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Biographie d'Ulric Voyer

Op�ra L'Intendant Bigot

Concert d'ao�t 1998 dans le cadre des F�tes de la Nouvelle-France

e-libretto, une collection de plus de 200 livrets d'op�ra

Nouveau
La partition compl�te de l'op�ra vient d'�tre publi�e. Veuillez communiquez avec nous pour commander votre exemplaire de cette publication in�dite.

Op�ra L'Intendant Bigot

Voyer, J.-U. et Rousseau, Alfred. - �L'Intendant Bigot� : Op�ra en 3 actes.
- Livret de J.-U. Voyer et Alfred Rousseau, musique de J.-U. Voyer. -
[L�vis : Le quotidien, 1928]. - 78 p. 17x25 cm. - Tous droits r�serv�s. - Collection priv�e
Transcription int�grale du livret par Nicole Roberge
La pagination r�f�re � l'�dition originale
Livret

Acte premier

Libretto

Pr�sentation et personnages

Acte premier
Le vieux Qu�bec de 1757

Acte deuxi�me
Pr�s de l'h�tellerie des chasseurs

Acte troisi�me
Place du Palais de l'Intendance
Qu�bec, vers 1755 � 1760
- 6 -

ACTE PREMIER

Le vieux Qu�bec de 1757

La sc�ne est sur les hauteurs de Beauport. Site merveilleux! Aspect enchanteur et grandiose! Immense essor du regard o� se r�v�le dans sa majustueuse beaut� tout le pittoresque du vieux Qu�bec.

Le Saint-Laurent, d'abord, avec sa rade pleine de navires, forts voiliers, joyeux bricks et grosses barques; puis en bordure de la rade, � droite, la ville, qui se dresse, imposante et fi�re, s'�l�ve, d'escarpement en escarpement, et commande jusqu'aux plus lointains horizons; montagne �riss�e de beaux arbres aux feuilles mordues par l'automne et sertie de massives constructions, de clochers et de tourelles. Au bas de la falaise, longeant la rivi�re Saint-Charles et se perdant dans le fleuve, on reconna�t parmi les vastes b�timents, le Palais de l'Intendance, l'H�tel-Dieu et son clocher s'effilant dans la rue, les magasins, etc. Au-dessus, ceinturant la ville, une lourde muraille tachet�e de meurtri�res, remparts que domine le S�minaire et de plus loin en plus loin, la Cath�drale, le Coll�ge des J�suites, l'�glise des R�collets et le ch�teau Saint-Louis, puis, � l'extr�me, masse grise et informe, la citadelle.

L�vis barre le lointain et les montagnes de la Beauce, l'horizon. For�ts de chaque c�t�. Au fond, � gauche, rocher accessible duquel descend une route publique qui traverse la sc�ne. A droite, la maison du vieux Dumas, servant d'h�tellerie aux chasseurs. Devant cette maison ouvrant sur la sc�ne, articles de chasse. Un banc au milieu de la sc�ne et, �a et l�, quelques bancs rustiques.

SC�NE PREMI�RE

LEVER DU RIDEAU

Au lever du rideau, la sc�ne est d�serte et dans une demi-obscurit�. C'est l'aurore, puis le matin d'un beau jour. Quelques blancs nuages dans un ciel bleu-nuit et sur la mer sombre, une l�g�re brise; puis, lentement, la lumi�re se faisant, peu � peu, les nuages se rosent dans un ciel plus clair, la mer s'anime des nombreuses voiles qui dormaient dans l'ombre, l'Ile d'Orl�ans s'�maille au milieu du fleuve qui s'empourpre, les c�tes de L�vis se pr�cisent et les monts se dessinent dans le lointain; puis, de son ombre immense et fantastique, la ville s'�veille radieuse et belle, d�ploie ses ch�toyantes draperies au soleil et se mire dans la rade. Le soleil a surgi des Laurentides. C'est le jour. On entend, au loin et se rapprochant, peu � peu, des voix humaines se m�lant au chant des oiseaux et au sifflement du vent d'ouest.

- 7 -

CHOEUR, au loin.

