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JUDITH AND HOLOFERNES – AN ACCOUNT OF THE DEPORTATIONS – THE JERUSALEM OF THE BALKANS
LES JUIFS DE SALONIQUE…
[A chance encounter with Rena Molho, years
ago in Salonica, provides the starting point for the writing of this play. She and
I were both born in 1946. She and I both have mothers with Salonican histories.
And somewhere in those facts lies a buried mass of questions about history and
identity. Rena wrote a thesis about the Jews of Salonica. It has just been
published in Greek, and has been awarded the
"LA
"The
by Rena MOLHO
[
To the memory of my mother, Jeanette Bensussan
To my very dear friend Christine
GENESE
D'UN LIVRE
Mon
intérêt pour la rédaction de ce livre renvoie à des problématiques essentiellement
personnelles. Je suis née à Thessalonique en 1946, soit peu après la
Libération. La communauté juive, ou plutôt ce qu'il en restait était plongée
dans un deuil profond. Tant mes parents que les quelques rares membres de notre
famille qui avaient survécus, vivaient intensément dans la communion
douloureuse de la perte massive de leurs parents, de leurs amis et voisins, de
leurs confrères, de la destruction de leurs maisons, de leurs écoles et
associations, de leurs synagogues et même de leur cimetière. Tout un monde ou
ils avaient vécu et grandi avait été définitivement détruit.
THE
GENESIS OF A BOOK
My
interest in writing this book derives from problematics that are basically
personal. I was born in
Dans la
mesure ou j'ignorais la signification de ce monde, je ne pouvais pas comprendre
les sentiments des miens et à plus forte raison partager le deuil qui
déterminait leur conduite au point de me maintenir si radicalement à l'écart
d'eux. Je devais franchir ce mur noir qui nous séparait et, pour y parvenir,
decouvrir le monde auquel ils appartenaient. Cela n'avait rien de simple: tous
ceux qui sont en deuil et qui, parallèlement s'efforcent de survivre, n'ont
généralement pas envie d'en discuter et encore moins avec des enfants. Ce
qu'ils échangeaient entre eux était si fragmentaire et codifié, discours à demi
voilé de peur et d'amertume, que même le judéo-espagnol que j'avais appris
oralement, ne m'était pas d'un grand secours.
Since I
did not know about the meaning of that world, I could not understand the
feelings of my family, let alone the mourning that made them behave the way
they did, to the extent of keeping me somehow separate from them. I had to find
a way of crossing that black wall that separated us. And that meant trying to
discover more about the world to which they belonged. There was nothing simple
in this: people who are in mourning, and who are having a hard time struggling
to survive, generally don't want to talk about it, least of all with children.
The exchanges that took place between them were often so fragmentary and
codified, a half-veiled discourse of fear and bitterness, that even the
Judaeo-Spanish which I had learned by ear was of no great help to me.
Nos
voisins, tous chrétiens avec lesquels nous cohabitions dans la maison de mon
père qui avait été requisitionnée - comme de nombreuses autres - , pour abriter
des réfugiés grecs, n'avaient aucune conscience et ne cherchaient pas
d'avantage à se renseigner sur les anciens proprietaires, puisqu'ils avaient enfin
trouvé à se loger. Enfin les miens, bien qu'ayant des rapports amicaux avec
eux, les considéraient en réalité comme des étrangers et des intrus, et donc ne
discutaient pas de ces questions avec eux.
Our
neighbours and fellow residents were all Christians – we lived with Greek
Christians in the house of my grandfather, which had been requisitioned (like
so many others) to provide shelter for Greek refugees – had no idea about (and
no desire to find out about) the previous owners of their houses, since they
were just happy to have found a place to live. And even though we had friendly
relations with these people, my family really saw them as outsiders and
intruders. So they didn't discuss these kinds of questions with them.
Mes
problèmes se multipliaient: je ne comprenais pas au nom de quoi les Juifs se
considéraient comme habitants du pays et regardaient les Grecs comme des
étrangers en Grèce. Je me sentais balottée entre deux mondes, sans sentiment
d'appartenance à aucun des deux. Je ne pouvais en outre pas comprendre pourquoi
les miens s'imposaient de rester en Grèce où ils se sentaient malheureux et
isolés, alors qu'ils auraient pu vivre et se sentir mieux en Israël.
