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Biographie d'Ulric Voyer

Op�ra L'Intendant Bigot

Concert d'ao�t 1998 dans le cadre des F�tes de la Nouvelle-France

e-libretto, une collection de plus de 200 livrets d'op�ra

Nouveau
La partition compl�te de l'op�ra vient d'�tre publi�e. Veuillez communiquez avec nous pour commander votre exemplaire de cette publication in�dite.

Op�ra L'Intendant Bigot

Voyer, J.-U. et Rousseau, Alfred. - �L'Intendant Bigot� : Op�ra en 3 actes.
- Livret de J.-U. Voyer et Alfred Rousseau, musique de J.-U. Voyer. -
[L�vis : Le quotidien, 1928]. - 78 p. 17x25 cm. - Tous droits r�serv�s. - Collection priv�e
Transcription int�grale du livret par Nicole Roberge
La pagination r�f�re � l'�dition originale
Livret

Acte troisi�me

Libretto

Pr�sentation et personnages

Acte premier
Le vieux Qu�bec de 1757

Acte deuxi�me
Pr�s de l'h�tellerie des chasseurs

Acte troisi�me
Place du Palais de l'Intendance,
Qu�bec, vers 1755 � 1760.
- 59 -

ACTE TROISI�ME

La place du Palais de l'Intendance, Qu�bec, vers 1755 � 1760. Style et mode de l'�poque, belle devanture de maison princi�re. Gazon � gauche sous les arbres donnant sur un jardin. De beaux grands arbres au premier plan de droite et de gauche cambrent leur tronc vigoureux et m�lent leurs majestueuses ram�es encadrant la sc�ne de leurs verdures. A gauche, premier plan, au pied d'un arbre, un grand et riche fauteuil double. Deuxi�me plan, quelques chaises de grand luxe et chaises de jardin. A droite, le Palais dont les fen�tres sont illumin�es, se dresse face � la sc�ne. C'est une massive et jolie construction en pierre, d'aspect imposant; portique � fronton et � pilastres; l'entr�e principale donne sur la sc�ne; vaste palier � balustrade, escalier � rampes dont les socles �l�gants se terminent � l'extr�mit� sup�rieure en gracieuses coupes d�bordantes de fleurs.
A la suite du Palais, sur la c�te dominant la rivi�re, se profilent vers le lointain en un cercle rentrant jusqu'� un tiers de la toile de fond, des constructions massives aux formes vagues, un d�me, un clocher, puis au bout, sur la pointe du rocher s'avan�ant dans l'entr�e de la rivi�re, un long b�timent � deux tourelles gr�les surmont�es d'une croix.
Au fond, la rivi�re St. Charles s'argente sous la blanche lumi�re de la lune; �� et l�, berc�s par les flots, deux ou trois voiliers dorment leur paisible sommeil. A l'horizon, les c�tes de Beauport s'�chelonnent, s�v�res et sombres.
Un soir de bal. Grande illumination. Beaucoup de pompe et de faste. De grandes banderoles aux teintes les plus vives se joignent aux ramures ployantes des arbres et traversent la sc�ne en tous sens supportant des lustres brillants et des lanternes aux couleurs diverses. Mille clart�s innondent la place qui semble embras�e sous un d�me de feu; atmosph�re pleine d'enchantement et de f�erie o� circule, danse et s'amuse un monde ivre de joie et gris� de folies. Une manifestation splendide o� se devine le souci d'approcher le plus possible le grandiose des f�tes de Versailles. Tout respire la magnificence, la prodigalit�, la jouissance et les plaisirs.

SC�NE PREMI�RE

MADAME P�AN, ROSINE, TOINON, LES INVIT�ES.

Au lever du rideau, dames et demoiselles, seigneurs et militaires sont �parpill�s sur la sc�ne. Quelques-uns dansent, d'autres lutinent, papillonnent...Toutes les figures sont rayonnantes. Madame P�an et Rosine sont assises � gauche, la premi�re semble fatigu�e, l'autre effeuille pensivement une marguerite.

