s’appliquer à couper court à toute velléité d’humanité vis-à-vis de la Reine déchue.

C’est ainsi qu’il commence par dissuader Elisabeth de se prêter à l’entrevue que Marie lui a demandée et qu’Elisabeth, peut-être par un mouvement de pitié humaine, probablement par curiosité féminine, inclinait à lui accorder. Le 8 janvier 1568, Marie reçoit d’Elisabeth, qui a écrit sous la dictée de Cecil, une lettre lui disant qu’étant données les accusations qui pèsent sur elle, elle ne pourra, suspectes de crimes graves, être reçue par la Reine d’Angleterre, tant qu’un procès n’aura pas démontré son innocence. En attendant, Elizabeth refuse à Marie de se rendre en France et encore plus de retourner en Ecosse où des lords fidèles à Marie ont levé une armée pour combattre Murray. Marie, qui s’était d’abord insurgée contre l’idée d’un procès public, croyant, dans son incurable naïveté, que la vérité pourrait en sortir, finit par s’y résigner, et envoie à ses fidèles l’ordre de déposer les armes. En même temps, elle multiplie les appels au secours à l’étranger, elle rédige un mémoire justificatif aux princes chrétiens de l’Europe. [Allez aux Sources Primaires pour lire le sonnet de Marie A la Reine Elisabeth]

Cependant, dans l’ombre, le procès se prépare avec l’aide du régent d’Ecosse. Avec les documents fournis par celui-ci on prépare soigneusement le dossier de noircissement. Pour prévenir tout danger d’enlèvement de Marie par ses partisans, on l’éloigne de la frontière, et on la transfère, le 13 juillet, dans la forteresse de Balton à 16 kilomètres de Manchester, dans le Yorkshire. C’est, en l’espace de deux mois, le quatrième changement de résidence qu’on lui impose : de Workington, son premier asile, elle est passée à Cockermouth, puis à Carlisle. Enfin, le 4 octobre, une Conférence préparatoire au procès s’ouvre à York, entre des commissaires anglais, des commissaires écossais menés par Murray, et des représentants de Marie. Murray fait entrevoir aux commissaires anglais les lettres de la cassette, sans leur montrer, d’ailleurs, les originaux, et les Anglais concluent à la culpabilité de Marie, avec toutefois une réserve : « si les lettres ont été vraiment écrites par elle. » Le 18 octobre, Elisabeth fait transporter la conférence à Westminster, pour pouvoir en suivre les débats passionnés. Le 25 novembre a lieu l’ouverture de cette nouvelle conférence. Malgré ses requêtes répétées Marie ne peut obtenir le droit de venir défendre sa cause en face de Murray qui a pleine liberté pour la charger. La partialité de Cecil est si scandaleuse que les représentants de Marie cessent d’assister aux séances. Cecil et Murray ont, dès lors, licence complète pour accabler l’accusée. Cependant, Marie force ses représentants à reprendre l’offensive – avec le résultat que, le 11 janvier 1569, la conférence est dissoute, aboutissant à un non-lieu, « des preuves suffisantes n’ayant pas été produites, susceptibles de donner à la Reine Elisabeth une mauvaise opinion de sa sœur ».
Un des juges, le Duc de Norfolk, demande Marie en mariage. La culpabilité n’ayant pas été prouvée, Marie devrait logiquement être rendue à la liberté. En fait, sa captivité se resserre et s’aggrave : le 26 janvier elle est enlevée au château de Balton et emmenée dans le vieux château de Tutbury, dans le comté de Stafford, chez le comte et la comtesse de Shrewsbury, institués ses hôtes, c’est-à-dire ses geôliers.

En réalité, d’ailleurs, c’est l’absence de la liberté de ses mouvements, le manque d’exercices physiques, le souci moral qui lui pèsent alors plutôt que les privations et les vexations. Celles-ci elle les connaîtra plus tard, surtout dans la dernière année de sa captivité. Le château de Tutbury est glacial et Marie y attrape de douloureux rhumatismes, elle a les jambes enflées et une insupportable douleur dans le côté, ce dont elle se plaint à Elizabeth, mais elle y jouit d’un confort incontestable et d’un traitement qui ne sent pas trop la prison. Elle a encore avec elle neuf de ses femmes et une partie de son ancienne maison, en tout cinquante personnes, et, en plus dix chevaux. Les revenus de son domaine de France (1 200 livres) ne lui parviennent pas régulièrement. Elizabeth, malgré sa sordide avarice, la fournit d’argent : 52 livres par semaine. Si lady Shrewsbury est une mégère acariâtre, le lord, son mari, est courtois vis-à-vis de la reine dépossédée, autant que ses fonctions le lui permettent. On doit, d’ailleurs, en haut lieu, trouver qu’elle est trop bien traitée, car elle est bientôt transférée à Wingfield, puis à Coventry, où elle est confiée à la garde inhumaine de lord Hastings, comte de Huntingdon. Sur l’intervention énergique de l’ambassadeur de France, elle est ramenée à Tutbury, puis, au début de 1570, elle sera menée au château de Chatterworth, où elle restera presque fin novembre. De là elle sera transférée à Sheffield, elle y séjournera quatorze ans, jusqu’en 1584. Alors elle sera ramenée à Wingfield, puis à Tutbury, puis dans le château de Chartley sous la surveillance de nouveaux geôliers Paulet et Drury. Enfin le 25 septembre 1586 elle fut amenée dans une nouvelle prison, qui sera la dernière, le château de Fotheringhay. Au total, au cours des dix-neuf années qu’aura duré sa captivité, elle aura changé treize fois de résidence.