La nuit, la nuit est d�faillante,
L�-bas, l'horizon tout p�li.
Quand l'oiseau chante,
Le jour a lui.

Toujours plus grande est la lumi�re,
Plus grande � la cime des monts,
Dans la clairi�re,
Dans les vallons.

SC�NE DEUXI�ME

BIGOT, seul.

Bigot appara�t venant de droite. Il est enti�rement v�tu de noir. Grand manteau et large chapeau. Barbe et cheveux noirs. Il semble �viter quelqu'un et regarde derri�re lui...

A mon approche, on s'enfuit d'�pouvante...
Seul, le remords m'accompagne et me hante!...

Il regarde de tous c�t�s et semble accabl� de mauvais souvenirs. Il se laisse choir sur une souche. Puis, par un grand effort, il se redresse.

Mais non... mais non... mais non...
Arri�re, triste hantise!
La fortune, le nom,
Oui, tout me favorise.

Quand vient le soir,
Je fais ma ronde
Pour tout savoir,
J'�coute et sonde.

Ah! ah!... L'Ours Noir,
Chose effroyable
Qu'on ne peut voir
Sans voir le diable.

Rires diaboliques.

- 8 -

Au son de ma voix
Tout veut dispara�tre,
Et le villageois
Ferme sa fen�tre.

Rires.

SC�NE TROISI�ME

BIGOT, GEMMA.

Gemma sort de la maison, et, voyant l'Ours-Noir, elle a une moue d�daigneuse.

GEMMA, � part.

F�cheux visiteur!....

BIGOT

Ravissante h�telli�re!...

GEMMA, � Bigot

Compliment flatteur
Ne m'int�resse gu�re.

BIGOT

O� portez-vous, soudain,
Cette mine alti�re?

GEMMA, hautaine.

Je m'en vais au jardin.

Elle s'�loigne par la droite, au fond.

- 9 -

SC�NE QUATRI�ME

BIGOT, seul. Puis MADAME P�AN

BIGOT

Bah! c'est d'�tre bien fi�re
Pour des pauvres gens sans faveur;
Famille d�grad�e
Que j'ai d�poss�d�e
De la richesse et de l'honneur.

Madame P�an appara�t, au fond, sur le rocher. Elle est v�tue d'un costume d'�cuy�re. Un voile cache sa figure. Elle h�site et semble chercher quelqu'un... Puis, soudain, apercevant l'Ours-Noir qui est au premier plan, � gauche, elle a un soubresaut.

MADAME P�AN, � part.

Malheur, c'est bien l'adresse,
C'est bien ici qu'est Bigot.

Bigot se retourne et aper�oit Madame P�an qui descend en sc�ne.

BIGOT, � part.

Diantre! ma ma�tresse,
Madame P�an, ho! ho!

Madame P�an vient droit � Bigot, enl�ve son voile, hautaine.

MADAME P�AN.

Fi! la vaine promesse,
Le futile serment,
Qui, loin de sa maitresse
Fait courir un amant.

Je ne suis pas si bonne
Que l'on puisse esp�rer
Que jamais je pardonne
De vous voir pr�f�rer

- 10 -

Cette paisible fille
Aux modestes appas
Que vous trouvez gentille
Et qui retient vos pas.

BIGOT, amoureusement.

Ah! ne comparez pas,
Adorable Ang�lique,
A vos divins appas,
Cette chose rustique.

Ma ch�re, h�las! fuyez bien vite � Beaumanoir;
Il ne faut pas qu'on sache, en ces lieux, que l'Ours-Noir
C'est Bigot, qui travaille et poursuit une enqu�te.

MADAME P�AN

Oubliez-vous le bal ce soir, et la f�te?

BIGOT

Pr�parez tout, ainsi que vous faites toujours.
Allons, partez vite, et comptez sur mon retour.

Il reconduit Madame P�an qui sort par la gauche au deuxi�me plan. Puis vient � la rencontre des chasseurs qui apparaissent sur le rocher et descendent bruyamment en sc�ne, portant des armes, des munitions et du gibier qu'on d�pose �� et l� pr�s de la maison.