- 60 -

CHOEUR

Celle qui sait charmer,
Comment ne pas l'aimer?
Que la vie est enchanteresse!
Des plaisirs buvons la douceur.
Songeant que la meilleure ivresse
Est celle qui tient le joueur.

TOINON, � son amante.

O fleurette! Vois, je soupire,
Plein d'espoir je fais mes aveux;
Loin de moi, la gloire, un empire,
Oh! le charme de vivre � deux.

CHOEUR

Nous courons apr�s fortune,
Arm�s jusqu'aux dents de louis d'or...
Et que dire alors?
Si le sort nous garde rancune,
Sans quartier nous jouons encore...

SEIGNEURS

Je sens la veine,
En moi, qui renait...
Ma bourse est pleine
Rien qu'au lansquenet.

DAMES

De l'amour la fr�le nacelle
Nous am�ne � ce bal joyeux...
Mais la fi�vre au jeu nous appelle,
Les louis d'or ont s�duit nos yeux.

ENSEMBLE

Sur la promesse
D'un heureux destin,
Jouons d'adresse
Et jusqu'au matin.

REPRISE

Celle qui sait charmer
Comment ne pas l'aimer?

- 61 -

MADAME P�AN, � part.

Et c'est ainsi depuis trois jours,
Nous h�bergeons toute la ville....
Du lansquenet, troupeau servile,
Jouons souvent, mais pas toujours.

ENSEMBLE

Sur la promesse
D'un heureux destin,
Jouons d'adresse
Et jusqu'au matin.

Si l'on sait charmer,
Il faut nous aimer...

ROSINE, effeuillant une marguerite.

Il m'aime, un peu, beaucoup, passionn�ment...

MADAME P�AN, lasse.

Ce soir, le jeu pour moi, est un tourment;
Au sein du plaisir sans �tre charm�e...

ROSINE, heureuse.

La fleur me dit que je suis aim�e...

MADAME P�AN, � Rosine.

Oui, je sais que le marquis
Est l'objet de ta pens�e.
D'amour � regret bless�e.
Seule, � l'�cart, tu languis.

ROSINE, joyeuse.

Il m'aime, un peu, beaucoup, passionn�ment.
Ah! Ah! Ah! Il m'aime!

- 62 -

(Plus s�rieuse, � Madame P�an.)

Sait-on jamais si l'on aime?
L'amour, qu'est-ce? Un bonheur?
Une peine?

MADAME P�AN, m�lancolique.

La mort m�me.

ROSINE, protestant.

C'est le parfum du coeur...

MADAME P�AN, se levant.

Parfum dont l'�me se grise
Follement,
Parfum o� l'�me se brise
Lentement.

Madame P�an s'�loigne, Rosine la suit, r�veuse. Elles rejoignent les invit�s qui valsent dans le jardin.

SC�NE DEUXI�ME

BIGOT, GASTON.

L'Intendant et le marquis sortent du ch�teau.

BIGOT, jovial.

Mon cher de Saint-Germain, je ne vous comprends pas;
Allons, d�ridez-vous...Au sortir d'un repas,
A la veille de vos fian�ailles?

GASTON, triste.

De mes amours les fun�railles.

- 63 -

BIGOT, railleur.

Ce vil coureur des bois vous pla�t donc pour vainqueur?

GASTON, d�sol�.

Tout est fini pour moi, elle a donn� son coeur.

BIGOT, myst�rieux.

Non, non, �coutez bien. L�-bas, sur mes limites,
Les chasseurs sont partis; leur chasse aura des suites...
Raymond n'est plus � craindre. Il n'est plus ce rival.
Son corps git, ignor�, sous les buissons d'un val;
Car un certain gibier se cache et joue un r�le,
Puis "l'homme" dispara�t, nous laissant tout contr�le.

GASTON, indign�.

Horreur!...Est-ce Bigot qui parle ou bien...l'Ours Noir?

BIGOT, furieux.

Prononce encore ce nom et connais mon pouvoir!...
Le silence ou la mort!

(Plus calme.)

