Dersim et diaspora
Pascale Faure
Existe-t-il une diaspora de Dersim ?
Qu�est-ce qu�une diaspora ?
(cf Diasporas, Espaces et territoires de diasporas de Michel Bruneau,
GIP Reclus, 1995).
De fa�on large, la notion de diaspora sert � d�signer toutes sortes de
ph�nom�nes r�sultant de migrations de populations dans diff�rents pays �
partir d�un pays �metteur. La d�finition du Petit Robert nous rappelle
que ce terme fait d�abord r�f�rence � la dispersion du peuple juif exil�
de leur pays � travers le monde antique puis par extension, � la
dispersion d�une ethnie ou d�un ensemble des membres d�une ethnie. Le
mot grec dispersion, r�sultat de l�action de semer (speiro), suppose
l�existence premi�re d�un groupe, qui est dispers� ensuite en tout ou en
partie. Il y a aussi l�id�e d�un exil sous la contrainte, d�une
conscience identitaire tr�s forte (notion de peuple �lu en relation avec
un Dieu unique pour les Juifs ), d�une pr�sence minoritaire dans une
situation de domin�s dans un assez grand nombre de territoires ou de
pays autres que celui d�origine.
En fait, les d�finitions sont nombreuses ; les politologues et les
historiens ont �t� les premiers � s�int�resser aux diasporas car elles
jouent un r�le dans les relations entre Etats, entre pays d�origine et
pays d�accueil� (Bruneau, 7). Toute diaspora r�sulte d�une migration,
qu�elle soit volontaire ou non. En r�f�rence � la diaspora juive, il
peut s�agir d�une dispersion forc�e, r�sultant d�une catastrophe ou d�un
g�nocide (cf Arm�niens, Assyro-Chald�ens, Grec pontiques �), � la suite
d�oppression, de famine ou de conditions de vie jug�es insupportables ;
on voit que les motifs d�origine �conomique et politique sont souvent
m�l�s ou concomitants. Les grandes diasporas qui se situent dans la
longue dur�e sont issues de plusieurs vagues migratoires, tant�t
d�origine politique, tant�t d�origine �conomique. L�actuelle diaspora
arm�nienne est, par exemple, issue du g�nocide de 1915-16, mais a �t�
pr�c�d�e par des diasporas marchandes au XVIe et XVIIIe si�cle. La
dispersion collective et forc�e qui est provoqu�e par un d�sastre de
nature politique ou militaire alimente une m�moire collective, sans �tre
une condition n�cessaire au ph�nom�ne diasporique mais il s�agit d�une
condition renfor�ant la solidarit� des membres de la diaspora.
Les caract�ristiques d�une diaspora
Pour Sheffer, les diasporas modernes sont des minorit�s ethniques de
migrants vivant dans des pays d�accueil mais conservant des liens
affectifs et mat�riels forts avec leur pays d�origine. Trois
caract�ristiques sont essentielles dans le concept de diaspora :
- la conscience et le fait de revendiquer une identit� ethnique ou
nationale
- l�existence d�une organisation politique, religieuse ou culturelle
d�un groupe dispers� (par la richesse associative�)
- l�existence de contacts sous toutes ses formes, r�elles ou imaginaires
avec le pays d�origine.
En somme, on est membre d�une diaspora par choix, par d�cision
volontaire et consciente. Ainsi, on peut d�finir une diaspora comme une
construction sociale visant � �tablir et maintenir des liens entre des
populations migrantes qui se pensent issue d�une m�me origine, r�elle ou
mythique, pr�sentant de ce fait des caract�ristiques propres qui les
s�parent des soci�t�s d�accueil.
Les membres d�une diaspora peuvent �tre parfaitement int�gr�s et
accultur�s dans le pays d�accueil (cf Juifs, Arm�niens en France�) mais
ne sont pas assimil�s sinon ils auraient perdu toute conscience
identitaire et n�appartiendraient plus � une diaspora. Au d�part, les
travailleurs migrants s�installant dans un pays d�accueil n�ont pas les
moyens , ni le loisir de constituer une diaspora. L�organisation
v�ritable en diaspora intervient � la 2e ou 3e g�n�ration
(entrepreneurs, intellectuels�), il y a donc difficilement des diasporas
� prol�taires �. Les travailleurs turcs en Europe sont � ce stade, nous
dit l�auteur, car n�ayant pas �t� pr�c�d�s par une diaspora marchande et
intellectuelle plus ancienne (9).
Le territoire de la diaspora est � appr�hender dans le pays d�accueil o�
le lien communautaire joue un r�le essentiel, dans le pays d�origine qui
joue un p�le d�attraction � travers une m�moire, et � travers le syst�me
de relation qui relient ces diff�rents p�les.