Revenons, après cette anticipation, à l’année 1569 : Par un phénomène curieux un mouvement assez net de sympathie se dessine en Angleterre en faveur de Marie. Il se forme, en grande partie, en réaction contre la politique anti-espagnole de Cecil, qui paralyse le commerce anglais. Elisabeth en est troublée. Elle trouve que, dans ces conditions, étant donnée la menace toujours possible d’une invasion espagnole en Angleterre, étant donnée, par surcroît, la défaite éclatante des protestants français à Jarnac, la présence de Marie en Angleterre pourrait être pour elle-même la source d’ennuis fâcheux, et, un instant, elle semble disposée à négocier avec Marie, à la libérer et à lui permettre de tenter de reconquérir son trône. Des pourparlers s’engagent. Marie propose de renoncer à réclamer la couronne des Tudor du vivant d’Elizabeth, à condition que, si celle-ci mourait sans héritier, elle-même recueillerait de droit la succession ; elle offre un pacte d’amitié entre l’Angleterre et l’Ecosse, et enfin se déclare prête à amnistier les lords qui l’ont renversée, à condition qu’ils lui rendent ses biens. Elle ne fait qu’une réserve pour les meurtriers de Darnley, dont le châtiment s’impose, et pour elle-même elle réclame le droit de divorcer d’avec Bothwell. Elizabeth demande, en contrepartie, que Marie  garantisse l’intégrité de l’existence et des droits de la religion protestante, prenne l’engagement de ne jamais céder ses droits au roi de France, et accepte la transformation du pacte d’amitié qu’elle a proposé en une ligue offensive et défensive formelle. Marie accepte le 15 mai. Elle se croit déjà au bout de ses malheurs, mais la haine de Murray veille. Son intérêt exige que Marie ne rentre pas en Ecosse. De l’Assemblée des Etats d’Ecosse, qu’il réunit le 26 juillet 1569, il obtient qu’elle rejette toutes les prétentions de Marie. Elisabeth qui, au fond d’elle-même, ne demandait qu’à avoir un prétexte à ne pas lâcher sa prisonnière s’empare de celui-ci et le statu quo subsiste. Marie, profondément déçue, ne voit plus qu’une issue pour elle : accepter la main du duc de Norfolk. Celui-ci, qui n’est pas seulement chevaleresque mais ambitieux et qui voudrait bien que sa fiancée lui apporte à lui-même le trône d’Angleterre , machine un soulèvement contre Elizabeth, mais maladroit, manquant d’énergie et d’esprit de décision, il est fait prisonnier et envoyé à la Tour.
Cependant, une bonne nouvelle vient quelque peu consoler Marie de sa déconvenue. Elle apprend que Murray a été assassiné le 23 janvier 1570. La voilà délivrée de son ennemi le plus féroce, le plus tenace et le plus redoutable. Cette mort amène un renouveau d’activité des catholiques écossais et des fidèles de Marie. Tout le début de l’année se passe en luttes entre protestants et catholiques, fidèles et adversaires de Marie, mais sans amener de décision. Pourtant Elizabeth joue à nouveau la comédie des négociations, tant qu’elle peut craindre que la cause de Marie puisse triompher en Ecosse. Mais quand elle comprend que cette hypothèse est exclue, elle les rompt, et au début de 1571, Marie n’a plus d’illusions. Elle se rend compte qu’Elizabeth l’a bernée. Décidément un seul espoir lui reste : Norfolk. Celui-ci a bien été libéré, mais il a dû promettre solennellement de renoncer à Marie Stuart. Cependant, comptant sur l’appui espagnol vaguement promis par Philippe II après d’interminables négociations secrètes, il provoque un soulèvement écossais en faveur de Marie, en attendant mieux, c’est-à-dire des troubles en Angleterre même, mais le mouvement échoue, le duc est fait, de nouveau, prisonnier. Décrété de haute trahison, son procès commence le 14 janvier 1572, et il est décapité le 2 juin. Marie le pleure amèrement. Elizabeth, furieuse, donne des ordres sévères pour restreindre les libertés de Marie. On ne lui laisse pour son service que dix hommes et dix femmes, les autres doivent quitter le château de Sheffield dans les deux heures et sont expédiés en Ecosse ou en France.
La Saint-Barthélemy qui, naturellement, indigne au plus haut point tous les protestants d’Angleterre, ravive dans l’opinion générale la haine contre la papiste. L’évêque de Londres soutenu par William Cecil, devenu lord Burleigh, demande ouvertement sa tête. Elizabeth n’a qu’un désir : voir disparaître à jamais sa rivale, mais elle préférerait que d’autres qu’elle se chargent de l’opération, et elle négocie avec les Ecossais pour qu’ils réclament leur ancienne reine, avec l’engagement tacite de la supprimer, mais ils demandent cher, plus cher qu’il ne convient à l’avare Elizabeth. Les négociations traînent et échouent, comme échoue un dernier mouvement en Ecosse en faveur de Marie. Celle-ci n’a plus rien à attendre de l’aide écossaise. Le régent Morton qui a succédé à Murray est au nombre des ennemis les plus féroces de Marie. Elle n’est plus dès lors qu’une impuissante prisonnière. Dans sa maison réduite elle mène une vie d’une monotonie désespérante et étriquée. Ses ressources sont maigres. Elle, si sportive, passionnée de cheval, de chasse à courre, est confinée, inactive entre quatre murs, de plus en plus étroitement surveillée, accablée par le sentiment que, en Angleterre, elle est universellement haïe et que l’Ecosse l’oublie. Et les années passent de 1573 à 1578, vides d’événements. Elle cultive de fleurs, élève des animaux domestiques, des chiens de France, fait de la tapisserie raffinée, et écrit beaucoup, cherchant inlassablement et vainement quelque appui efficace au dehors, en France, en Espagne. Mais surtout, dans le calme de la retraite, elle médite les leçons de son court passé. Elle commence tout un travail conscient d’épuration morale de sa propre personnalité, particulièrement au point de vue religieux, elle spiritualise et approfondit sa religion, elle voudrait que ses épreuves présentes servent à la cause du catholicisme car, par degrés, elle arrive à identifier cette cause à la sienne. Pour qu’on ne puisse l’accuser de sectarisme aveugle elle se fait renseigner avec précision sur la religion protestante. « Autant de religions que de têtes », écrit-elle à l’ambassadeur de France et elle n’en goûte que d’avantage la belle unité de la religion catholique.