Je n'ai pas une obole
Et vous n'aurez rien.

GASTON

Mais?

BIGOT

Seulement ma parole,
Que vous l'�pouserez.

-64 -

GASTON

Par quel moyen brutal
Arriverez-vous l�?

BIGOT, ironique.

Faible sentimental.
Tr�s grande est mon emprise...
Gemma viendra ce soir,
Regrettant sa m�prise
Et d�sirant vous voir.

GASTON, � part.

Tr�s grande est son emprise...
Gemma viendra ce soir,
Regrettant sa m�prise
Et d�sirant me voir...

BIGOT, apercevant les invit�s qui reviennent.

Calmez votre flamme,
C'est le retour...
Tout bel amour
Dans l'ombre se trame.

SC�NE TROISI�ME

LES M�MES, MADAME P�AN, ROSINE, TOINON, LES INVIT�ES.

De tous c�t�s, arrivent sur la sc�ne des personnages de tout �ge et de la plus haute noblesse du pays, parmi lesquels se trouvent; Mesdames de Lotbini�re, de R�pentigny, du Linon, Daine et Marin; Mesdemoiselles de Lotbini�re, de Longueil, des Maloises, de Br�ard, Pothier, et Morin; Messieurs de P�an et Dumont, capitaines de milice; De St. Vincent et de Lanaudi�re, capitaines de marine; de Lotbini�re et de R�pentigny, lieutenants de milice; Descheneaux, s�cr�taire de l'Intendant et Cadet munitionnaire g�n�ral; le Mercier commandant d'artillerie, de Br�ard, Varin, Verger, P�nissault, d'Est�be, etc. El�gants parvenus d'alors se donnant de grands airs de gentilshommes. Toilettes splendi -

- 65 -

des riches habits. Brillants officiers, habits et gilets chamar�s, manchettes de dentelle, chapeaux, bottes et rapi�re de l'�poque.
Va et vient de serviteurs et servantes. Bigot est au milieu, premier plan Gaston est aupr�s de Rosine. Madame P�an est au milieu de ses invit�s. Toinon accompagne une demoiselle.

CHOEUR

Des fiers a�eux suivant l'ancienne loi
La Gloire, ici, doit marquer tout passage,
Et la richesse en �tre l'avantage...
Tel est Bigot aussi puissant qu'un roi.

BIGOT, souriant.

Cet avantage...
Que n'est-il moins grand.
Le comm�rage
Aurait moins de champ.

CHOEUR

Le comm�rage?

BIGOT

Oui, du village,
Mon enti�re richesse,
Selon le bruit,
Serait le fruit
D'une sc�l�ratesse.

Et voil� tout ce que le "villageois"
S�me aux �chos de la plaine et des bois.

CHOEUR

Honte!...Qu'entendons-nous? Mensonges!...Calomnie!
Malheur aux "villageois" coupables d'infamie.

- 66 -

BIGOT

Je leur pr�te mes bois, j'en suis r�compens�...
Mais, laissons au n�ant ce roman insens�.

CHOEUR

La guerre, encore, a franchi nos murailles
Et dans la ville a jet� ses rumeurs;
Par la famine, �treint dans ses entrailles,
Le peuple souffre et s'�teint sans clameur.

Bigot est au premier plan � gauche et parle � des serviteurs.

BIGOT, bas, aux serviteurs.

Tenez-vous, tout le soir, cach�s dans les savanes.
Une fille, � minuit, sortira du ch�teau,
Appellera quelqu'un...� cet appel, presto,
Tel en un coup de main les farouches tziganes,

Enlevez-la sans bruit. Un homme sera l�.
Vite au chalet Dubreuil o� l'on vous attendra.

Si vous savez bien faire,
Vous serez bien pay�s.
Dans toute cette affaire,
Je n'y suis pas. Allez.

(Les serviteurs sortent � gauche.) � part.

A nous deux, Dumas, nous l'aurons ta fille,
Bien dissimul�s, c'est un coup facile.

Il a travers� la sc�ne et se trouve pr�s de Madame P�an qui cause avec les invit�s, deuxi�me plan gauche.

