98.04.15
POING FINAL
Pierre Bourque avait dit non; c'est oui. Oui, Les fonctionnaires de
la Ville de Montréal, obtiennent des augmentations. Mais, pour ne
choquer personne, on ne parlera pas d'augmentations de salaires. On va parler
de "boni". 32 millions de boni pour les cols-blancs et bleus.
Et, pour les cols-bleus qui ne travaillent déjà plus que 4
jours par semaine, une petite heure en moins (de 36 à 35) chaque
semaine. Ah, oui, j'oubliais il y a aussi 9 congés payés auxquels
avaient renoncé 350 cols-bleus quand ils ont eu la semaine de 4 jours
en 1995; c'était vraiment trop triste, on les leur a remis.
Ca, c'est pour les col-bleus. Montréal est forcé par Québec
de réduire ses salaires de 46 millions par années, mais on
les trouvera ailleurs, les millions. On ne badine pas avec les cols-bleus.
Les cols-bleus, c'est ce syndicat accusé à répétition
de promouvoir la violence, le chantage, l'intimidation. C'est le syndicat
dont les dirigeants ont été condamnés par le tribunaux.
Le modèle de la négociation syndicale "au bras".
Les cols-bleus viennent de remporter une autre victoire.
Zappez sur un autre canal. En février 1993, Métro-Richelieu
décide de foutre à la porte ses 150 camionneurs et de les
remplacer par une structure de sous-traitance - lisez: par d'autres camionneurs
qui seront payés moinscher. Métro-Richelieu en avait-elle
le droit ? NON, disait la convention collective des camionneurs. NON, décide
la Cour supérieure au mois d'août de cette année (enfin!).
NON, confirme la Cour d'appel au mois d'octobre. "Messieurs de Métro-Richelieu"
- dit la Justice-au bras-lent - "il faut ré-embaucher ces camionneurs".
Vous croyez que c'est réglé? Vous croyez que la Justice, dans
un pays qui se dit un "État de droit" peut porter des jugements
et les faire exécuter? Détrompez-vous. Les jugements sont
exécutoires si vous êtes un rien-du-tout, un à-coté-de-la
track, un citoyen ordinaire qui ne remet pas les livres à temps à
la bibliothèque municipale... mais, si vous êtes une société
milliardaire comme Métro-Richelieu, les jugements ne sont que les
péripéties d'une longue saga sans fin. Aujourd'hui même,
les avocats des parties sont en cour, gagnant chacun en quelques heures
la pitance d'un mois d'un assisté social, en train de discuter de
points de droits subtils.
Y a-t-il ou n'y a-t-il pas outrage au tribunal? Et qui aurait commis cet
outrage au tribunal, le Chef de la direction, le Vice-président aux
ressources humaines, ou quelqu'un d'autre? Les camionneurs ne l'ont pas
dit, alors ça change tout, n'est-ce pas? Ça ne vous rappelle
pas la scène chez Ponce Pilate, les soldats qui demandent au Christ:
"Qui t'a frappé"? Et quand on aura réglé
les points de droits subtils, est-ce que les camionneurs QUI ONT EU RAISON
EN JUSTICE retrouveront enfin leurs emplois? Ou une autre procédure
permettra-t-elle au Gros, encore une fois, de se moquer des Petits ? Remarquez
que les Petits, ici, ont été impeccables. Pas de menaces,
pas de vandalisme....
Passez à la troisième chaîne. Maintenant, c'est Louise
Cousineau de La Presse qui constate que les émissions de télévision
qui viennent prendre la défense des citoyens - comme J.E et La Facture
- sont de plus en plus populaires. Gilles Gougeon, animateur de La Facture
, corrobore et déplore que ces émissions "sont en train
de remplacer tous les organismes qui devraient prendre la défense
(des citoyens)" et donc au premier chef les tribunaux.
Ça nous mène où cette situation d'une justice qui n'a
plus prise sur les forts, des faibles qui n'ont plus d'autres recours que
de s'adresser aux médias, de travailleurs bien gentils qui ont raison
mais qui ne réussissent pas à faire valoir leurs droits...
pendant que ceux dont tout le monde dit qu'ils ont tort obtiennent des avantages
par la force ?
Ça mène à la fin de l'État de droit et à
la tentation d'imposer la justice par la violence, à la pulsion presqu'irrésistible
de mettre une paire de baffes aux mercenaires qui viennent cyniquement demander
à la victime "Qui t'a frappé?" Un victoire de délais
gagnée aux points par Métro..., une victoire de petits privilèges
gagnée aux poings par les cols-bleus..., mais la décence et
la justice sont K.O. Et la menace se précise d'un jour où
la force prime le droit, où un poing braqué vaut mieux qu'une
main tendu et devient l'ultime recours. Le poing final.
Pierre JC Allard
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