Cependant, au dehors, la vie va son train. Charles de Guise, Cardinal de Lorraine, son oncle préféré, meurt à Noël 1574, Charles IX était mort le 30 mai. Henri III, le beau-frère préféré de Marie se montre aussi indifférent que son prédécesseur au sort de son ancienne belle-sœur. Catherine de Médicis, régente de fait, au printemps de 1575, renouvelle l’alliance anglaise, ce qui exclut toute possibilité d’intervention en faveur de Marie. Le pape ne se soucie pas de se créer des difficultés à cause de Marie : il se borne à souhaiter son mariage avec le frère bâtard de Philippe II, don Juan, mais celui-ci, qui alors a un gros souci – le progrès du protestantisme dans les Pays-Bas, ne veut pas en entendre parler, d’ailleurs don Juan mourra devant Namur le 1er octobre 1578. Cette année meure la mère de Darnley, la comtesse de Lennox. Après avoir poursuivi sa belle-fille d’une haine acharnée et l’avoir calomniée à fond, elle proclame in extremis l’innocence de Marie. En avril, c’est le comte de Bothwell qui meurt demi-fou, dans une prison danoise. Avant de mourir, dans un instant de lucidité, il atteste, dans son testament, l’innocence de Marie, sa propre culpabilité dans l’histoire du meurtre de Darnley. Le roi de Danemark envoya ce précieux document à Elizabeth, mais celle-ci se garda bien d’en faire état. En juin 1581, ce fut au tour du régent Morton de disparaître. A la même date, le 11 juin, Elizabeth signait son contrat de mariage avec le dernier fils de Catherine de Médicis, le duc d’Anjou. C’était un simulacre, destiné à lier la France à l’Angleterre, donc à l’empêcher de s’intéresser, si il lui en prenait envie, au sort de Marie, et à la détourner de ses velléités d’alliance avec l’Espagne. Lord Burleigh riait sous cape de la naïveté des Français.

La grande affaire d’Elizabeth est bien plus grave que son flirt mensonger avec le duc d’Anjou : c’est la lutte contre le papisme. Son secrétaire d’Etat, chef de la police, le redoutable Walsingham, est, en ce domaine, son plus précieux et plus zélé collaborateur. Il excellait dans l’art de découvrir des complots, de les susciter, de les inventer quand c’était opportun. Il n’avait pas son maître dans l’usage des moyens permettant de violer le secret des correspondances. Il avait partout des espions à sa solde. Puritain fanatique c’est avec volupté qu’il mène la lutte contre le papisme et celle qui – à ses yeux – le personnifie en Angleterre : Marie Stuart. Les persécutions contre les ministres du culte catholique reprennent méthodiques, impitoyables, les délations sont primées, les pendaisons se multiplient. Elles ne font qu’exciter le zèle des missionnaires qu’inlassablement le séminaire de Reims et les Jésuites envoient en Angleterre au martyre. Devant cette recrudescence de la persécution anglaise les cours catholiques s’émeuvent, tirent des plans, organisent des complots, pour rétablir le catholicisme dans les îles britanniques. La délivrance de Marie Stuart apparaît comme un corollaire normal. Celle-ci, au courant, négocie éperdument, mais, instruite par l’expérience à se méfier des bonnes volontés continentales, et soucieuse de ne pas lancer l’Ecosse, une fois de plus en une périlleuse aventure, elle veut des précisions, des garanties. Mais, une fois de plus aussi, le temps passe, inutilisé au moment favorable. Walsingham a tout le loisir de découvrir et de déjouer les manœuvres catholiques, et spécialement celles de l’Espagne, et c’est ainsi qu’étant parvenu à capturer deux Jésuites, il réussit, par la torture, à leur arracher tous les détails du plan d’invasion franco-espagnole depuis si longtemps secrètement préparé, et ces aveux viennent, fort utilement, corroborer et compléter ceux qu’en décembre 1583 il avait obtenus d’un conspirateur de marque Sir Francis Throckmorton. Les protestants s’affolent, Walsingham imagine un acte d’association par lequel les membres associés s’engagent à poursuivre toute personne qui attenterait à la vie d’Elizabeth et même celle en faveur ou pour le compte de qui serait commis ou projeté l’attentat. Le Parlement, de son côté, vote deux bills, l’un privant Marie de ses droits au trône d’Angleterre, au cas où Elizabeth viendrait à être assassinée, l’autre déclarant coupables de haute trahison les prêtres catholiques, et les supprimant dans tout le royaume. Walsingham a ainsi entre ses mains des armes terribles contre la prisonnière. Chaque jour il se convainc d’avantage qu’Elizabeth ne sera en sécurité que lorsque Marie aura disparu, mais il sait aussi que, par solidarité royale et par crainte des réactions de l’étranger, elle ne se résoudra pas d’elle-même à livrer sa « cousine » au bourreau. Alors il se décide, d’accord avec Burleigh, à lui forcer la main, en lui faisant, par toute une série de complots, encouragés, quand ils seront réels, ou provoqués et soutenus, croire que sa vie est en jeu ; naturellement, il s’arrangera pour que Marie y soit ou y paraisse compromise. Sans tarder donc, il en organise un, avec un de ses propres agents, un certain Parry, agent plus ou moins véreux qu’il sacrifie d’avance. Parry est arrêté avec éclat, le 1er février 1585, et, malgré son innocence réelle, il est condamné à subir le châtiment des parricides, il est éventré vivant. L’opinion publique en est secouée et Elizabeth a peur. C’était en quelque sorte un ballon d’essai, encore imparfait. Marie Stuart n’avait été que le prétexte du complot. La question de sa complicité directe n’avait pas été posée.