BIGOT, haut, � Madame P�an.

Pour adoucir le paysan haineux
Et mettre un terme � de folles chicanes,
Ainsi, Madame, � titre gracieux,
J'ai fait venir, pour vous, les paysannes.

- 67 -

SC�NE QUATRI�ME

LES M�MES, LES PAYSANNES, GEMMA.

Les invit�s se sont rang�s de chaque c�t� de la sc�ne et au fond, laissant le milieu de la sc�ne libre aux paysannes qui y dansent la gavotte; puis viennent saluer Bigot qui se tient toujours � gauche. Deuxi�me plan, avec Madame P�an. Rosine est au premier plan gauche, Gaston, premier plan droit. Gemma est au milieu de la sc�ne avec les paysannes.

SUPPLIQUE

LES PAYSANNES

L'Intendant nous para�t sympathique,
Veut-il soulager l'�me publique?
De g�ne, h�las, nous souffrons tant.
Sauvez le peuple agonisant,
Vous �tes puissant, puissant, oui, vraiment.

Bigot reste froid. Madame P�an s'ennuie. Gaston, apercevant Gemma parmi les paysannes, a fait quelques pas vers elle. Rosine surprend ce man�ge et s'attriste.

ROSINE, � part.

Ah! perfide, pour cette autre, combien d'�gards...
Loin de moi vont ses regards.
Non, il ne m'aime plus.
Et devant lui, je veux cacher mes pleurs �perdus.

CHOEUR

Ah! seigneur,
A vous l'honneur.

- 68 -

ROSINE, � part.

Pour mon �me, quel transport,
En cette vue est tout mon sort.

GEMMA

Raymond a toute ma pens�e,
A lui je reste fianc�e.

TOINON

Qu'il fait bon au Palais Bigot,
Ici, l'amour tourne en lingot.

ROSINE

Oui, je pleure, je pleure.

GEMMA

Toujours ce regard fix� sur moi,
Que de crainte, d'�moi.

GASTON

Gemma, je t'aime
Amour extr�me!

ROSINE

Je pleure dans mon courroux,
Dans mon d�sespoir jaloux...
Perfide, amant, perfide.

GASTON

Je la vois, c'est elle, Gemma,
Dont mon coeur est tant �pris.
Je dois lire, h�las!
En ses yeux le m�pris, h�las, le m�pris!

MADAME P�AN

Toujours le cri de la mis�re,
Ce soir, il m'exasp�re.

BIGOT, heureux.

Plus farouche, elle est belle � voir...
Je me sens l'aimer, ce beau soir...

(Aux paysannes)

Chassez la crainte et la douleur,
En un si beau jour de bonheur,
Et qu'� votre tristesse
Succ�de l'all�gresse.

GASTON

Gemma, ma douce amie,
Mon regard te supplie.

BIGOT

Oui, ses charmes sont trop exquis
Pour un pauvre, un simple, un marquis...
Fleur qu'� minuit, on cueillera,
C'est � moi seul que tu seras.

LES PAYSANNES

L'Intendant nous parait sympathique,
Veut-il soulager l'�me publique?
De g�ne, h�las, nous souffrons tant.
Sauvez le peuple agonisant.
Vous �tes puissant, puissant, oui, vraiment.

- 69 -

LES INVIT�S.

(Gouailleurs � Bigot.)

Monsieur l'Intendant,
Vous avez bon coeur,
C'est avec bonheur
Que vous donnerez
Ce que vous pourrez...

REPRISE DE L'ENSEMBLE

Tout le monde entre au ch�teau...La sc�ne s'est vid�e peu � peu. Gemma a pass� devant Gaston en r�pondant froidement � son salut. Gaston reste stup�fait et froiss�; Bigot, qui l'observe, s'approche de lui.

BIGOT, moqueur, bas � Gaston.

Elle sera votre femme..

SC�NE CINQUI�ME

GASTON, puis TOINON.

GASTON, rageur.

