Societe des amis et descendants d'Ulric Voyer

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Biographie d'Ulric Voyer

Op�ra L'Intendant Bigot

Concert d'ao�t 1998 dans le cadre des F�tes de la Nouvelle-France

e-libretto, une collection de plus de 200 livrets d'op�ra

Nouveau
La partition compl�te de l'op�ra vient d'�tre publi�e. Veuillez communiquez avec nous pour commander votre exemplaire de cette publication in�dite.

Op�ra L'Intendant Bigot

Voyer, J.-U. et Rousseau, Alfred. - �L'Intendant Bigot� : Op�ra en 3 actes.
- Livret de J.-U. Voyer et Alfred Rousseau, musique de J.-U. Voyer. -
[L�vis : Le quotidien, 1928]. - 78 p. 17x25 cm. - Tous droits r�serv�s. - Collection priv�e
Transcription int�grale du livret par Nicole Roberge
La pagination r�f�re � l'�dition originale
Livret

Acte deuxi�me

Libretto

Pr�sentation et personnages

Acte premier
Le vieux Qu�bec de 1757

Acte deuxi�me
Pr�s de l'h�tellerie des chasseurs.

Acte troisi�me
Place du Palais de l'Intendance
Qu�bec, vers 1755 � 1760
- 30 -

ACTE DEUXI�ME

Place pr�s de l'h�tellerie des chasseurs. Aspect modeste, rustique et champ�tre...Joli paysage d'automne, �rables aux feuilles d'or et pourpr�es.

Bordant la sc�ne au fond, une petite cl�ture, en bois de bouleau, se d�coupe en blanc sur le fond noir d'un jardin d�nud�.

En perspective, la vaste campagne; un ruisseau serpentant; des alignements de buissons; des champs dont le chaume vert p�le, blond dor� ou brun roux dit la moisson qu'il a port�e.

Quelques groupes de b�timents de ferme.

Plus loin, la plaine s'�l�ve en douce pente et se joint � la montagne. Au centre, le petit village de Charlesbourg; blanches habitations flanqu�es de sapins verts.

Puis, la for�t, sans limites et sans bornes, de hauteurs en hauteurs jusqu'aux cimes des Laurentides qui dominent l'horizon.

Dans les montagnes, � gauche, Valcartier dresse son pic arrondi; � droite, dans la for�t sombre et noire, une large tache gris�te avec, au centre, une forme vague; on devine une clairi�re, une construction, c'est le lieu de plaisance de l'Intendant Bigot: le ch�teau de Beaumanoir, myst�rieux s�jour que la l�gende illustra de r�cits fantastiques et dont le souvenir chantera toujours dans la m�moire du peuple.

A gauche de la sc�ne, le mur de l'h�tel supportant un solide appentis surmont� d'un fronton o� se balance une enseigne. L'inscription porte en grosses lettres:"A LA FLEUR DE LYS". Puis, en sous-titre: "Ici, on loge � pied comme � cheval". Sous l'appentis, une table, et des bancs; c'est un lieu o� l'on sert � boire, une esp�ce de tonnelle rustique enguirland�e de vigne sauvage.

Gauche, premier plan, porte de service donnant sur la maison...Au fond, un chemin public traverse la sc�ne de gauche � droite. A droite, premier et deuxi�me plans, de beaux �rables �pandent leurs ramures.

- 31 -

SC�NE PREMIERE

BIGOT, GEMMA.

Au lever du rideau, Bigot toujours d�guis� est assis � la table. Il mange et boit. Gemma arrive par la porte de gauche portant des fruits qu'elle d�pose sur la table devant Bigot.

GEMMA

Voil�, monsieur, pour vous...

BIGOT

Merci,

GEMMA

Rien d'irritable,
Des fruits et du vin doux.

BIGOT, souriant.

Tu me fais bonne table...

GEMMA, confuse.

Ah! monsieur, ne vous moquez pas.

BIGOT, charm�, � part.

C'est vrai, marquis, qu'elle est mignonne...

GEMMA, modeste.

Ce n'est qu'un modeste repas,
Un rien qu'on pr�pare et qu'on donne.

-32 -

BIGOT, protestant, flatteur.

Non, non. Mon enfant, non, il n'est pas si frugal,
Tes mains qui l'ont servi m'en ont fait un r�gal...