Alors, inquiété par le triomphe de la Ligue à Paris, par le traité d’alliance que la France a signé avec l’Espagne, et l’élection au trône pontifical de Sixte Quint, qui estime qu’une intervention de la France et de l’Espagne en faveur de Marie serait désirable, Walsingham machine une autre conjuration, plus importante, plus complète, mieux organisée, où il fera ou essaiera de faire jouer à Marie un rôle actif. C’est la conjuration dite de Babington. Un diacre catholique, renégat, fort intelligent et parfaitement taré, un nommé Gilbert Gifford, en sera la cheville ouvrière. Un nouveau geôlier, puritain honnête mais étroit d’esprit et fanatique à souhait, Sir Amyas Paulet, tout spécialement choisi par Walsingham, a remplacé auprès de Marie le brave Shrewsbury, et, en même temps qu’il surveillera Marie plus étroitement que ses prédécesseurs, par haine du papisme, il facilitera les combinaisons éventuelles contre Marie. A Noël 1585, elle est transportée de Tutbury, où elle est revenue après un séjour à Wingfield, au château de Chartley qui, plus plaisant, donne à Marie le sentiment illusoire d’une détente et l’incline aux imprudences. Gifford cependant se met en campagne, muni des minutieuses directives de Walsingham. Il s’insinue dans tous les milieux catholiques écossais et français de Londres et de Paris, en surprend les secrets les plus cachés, invente pour Marie Stuart un système de correspondance qui paraît secret, par lettres enfermées en des tubes étanches dans les tonneau de bière qu’un brasseur, complice, de Chartley, apporte, chaque semaine, pour la cave de la reine. Ce système, indubitablement ingénieux, livre à Walsingham les lettres et les chiffres de la prisonnière. Après avoir, dans l’été de 1586, travaillé à Paris Morgan, l’ancien complice de Parry, et préparé le terrain de façon à donner l’illusion qu’une nouvelle conjuration se prépare, il trouve à Londres le chef rêvé pour un complot formel contre Elizabeth, dans la personne d’un jeune dilettante du catholicisme, Babington, fils de bonne famille, gentiment écervelé, un des plus joyeux compagnons de la jeunesse dorée de Londres, et qui s’est pris de pitié amoureuse pour Marie Stuart. Par les soins de Gilbert Gifford Marie a été mise au courant de ce qui se prépare. Très excitée, elle multiplie les lettres compromettantes, elle y donne force conseils sur les mesures qui lui paraissent les plus opportunes à prendre pour l’invasion en Angleterre et pour sa propre libération. Elle ne parle que de politique, de religion, d’évasion, car dans le mouvement qui se prépare elle voit avant tout un complot politique et jamais elle n’envisage l’hypothèse d’un attentat contre la vie d’Elizabeth, mais, dans l’officine de Walsingham, on s’arrange ou plutôt on arrange les lettres pour qu’elles donnent l’impression que Marie est l’âme et la directrice du complot, et on y glisse perfidement des allusions à une conséquence sanglante du coté d’Elizabeth. Pour parachever son œuvre malhonnête, il veut des documents plus directs que ses lettres falsifiées, et pour s’en procurer il fait arrêter les secrétaires de Marie, Nau et Curle, et forcer ses meubles à Chartley. Ses séides n’y trouvent pas grand-chose d’important, mais ils découvrent une lettre que, un soir de novembre 1584, dans un moment de dégoût pour la vilenie d’Elizabeth, Marie lui avait écrite pour lui dire qu’elle connaissait outres ses tares physiologiques qui la rendaient impropre à l’amour sain, la longue liste de ses amants depuis Leicester jusqu’au chancelier Hatton, en passant par cette « pauvre grenouille » de duc d’Anjou, et qui rendait singulièrement ironique le titre de « reine vierge » dont elle aimait à se parer. Elle lui montrait encore qu’elle n’ignorait rien de ses bassesses morales, de son avarice, de sa fausseté foncière. Le document est une trouvaille de prix, Burleigh exulte. Au cas de besoin, il fournira un argument décisif pour forcer les scrupules d’Elizabeth. En attendant, on dépouille Marie de l’argent qui lui restait, sous prétexte de la rendre inoffensive, ses serviteurs lui sont peu à peu retirés, elle a l’impression que c’est pour faire place nette aux meurtriers qu’elle soupçonne soudoyés pour l’assassiner.

Cependant Walsingham ne perd pas son temps à Londres. Il y développe dans le peuple une agitation savamment organisée pour réclamer la mort de Marie. Ses secrétaires sont longuement cuisinés, et sous les menaces de torture ils parlent des relations de Marie avec Babington dans le sens que désirent Walsingham et Burleigh. Depuis juillet Babington et ses principaux complices, capturés dans les environs de Londres, où ils avaient fui quand ils avaient vu leur complot percé à jour, sont prisonniers à la Tour. Après un simulacre de procès ils sont condamnés à la mort de traîtres, et exécutés, le 20 septembre, avec des raffinements de cruauté qu’Elizabeth trouve trop doux, mais qui écœurent  le peuple, qui plaint ces lamentables victimes de l’Ecossaise, de la papiste. Car, de plus en plus, pour l’opinion publique, travaillée par Walsingham, Marie est l’odieuse papiste qui ne rêve que l’extermination du protestantisme et qui, pour cela, ne cesse de solliciter les aides étrangères, au grand dam de l’Angleterre. Elle est la femme sans foi ni loi, la courtisane éhontée, la meurtrière de son mari, la femme impudente de celui dont elle a dirigé le bras contre son royal époux, et qui, après avoir séduit le chevaleresque duc de Norfolk et l’avoir mené à sa perte, jette inlassablement aux mains du bourreau la jeunesse assez folle pour s’éprendre encore de ses charmes. Le public ignore naturellement tout le sournois travail de violation, de falsification de correspondances volées à Marie. Et on lui cache naturellement les quelques démentis retentissants comme celui de Bothwell qui ont été opposés aux accusations dont on l’accable. Il est fatigué de trouver toujours aux tournants des chemins, ou défilent les événements politiques ou religieux de la vie publique, le nom et le visage détestés de cet éternel trouble-fête qu’est l’ancienne reine d’Ecosse, de la dangereuse et haineuse rivale de la bonne mère du pays, la virginale Elizabeth. L’opinion publique est prête pour que Walsingham et Burleigh puissent faire peser sur Elizabeth une pression décisive et parviennent à obtenir d’elle que leur rêve, vieux de dix-huit ans, trouve enfin sa satisfaction.

