98.04.01
LA PÊCHE MIRACULEUSE
Nous parlons souvent des requins, c'est le jour de leur envoyer une torpille.
Une petite attaque assassine, une demande naïve au Système,
comme ces questions que font à leurs parents les enfants qui ne croient
plus au Père Noël mais qui veulent arracher un aveu: "Allez,
Papa, dis-le que tu me dis des mensonges depuis des années ! ".
Je voudrais que le Système nous le dise, qu'il nous prend pour des
cons. Il ne le dira pas, bien sûr, mais il y a une certaine satisfaction
à le voir bafouiller. Une fiole donc, de poison d'avril, pour nos
ennemis les requins du Système.
Je propose que, dans les plus brefs délais, Paul Martin fasse parvenir
à chaque Canadien adulte - et, pour chaque mineur, à l'adulte
qui en est responsable - la somme de 1 000 $. Une bagatelle d'environ 30
milliards, c'est à dire bien moins que ce que le gouvernement canadien
paye chaque année en intérêts à ceux qui lui
font la faveur de le laisser imprimer ses billets de banque. Un cadeau de
30 milliards à la population, mais à certaines conditions.
Deux (2) conditions. D'abord, dépensez le, ce fric ! Ne l'investissez
pas dans des REER, ne le mettez pas à la banque, ne l'appliquez pas
à réduire votre hypothèque, sortez du circuit monétaire
et reprenez contact avec la réalité. Achetez des biens ou
des services avec cet argent. CONSOMMEZ -LE .! Si vous le consommez, cet
argent servira à créer des emplois pour produire ces biens
et services. Une partie retournera en profit aux riches, naturellement,
mais ne soyons pas mesquins... Dépensez cet argent. et dépensez
le vite. Offrez-vous une petite douceur. 1 000 $ de joie de vivre.
La deuxième condition,... c'est de s'assurer que l'État va
récupérer l'argent qu'il vous a donné. Parce que vous
ne croyiez tout de même pas que l'État allait vous donner 30
milliards et ne reviendrait pas le chercher, n'est-ce pas ? Si vous l'avez
cru, vous avez mordu à l'hameçon.... l'État va tirer
la ligne et récupérer ses 30 milliards avec un profit. Mais
n'anticipons pas.
La deuxième condition, c'est que les mille dollars sont dix petits
chèques de 100 $, des chèques bien spéciaux qui doivent
être endossés par celui qui les reçoit et les transmet,
avec signature et numéro d'assurance sociale. Il y a place sur chaque
chèque pour 20 endossements, avec une date limite pour chaque endossement,
à 30 jours d'intervalle.
Comment ça fonctionne? Le premier qui reçoit le billet, disons
le 1er mai, doit l'endosser en paiement d'un achat avant le 1er juin. Celui
qui l'a reçu du premier doit l'endosser de la même manière
avant le premier juillet, et ainsi de suite.... Chaque fois que le billet
est endossé ou qu'une date limite d'endossement est atteinte, sa
valeur diminue de 5.00 $.
Le billet ne peut être déposé dans une banque ou aucune
institution financière, il ne peut servir à payer des salaires,
mais pour le reste - et le paiement des taxes et impôts en particulier
- il a cours légal et c'est une infraction de refuser de l'accepter
pour sa valeur au moment où le paiement est effectué. Le détenteur
n'est pas pris au dépourvu; il n'a jamais moins d'un mois pour l'écouler,
souvent plus, puisque le billet aura circulé plus vite qu'une fois
par mois...
Quelle sera la "carrière" normale d'un tel billet? Ceux
qui le recevront d'abord le dépenseront majoritairement en achat
de biens durables; le 5% d'escompte inhérent au billet ne troublera
pas le vendeur. Le vendeur refilera le billet à 95 $ à un
fournisseur-distributeur qui le passera à 90 $ à un grossiste,
lequel pourra maugréer un peu... mais pas trop: les bons clients
sont à conserver. Le grossiste le passera à 85 $ à
un fabricant, lequel aura appris par sa chambre de Commerce, le Kiwanis
et les médias que c'est un manque de civisme que de protester contre
les billets "rétrécis".
Le fabricant le fera sans doute circuler à 80 $ comme frais de dépenses
de ses vendeurs, ou comme bonus pour ses employés. Dans un cas comme
dans l'autre, le billet arrivera ensuite à 75 $ chez un restaurateur,
un épicier, un dépanneur, un travailleur autonome qui le renverra
quelque fois dans le même circuit à 70 $..., 65 $ ... etc.
Quand le billet ne vaut plus que 50 $ - et ne vaudra que 45 $ pour celui
auquel il sera remis - la perte anticipée du preneur devient substantielle.
Le billet va donc vers un nouveau destin: pourboires, cadeaux aux enfants,
billets de loterie, gageures au casino. Encore une ou deux autres aventures,
et quelqu'un trouve plus simple et correct de s'en servir pour régler
une amende ou payer ses taxes plutôt que de faire porter par un commerçant
un escompte qui se situe désormais à plus de 15% par transaction.
L'État voit revenir son billet - (lequel ne vaut plus que 40 $, parfois
encore moins...)- et le détruit.
Le billet revient , disons à 40 $. 60 % du montant initial a donc
été absorbé par les détenteurs successifs du
billet. Quant aux 12 milliards de valeur résiduelle des 30 milliards
qui ont changé de main 10 fois, ils auront généré
environ 200 milliards de transactions. Des transactions sur lesquelles on
aura payé la TPS et la TVQ. Des transactions qui auront entraîné
la production de biens et services et créé des emplois. Des
emplois sur lesquels l'État prélèvera bien plus de
12 milliards d'impôts...
De quelle taille serait la poisson que pêcherait l'État avec
cet hameçon? Écartez vos deux bras... Ou demandez à
un économiste, comme Picher de La Presse, ce que ça fait 200
miliards d'achats de biens de consommation de plus dans l'économie
canadienne... Et n'oublions pas la réalité tangible: toutes
ces petites douceurs offertes gratuitement à tous les Canadiens.
Une pêche miraculeuse.
Maintenant, disons-le tout net, un gouvernement qui voudrait vraiment le
bien de la population prendrait sans doute une autre voie pour assurer la
justice et relancer l'économie que de donner 1 000 $ à tout
le monde et de faire circuler des assignats à géométrie
variable: le but ici n'est pas de demander au gouvernement de faire cette
opération. Le but est de demander au gouvernement et à ses
sbires de nous dire, pourquoi on ne veut pas la faire... car les raisons
de l'État sont inavouables, et si sordides qu'ils vont s'enferrer
eux-mêmes s'ils cherchent à noyer ce poisson... Les requin
et leurs amis ne méritent pas mieux.
PJCA
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