Il se fait plus galant, de l'oeil et du sourire. Elle s'intimide.

GEMMA, rougissante.

Allons, que reste-t-il encore...
C'est tout? Plus rien � d�sirer?...

BIGOT, ravi, � part.

Elle est belle comme l'aurore...

GEMMA

Alors, je vais me retirer.

BIGOT, vivement.

Te retirer? Non, je d�sire,
Je veux, sur ta l�vre, un sourire.

GEMMA, baissant les yeux.

J'ignore cela.

BIGOT, riant,

Bah! la belle affaire...

GEMMA, le quittant.

Adieu donc...

- 33 -

BIGOT, la retenant.

Hol�!...
Reste pour me plaire...

Ah! je connais ton coeur,
Mignonne, tu n'est pas n�e
Pour un pauvre chasseur.
Plus haute ta destin�e...

Que de charmes, de valeur,
L�, je te vois parsem�e!..
Non, pour un pauvre chasseur,
Mignonne, tu n'es pas n�e.

GEMMA, voulant se retirer.

Ah! de gr�ce, excusez-moi...

BIGOT, la retenant.

Et, serais-je noble, comte,
Marquis, mes biens devant toi,
Je d�poserais sans honte.

GEMMA, � part.

Impertinent sorcier,
Son regard m'embarasse,
Je devrais m'en m�fier,
Vite, quittons la place.

Elle se d�gage, et se sauve par la gauche.

- 34 -

SC�NE DEUXI�ME

BIGOT, puis DUMAS.

BIGOT, seul.

Ah! ah! Charmante la petite.
Le marquis sera bien pay�.
Moi, de ma dette, bient�t quitte,
Ah! je m'en sens tout �gay�.

DUMAS, entrant

Quelle joie ainsi te fait rire?
Est-ce parce que le gibier
Eloigne d'ici son empire?
Mis�re que notre m�tier.

BIGOT, saisissant l'occasion.

Ta mis�re, Dumas,
Que me dis-tu l�?
Ignores-tu que ta fille
Peut illustrer ta famille?...

DUMAS, surpris.

Comment?

BIGOT.

Un noble, un marquis,
Aime ta demoiselle,
Tu n'as qu'� consentir. Et puis...

DUMAS, m�fiant.

Et puis? Dans ton z�le,
Qu'est-ce que tu me proposes?...

- 35 -

BIGOT

La plus honn�te des choses,
Le mariage.

DUMAS, ferme.

Jamais...

BIGOT, cherchant � l'�blouir.

C'est la fortune qu'on t'apporte...

DUMAS, indiff�rent.

Qu'importe...

BIGOT, � part, d��u.

D�routant insucc�s...

DUMAS, fier.

Les nobles sont d'un rang que mon honneur d�daigne,
Depuis que Bigot joue et que le peuple saigne.

BIGOT, hypocrite.

Sans parler � demi,
Que veux-tu me dire, ami?

DUMAS, �chauff�.

Le noble s'amuse, prosp�re,
Et nous, nous mourons de mis�re.
Ah! maudit soit le jour,
O� nous vint ce vautour,

Cet homme sans �me,
Ce Bigot inf�me
Qui, sous le nom d'Intendant,
Cache celui de brigant.

- 36 -

BIGOT, myst�rieux.

Tais-toi, l'homme pourrait t'entendre...

DUMAS

Qu'il vienne ce mal accoupl�.
Il saura que faute de bl�
J'ai toujours eu du coeur � vendre!
Qu'il vienne, je ne le crains pas.

BIGOT

Tais-toi...

DUMAS

Aux l�ches de se taire.

BIGOT

Il ne ferait qu'un repas
De ton petit lopin de terre.

Tu es pauvre, prends garde, il est riche, puissant...

DUMAS

Riche de nos sueurs, riche de notre sang.

Oui, le peuple soupire,
Tout � l'espoir d'un jour plus beau.
Bigot, rogne, d�chire...

BIGOT

Tais-toi.

DUMAS

De lambeau en lambeau,
Sa rage de vampire
Mettra la Patrie au tombeau.

- 37 -

BIGOT, voulant couper court.

Soit...puisque tu le veux, mais parlons d'autre chose.

DUMAS, m�prisant.

Parlons de Descheneaux, de P�an, de Cadet,
Des nobles, du marquis dont tant�t l'on parlait...

BIGOT, piqu�.