Ils vont avoir, en attendant, leur victime à portée de mains. Un nouvel exode forcé a rapproché Marie de ses bourreaux. Le 25 septembre 1586 elle a été amenée au château fort de Fotheringhay par son sévère geôlier, Sir Amyas Paulet. Tout de suite, elle y apprend de la bouche du commissaire royal, qui a présidé au voyage, qu’Elizabeth ne peut faire droit à la nouvelle demande qu’elle lui a adressée, d’aller en Ecosse ou en France, car, accusée de complicité dans le complot de Babington, elle va avoir à ce défendre. Sa présence en Angleterre est donc nécessaire.

Le procès

Le 1er octobre, Paulet lui annonce l’arrivée prochaine d’une Commission de seigneurs et d’hommes de loi pour l’interroger. Cependant, lui dit-il, elle peut encore échapper à cette fâcheuse cérémonie, si elle veut lui confesser à lui-même sa faute et en demander pardon. Marie repousse avec ironie cette proposition saugrenue, car en tant que reine elle n’a de comptes ni de pardon à demander à personne ici-bas. Alors, en vertu du bill voté par le Parlement, en octobre 1584, et de l’Acte d’Association, Elizabeth défère Marie à une Haute Cour composée de 46 commissaires triés sur le volet : 40 lords et 5 juges suprêmes.

Cette Haute Cour va pouvoir opérer en toute tranquillité, car ni la France, ni l’Espagne, ni la Papauté ne sont ni en humeur ni en mesure d’intervenir en faveur de Marie, malgré que l’ambassadeur de France clame à tous les échos qu’elle est perdue si on ne tente rien pour la sauver.

La Commission arrive le 11 octobre et, dès le 12, les hostilités commencent, par la communication à Marie d’une lettre portant l’Injurieuse suscription : « A l’Ecossaise », et la sommant d’avoir à répondre aux lords et légistes qui représentent la reine d’Angleterre. Marie répond par un ferme mais violent réquisitoire, où elle proteste encore les traitements indignes dont elle a été victime, depuis qu’elle est en Angleterre, souligne que, étrangère, elle ne peut être soumise aux lois anglaises, récuse des juges qui ne sont ni de sa religion, ni de son rang, et déclare enfin qu’elle ne peut, par surcroît, se soumettre à un procès qu’elle doit subir seule, sans aide, ni conseil, ni appui de documents, puisqu’on lui a volé tous ses papiers, sans avocats et sans confrontation avec les témoins qui ont déposé contre elle. D’ailleurs reine de naissance, reine libre, elle ne peut recevoir commandement, ni faire réponse sans faire tort non seulement à elle-même, mais au roi, son fils, et à tous les autres rois et princes souverains. Le lendemain, la Commission au grand complet se présente devant Marie et lui déclare que, si elle refuse de se soumettre à la procédure arrêtée, elle sera jugée par contumace, pour participation au complot Babington. Marie répond qu’elle se refuse à faire l’Acte de soumission qu’on lui demande et à se prêter à la comédie qu’on veut lui imposer car elle en connaît l’issue, elle se sait condamnée d’avance par ceux qui doivent la juger. Alors lord Burleigh intervient véhément, ironique, prend la direction du combat, et le duel s’engage ardent entre les deux adversaires.

Marie, un instant abattue, retrouve vite toute son énergie et sa combativité. Elle tient vaillamment tête à son ennemi, discute avec une ténacité, une habilité de juriste. Longtemps, elle refuse de se laisser interroger, enfin elle finit par se laisser persuader par le chancelier Hatton que c’est son intérêt de répondre car, si elle s’obstine à se dérober, chacun pensera que c’est parce qu’elle est coupable. Le 14 octobre Marie annonce donc qu’elle consent à se laisser interroger, mais uniquement sur le point de sa prétendue culpabilité dans l’affaire Babington. Elle sent, en effet, que si elle laisse dévier l’interrogatoire du côté de ses connivences avec les princes étrangers, de ses appels à l’invasion et de ses projets d’évasion, elle sera en mauvaise posture. Tout le long des débats elle s’efforcera de dissocier les questions, tandis que Burleigh travaillera à les confondre.

Les débats, d’ailleurs, seront, d’un bout à l’autre, entachés de partialités et d’illégalités. Elle n’a pas l’assistance, strictement légale, d’un avocat, elle n’est pas confrontée avec ses accusateurs, elle n’a pas connaissance du dossier constitué contre elle, elle doit plaider sans notes, sans papier, ni plume, en anglais, c’est-à-dire dans une langue qu’elle manie imparfaitement. Les documents produits ne sont que des documents accusateurs, tous ceux qui pourraient être favorables à Marie, comme le mémoire autographe du 10 septembre 1586, où Nau innocentait Marie de façon éclatante, de toute participation au projet d’assassinat d’Elizabeth, sont passés sous silence. D’ailleurs peut-on parler de débats et de jugement ?  Marie avait eu raison de dire que la sentence était rendue d’avance. Burleigh s’est assuré, au début du procès, l’approbation inconditionnelle du Parlement, et les soi-disant juges ont tous de bonnes raisons d’ordre pratique pour juger dans le sens voulu par Elizabeth et son ministre.

