98.04.08


LES GRANDES LOGES

Quand les maçons du Moyen Âge ont compris que le marché de la cathédrale était porteur et qu'ils en savaient, eux, des choses que les carriers et autres culs-terreux ne connaissaient pas, une grande solidarité est née. Pas une solidarité entre maçons, porteurs d'eau et petits tailleurs de pierre; non, une "noble" solidarité entre maçons, pour garder ce qu'ils avaient, en avoir plus et exclure les autres. C'est ainsi que se sont créés les premiers corps de métiers, les premières "corporations" dont le but était simple: obtenir plus de privilèges pour leurs membres.

Avec le temps, les tabliers des maçons se sont rétrécis, les simagrées ont augmenté et la Maçonnerie est devenue "spéculative", politique, ce qui a donné la Révolution Américaine (regardez les symboles sur un billet de banque U.S.A), a mis les calottes à leur place... mais a aussi pourri la Troisième République. Aujourd'hui, après la grandeur et la chute, les Maçons américains portent de drôles de chapeaux et font dans la bienfaisance. Ils sont devenus inoffensifs... et largement inutiles.

Ça ne vous rappelle pas quelque chose? Je ne souviens encore d'un temps où les syndicats représentaient les défavorisés. Asbestos a été un peu comme Carillon: un moment de gloire de l'histoire des Québécois. Au début des années '50, j'étais fier d'aller me bagarrer pour les travailleurs chez Dupuis Frères. Aujourd'hui, je ne suis pas fier des cols-bleus de Montréal qui vandalisent; je ne suis pas fier des enseignants qui font le grève.

Je ne sais pas si des organisateurs syndicaux font poser des bombes dans les Macdonalds... mais je regrette que ce soit une hypothèse crédible et c'est le comportement des syndicats qui a rendu crédible cette hypothèse. Les corporations syndicales dont devenue des Loges ouvertes... et fermées.

Soyons francs: représenter les travailleurs qui travaillent, ce n'est plus représenter les "damnés de la terre" ; c'est représenter ceux qui sont dans la chaloupe et qui repoussent à la mer ceux qui veulent y monter. Ce n'est pas nécessairement bête, mais ce n'est pas d'un altruisme exemplaire . En fait, c'est d'un parfait égoïsme... et d'une grande hypocrisie, car aujourd'hui, le défi, c'est de représenter les travailleurs qui ne travaillent plus.

Le syndicalisme "opératoire" d'il y a un siècle a été récupéré par le Système qui a accepté de soutenir le syndicalisme... en échange du soutien des syndicats. On a vu se pointer la syndicalisation obligatoire et la convention collective, les déductions syndicales à la source et la formation syndicale payée par l'État... Mais les syndiqués ont défilé dans les rues aux U.S.A pour soutenir la Guerre du Viêt-Nam et, ici même, la FTQ est devenue capitaliste pratiquante pendant que les trois centrales soutiennent les BQ et PQ contre le NPD ou tout ce qui bouge à gauche...

Les syndicats ne se sont pas seulement intégrés au pouvoir, ils ont été amenés à se ranger CONTRE les défavorisés*. Acceptant le cadeau empoisonné de la syndicalisation des fonctionnaires, ils ont cessé d'être un élément de la solution pour devenir une partie du problème. C'est qu'on les voit faisant grève, dans les services publics, non pas contre un employeur "bourgeois" mais contre la population et en s'attaquant aux plus pauvres et aux plus faibles de la société: les enfants, les malades... les usagers du transport en commun.

Devenus une maçonnerie, des corporations qui défendent uniquement les intérêts de leurs membres, les syndicats ne servent plus la Gauche; ils s'en servent comme d'un prétexte pour attirer la sympathie d'une frange d'intellectuels - dont les communicateurs, bien, sûr !- qui se trouvent plus beaux à gauche... mais qui ont eux-mêmes fait leur nid bien à droite. Il n'y a plus personne à gauche.

C'est parce qu'il n'y a plus personne à gauche qu'il faut encore parler des syndicats; s'il y avait une solution de rechange, les syndicats ne mériteraient pas plus d'attention que les CLSC, les tribunaux administratifs ou quelqu'autre rouage du pouvoir. Mais il n'y a pas d'autre structure organisée dont au moins le discours soit pour la justice et la tradition pour le changement. Il faut donc faire avec...

Comment susciter chez les syndicalistes une prise de conscience qui les amèneraient à intégrer les chômeurs et les assistés sociaux, les immigrants et les retraités, les étudiants sans avenir et tous les laissés-pour-compte? Comment remettre les syndicats à gauche? Est-ce qu'il n'y a pas, dans les Grandes Loges syndicales, quelqu'un qui aurait le courage de dire que, de la même façon que ce qui est "bon pour GM" n'est pas nécessairement "bon pour l'Amérique", l'intérêt de l'Ordre n'est pas toujours non plus celui de l'humanité?

Pierre JC Allard



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