Non, je m'en vais.

DUMAS, �tonn�.

D�j�?

BIGOT, le quittant vers la droite.

Plaide tout seul ta cause.

BIGOT, � part, sortant.

Passe l'�trille
Stupide vieillard.
J'aurai ta fille
Avant qu'il soit tard.

Il sort par la droite. Dumas s'avance en grommelant vers la gauche, s'arr�te, regardant Gemma qui sort de la maison et commence � desservir la table. Il s'approche d'elle, aussit�t.

DUMAS, col�re.

Ma fille, sans ma connaissance,
N'aimerais-tu pas un marquis?

- 38 -

GEMMA

Moi?...Non.

DUMAS, moins col�re.

Ancien ami d'enfance
Qui lui-m�me serait �pris?

Gemma, attentive, s'est approch�e de son p�re...elle l'am�ne s'asseoir sur le banc, devant la table, et lui passe son bras sur l'�paule.

GEMMA, avec douceur.

Lorsque j'�tais jeunette,
Vous aviez des vasseaux,
Et cette maisonnette
Logeait des pastoureaux.

Lorsque j'�tais jeunette,
Monsieur de Saint-Germain,
Pour danser � la f�te,
Un jour, m'offrit sa main.

ENSEMBLE

GEMMA

Lorsque j'�tais jeunette,
Vous aviez des vasseaux,
Et cette maisonnette
Logeait des pastoureaux.
Lorsque j'�tais jeunette,
Monsieur de Saint-Germain,
Pour danser � la f�te,
Un jour, m'offrit sa main,

DUMAS

Lorsqu'elle �tait jeunette,
Oui, j'avais des vasseaux,
Et cette maisonnette
Logeait des pastoureaux.
Lorsqu'elle �tait jeunette,
J'avais beaucoup d'amis.
Et ma gloire � son fa�te,
Sombra jusqu'au m�pris.

DUMAS, se levant, col�re.

Par l'Intendant, nagu�re,
Injustement ruin�,
Je garde en ma mis�re
Un courroux obstin�.

- 39 -

GEMMA

Je hais Bigot et son engeance
De marquis, viveurs en puissance.
Je n'aime que Raymond,
Ce qu'on dit est un conte

DUMAS

De marquise, le nom
La fait rougir de honte
Cet aveu il me pla�t,

Ch�re enfant, mais j'implore...
Mon coeur non satisfait,
A Bigot songe encore.

Apr�s un silence, solennel et grave:

J'implore et supplie, � ma fille,
N'aime pas ce pr�tendant.
Que ton oeil, plut�t, se d�cille
Et redoute l'Intendant.

GEMMA

Apaisez, mon p�re, vos craintes.
Il n'a pas s�duit mes yeux.
Et je puis, loin de ses atteintes,
R�ver d'avenir joyeux.

DUMAS, s'animant.

Enfant trop candide,
Crains donc l'oiseleur,
Bigot le perfide,

Bigot ravisseur,
Ravisseur avide
De vertu, d'honneur.

- 40 -

H�las! il faut donc te le dire;
L'intrigue remplit ses instants,
L'aventure en tous lieux l'attire
Aux m�faits les plus r�voltants.

Si jamais l'homme est de passage...
(avec chaleur.)
Ah! que ton front, ceint de fiert�,
Fasse de toi la plus sauvage
Et t'enl�ve toute beaut�.

GEMMA

Vous �veillez fort ma prudence;
Je ne veux plus voir ce marquis,
Il doit venir de l'Intendance,
C'est de Bigot un de ses amis.

DUMAS, fier.

Ce marquis, bah! un rien qui vaille!
(avec ardeur.)
Entre ces gens et notre coeur,
Dressons, ma fille, une muraille,
Et gardons nos jours de bonheur.

Tendresse paternelle, chaste baiser. Gemma reconduit son p�re qui entre � la maison. R�veuse, elle continue � desservir puis... s'arr�te comme obs�d�e.

SC�NE TROISI�ME

GEMMA, seule.

Pourquoi dans mon humble vie
Est-il revenu, ce marquis?
Bonheur pass� que j'envie,
Loin de moi, disparais, et fuis...!
Non, dans mon humble vie,
Je ne veux plus voir ce marquis.

