L'ARTISANAT
BOBO La caste
des forgerons détient à peu près le monopole de l'artisanat bobo. En effet sont
considérés comme forgerons les fondeurs, les ouvriers en métaux et les ouvriers en
bois.
Ils fabriquent des outils en fer : houes, couteaux, pics, pointes de flèches, haches
herminettes, ciseaux etc. Avec du bois, ils fabriquent des pirogues, des planches, des
manches d'outils, etc.
Comme outils, ils disposent : d'une enclume constituée par une grosse pierre dure,
solidement fixée au sol, de marteaux constitués par des masses de fer allongées et sans
manche, de pinces aux branches assez longues pour éviter à la main d'être très proche
du foyer lorsqu'on veut en retirer du fer chauffé à blanc, de ciseaux, d'une soufflerie
à main composée de deux récipients en bois recouverts de peau souple et munis chacun
d'un tuyau, d'une grosse pierre arrondie leur servant de marteau-pilon lorsqu'ils doivent
aplanir une grosse pièce de métal chauffé. Les forgerons sont également des puisatiers
fort habiles.
La cordonnerie est exécutée par des ouvriers spéciaux appelés Sambi, qu'on rattache
beaucoup plus à la caste des griots qu'à celle des autres artisans, contrairement à ce
qui se passe chez les autres groupes ethniques.
La poterie peut être exécutée par toutes les femmes et non par une caste spéciale
comme cela se passe ailleurs.
La vannerie n'est pas non plus un artisanat réservé à une caste particulière. Tous les
hommes peuvent l'exécuter.
Il convient ici de mentionner les techniques de l'empoisonnement des flèches, dont les
bobo sont les spécialistes.
Pendant longtemps on n'a pu déterminer la composition de la mixture ni les substances
qu'ils emploient pour empoisonner leurs flèches.
C'est pourquoi dans : Poisons de flèches et poisons d'épreuve "On trouve de
nombreuses indications, plus ou moins fantaisistes, sur la préparation du poison
sagittaire de ces pays (Soudan français).
Beaucoup de voyageurs, en effet, se sont laissé induire en erreur par les dires
mensongers des indigènes ; d'autres ont signalé, comme élément principal du poison, un
ou plusieurs ingrédients secondaires.
La vérité est qu'en général, ici comme partout ailleurs, les poisons de flèches sont
des produits complexes où, à côté de la substance toxique essentielle, il existe des
adjuvants divers, des substances fétiches, des matières agglutinantes. Rarement on a
affaire à un extrait d'un seul végétal. Le plus souvent les indigènes y mélangent le
suc ou l'extrait d'autres plantes, ou encore des venins ou certains produits animaux, soit
pour renforcer la toxicité du poison, soit tout bonnement pour produire son adhésion sur
la flèche. Parfois aussi ils trempent les traits, après les avoir enduits de l'extrait
végétal, dans de la chair ou du sang en putréfaction ou dans des détritus
quelconques... "
Mais la substance végétale de base la plus utilisée est le strophantus hispidus qui est
une plante qu'on cultive. Elle se propage par semis autour des habitations ; on ne la
trouve pas dans la brousse.
La flèche empoisonnée ne tue pas toujours. A ce sujet Jean Cremer nous dit : "La
flèche étant aiguisée après l'empoisonnement ne garde sur le dard que fort peu de la
mixture qui se trouve dans les rainures et surtout sur la ligature. Il en résulte que
beaucoup de plaies superficielles sont inoffensives, tandis que les blessures profondes
sont mortelles, à condition que le poison soit frais "
Plus loin (p. 106) i1 rapporte comme suit les renseignements fournis par l'un de ses
nombreux informateurs sur l'une des méthodes d'empoisonnement des flèches : " Avant
l'arrivée des Blancs, les bobo employaient un poison.
Ceux qui connaissent la voie (l'emploi) de ce poison vont acheter la graine. Lorsque la
paille est haute, ils sortent le matin, recueillent la rosée dans une calebasse pour la
verser dans un vase, ils font cela trois jours. Ils recueillent aussi l'eau qui se trouve
dans les creux du vieux cailcédrat dans la brousse et cela trois jours. A Chaque aurore,
durant trois jours, ils capturent un crapaud, les mettent ensemble. " Au milieu du
fumier, ils creusent un trou, remplissent de rosée et de l'eau de cailcédrat une poterie
qu'ils ferment avec un tesson luté d'argile, et attendent que les pluies soient
terminées. Après la récolte du mil vient le moment d'empoisonner le carquois. Les gens
se munissent d'un coq, avancent vers le vase en marchant à reculons, le déterrent,
l'ouvrent, prennent soin de fermer leur bouche, l'eau est corrompue, amère. Ils creusent
un foyer, apportent du bois en quantité, allument le feu, y posent le vase, toujours en
marchant à reculons. L'empoisonneur y met les crapauds, les graines de strophantus, l'eau
de rosée, l'eau de caïlcédrat, en faisant attention que la vapeur ne pénètre pas dans
ses narines, sans quoi il ne demeurera pas en vie. Il part chez 1ui, y passe la nuit ; le
lendemain à l'aurore, i1 se met du côté du vent pour regarder si le poison est cuit. Le
liquide est réduit. L'empoisonneur demande un coq, coupe un orteil à l'animal, prélève
un peu de poison avec une paille, en frotte la plaie ; le coq meurt sur place, on ne peut
le manger.
" Les gens sortent leurs flèches, les apportent à l'empoisonneur ; s'il y en a trop
il demande un aide. Tous deux enduisent les traits avec la mixture, les posent au soleil
pour les sécher. Puis les archers entaillent les hampes, pour que les flèches tirées ne
puissent resservir (de manière que le projectile se brise en touchant le but ou la terre
et ne puisse être relancé). " Un tel projectile tue l'adversaire ou le blesse et
rend sa peau semblable à celle du crapaud.
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