Selman Ye$ilgöz,
Violation de l’article 11
Yeşilgöz c. Turquie (no 45454/99) Violation de l’article 13
Selman Yeşilgöz, un ressortissant turc né en 1962 et résidant à
Istanbul, est le président de l’Association culturelle et d’entraide
de Tunceli (Tunceli Kültür ve Dayanışma Derneği).
En juillet 1998, le requérant décida d’organiser pour des membres
de l’association un voyage dans la région de Tunceli afin d’y
rencontrer la population locale et de déterminer les problèmes
pouvant exister dans cette région. Le groupe se vit interdire
l’entrée de Tunceli par des militaires et fut informé qu’en vertu
d’un arrêté préfectoral pris en application de l’article 11 alinéa k
de la loi n° 2935 relative à la région soumise à l’état d’urgence,
l’entrée à Tunceli lui était interdite.
Le requérant se plaignait que l’arrêté préfectoral l’ayant
empêché de se rendre à Tunceli avait emporté violation de l’article
11 (liberté de réunion et d’association). Il alléguait également la
violation de l’article 13 (droit à un recours effectif).
La Cour relève que l’interdiction faite au requérant d’entrer
dans la région de Tunceli constitue une ingérence dans son droit à
la liberté d’association, laquelle ingérence était prévue par la loi
et poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la
sécurité publique et la prévention du crime.
Par ailleurs, elle convient que l’atmosphère politique pouvait
peser d’un certain poids, étant donné le manque de sécurité lié aux
actes de terroristes à l’époque des faits dans le sud-est de la
Turquie. Néanmoins, le préfet était prévenu à l’avance de la visite
de campagne prévue dans la région. En l’espèce, le préfet n’a pas
motivé sa décision, laquelle ne constituait pas de prime abord une
mesure nécessaire et adéquate prise pour le bon déroulement de la
campagne de visite prévue. De plus, rien n’indiquait que la visite
prévue était susceptible de servir de tribune pour propager des
idées de violence et de rejet de la démocratie, ou avait un impact
potentiel néfaste justifiant son interdiction.
Dans ces conditions, la Cour estime que la mesure d’interdiction
ne peut raisonnablement être considérée comme répondant à un «
besoin social impérieux » et n’était donc pas nécessaire dans une
société démocratique. Elle conclut dès lors, à l’unanimité, à la
violation de l’article 11.
Par ailleurs, la Cour rappelle avoir déjà jugé que l’article 11,
alinéa k, de la loi no 2935 conférait au préfet de la région soumise
à l’état d’urgence de vastes prérogatives en matière d’interdiction
administrative pour la tenue de réunion ou de manifestation et que
l’absence de contrôle juridictionnel en la matière avait privé la
personne visée par l’interdiction des garanties suffisantes pour
éviter d’éventuels abus. Dès lors, la Cour conclut, à l’unanimité, à
la violation de l’article 13.
Au titre de la satisfaction équitable, la Cour alloue au
requérant 1 500 EUR pour dommage moral ainsi que 2 880 EUR pour
frais et dépens, moins les 701 EUR déjà perçus du Conseil de
l’Europe au titre de l’assistance judiciaire. (L’arrêt n’existe
qu’en français).