- 41 -

(Obs�d�e, elle est venue s'asseoir au deuxi�me plan, acoud�e � la table, les yeux fix�s dans le vide, r�veuse. L'obscurit� compl�te se fait sur la sc�ne. Puis, la toile de fond se s�pare. Un rayon de lumi�re nous fait voir Gemma, jeune, tr�s jolie, richement v�tue. Pr�s d'elle se tient un beau et jeune marquis. Tous deux causent et sourient au milieu d'un jardin rempli de fleurs...)

(R�verie.)

Souvent vous me venez en r�ve,
Souvenirs de l'enfance br�ve,

Et j'ose, alors, me plaire � vos moindres discours...

Mon coeur s'abandonne et propose,
H�las, et jamais ne repose!...

Il cherche, en vain, l'oubli des premi�res amours.

O tendre enfance, aimables jours,
Dont je me souviendrai toujours!

(La vision dispara�t. La sc�ne s'illumine.)

SC�NE QUATRI�ME

GEMMA, les PAYSANNES.

On voit appara�tre les paysannes, au fond, � gauche. Apr�s mille h�sitations, r�v�rences et c�r�monies, riantes et moqueuses, elles se tiennent d'abord au fond pour saluer et taquiner Gemma. Celle-ci, sans remarquer ce qui se passe, a desservi la table, est entr�e � la maison et en est sortie.

LES PAYSANNES

Oui, faisons-lui l'hommage
De notre compliment,
Car de tout le village
C'est la perle vraiment.
Ah! ah! ah! (Reprise)

- 42 -

GILBERTE, moqueuse � Gemma.

Faut-il que soit beau...

ENSEMBLE

Son m�rite...

GILBERTE-

Quelqu'un du ch�teau...

ENSEMBLE

La visite...

Oui, faisons-lui l'hommage
De notre compliment,
Car de tout le village,
C'est la perle vraiment.
Ah! ah! ah! (Reprise)

GEMMA, ennuy�e.

D'o� vient ce boniment?

GILBERTE

Quoi, cela te d�sole?

GEMMA

C'est � vous croire folles. (Rires)

On entend, au loin, la voix de Bigot chantant sa ronde. Les paysannes, qui ont couru regarder � droite, reviennent, effray�es, se ranger de chaque c�t� de la sc�ne.

LES PAYSANNES.

Malheur... L'Ours Noir...!
Que vient-il faire?
Sorcier de myst�re...

- 43 -

Nouveau chant de Bigot dont la voix se rapproche.

Oiseau du soir,
Que viens-tu faire?
Qui viens-tu voir?

SC�NE CINQUI�ME

LES MEMES, BIGOT.

Bigot, en son m�me d�guisement de chasseur, entre par le fond et descend la sc�ne entre deux rangs de regards effray�s. Il salue les paysannes avec gr�ce.

BIGOT

Mignonnes,
Je vous donne
Le bonjour.

Les paysannes semblent se rassurer peu � peu.

Sur l'amour

Je pourrais tout vous dire...

Comme rien
Dans la main
Le destin

Ais�ment je peux lire.

Les paysannes sont tout-�-fait rassur�es et s'approchent.

BIGOT

Approchez, vite...

(D�signant l'une d'elles).

Toi, petite...?

- 44 -

La paysanne s'approche timidement. Il lui prend la main et lit la bonne aventure.

Succ�s amoureux...

GILBERTE, tendant la main.

Moi?

BIGOT, m�me jeu.

Bien l�ger

L'amour, tu changeras...

ALICE, m�me jeu.

Moi?

BIGOT, m�me jeu.

Vite...

Toi, bient�t, tu pourrais bien pleurer...
Pour les chasseurs fort bonne affaire,
L'Intendant d�sirant vous plaire,
A tous permettra de chasser
Sur ses limites lointaines.

GEMMA, m�me jeu.

Et moi?...Moi, que puis-je esp�rer?

BIGOT, tr�s aimable.

Toi, mille choses certaines...
Je te pr�dis
Un �poux magnifique,
Un beau marquis...

- 45 -

LES PAYSANNES

Quel homme sympathique...
Ah! qu'a-t-il dit?
C'est sa main qui l'indique,
Elle? Un marquis...

ALICE, ironique.

Il est bien chim�rique
Ton beau marquis.

GEMMA

Jalouse,
De ma f�licit�,
J'�pouse,
Selon ma volont�.
Jalouses,
Ne prenez pas de peur,
J'�pouse,
Ah! bien mieux qu'un seigneur...