My
problems multiplied: I didn't understand how it was that the Jews saw themselves
as belonging to the country, and saw the Greeks themselves as foreigners in
C'est
avec l'illusion que je pourrais me débarrasser de mes problèmes d'identité que
je suis allé faire mes études en Israël, le seul pays où je pensais pouvoir
fonctionner comme une personne normale. Et comme par dérision, dès mon arrivée,
je fus transformée en grecque. Que ce soit au kibboutz, ou à l'université,
j'étais toujours et pour tous "Réna la Grecque". Pourquoi n'était ce
pas pareil pour mon ami Bronek le Polonais, Igor le Russe? En quoi étions-nous
différents? Qu'est-ce qui unissait les Juifs de différents pays et qu'est-ce
qui me distinguait si fortement? Même aujourd'hui je n'ai pas de réponse
claire. Quoi qu'il en soit, les problèmes d'identité réapparurent, aggravés par
le fait qu'avec le temps je constatais, comme la plupart des étudiants
thessaloniciens, que nous pourrions difficilement nous intégrer à la société
israélienne.
It was
with the illusion that I could get rid of my identity problems that I decided
to go to university in Israel, the only country where I thought I would be able
to function as a normal person. But as if to make fun of me, as soon as I
arrived I found myself transformed into "Rena the Greek". Why wasn't
that the same for my friends Bronek the Pole and or Igor the Russian? What was
it that made me different from them? What was it that united the Jews of all
those other countries, but marked me out as separate? Even today I do not have
a clear answer to this. In any event, the identity problems reappeared,
aggravated by the fact that, like most of the Salonica students, I realised
that it would be hard for us to integrate into Israeli society.
Je
rentrais en Grèce, je fondais une famille, mais les problémes d'identité
ressurgirent. Ignorante de mon passé, sans
I
returned to
Avec
l'espoir qu'à l'Université je pourrai élargir ma recherche, je me suis inscrite
dans une section d'études supérieures de l'histoire grecque contemporaine.
D'autres surprises m'attendaient. Les Juifs n'apparaissaient pratiquement pas
dans l'historiographie grecque. Même dans les ouvrages qui s'attachaient plus
particulièrement à l'histoire de Thessalonique, ils occupaient très peu de
place proportionnellement à leur présence au cours des siècles dans la ville.
La manière dont ils étaient en outre mentionnés comme "des éléments
étrangers et allogènes", soit en tant "qu'agissant pour obtenir
l'autonomie de Thessalonique sous administration israélite", soit comme
"les alliés des Turcs" ou en tant que "responsables de la chute
du premier ministre Vénizélos", révélait les raisons qui avaient provoqué
le rejet des Juifs de l'historiographie grecque. En opposition avec
l'historiographie juive, il était manifeste que la dimension de la communauté
juive avait été rayée systématiquement de la mémoire collective de la Grèce.
In the
hopes that at University I would be able to widen my researches I signed up for
a course of tertiary studies in Greek contemporary history. Other surprises
awaited me there. The Jews hardly appeared in the written history of
Il
n'était évidemment pas aisé de construire l'histoire nationale d'un pays comme
la Grèce qui, dans la dernière phase de sa lutte de libération nationale,
recouvra des territoires ou s'était établie une population multi-ethnique. De
nouvelles questions encore plus complexes se posaient, surtout lorsqu'il
apparut que le rétablissement historique était directement lié à la lumière
faite sur les omissions et les silences: quel était le rôle des Juifs à
Thessalonique et quels étaient leur rapports avec les Grecs avant et après la
libération en 1912? S'ils se sont intégrés à l'Etat grec, quand et comment
ont-ils réussi leur intégration dans la société grecque? Comment justifier alors
les omissions? Et s'ils ne se sont pas intégrés, comment se fait-il qu'ils se
trouvaient encore là?
Obviously
it had not been easy to build the national history of a country like
Au-delà
des mobiles personnels de recherche d'une identité ou de l'obligation morale de
rétablissement de la mémoire des disparus dans l'histoire, l'explication et la
démythification des silences et des omissions constitutent un défi d'ordre plus
général. Elles élargissent la problématique et testent aussi bien la
responsabilité politique et professionnelle des historiens que la sensibilité
sociale des citoyens. C'est avec de nombreuses reserves par rapport à la
difficulté à adopter un style pertinent pour traiter un sujet profondément
chargé sur le plan émotionnel, mais aussi avec l'espoir d'un enrichissement
personnel et professionnel que j'ai decidé d'affronter ce défi aux multiples
dimensions.
Leaving
aside the motivation of my personal quest for identity, and the moral
obligation of re-establishing the memory of people who have been disappeared
from history, the explanation and de-mythification of the silences and
omissions were a challenge in a more general sense. They enlarge the
problematic, and test not only the political and professional responsibility of
historians, but also the social sensibility of citizen. I had many reservations
about the difficulties of finding a relevant style for dealing with a subject
that was so emotionally charged, but I also had hopes of enriching my personal
and professional life. And that was what led me to to take on tackling these
multiple dimensions.
Preface
to the Greek edition of the book.
Published
by Themelio,
Draft
translation: [email protected]