Cruelle d�rision.
Tu m'as donc menti, inf�me.
Si puissant que soit ton nom,
Il n'a rien pu faire.
Dans ses yeux surpris,
J'ai lu la col�re,
La haine et le m�pris.

(Toinon arrive par le fond, myst�rieusement).

TOINON

Ch�t! � mon ma�tre!
Craignez un tra�tre.
Je suis confondu.
L�, qu'ai-je entendu?
C'est inimaginable...

- 70 -

GASTON, outr�.

T'expliqueras-tu
Maniaque du diable?

TOINON, dramatique.

Un complot tram�,
Bigot m�ne l'affaire...
A minuit sonn�,
C'est ici qu'on op�re:

Un affreux bandit
Cach� dans la savane,
Enl�ve, � minuit,
Gemma, la paysanne.

GASTON, indign�

Homme impudent et sc�l�rat...
Nous serons l� pour la d�fendre.

GASTON, l'empoignant.

Demeure, et sans trembler,
Viens te dissimuler.

Ils se dissimulent � droite.

SC�NE SIXI�ME

LES M�MES, TROIS BANDITS.

TROIS BANDITS

Que l'oreille
Soit de veille
Quand l'oeil ne voit pas.
En silence,
En cadence,
Mesurons nos pas.

- 71 -

Impassible en sa place,
Que chacun se rentasse
Pour faire moindre l'espace.
Dans la savane, sans bruit,
Epions jusqu'� minuit.

Ils se cachent � gauche.

SC�NE SEPTI�ME

LES M�MES, RAYMOND, puis GEMMA.

Raymond parait au fond. Farouche, il regarde de tous c�t�s, puis le palais. Il est en proie � une douleur profonde. Ses habits et ses cheveux sont en d�sordre.

RAYMOND,

Tel un nuage sombre
La nuit errant au fond des cieux,
Morne et triste, dans l'ombre,
Je r�de aux abords de ces lieux.

Mon �me br�lante
N'a qu'un seul d�sir,
Une soif ardente;
La voir et mourir.

M�LODIE ET QUATUOR

Dans l'abandon, les noirs regrets,
Cherchant l'oubli de ses attraits,
J'ai voulu fuir, mais c'est en vain,
Tout me parle d'elle sans fin.

RAYMOND

Ah! reviens, infid�le,
C'est mon coeur qui t'appelle!
Ah! rends-moi mes beaux jours.
Gardons des amours
La flamme �ternelle.

- 72 -

RAYMOND

Tendre douceur des jours pass�s,
Je tends vers toi mes bras lass�s...
Ah...comment fuir ton souvenir?
Je ne puis, Gemma, sans mourir.

RAYMOND

Ah! reviens, infid�le,
C'est mon coeur qui t'appelle!
Ah! rends-moi mes beaux jours.
Gardons nos amours.

TROIS BANDITS

Ah! c'est le chasseur,
L'amant fid�le...
Ah! dans les pleurs,
Son coeur l'appelle...

RAYMOND, jaloux, plus pr�s du ch�teau.

Elle est l�...
Elle est l�, pr�s de lui, car je le sais, il l'aime..
Elle est l�...
O rage!... Il lui parle...Ah! Qu'elle douleur extr�me!
Elle est l�...

Pris d'une rage jalouse, il gravit, en fr�missant, les marches du Palais, et s'attaque aux grandes portes ferm�es � clef. Efforts inutiles. Furieux de son impuissance, il recule de quelques pas regardant le Palais en tous sens. Reculant toujours et toujours cherchant, il descend lentement l'escalier. On entend sonner minuit � l'�glise des R�collets.

TROIS BANDITS, dans la coulisse.

Minuit vient de sonner,
Nous attendons ce mot de passe;
Personne encore dans l'espace
Ne l'a fait r�sonner.

Un court silence. Raymond est maintenant � la fen�tre du Palais, troisi�me plan. La porte du Palais s'ouvre et l'on voit appara�tre Gemma qui, lentement, descend quelques marches et s'arr�te, h�sitante.