BIGOT, � part.

Oui, raisonne et d�cide � ta guise,
Je te ferai quand m�me marquise.

SC�NE SIXI�ME

LES MEMES, LES CHASSEURS.

On entend les chasseurs qui chantent et crient. Gemma entre rapidement � la maison avec Gilberte pour en sortir peu de temps apr�s avec une cruche et des gobelets. Les paysannes vives et joyeuses accourent au fond. Entr�e des chasseurs par la droite. Brouhaha, sc�ne bruyante et gaie. Gemma et Gilberte versent � boire.

LES PAYSANNES

Toujours ils sont pleins d'ardeur.
Vivent, vivent les chasseurs,

- 46-

LES CHASSEURS

Ah! pleins d'esp�rance
En votre pr�sence.
Quel plaisir d'�tre aupr�s de vous.
Aimables,
Affables,
Toujours vous �tes pour nous.

BIGOT

Amis, qu'est-ce qui vous am�ne?

LES CHASSEURS

Nous partons dans l'heure prochaine.

BIGOT, aux paysannes.

Je vous l'avais bien dit,
Jouvencelles?

LES PAYSANNES

Il sait le premier bruit
Des nouvelles.

BIGOT, aux chasseurs.

Vous partez?

LES CHASSEURS

Nos exploits

Veulent couvrir la terre!

LES PAYSANNES, suppliantes.

Non, restez.

- 47 -

LES CHASSEURS, enthousiastes.

Bigot, d�bonnaire,
Nous pr�te ses grands bois.

BIGOT, � part.

Raymond n'y est pas? Qui l'emp�che?
Aurait-il �vent� la m�che?

LES PAYSANNES

Non, restez.

LES CHASSEURS

Endroits merveilleux!

LES PAYSANNES, chacune � son ami.

Tu laisses ta promise?

LES CHASSEURS

Un pays des plus giboyeux.
Vive Bigot.

BIGOT, � part.

Sottise.

LES PAYSANNES, tristes.

En votre pr�sence
Nous r�vions d'amour,
O folle esp�rance,
Tu fuis pour toujours.

LES CHASSEURS, exalt�s.

Partons, les amis,
Quittons le pays.

- 48 -

LES PAYSANNES,

Restez, les amis,
Restez au pays.

LES CHASSEURS

Adieu, bien-aim�es

LES PAYSANNES,

Adieu, jusqu'au retour.

LES CHASSEURS.

Ch�res fianc�es,
Gardez-nous votre amour.

Les paysannes reconduisent les chasseurs qui sortent � droite, au fond. Baiser d'adieu. La sc�ne se vide peu � peu. Bigot s'arr�te au fond et regarde Gemma qui semble pensive.

BIGOT, � part.

Ah! Raymond partira,
Son amante seulette,
Le marquis mariera
Ou je paierai ma dette.

(Il sort � droite.)

SC�NE SEPTI�ME

GEMMA, seule.

D��ue de n'avoir pas vu Raymond, elle s'�loigne au fond, regarde � gauche et marque son impatience. Elle remonte lentement la sc�ne et sourit m�lancoliquement.

Dans un petit village,
L'amour survint un jour.
L'amour, ce dieu volage,
Est venu faire un tour
Dans un petit village.

- 49 -

A son charme vainqueur,
Une belle fut prise.
Aimant de tout son coeur,
Elle devint promise.

Dans ses r�ves, depuis,
L'amour berce son �me,
Et le jour et la nuit
Berce son coeur en flamme.

SC�NE HUITI�ME

GEMMA, RAYMOND.

Raymond para�t au fond venant de gauche.

RAYMOND, � part, charm�.

Charmante maison,
Aimable r�veuse...

GEMMA, se retournant, joyeuse.

Ah! c'est toi, Raymond?
Quelle brise heureuse?

RAYMOND, s�rieux.

C'est l'heure des adieux!...
La nouvelle soudaine
D'une chasse lointaine.
M'am�ne dans ces lieux.

GEMMA, attrist�e.

H�las!

RAYMOND, tendre.

Ma douce amie.

- 50 -

GEMMA

Le d�part afflige toujours...

RAYMOND

Mais si je pars pour de longs jours
Mon coeur te reste pour la vie.
Sans ta ch�re pr�sence,
J'aimerai.