Cependant comme il faut, pour l’opinion publique, un semblant de jugement, les débats se poursuivent. Marie lutte courageusement, inlassablement, jusqu’à épuisement de ses forces physiques. Sur tous les points elle montre une fermeté, une lucidité, une maîtrise de dialectique qui impressionnent, malgré eux, plus d’un des juges, et rendent parfois difficile la tâche de Burleigh. Trois longs jours la lutte se poursuit âpre et serrée. Marie finit par apercevoir et par dire la vérité, à savoir que l’accusation de prétendue participation au complot de Babington n’est qu’un prétexte, et que ce qui l’a amenée devant ses juges c’est la question politique – l’affirmation de ses droits au trône d’Angleterre –, mais aussi la question religieuse : c’est la papiste et le danger qu’elle représente pour le protestantisme en Angleterre qu’on poursuit et qu’on veut réduire à l’impuissance. Elle a vu juste. La Commission, réunie le 25 octobre, dans la Chambre Etoilée de Westminster, vote la mort, et le Parlement ratifie docilement le verdict.

 

Le jugement

Le 18 novembre seulement Marie en est prévenue officiellement par deux envoyés d’Elizabeth. Elle reçoit la nouvelle avec une dignité et un calme absolu. Elle s’est élevée peu à peu à une joyeuse résignation, et elle trouve dans la pensée qu’elle va mourir pour sa foi, que sa mort servira la cause catholique, un puissant réconfort et une allégresse qui surprend et inquiète Paulet, son geôlier. Celui-ci se montre vis-à-vis de Marie d’une goujaterie parfaite. A peine les envoyés d’Elizabeth avaient-ils quitté le château, il est allé déclarer à la condamnée « qu’elle n’était plus qu’une femme morte, sans honneurs, ni dignité de reine », et il avait fait sur l’heure enlever le dais royal qu’elle avait dans sa chambre.

S’attendant, à tout moment, à voir le bourreau apparaître, de sa main, aux doigts tordus de rhumatismes, elle écrit à Elizabeth une lettre où, avec une souriante ironie elle la remercie de mettre une fin « au pèlerinage ennuyeux » de sa vie, la prie de faire porter ses restes en France, pour qu’elle y repose auprès de sa mère, d’ordonner que son exécution soit publique pour qu’elle puisse attester ouvertement sa foi, enfin de permettre à ses serviteurs de quitter l’Angleterre. Et aussi, elle écrit au Pape pour lui dire qu’elle est fière de mourir pour la religion catholique, à l’archevêque de Glasgow, au duc de Guise, son cousin, et auprès de tous elle insiste sur sa joie d’être sacrifiée au catholicisme. [Les Derniers Vers de Marie, datant de 1586, se trouvent parmi les Sources Primaires]

Cependant, à Londres se joue une comédie qui, pour l’hypocrisie, fait pendant à celle de Fotheringhay ou de Westminster, c’est la comédie des hésitations d’Elizabeth. Un mois et quatre jours après que la sentence a été prononcée, Elizabeth n’a pris aucune décision, et Burleigh s’en lamente, le 29 novembre 1586. Paulet s’affole à la pensée d’avoir à garder plus longtemps sa prisonnière, à l’abri des tentatives de délivrance.

Pourtant une certaine agitation se manifeste dans les Cours étrangères. Les ambassadeurs présentent des remontrances à Londres, mais mollement, sachant bien que leurs protestations ne seront pas suivies d’actes. Ni le roi de France, Henri III, ni celui d’Ecosse, le propre fils de Marie, ne sont décidés à faire un effort pour la sauver. Les Guise, Philippe II ont d’autres soucis. Celui-ci a même une arrière-pensée tortueuse, il désir, au fond de lui-même, la mort de Marie, car, elle disparue et son fils restant protestant, il sait que – de par la volonté de la défunte – il hériterait de ses droits à la succession au trône d’Angleterre. Sur les instances de l’ambassadeur de France, de l’Aubespine de Châteauneuf, Henri III finit par envoyer à Londres un ambassadeur spécial, le solennel Pomponne de Bellièvre, pour faire pression sur la reine d’Angleterre et sauver, sinon la liberté, du moins la tête de Marie. Bellièvre, malgré force grandiloquentes et émouvantes harangues, n’obtient rien. Pour pallier l’effet de ce refus, Walsingham monte un complot où il réussit à compromettre de l’Aubespine. Ainsi c’est Henri III, en fin de compte, qui doit des excuses. Pour ce qui est de Jacques VI d’Ecosse il est d’autant moins porté à aider sa mère que, par les bons offices de Burleigh, il a appris que celle-ci le déshéritait formellement au profit de Philippe II, s’il ne revenait pas au catholicisme.

La pauvre Marie est donc bien abandonnée de tous. Elizabeth peut, sans avoir à craindre de réaction dangereuse, signer l’arrêt de mort. Elle s’y résout enfin, le 1er février 1587. D’un geste négligeant et comme involontaire elle le signe, mais avec le secret espoir de trouver, au dernier moment, des dévouements qui supprimeront Marie, avant qu’elle soit forcée de la livrer au bourreau. Elle fait écrire à Paulet pour lui suggérer de lui montrer son dévouement en trouvant le moyen d’abréger la vie de sa rivale, sans qu’elle y soit elle-même mêlée. Paulet veut bien jouer le rôle du parfait geôlier, enlever à la captive ce qui lui reste d’argent, de privilèges, restreindre au minimum son domestique, la traiter même avec une grossièreté affectée, mais il est honnête, il tient à son honneur, et il repousse avec indignation les criminelles suggestions de la reine. Cependant Elizabeth se montre à nouveau hésitante : elle reproche par exemple à Davison de s’être trop hâté de porter le warrant chez le chancelier pour le faire revêtir du sceau royal. Burleigh fait réunir avec urgence les membres du Conseil secret pour leur faire contresigner l’acte fatal, et pour placer Elizabeth devant le fait accompli il donne au bourreau et aux comtes de Kent et de Shrewsbury, qui doivent présider la cérémonie, l’ordre de partir pour Fotheringhay le lundi 6 février. Ceux-ci préviennent, le 7, la reine de leur mission. En présence du shérif de Northampton l’arrêt lui est lu solennellement. Il lui notifie qu’elle est condamnée à mort « tant à cause de l’Evangile et vraie religion du Christ que pour la paix et la tranquillité de l’Etat. »

