98.08.26
LES VÉRONIQUES
Ceux qui préfèrent attaquer le boeuf à l'arme blanche
ailleurs que dans une assiette - et avant qu'il ne soit totalement sans
défense - savent ce qu'est une "véronique". La véronique
est la plus connue des feintes qui permettent au matador de détourner
le taureau qui charge de sa cible légitime - le matador - pour lui
faire attaquer en pure perte un bout de tissu qui vole au vent. Il y a des
demi-véroniques, des véroniques complètes... Il n'y
a pas de "double-véroniques" en tauromachie. Dans l'arène
politique, oui.
Ne parlons pas de la demi-véronique des politiciens. Ça,
c'est le niveau amateur de la demi-vérité, du quasi-mensonge,
de la presque-promesse, des engagements reniés, des loyautés
de caméléon, la phase de conditionnement avant le match. C'est
la feinte primaire que maîtrise quiconque se fait élire, serait-ce
à un comité de parents.
La vraie véronique, en politique, c'est quand on se donne la
peine de tisser une cape à la grandeur de l'arène, quand le
leurre est tellement gros, tellement rouge, tellement mobile que le matador
disparaît. Tiens, par exemple, l'épouvantail de l'inflation.
Est-ce que TOUT n'allait pas mieux quand nous avions 4% d'inflation par
année? Est-ce que tout n'allait pas encore mieux quand nous en avions
7%? Pourtant, on accepte la décroissance, le chômage, la pauvreté
qui augmente... pour "lutter contre l'inflation" - et laisser
7 milliards de profits annuels pour les banques - On lutte... ¡ Ole...toro!
Un autre exemple, bien de chez-nous au Québec: l'indépendance.
Il y a 40 ans qu'on détourne l'attention de la stagnation, de l'obscurantisme,
de l'inégalité, de la pauvreté... - et surtout de la
bêtise et de la veulerie de nos politiciens - en faisant frémir
sur commande la fibre nationaliste. Ceux qui nous gouvernent, nous exploitent
nous possèdent, ne bougent pas d'un pas: ils agitent simplement le
drapeau.... et la colère passe. Sans les toucher. Ce n'est pas nouveau,
c'est pour cette même raison qu'on faisait les Croisades...
Mais il n'y a pas que chez-nous qu'on fait la corrida. La plus grande
des Plazas de Toros, c'est bien sûr la politique américaine,
puisque c'est là que les grandes arnaques se conçoivent et
s'appliquent. À Washington, depuis qu'on n'a plus les "affreux
Soviétiques" à blâmer pour tout - et en attendant
que les "horribles Islamistes" deviennent une menace crédible
- les grandes feintes sont la lutte contre la drogue et celle contre le
terrorisme.
Attention ! Je ne dis pas que la drogue n'est pas un fléau. Je
dis que la drogue est un fléau parce qu'on en manipule artificiellement
le prix et que la pseudo "lutte contre la drogue" n'est qu'une
autre feinte du système financier pour détourner l'attention
des vrais problèmes que sont l'injustice et l'exploitation.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de terrorisme, je dis que le terrorisme
est soigneusement entretenu par des agents provocateurs à la solde
du système, et canalisé pour faire un peu de dégât
bien spectaculaire ... en évitant les vraies cibles dont la destruction
mettrait le système en péril. La lutte contre le terrorisme
est aussi une feinte... et un élément de provocation indispensable,
dans la mesure où elle utilise elle-même les méthodes
du terrorisme, dont le bombardement des innocents, pour favoriser la haine,
inciter à la vengeance et garantir que la violence ne trouvera pas
sa cible légitime: les exploiteurs.
Quand le matador a senti de trop près le souffle de la bête
(lire: quand le système se sent menacé) - ou qu'on prépare
une exceptionnelle arnaque au profit des exploiteurs - on peut détourner
l'attention des badauds en offrant une victime expiatoire. C'est le rôle
du Président de monter alors sur le bûcher. C'est pourquoi
j'ai toujours la frousse quand un Président des États-Unis
à des ennuis: l'objectif est toujours de cacher une razzia plus dégueulasse
qu'à l'ordinaire.
Ainsi, prenez ce pauvre Nixon. Pendant que tout le monde ne pensait
qu'à ses déboires, le système QUADRUPLAIT le prix du
pétrole et en tirait environ 400 milliards de dollars, dont pas plus
d'une vingtaine ne sont restés aux mains des cheiks arabes (les "monstres"
de service) alors que le reste retournait en courant, comme un chien qu'on
siffle, vers ses maîtres, les financiers du système.
Carter et la crise des otages? Coucou, regardez la caméra...
Pendant qu'on s'intéresse aux otages en Iran, le prix de l'or passe
de 35 $ à 900 $ sans qu'on s'en offusque. C'est une dévaluation
de fait de plus de 95% de ces dollars américains avec lesquels on
avait acheté l'Europe après la guerre. Les USA ont fait faillite
et racheté leur dette à 4 cents au dollar. Une merveilleuse
escroquerie.
Ce qui m'inquiète, aujourd'hui, c'est ce que cache le sacrifice
de Clinton. Que va-t-il nous arriver? Surtout que la population américaine
ne fonce pas et qu'il faut l'aiguillonner. Hier, les aveux abjects du Président;
aujourd'hui, la "double-véronique": on bombarde des innocents
dans des pays sans défense, pour feindre de détourner l'attention
des vicissitudes de Clinton... qui ne sont là que pour détourner
l'attention ... de QUELQUE CHOSE
Mais détourner l'attention de QUOI ? Si une procédure
de destitution de Clinton est mise en marche, avec le cirque médiatique
obligé, c'est que le Système nous prépare une extraordinaire
saloperie.
Le taureau? Cherchez la grosse bête... Oui, c'est ça, vous
avez trouvé. Le taureau c'est le peuple "démocratiquement
souverain", c'est vous et c'est moi. C'est la pauvre bête qui
trépigne, qu'on aiguillonne et qui saigne de partout, que ses bourreaux
esquivent et qui finira dans l'assiette des riches et de leurs banquiers.
Et si le peuple ne voit pas ses énormes cornes et ne sait pas s'en
servir, c'est qu'il est cocu. Est-ce que ça s'éduque, un taureau?
Pierre JC Allard
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