GEMMA

Moi, durant ton absence,
Je prierai.

RAYMOND, apr�s un temps; soucieux.

Une chose pourtant, m'attriste...

GEMMA, �tonn�e.

Qu'est-ce?

RAYMOND, inquiet.

Ce noble que j'ai vu...

GEMMA, offens�e.

Raymond, douterais-tu?

RAYMOND

Son amour d'autrefois subsiste.
Il t'aime. Il l'a dit devant moi.
Gemma, qu'en est-il de toi-m�me?

GEMMA, sinc�re.

Raymond, tu sais bien que je t'aime.

- 51 -

RAYMOND, jaloux.

Ah! partir...laisser pr�s de toi
Ce grand seigneur, quelle torture!...

GEMMA, indiff�rente.

Qu'est-ce pour moi que ce marquis?

RAYMOND, ferme.

Un noble.

GEMMA, l'interrompant.

Coureur d'aventure.

RAYMOND

Un ami?

GEMMA

Oubli� depuis.

RAYMOND, presque convaincu.

De cet amour d'enfance,
Que dis-tu?

GEMMA,

Etant sans importance,
Il n'est plus.

Tendre cr�ature,
Faible par nature,
Je r�ve un appui
Sous ta loi puissante.
Sans toi, c'est l'ennui,
La joie est absente.

- 52 -

RAYMOND

D'un amour supr�me,
Cher tr�sor, je t'aime.

Du bruit de tes pas
Mon �me est ravie.
Ah! jusqu'au tr�pas
Tu seras ma vie.

GEMMA, le reconduisant.

Mon coeur t'accompagne
D'amour oppress�!...

Raymond, comme exalant un profond soupir, ayant regard� la montagne puis sa fianc�e.

RAYMOND

O verte montagne,
Que vais-je laisser.

Baiser d'adieu. Raymond sort � droite, au fond.

SC�NE NEUVI�ME

GEMMA, seule, puis GASTON.

Triste, elle s'attarde au troisi�me plan, � droite, envoyant des baisers � son fianc�.

Emporte avec toi ma pens�e.
Emporte la foi
De mon �me toute � toi,
Et reviens vers ta fianc�e.

Gaston est apparu � gauche. Il s'arr�te, regarde de tous c�t�s, s'assurant qu'ils sont bien seuls, puis il s'approche de Gemma.

- 53 -

GASTON, au-dessus de son �paule.

Gemma.

GEMMA, surprise.

Vous?

GASTON, d'un bon suppliant.

J'ai voulu te revoir.
Souviens-toi de nos jeunes ann�es,
Nous nous aimions...

GEMMA

Fleurs fan�es.

GASTON

Rien ne peut donc t'�mouvoir?

GEMMA, ferme.

Rien, rien.

GASTON

Pour toi, je suis rest� le m�me.

GEMMA

Ceci doit �tre oubli�.

GASTON, pressant.

Gemma...Gemma...Je t'aime!
Que l'hymen soit publi�,
Tu me suivras � l'�glise.

GEMMA

Jamais!

- 54 -

GASTON, d�sesp�r�.

Mon beau r�ve se brise.

Pour mon coeur, quelle disgr�ce,
Je n'ai plus le moindre espoir!
Que l'amour en moi s'efface,
J'ai trop connu son pouvoir.

Ah! Gemma, devant tes charmes,
Que n'ai-je �touff� mes feux,
Aujourd'hui, j'aurais des armes
Pour vaincre, enfin, tes beaux yeux.

Ignorant l'amiti� br�ve
Que ton coeur me r�servait,
Je t'aimais, t'aimais sans tr�ve;
Doux tr�sor, que t'ai-je fait?

Oh! souviens-toi, ma ch�rie,
De ces beaux jours d'autrefois;
Tu me disais, l`�me attendrie;
"Mon ami, oui, c'est bien toi".

L'amour en moi veille encore;
Toujours forc� de t'aimer,
Languissamment je t'implore...
Ah! laisse-moi te charmer...

Ah! garde encore souvenir
Des aveux de notre enfance,
O� pench�s vers l'avenir,
Nos coeurs vivaient d'esp�rance.

GEMMA

C'est Dieu qui r�gle nos amours,
Pourquoi prolonger l'insistance?
Ne m'accusez pas d'inconstance...
Je n'ai pu vous aimer toujours.
Partez, partez!