 

Derniers moments : « En ma fin est mon commencement »

A la grande surprise des assistants Marie semble exulter. D’une voix forte elle dit, en substance, sa joie de voir enfin arriver le moment, qu’elle attend depuis dix-huit ans, qui la libérera des misères de cette terre, qu’elle est contente de mourir pour l’Eglise catholique et d’Avoir envers et contre tous, maintenu ses droits à la couronne d’Angleterre. Sur son exemplaire du Nouveau Testament elle jure qu’elle n’a jamais cherché ni poursuivi la mort de la reine Elizabeth, ni de personne. Le comte de Kent fait une tentative pour l’amener à recevoir le Docteur Fletcher, le pasteur de Peterborough. Elle s’y refuse énergiquement. Elle demande avec instance à voir son chapelain qui est enfermé dans une chambre voisine. Les instructions d’Elizabeth, de Burleigh, de Walsingham sont formelles : elle ne le verra pas. Le comte de Shrewsbury lui annonce que l’exécution doit avoir lieu le lendemain matin à 8 heures. Elle ne s’en montre pas émue. Elle demande seulement si elle va pouvoir récupérer ses papiers pour rédiger son testament. Elle a un dernier sursaut de faiblesse humaine : elle proteste contre le sort de son secrétaire Nau qui continuera à jouir de<la vie, alors qu’elle va mourir innocente. Puis elle s’efforce de consoler ses serviteurs éplorés et procède à l’organisation des dons et legs qu’elle veut leur laisser. Après le souper elle fait entrer tous ses domestiques et leur fait donner un gobelet de vin de France, buvant elle-même à leur santé. Elle fait, ensuite, l’inventaire des vêtements de sa garde-robe, de ses bijoux, de son argent que Paulet lui a rendus, et répartit le reste de son ancienne splendeur entre les présents, ou indique leur destination. Personne n’est oublié, ni son fils, ni les Guise, ni Henri III, ni Philippe II. Elle écrit à son aumônier pour lui demander de prier pour elle, fixe minutieusement les arrérages de son douaire, de ses dettes. Elle écrit enfin quelques lettres suprêmes, la dernière de toutes à Henri III, où elle souligne, une fois de plus, que la religion est la seule cause vraie de sa condamnation et demande, de façon pressante, à son beau-frère de s’occuper du sort de ses serviteurs. [Le texte intégral de la dernière lettre de Marie Stuart se trouve aux Sources Primaires]

A deux heures du matin elle se couche. A six heures elle s’éveille et se fait habiller avec soin, non pas de blanc, comme le veut la légende, mais d’une jupe de velours cramoisi, d’un corsage de soie noire, d’un grand manteau de satin noir à parements de zibeline, à manches pendantes et à longue traîne, d’un collet à l’italienne et d’un voile de crêpe blanc. Elle fait ses suprêmes adieux à ses domestiques et se réfugie dans son oratoire pour prier longuement. Lorsque le shérif vient la chercher, escorté de Paulet et Drury, elle le suit docilement. Au bas de l’escalier qui mène à la salle basse où est dressé l’échafaud se tient Melvil son fidèle maître d’hôtel, éloigné d’elle depuis longtemps. Elle le charge d’aller dire à son fils comment sa mère est morte, et de proclamer bien haut qu’elle est morte en vraie catholique, en véritable Ecossaise et Française. Elle demande au comte de Kent l’autorisation pour ses gens d’assister à son exécution. Il fait des difficultés et lui accorde enfin trois hommes et deux femmes, celles-ci pour l’assister dans le suprême déshabillage sur l’échafaud. A son entrée dans la grande salle, toute tendue de noir, sa sérénité majestueuse de vraie reine fait forte impression sur l’assistance houleuse qui, instantanément, se tait. Pour monter les degrés de l’échafaud elle réclame l’aide de Paulet, lui disant avec un sourire : « Merci de votre courtoisie, Sir Amyas, ce sera la dernière peine que je vous donnerai, et le plus agréable service que vous m’aurez jamais rendu. » Elle va, d’un pas ferme, s’asseoir d’elle-même sur la chaise tendue de noir, en face du billot voilé de crêpe. A sa droite s’installent les deux comtes, à sa gauche le shérif et le greffier royal. Celui-ci lit l’arrêt d’exécution, puis Marie, selon son droit, parle. Une dernière fois elle souligne l’illégalité de l’arrêt qui la condamne selon des lois anglaises, alors qu’elle est étrangère, elle proteste de son innocence, de sa sincérité, de sa foi, et pardonne à ses ennemis. Alors le pasteur Fletcher se met à faire un prêche aussi ridicule de violence qu’inopportun. Shrewsbury est forcé de l’interrompre. Mais tandis que Marie et les siens disent les prières catholiques des morts, les assistants hurlent en un chœur forcené mené par le pasteur, les prières protestantes, jusqu’à ce que la reine finisse par dominer le tumulte de sa voix claire et à obtenir un silence ému, pour ses suprêmes invocations. Ses prières finies, Marie fait elle-même signe au bourreau de s’approcher. Elle repousse toutefois son aide et se fait assister par ses femmes. Elle croyait que, comme reine, elle allait être décapitée debout à l’épée suivant l’usage de France. Une humiliation dernière lui est imposée, elle sera décapitée, étendue à terre, la tête sur le billot, à la hache. Le comte de Shrewsbury, quand elle est en place, lève son bâton ; le bourreau abat sa hache, mais dans son émotion il n’atteint que la nuque, et ce n’est qu’au troisième coup qu’il réussit à détacher complètement la tête du tronc. « Que Dieu protège la Reine Elizabeth », dit le bourreau en montrant la tête au public. « Ainsi périssent tous les ennemis de la reine » ajoute le pasteur. Alors on vit la petite chienne de Marie qui s’était faufilée sous sa traîne en sortir en aboyant et aller se coucher, gémissante, là où avait été la tête.