SC�NE CINQUI�ME

BIGOT, RAYMOND, LES CHASSEURS.

CHOEUR

Nous arrivons, et pas bredouilles,
Qui sait viser,
Qui sait tirer,
Ne revient jamais sans d�pouilles.

- 11 -

Sur la b�te qui se dresse
Ajuste bien et vise au coeur.
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.

BIGOT, � part, sombre.

J'ai pass� dans leur vie
Comme un vent mauvais,
Et j'erre, et je vais
Comme pris de folie.

RAYMOND, aux Chasseurs, montrant l'Ours-Noir,

Ah! mais que l'on concoure,
Qui remporte le prix?

CHOEUR

C'est la chaude bravoure
De l'Ours-Noir, c'est compris.

RAYMOND

Son oeil est s�r et sa main prompte,
Et puis il faut qu'il nous raconte,
O mes amis, courant les bois,
Le plus fameux de ses exploits.

CHOEUR, enthousiaste, entourant BIGOT,

Oui, le plus fameux de ses exploits.

BIGOT, feignant la gait�.

A votre d�sir, je veux me rendre.

CHOEUR

Amis, arr�tons-nous pour l'entendre.

Bigot commence son r�cit, debout au milieu de la sc�ne, entour� des chasseurs qui, enivr�s, suivent avec lui "le combat avec la b�te qui se dresse".

- 12 -

BIGOT

Mon meilleur coup, ma foi,
Fut bien celui d'�tendre
Un ours lev� sur moi!...
S'avan�ant pour me prendre...

LES CHASSEURS, suivant le r�cit.

En garde.

BIGOT

Je frappe du couteau....

CHOEUR

Il frappe....

BIGOT, d'une voix tonnante,

Au coeur, jusqu'� la garde,

CHOEUR

Oui, frappe....
En garde....

BIGOT, fier.

Sa griffe, en vain, hasarde....

CHOEUR, d�lirant.

Oui, frappe au coeur jusqu'� la garde....

BIGOT, plus paisible,

Je l'ai, lui, puis sa peau.

- 13 -

CHOEUR

Sur la b�te qui se dresse,
Ajuste bien et vise au coeur.
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.

BIGOT, � part.

D'un vain conte, je les berce,
Cherchant � mieux les exploiter;
L'espionnage que j'exerce
Saura, dans peu, me rapporter.

LES CHASSEURS, au fond, regardant vers la gauche.

Voyez cet �tranger qui s'avance....

BIGOT, qui a remont� la sc�ne.

C'est un noble, je crois.

Tous accourent au fond de la sc�ne et regardent � gauche.

UN CHASSEUR

Et puis, cet autre, quelle prestance....

BIGOT, � part, surpris.

Mon cr�ancier, ma foi....

Bigot redescend vivement la sc�ne et vient se placer au premier plan, � gauche, cherchant � ne pas �tre vu du marquis. Les chasseurs se rassemblent � gauche, premier et deuxi�me plans. Quelques-uns s'�tendent dans l'herbe et les autres prennent place autour d'un banc pour jouer aux d�s.

- 14 -

SC�NE SIXI�ME

LES MEMES, GASTON, PUIS TOINON.

Gaston appara�t sur le rocher, il descend jusqu'� mi-c�te et s'arr�te, saisi d'admiration. Il contemple les beaut�s qui s'offrent � sa vue.

GASTON, sur le rocher.

Quel sublime d�cor pr�sente la nature....!
L�-bas c'est l'horizon, ici l'immensit�,
Se peut-il, � mon Dieu, que votre cr�ature,
Du ciel � mon regard refl�te la cit�!

Il descend en sc�ne et s'avance vers la maison de Dumas, � droite, qu'il regarde, charm�.

Ce paysage
Me rappelle
Le doux visage
D'une belle.

C'est ici que je t'ai connue,
O ma cruelle, � mon amour.
C'est ici, tremblant � ta vue,
Q'un coeur charm� t'aimait un jour.
Oui, c'est ici que je t'ai connue,
O mon amour!...