- 55 -

GASTON, sourdement.

H�las! cruelle...
Je ne saurais quitter ces lieux,
J'attends que l'amour moins rebelle
Vienne, enfin, briller dans tes yeux.

GEMMA indign�e.

Ah! laissez-moi...Partez, inf�me!...

GASTON �perdu.

Gemma, doux tr�sor de mon coeur,
Pourquoi m�prises-tu ma flamme?
Mon beau r�ve s'�teint et meurt...
Toujours vainement poursuivie,
Sans toi, mis�rable est ma vie,
Ce refus assure un malheur.

GEMMA, cherchant � passer.

Seigneur, prot�gez-moi, de gr�ce!...

GASTON, s'avan�ant vers Gemma qui recule.

Viens...Je ne peux vivre sans toi.
Du feu de l'amour qui m'embrase,
Gemma, tu conna�tras la loi.

Gaston s'est empar� des mains de Gemma et les couvre de baisers ardents. Efforts de r�sistance de la part de Gemma qui se tord et fl�chit sous la caresse; courbant son front rougissant. On entend de loin et se rapprochant peu � peu la voix de Raymond et des chasseurs qui chantent leur gai refrain.

RAYMOND, au loin.

Sur la b�te qui se dresse,
Ajuste bien et vise au coeur.
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.

- 56 -

En attendant la voix de Raymond, Gemma, dans un surcro�t d'�nergie, s'arrache brusquement des mains du marquis et court au fond en criant "Lui"! Gaston semble, un temps, captiv� par le r�ve et l'amour. Relevant la t�te, il �coute le chant des chasseurs. Il reste un instant perplexe, regardant Gemma, appuy�e sur la cl�ture, au fond, puis il s'�loigne � gauche. Du dehors, �clats de rive.

SC�NE DIXI�ME

GEMMA, puis RAYMOND.

Raymond appara�t au fond droit et s'approche vivement de Gemma.

RAYMOND, d'un ton s�v�re.

On m'apprend
Qu'� l'instant
Bigot veut mon absence.
Pour te voir
Et t'avoir
Le marquis fait instance.

GEMMA, cachant son �motion.

H�las! mon fianc�...

RAYMOND, bouillant de rage.

Ah! que ceci m'oppresse...

(Autoritaire)

D�mens cet avanc�.

GEMMA, cherchant � l'apaiser.

Pour toi est ma tendresse.

RAYMOND, d�sabus�.

Indigne chasseur...

- 57 -

GEMMA, m�me jeu.

Non, d'un grand m�rite...

RAYMOND, d�sesp�r�, avec jalousie.

Contre un grand seigneur...

GEMMA, fermement.

Dont l'aspect m'irrite.

RAYMOND, dont l'angoisse grandit.

Jamais n'a grandi dans mon coeur
Autant de rage et de fureur.

Avec un effort supr�me, elle se redresse, l'entoure de ses bras, et, de toute son �me:

GEMMA

Raymond, Raymond, je t'aime!...

RAYMOND, avec des sanglots dans la gorge.

Mais, je t'aime...
Gemma, c'est ma douleur extr�me.

Il se d�gage de l'�treinte de Gemma. Il aper�oit sur la table, � gauche, les gants laiss�s par Gaston. Il se pr�cipite sur ces gants, farouche.

Ah! Gemma...Que s'est-il pass�?...
Voil�...sur un si�ge laiss�...
Voil� le sujet de l'angoisse!...
(Avec rage et jalousie)
Ah! cet autre, il est donc venu...?

(Gemma cherche en vain � l'apaiser).

- 58 -

Tu l'aimes...Tu l'aimes...Traitresse...

(La repoussant)

Mais c'est fini, tout est rompu.

(Sourdement)

Dans cette maison, infid�le,
Mon coeur jamais plus ne battra.

(Pleurant)

Adieu...Malheureuse Gemma...

(Se d�cidant � partir)

Adieu...

GEMMA, courant � lui, suppliante.

Raymond..

RAYMOND,

Adieu, cruelle...

Il a pris Gemma par un bras, violemment, l'obligeant � tomber � genoux. Cette derni�re, lance un cri d�chirant. Il se sauve affol�. Gemma, chancelante, les bras tendus, se tra�ne � la suite de Raymond et s'�vanouit pr�s du jardin.

RIDEAU

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