 

Après la mort

En hâte Paulet fit enlever le corps, brûler les vêtements et laver les traces de sang, pour qu’on ne puisse en faire de dangereuses reliques. L’après-midi même, le fils du comte de Shrewsbury partit porter la nouvelle à Greenwich. Dans Londres, où elle se répandit sur l’heure, les cloches sonnèrent à toute volée, partout des feux de joie s’allumèrent. Pendant quatre jours Elizabeth sembla ignorer la mort de son ennemie. Ce n’est que le 13 février qu’elle laissa paraître qu’elle était au courant de l’exécution. Et ce fut encore une fois la comédie : elle manifesta la plus extrême surprise, et simula une violente colère, disant que tout le monde s’était sournoisement ligué pour faire violence à sa volonté, en procédant à l’exécution, sans que l’arrêt du Conseil lui ait été communiqué. Elle pleura bruyamment, mit des vêtements de deuil, et, par ses propres propos, par les lettres qu’elle écrivit, elle s’appliqua à faire croire que l’exécution avait été faite à son insu et contre sa volonté.
Pour le mieux démontrer encore, elle fit jeter à la Tour le secrétaire d’Etat, Davison, l’y retint prisonnier et quand, après sa mort, il fut libéré, il dut payer une amende de 10 000 livres sterling, qui le ruina. Elle chassa Burleigh pour un temps. Leicester et Hatton, pour avoir pris part à la délibération du Conseil, furent aussi exilés. Walsingham seul, qui avait eu la prudence d’être malade au bon moment échappa aux sanctions.
Le 1er août 1587 Elizabeth fit tirer de la salle basse de Fotheringhay, où il était resté six mois abandonné, le cercueil de Marie, le fit transporter dans l’église-cathédrale de Peterborough, où, après de funérailles solennelles, il demeura jusqu’en octobre 1612, date à laquelle le roi Jacques VI d’Ecosse, devenu Jacques Ier d’Angleterre, fit mener les restes de sa mère dans l’abbaye de Westminster.
Toute cette comédie d’Elizabeth lui avait été commandée par l’intérêt de sa politique. En réalité elle ne fut pas, d’abord, très tranquille sur les suites possibles de son coup de force : Qu’elle serait la réaction de l’Ecosse, de son roi, de Henri III, de Philippe II, du Pape ? Devant son forfait accompli, leur indifférence ne deviendrait-elle pas hostilité ? Elle se le demandait, non sans inquiétude. La nouvelle de l’exécution de sa mère laissa Jacques VI parfaitement indifférent, mais le peuple gronde. Un certain nombre de lords catholiques parlent d’aller ravager les Borders et brûler Newcastle, en guise de représailles. Le jeune roi est bien forcé de jouer aussi un peu a comédie de l’indignation, mais il n’y pensera pas longtemps, et il feint de prendre pour argent comptant ce que, dans la lettre qu’elle lui a écrite, Elizabeth lui dit du « malheureux accident » arrivé à sa mère et de son absolue irresponsabilité à elle dans cette « déplorable affaire »… Cela lui suffit. Henri III ne se montre pas plus difficile. Lorsqu’elle arrive à Paris, la nouvelle y cause bien une certaine agitation sentimentale, quelques menaces de représailles s’esquissent, mais, au fond, le roi est en mauvais termes avec les Guise, or Marie Stuart était une Guise ! Il feint donc, lui aussi, de croire à la sincérité des larmes d’Elizabeth. Philippe II seule pense vraiment à tirer vengeance de l’Angleterre, encore que plutôt ce soit l’idée de la succession qui pourrait lui échoir, si Elizabeth venait à disparaître, qui stimule son zèle. Alors il équipe à grand frais une flotte formidable. Sur les côtes de Flandres, d’autre part, le duc de Parme réunissait une formidable armée. Le Pape Sixte Quint voit l’entreprise d’un œil favorable et promet qu’il paiera un million de ducats, quand l’expédition aura atteint les côtes britanniques, et en attendant il renouvelle la bulle d’anathème, lancée par Pie V et Grégoire XIII, dépossédant du trône Elizabeth. Le 27 mai, cette flotte qui s’appelle modestement « l’Invincible Armada » quitte les côtes d’Espagne. Pour une fois e service d’espionnage de Walsingham a été en défaut. Elizabeth n’a su que tardivement le but de l’expédition espagnole. Avec énergie et clairvoyance elle prit à la hâte des mesures pour s’opposer à un débarquement. La tempête vint à son secours : par deux fois, elle s’attaqua furieusement à l’ »Invincible Armada », la dispersa, la détruisit en bonne partie. LA flotte anglaise vigoureusement menée acheva de ruiner ce qui en restait. L’Angleterre était sauvée.

Alors, Marie Stuart morte, l’Armada dispersée, Elizabeth n’eut plus rien à craindre. Elle put, sans opposition, affermir le protestantisme en Angleterre, en faire définitivement la religion dominante et surtout développer l’esprit d’entreprise de ses sujets.

Bientôt l’oubli se fit sur son odieux forfait, on ferma les yeux sur ses tares morales, on ne vit que les résultats de sa politique et ceux-ci furent incontestablement tels qu’ils lui valurent le renom d’un des plus grands souverains qui aient illustré le trône… Comme le dit si justement Stefan Zweig : « En politique seuls les vaincus ont tort et l’Histoire, en poursuivant sa marche, les foule de son pas d’airain. »


Retourner à la page principale de Marie Stuart

Retourner à la page Souverains

Retourner à la page principale

Hosted by www.Geocities.ws

1