Pendant le chant de Gaston, Toinon est apparu sur le rocher. Il est surcharg� de bagages, armes, munitions. Il descend le rocher, et apercevant les chasseurs rassembl�s � gauche, il vient vivement trouver son ma�tre.

TOINON, bas � GASTON, d�signant les chasseurs.

Chut, � mon ma�tre....
Il est un principe philosophique
Qui d�fend que sa peine on rende publique,
Craignez un tra�tre....

GASTON, surpris.

Un tra�tre?....

- 15 -

TOINON, bas.

N'oubliez pas qu'au ch�teau,
Il faut se rendre bient�t.
Il s'agit d'une dette
Et non d'une amourette.

GASTON, confiant.

De Bigot, mon comp�re...

BIGOT, � part.

De Bigot, son comp�re?....

TOINON, m�me jeu.

Une dette de jeu,
Bien peu s�r est l'enjeu.

BIGOT, � part.

Comment me tirer d'affaire?

Gaston veut s'approcher des chasseurs. Toinon le retient.

TOINON, bas.

Craignez, � mon ma�tre,
Souvent on est fou,
Je tremble pour vous,
Craignez un tra�tre.

GASTON, s'approchant des chasseurs.

Amis, qu'elle est cette masure?.....

RAYMOND, quittant le jeu et s'avan�ant.

Celle du P�re Dumas.

- 16 -

TOINON, � part.

Un homme de haute culture,
Aurait devin� cela.

BIGOT, � part.

Il ne me reconna�tra pas....

RAYMOND, pr�sentant BIGOT.

Il loge, jusqu'� ce soir,
Le roi des chasseurs, L'Ours-Noir.

GASTON, piqu�.

Roi des Chasseurs?....Ah! qu'est-ce dire?....

Raymond, provoquant.

Le r�cit de ses exploits
Vous ferait fuir ces endroits.

GASTON, hautain, et froiss�.

Tout doux, laissez-moi vous instruire:
Je suis le Marquis de Saint-Germain....
Fuyez vous-m�me de mon chemin.

Il lui envoie son gant � la figure. Surprise g�n�rale.

RAYMOND, offens�.

L'honneur bondit quand on le pince,
Acceptez, monsieur, le combat.

GASTON, hautain et provoquant.

Certe, avec vous, l'honneur est mince,
Mais j'oublierai le rang, l'�tat.

Bigot s'est approch� de Raymond � qui il a parl� bas et lui a donn� son �p�e. On organise un duel.

- 17 -

TOINON, � part, tremblant.

Pou lui, je fr�mis de rage.

LES CHASSEURS

Lequel des deux sera vainqueur?

TOINON, de m�me.

Mourir, en fou, � son �ge....

LES CHASSEURS

Du gentilhomme ou du chasseur?

GASTON, � Raymond.

De vous vaincre, il me tarde....

RAYMOND,

Allez-y sans tarder.

GASTON

En garde....

RAYMOND,

En garde....

LES CHASSEURS

En garde....

Le combat commence. Les deux rivaux sont d'�gale force. Les chasseurs les entourent. Bigot suit le combat avec beaucoup d'int�r�t.

LES CHASSEURS

Du gentilhomme ou du chasseur,
Lequel des deux sera vainqueur?

- 18 -

BIGOT, � part.

Si le marquis en perd la t�te,
Avec elle s'en va ma dette.

TOINON, suivant le combat.

Lequel des deux sera vainqueur,
De mon bon ma�tre ou du chasseur?

BIGOT, � part.

Ah! je voudrais que le chasseur
Du gentilhomme soit vainqueur.

LES CHASSEURS

Lequel des deux sera vainqueur,
Du gentilhomme ou du chasseur?

SC�NE SEPTI�ME

LES M�MES, DUMAS.

Le vieux Dumas sort vivement de la maison de droite et vient se placer entre les deux combattants.

DUMAS

Ah!....seigneur, arr�tez....
Un combat devant ma demeure
En chasserait l'am�nit�;
Faites donc la paix, et sur l'heure,
Recevez l'hospitalit�.

Il montre sa maison.

