Cet essai a pour but de faire connaître et de mieux comprendre les Ségusiaves, un peuple d’origine celte. Ce texte, qui dévoile certaines thèses inédites à ce jour, n’a pas la prétention de refaire l’Histoire mais de faire sortir de l’ombre celle qui n’a pas encore été écrite.

Les Celtes:

Originaires d’Europe centrale, les Celtes se composent d’une multitude d’entités territoriales indépendantes et souveraines, sans pouvoir suprême unificateur, un peu à l’exemple des cités de la Grèce, leur voisin du sud. Afin de limiter les tensions et les conflits entre diverses factions celtes, chacune avait un territoire clairement établi, délimité par des cours d’eau et des crêtes montagneuses.Essentiellement ruraux, les Celtes s'organisaient en bourgs et villages ou vicus, et se réfigiaient en cas de danger sur des hauteurs fortifiées ou oppidia . Ces structures communautaires étaient regroupées au sein d'unités politiques élargies appelées tribu, calquées sur les cantons ou pagi de leur prédécesseurs ligures.

Alors que Rome n’était pas encore née, les Celtes prennent le contrôle, vers le VII siècle avant Jésus-Christ, de presque toute l’Europe occidentale. Ils excellent dans le commerce et la métallurgie. Dans l’Antiquité, tous les métaux étaient des denrées rares très recherchées. Ils étaient utilisés dans la fabrication d’armes et de bijoux, et servaient aussi de devises monétaires. Les rivières, et des routes aménagées, facilitaient les échanges commerciaux qui se faisaient de cité en cité. Il n’y avait pas de marchands ambulants ni de grandes caravanes pour parcourir l’Europe continentale. Quant aux mers, elles étaient sillonnées par des flottes côtières appartenant à de grandes puissances maritimes dont les Celtes n’avaient pas le contrôle.

Contrairement à la civilisation méditerranéenne qui construisait des édifices en pierres et en briques, les Celtes vivaient dans des constructions de bois mieux adapté aux rudesses du climat. On peut se faire une idée de ce qu’étaient les habitations celtes dont la tradition s’est perpétuée jusqu’à nos jours dans certains coins d’Europe, en particulier la Galicie. Aujourd’hui, de riches américains d’origine polonaise, font venir des charpentiers de la région de Cracovie pour s’en faire construire!

Bien qu‘ayant adopté l‘écriture grecque, les Celtes nous ont légué à travers les âges, bien peu de témoignages de leur existence. Par chance, leurs coutumes religieuses, plus proche de l’Orient que du monde gréco-romain, ont permis de mettre à jours de magnifiques tombes princières.

La base de l’économie celte reposait sur l’agriculture et plus spécialement sur la production céréalière. Comme Rome était largement dépendante des importations de blé, Jules César avait compris que la main-mise sur la gaule lui assurerait le contrôle de tout l’empire romain. Son Bellum Gallicum trahi ses pensées lorsqu’il écrit: «César ne voit pas l’intérêt de franchir le Rhin; les Germains se souciant fort peu d’agriculture».

Le territoire ségusiave:

De dimensions modestes mais tout à fait remarquable par sa situation géographique, le territoire se trouve sur la ligne de partage des eaux entre l‘Atlantique et la Méditerranée, là où les deux vallées fluviales de la Loire et du Rhône sont les plus rapprochées, distantes d’à peine une journée de marche par la vallée du Gier. Les Monts du Beaujolais et du Lyonnais, un massif montagneux atteignant tout juste mille mètres forment avec la plaine du Forez, l’essentiel du territoire ségusiave.

Le pays est délimité à l’est par le Rhône et son affluent la Saône. De l’autre côté de la Saône, c’est le territoire des Ambarres et un peu plus au nord, celui des Séquanes. Sur les rives du Rhône, les Ségusiaves ont commercé avec les différentes colonies qui se sont succédées dans la vallée rhodanienne: les Phéniciens, les Crétois, les Grecs phocéens puis les Romains. L’or, l’argent, l’étain et les gemmes provenant surtout du Massif-Central, étaient échangés contre des épices et des aromates, mais aussi des étoffes en provenance du Moyen-Orient. Aujourd‘hui, on retrouve dans la langue française des mots comme tiret et tiretaine, à l’origine tissu provenant de Tyr, qui témoignent de ce passé presque oublié. La vallée du Rhône était la porte de l’occident reliant le monde méditerranéen au reste de l’Europe. Bien plus encore, c’était une place stratégique primordiale pour toutes grandes puissances de l’antiquité qui aspiraient à la suprématie des mers. De grosses pièces de chêne, tirés par des attelages de bœufs, étaient descendues des pentes du Massif Central jusqu’au bord du Rhône. Des draveurs les dirigeaient ensuite jusqu’aux chantiers navals du golfe de Fos. C'est ici, à l'embouchure du Rhône, que Phéniciens et Romains ont “construit” leur empire maritime.

Les différentes colonies méditerranéennes de la vallée du Rhône ont presque toujours entretenu de bons rapports avec les Ségusiaves. Déjà au II siècle avant Jésus-Christ, bien avant Jules César, ces derniers concluaient un traité d’alliance avec Rome.

Au sud et à l'ouest, le territoire ségusiave était bordé par d’imposants massifs montagneux. De part et d’autre des gorges de la Loire au sud de la plaine du Forez, des routes de montagne facilitaient les échanges avec les Vellaves. À l’ouest du Forez, les gorges de la Durolle, quoique difficiles à franchir, offraient un lien direct avec les puissants Arvernes. Plus au Nord, au-delà des Monts de la Madeleine, la rive gauche de la Loire a été occupée par les Boïens, arrivés en 58 avant Jésus-Christ.

La véritable limite nord du territoire ségusiave, entre le Liger et l’Arar aujourd’hui la Loire et la Saône, c’était la Bourbince et la Dheune, les deux rivières formant la partie occidentale du couloir tri-fluvien entre Loire Rhône et Rhin. Ce corridor orienté est-ouest était d’une importance stratégique et économique capitale pour le monde celte; c’était la voie terrestre qui reliait les trois plus importantes mers d’Europe, l’Atlantique, la Méditerranée et la Mer du Nord. Le géographe grec Strabon écrivait, peu avant notre ère, « le territoire des Ségusiaves s’étendait du Rhône jusqu’à la Dubis». Les Éduens, ces fières et ambitieux gaulois qui auraient voulu fédérer les Celtes, ont à une époque, pris le contrôle de la partie nord du territoire ségusiave, afin d’avoir la main mise complète de ce corridor stratégique.

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