- 73 -

Personne, ici? Bigot m'a dit d'aller
Dans le jardin et je dois appeler...

Elle descend l'escalier, avance sur la sc�ne se dirigeant vers le fond. Elle rencontre Raymond. Surprise de part et d'autre.

GEMMA, apercevant Raymond.

Ah!...

RAYMOND, suppliant.

Ma Gemma, loin de toi, puis-je vivre?
Partout, toujours, l'amour sut me poursuivre!...
Gemma, pardonne au malheureux!
Le plus triste des �tres.
Errant sous ces fen�tres,
Il implore un dernier aveu.

GEMMA

Est-il besoin que je dise
Que je t'aime toujours?
Que dans les pleurs, ta promise
Attendait ton retour?...

RAYMOND, montrant le Palais.

Sans retard, fuyons chez ton p�re,
Fuyons, Gemma, la nuit est claire.

Ils remontent au fond, mais sont arr�t�s par les bandits qui se sont rang�s. Raymond tire son couteau. Gaston, peu apr�s, entre dans le combat. Lutte violente, rapide. Les bandits sont terrass�s. L'un d'eux, voulant s'�chapper � tout prix, pointe un pistolet sur Raymond. Gemma a aper�u cette manoeuvre. Elle s'�lance devant son fianc� avec un cri de d�tresse. Le coup part et la blesse mortellement. Elle tombe dans les bras de Raymond...D�sarroi g�n�ral; les bandits en profitent pour prendre la fuite. Gaston et Toinon sortent, les pourchassent. On sort du palais. Brouhaha. On s'�lance � la poursuite des bandits. Bruits et cris au dehors. Cependant que les paysannes et quelques dames ac-

- 74 -

courent au secours de Gemma qu'on �tend dans le grand fauteuil et � qui on prodigue les premisers soins. Elle est inanim�e. Raymond dans une angoissse extr�me se tient pr�s d'elle.

RAYMOND, pench� sur Gemma, inanim�e.

Ma Gemma ch�rie,
Tu ne dois pas mourir.
Non... Non, � la vie
Tes beaux yeux vont s'ouvrir.

Gemma se l�ve, � demi inconsciente, dans les bras de Raymond.

GEMMA, �gar�e.

Le tr�pas devant moi se dresse...
O mes pauvres amours en fleurs...!

Reconnaissant Raymond.

Raymond, Raymond, pure tendresse,
A peine ai-je aim� que je meurs.

(D�lirante.)

Raymond je t'aime.

RAYMOND.

Douleur extr�me!

GEMMA, se redressant avec un supr�me effort. C'est l'agonie.

Vers l'aube �ternelle,
Je prends mon essor.

Elle meurt dans les bras de Raymond...Les paysannes pleurent, agenouill�es.

RAYMOND, avec exaltation.

Je voudrais, fid�le
Te suivre � la mort.

�perdu de douleur et de d�sespoir, il se penche sur Gemma et l'�treint avec fureur.

- 75 -

LES PAYSANNES, agenouill�es.

Unique esp�rance...
Aux mains de ses gardiens,
Ainsi meurt la France
Sur le sol canadien.

SC�NE HUITI�ME

LES M�MES, BIGOT, MADAME P�AN, ROSINE, LES INVIT�S.

A la nouvelle de l'attentat, la sc�ne s'est remplie peu � peu de l'assistance du palais. D�sordre apparent chez les invit�s qui semblent sortir d'une orgie. Inqui�tude et malaise. Madame P�an et Rosine se tiennent pr�s des paysannes et de Gemma. Bigot a paru � la porte du palais, il a descendu lentement les marches, regardant les paysannes, puis Gemma, avec stupeur.

BIGOT, d'un sombre d�pit.

F�cheuse et maudite aventure.
Malheur impr�vu,
De ma honte fatal augure...
Je me sens perdu.