- 19 -

GASTON, d�sarmant.

Soit, mais je veux
N'�tre tranquille,
Que si, dans peu,
On est habile.

DUMAS, l'invitant.

Vous chasserez si vous voulez,
Mais, non pas si vite,
De gr�ce, j'invite,
A prendre ici le d�jeuner.

LES CHASSEURS, entourant le marquis.

Daignez lui faire ce grand honneur,
Et nous pr�c�der, noble seigneur.

BIGOT, � part.

Oui, j'esp�rais le voir exp�dier
Avec ma dette, ce cr�ancier.
Il ne suffit que d'un mauvais pas,
Mais je comptais sans le vieux Dumas.

Raymond, � part, col�re.

Sans mettre en doute notre valeur,
Tu pouvais passer, hautain seigneur,
Allons, rends gr�ce au p�re Dumas,
Lui seul t'a sauv� d'un s�r tr�pas.

TOINON, � part.

Avec l'�p�e il a rengain�
L'ardeur d'un courroux trop effr�n�.
Sage vieillard qu'on nomme Dumas,
La Raison devait les mettre � bas.

- 20 -

LES CHASSEURS.

Daignez lui faire ce grand honneur,
Et nous pr�c�der noble seigneur.

Bigot accompagne les chasseurs qui entrent dans la maison.

SC�NE HUITI�ME

RAYMOND, seul, puis GEMMA.

RAYMOND

Et moi, comme sortant d'un songe,
Gemma, c'est � toi que je songe.

Air:

Dans les fers, sous ton empire,
Amoureusement, j'expire,
O supr�me et troublant amour!
Gemma, qu'as-tu fait de mon �me?
Pour toi, sans fin, grandit ma flamme,
Je t'aime un peu plus chaque jour.
Oui, je t'aime.

SC�NE ET DUO.

Gemma arrive au fond venant de droite. Voyant Raymond pensif, elle s'approche de lui � pas de loup et lui met les mains devant les yeux.

GEMMA, tendrement.

C'�tait l'heure accoutum�e,
De ta grande �me charm�e.

RAYMOND, se retournant, amicalement.

Ah! c'est toi.... ma bien-aim�e?....
Qu'il m'est doux de te revoir.
Devinais-tu ma pens�e?....

- 21 -

GEMMA, curieuse.

Ah! je voudrais la savoir.

RAYMOND, tendrement.

Tu sais, Gemma, combien je t'aime.

GEMMA

Tu m'aimes!....

RAYMOND

Le coeur plein d'un tendre �moi,
Je m'enivrais de toi-m�me,
Ma pens�e, elle est � toi.

GEMMA

O mon ami, veuille les dire encore,
Ces mots si doux qui remplissent mon coeur.
Car les aveux, tels les feux de l'aurore,
Sont un espoir d'amour et de splendeur.

Si, pour combler notre �me inassouvie,
Nous avons eu pour le bien tant d'�gard,
Daigne le ciel, enchanter notre vie,
Et la guider d'un paternel regard.

ENSEMBLE

RAYMOND

O ma Gemma, oui je veux dire encore,
Ces mots si doux qui soulagent mon coeur,
Car les aveux, tels les feux de l'aurore,
Sont un espoir d'amour et de splendeur.

- 22 -

GEMMA

O mon ami, veuille les dire encore,
Ces mots si doux qui remplissent mon coeur!
Car les aveux, tels les feux de l'aurore,
Sont un espoir d'amour et de splendeur.

Ensemble, ils ont remont� la sc�ne jusqu'au deuxi�me plan, � gauche, Raymond a cueilli une fleur qu'il pr�sente � Gemma.

GEMMA

Par ta beaut� si pure,
Tu nous dis, � nature,
D'aimer, et sans mesure!..
Heureuse enfin, et de toi fi�re,
J'ai beaucoup de bonheur.

(H�sitante et m�lancolique.)

Mais, - pardonne � mon coeur,
Il craint, - ce n'est qu'une chim�re,
Quelque malheur,

Qui viendrait briser notre vie,
Pourtant, Dieu garde � qui l'en prie,
Un sort meilleur.

Tout en causant, le couple amoureux est disparu par le deuxi�me plan, � gauche.

SC�NE NEUVI�ME

GASTON, BIGOT.

Gaston sort brusquement de la maison, la bouche pleine de vin dont il se d�barasse � la d�rob�e.

GASTON

Pouah! C'est un cas pendable...
Ce vin est ex�crable.

- 23 -

Il remonte la sc�ne et regarde au loin en tous sens.

Et vainement, mes yeux cherchent Gemma: Gemma,
Dont tout me parle et me rappelle....
Jadis, l'exquise enfant, toute jeune, m'aima....
Ah! comme moi, se souvient-elle?....

Bigot est sorti de la maison � la suite de Gaston sans �tre vu de ce dernier qu'il observe. Gaston est au fond, � gauche, regardant par o� est sortie Gemma. Bigot s'approche de lui et lui met la main sur l'�paule.

BIGOT

Ami, qu'attendez-vous l�?

GASTON, sans se retourner, importun�.

Passez, la demande est inutile.

BIGOT, myst�rieux.

Je sais; vous aimez la jeune fille.

GASTON, se retournant.

Que vous importe cela?....

BIGOT

Vous allez au Palais, la chose est assez claire....

GASTON, �tonn�.

Mais, qui donc �tes-vous?....

BIGOT, froidement.

Rien...

Gaston, � part, m�fiant.

Connait-il l'affaire?

- 24 -

BIGOT, froid et myst�rieux, l'amenant � l'avant-sc�ne.

Il y a quatre jours, � l'auberge Dubreuil,
Vous remportiez au jeu tout pr�s d'une fortune;
Bigot n'a pas pay�. Sa dette l'importune;
Il r�glera bient�t. Gemma pla�t � votre oeil....
Si vous avez pour elle une sinc�re flamme,
Bigot, payant sa dette, en fera votre femme.

GASTON, ravi.

Ah! vraiment?

BIGOT insistant.

Vous l'aimez?

GASTON.

D'un amour grandissant.

BIGOT, de m�me.

Et vous consentiriez?

GASTON, heureux.

Avec empressement.

Je ne vois qu'avantage et bonheur en ceci.

(Soudain, apr�s un silence; m�fiant.)

Mais qui vous autorise � me parler ainsi?

BIGOT, sec.

Bigot.

GASTON

Qui me parle en son nom?....

BIGOT, ouvrant sa veste de chasse et faisant voir ses habits brod�s d'or.

Bigot!....

- 25 -

March� conclu?....Sinon....

GASTON

Soit....

BIGOT, malicieux.

Jeune homme, aimez l'harmonie,
Gardez votre savoir....

Il remonte un peu la sc�ne pour s'assurer qu'ils sont bien seuls, puis revient � Gaston.

BIGOT, les yeux flambloyants.

Et si vous tenez � la vie,
Je suis pour tous: "l'Ours Noir".

SC�NE DIXI�ME

LES M�MES, GEMMA, RAYMOND.

Gemma et Raymond apparaissent � gauche, deuxi�me plan, et causent ensemble. Bigot et Gaston sont � droite, pr�s de la maison.

GASTON, � part, apercevant Gemma

C'est elle....C'est Gemma....Je voulais la revoir.

BIGOT, bas � Gaston.

Ah! cette fleur des bois, mon cher, c'est un doux r�ve.

RAYMOND, � part, l'Ours-Noir.

Que m�rite l'Ours Noir et cet homme qui r�ve?....

GEMMA, voyant Gaston qui la suit des yeux.

Cet homme me regarde et para�t s'�mouvoir...

- 26 -

GASTON, � part.

Loin d'elle je vivais,
Mais n'oubliais jamais.

Gaston s'est approch� de Gemma qu'il salue solennellement.

GASTON, � Gemma, au milieu de la sc�ne.

Permettez qu'un gentilhomme,
En vous saluant se nomme;
Gaston de Saint-Germain.

GEMMA, saluant.

Vous �tiez un ami,
Mon p�re, humble seigneur, n'avait pas d'ennemi.