Il se ressaisit, cependant, et domine son trouble. Il donne un ordre � un serviteur qui entre au palais en grande h�te. Moments p�nibles pour chacun, le malaise va croissant, la consternation est g�n�rale. Mouvement au fond. Le peuple ameut�, envahit la sc�ne; flot grossissant de la foule, parmi laquelle on distingue des vieillards en bonnet rouge; des vieux soldats, glorieux mutil�s de la guerre; des marins aux allures de corsaires, venus comme pour un coup de main; des vieilles femmes, sorties en grande h�te, un ch�le sur la t�te; des enfants pieds nus, etc., etc. D�tail saisissant de la mis�re du peuple dont le ressentiment, si longtemps contenu, �clate, enfin, et d�ferle sur le Palais de l'Intendance. Les Bandits captur�s sont ramen�s; l'un d'eux est tra�n� au milieu de la sc�ne. Col�re, indignation de la foule.

- 76 -

SC�NE NEUVI�ME

LES M�MES, GASTON, UN BANDIT.

CHOEUR

Inf�me! A mort! A mort!
Soyons in�xorables!
Des plus honteux coupables
Qu'il connaisse le sort...

LE BANDIT, indiquant Bigot.

Je ne suis pas seul coupable...
Ma famille meurt de faim;
Bigot m'a promis du pain.
C'est lui, l'auteur v�ritable...

BIGOT, donnant ordre � un serviteur de l'amener.

Cet homme est fou, ��, qu'on l'am�ne.

Les serviteurs sont arr�t�s par Gaston qui, prenant l'assistance � t�moin, accuse Bigot.

GASTON

Oui, Oui, c'est Bigot, de ce rapt il tient la cha�ne...
Des braves gens, terreur du soir...
C'est le sorcier, l'espion, l'Ours-Noir.

Surprise g�n�rale. Le nom de : L'Ours-Noir est r�p�t� comme un �cho fun�bre. Gaston continue, solennel, avec m�pris et amertume. Bigot impassible, regarde Gaston avec m�pris.

CHOEUR

L'Ours-Noir?...

- 77 -

GASTON

Simulant la fin des chicanes,
Il fait venir les paysannes
Pour enlever Gemma,
La fille de Dumas...
La douleur me d�vore...
J'ai mis mon bonheur en sa main,
Il en a fait un crime encore,
Bigot, le traitre, l'inhumain.

CHOEUR

L'Intendant...?
Il est p�le et tremblant...
On distingue la rage
Aux traits de son visage...
Et son regard nous fuit...

La foule dont l'�tonnement a grandi s'est approch�e graduellement de Bigot et l'accuse.

C'est lui...

Raymond vaincu par la douleur, se redresse � ces mots: "C'est lui". Il se fraie un passage et va droit � Bigot, mena�ant.

RAYMOND

C'est lui!...

(� Bigot)

C'est toi, tra�tre!
Tu t'es fait conna�tre,
Oses-tu para�tre?

CHOEUR, mena�ant.

Vengeance.

- 78 -

RAYMOND

Tremble. Car mon transport
Veut ta mort, oui, ta mort!

CHOEUR

Mort au traitre.

Bigot a courb� le front et cherche � se soustraire. La foule plus mena�ante et plus impitoyable l'accable avec fureur.

RAYMOND

O crime inf�me!
Tu m'as pris l'�me,
J'en dois p�rir.
Toi, en mourir.
Mort � l'inf�me.

GASTON

Homme implacable,
Vois qui t'accable,
Et crains ton sort.
Oui, crains la mort!

BIGOT, accabl�.

Fureur et rage.
Quand tout m'outrage,
Quoi?...Plus d'amis.
Tous ennemis..

CHOEUR

Plus d'esp�rance,
Loin de la France,
Peuple perdu,
Par toi vendu.
Vengeance

CHOEUR

Mort au tra�tre.
Vengeance.

LES PAYSANNES

Vaine esp�rance,
Voeux superflus...
O douce France,
Tu n'es donc plus?

Levant des bras suppliants, Bigot s'est tra�n� au pied des gens du peuple; implorant leur secours. Mais il est �cras� sous la vengeance publique et va mourir.

RIDEAU.

FIN

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Artistes lyriques des ann�es 20

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