GASTON, toujours � Gemma.

Dans les plaisirs, les f�tes,
Loin de vous je vivais,
Je faisais des conqu�tes,
Mais n'oubliais jamais.

GEMMA, � Gaston.

Je ne reconnais gu�re,
Loin de nos jeunes ans,
Le compagnon sinc�re
De mes jeux innocents.

RAYMOND, � part, surpris.

D'une amiti� d'enfance,
Veut-il se pr�valoir?
Ah! quelle est l'esp�rance,
Qui le porte � la voir.

BIGOT

De mes plaisirs en f�te,
Je vois tous les appr�ts....
Et s'enfi�vre ma t�te
Du plus doux des projets.

- 27 -

SC�NE ONZI�ME

LES M�MES, DUMAS, TOINON, LES CHASSEURS.

Tous sortent bruyamment de la maison et s'appr�tent � partir pour la chasse. Brouhaha g�n�ral.

En chasse, oui, en chasse,
Partons, les amis,
En chasse, oui, en chasse.
Que chacun ramasse,
Carniers et fusils.

Raymond et Gemma sont � gauche, premier plan. Bigot est � droite, premier plan. Gaston est au milieu de la sc�ne. Dumas et TOINON sont pr�s de lui, � droite, deuxi�me plan.

GASTON, � Gemma.

Ah! ce n'est pas un grand myst�re,
De gr�ce, � vous �merveiller.

(A part,)

Et je devrais sourire et taire
L'amour qu'elle vient d'�veiller.

(Bas � Gemma)

Ces tendres jours de notre enfance
N'avaient-ils pas un avenir?....

RAYMOND, � part, jaloux.

Vais-je souffrir pareille offense?.....

GEMMA, bas � Gaston.

Je n'y vois plus qu'un souvenir.

CHOEUR

- 28 -

Sur la b�te qui se dresse,
Ajuste bien et vise au coeur.
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.

GEMMA, � Gaston.

D'amiti�, si jamais promise,
Mon coeur toujours l� s'est born�.

RAYMOND, � part.

Cet aveu est une m�prise
Puisque son coeur me fut donn�

DUMAS, jovial, � Gaston.

Sans reproche et sans vantardise,
Mon cher h�te....

TOINON, l'interrompant.

A bien d�jeun�.

LES CHASSEURS

Sur la b�te qui se dresse,
Ajuste bien et vise au coeur,
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.

GEMMA, � Gaston.

Devant Dieu, je lui suis promise,
Pour toujours mon coeur est donn�.

BIGOT, � part,

Si la belle
Est rebelle
A l'amour de ce seigneur,
D'une ruse
Je m'amuse,
Pour ma dette vends son coeur.

TOINON, � part,

Quoi! la belle
Est rebelle
A l'amour de mon seigneur?
Infortune
Importune,
Pour mon ma�tre, quel malheur.

- 29 -

GASTON, � part.

Ah! la belle
Est fid�le
Au mis�rable chasseur?
Quand j'apporte,
A sa porte,
Et la richesse et l'honneur?

GEMMA, � Gaston.

Dans mon coeur, entrant � sa guise,
Un autre amour en moi est n�.

GASTON, � part.

Ah! malheur. Elle lui est soumise,
Amour, amour infortun�!

GEMMA, bas � Raymond

Il est encore � sa surprise
Par le souvenir obstin�.

LES CHASSEURS

En chasse, oui, en chasse,
Partons les amis.
Que chacun ramasse
Carniers et fusils.

REPRISE DE L'ENSEMBLE.

Sur la b�te qui se dresse,
Ajuste bien et vise au coeur.
Son oeil brille, sans faiblesse,
En garde, amis, soyons vainqueurs.
Ajuste bien et vise au coeur.
En garde, amis, soyons vainqueurs.
Soyons vainqueurs.

On a brandi des fusils, pass� des sacs en bandoulli�res, boucl� des ceintures. D�part pour la chasse.

RIDEAU

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Entrevue (Radio-Canada)

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Livret : acte deuxi�me

Livret : acte troisi�me



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