La dispersion dans le pays d�accueil
L�espace d�une diaspora est un espace transnational diffus et r�ticul�,
fait d�une multitude de noyaux dispers�s, d�une multipolarit� sans
hi�rarchie stricte, les principaux centres �tant dans les pays d�accueil
et occasionnellement dans les pays d�origine. Il s�agit d�un espace
structur� par une pluralit� de r�seaux dans lesquels circulent des id�es,
des hommes, des capitaux, des marchandises diverses, les liens familiaux
et communautaires �tant le support de ces �changes.
Le lien communautaire est essentiel pour le maintien des pratiques
identitaires, support d�une alt�rit� fondatrice de la diaspora dans les
soci�t�s d�accueil. Ainsi, souvent, les communaut�s en diaspora sont
essentiellement un regroupement d�individus et de familles originaires
d�une m�me r�gion, d�un m�me village, autour d�une m�me association de
migrants ayant une m�me culture r�gionale, des lieux de culte ou parfois
des �coles construites par leurs soins�
Les marqueurs identitaires permettent aux communaut�s de s�approprier un
territoire qui red�finissent et rappellent le pays d�origine. La maison
familiale est le support de micro-territoires, les boutiques ethniques,
les �difices religieux, le si�ge des associations sont des marqueurs
territoriaux de l�identit�. Ce sont les lieux o� s�expriment la m�moire
collective (cours de langues, de danse, de musique, f�tes�).
La m�moire et le territoire d�origine (12)
On sait l�importance des associations � r�f�rence territoriale
(r�gionale ou locale) dans les diff�rentes diasporas : elles ont pour
fonction de cultiver, de maintenir vivante cette m�moire du territoire
d�origine.
Le territoire d�origine des diasporas, issues de la vaste zone
interm�diaire eurasasiatique auparavant fait d�empires multiethniques,
s�est transform� depuis le d�but du XXe si�cle en un espace
homog�n�isateur d�Etats Nations constitu�s sur le mod�le europ�en
occidental : un processus d�homog�n�isation ethnique dramatique en
Turquie que l�on conna�t avec le g�nocide arm�nien, grec pontique,
assyro-chald�en �
L�Etat Nation du territoire d�origine a tendance � consid�rer sa
diaspora comme l�extension � l��tranger de sa propre nation et chercher
� renforcer son all�geance pour essayer de lui faire servir ses propres
fins. Cela appara�t ainsi par rapport � l�Etat turc pour encadrer ses
migrants en Europe occidentale d�apr�s De Tapia (1994).
En cas d��v�nements graves mena�ant le pays ou le territoire d�origine,
la diaspora peut former un groupe de pression dans le pays d�accueil
pour tenter d�infl�chir une politique dans un sens favorable ou non au
premier. Les diasporas peuvent �tre aussi � l�origine de soutien
financier, �conomique (transfert de fond,) de soutien de mouvements de
lib�ration�
Le syst�me spatial de la diaspora et l�Etat Nation (14)
Le ph�nom�ne de diaspora est tr�s ancien mais il tend � se g�n�raliser
aujourd�hui. Les grands empires multiethniques ont �t� le cadre
privil�gi� des diasporas qui apportaient des comp�tences intellectuelles,
militaires et artisanales et ont constitu�s des communaut�s marchandes
mobiles en assurant des �changes de toutes sortes en facilitant la
circulation des biens et des informations (cf les Juifs, les Arm�niens
et les Grecs dans l �empire ottoman puis dans les empires
austro-hongrois puis russe ) (15).
Le relais a �t� ensuite pris par les empires coloniaux des puissances d�Europe
occidentale au XIX et XXe si�cle ( cf l�Empire britannique ; Libanais,
Grecs, Indiens, Chinois pour une �conomie marchande en Afrique comme en
Asie du Sud Est.)
La diaspora est � l�oppos� de l�Etat Nation bien d�limit�, centralis�,
un organisme tr�s d�centralis�, polycentrique aux limites tr�s floues,
mal d�finies. Ces communaut�s ou cellules de base sont reli�es entre
elles par toutes sortes de flux, comprenant 2 niveaux sup�rieurs
d�organisation :
- le niveau national du pays d�accueil
- le niveau mondial plus ou moins coordonn� par le pays d�origine quand
il existe
Une identit� commune est maintenue : c�est la condition m�me de
l�existence d�une diaspora mais elle a acquis des sp�cificit�s dans
chacun des pays d�accueil au sein d�un syst�me trans�tatique. Ce syst�me
vit � l��chelle des temps longs, pluris�culaires, voire plurimill�naires.
A l�inverse de l�Etat-nation relativement rigide, ses communaut�s de
base font preuve d�une grande fluidit�, d�une grande plasticit� qui
permettent leur p�rennit�.
Alors que l�espace diaspor� est discontinu et r�ticul�, polycentrique,
celui de l�Etat Nation est au contraire continu, tend � l�homog�n�it� et
� la centralisation. D�un cot�, il y a un syst�me � galactique �,
spatialement h�t�rog�ne, polyc�phale dont la vigueur repose sur celles
de ces unit�s de base que sont ses communaut�s et sur l�efficacit� de
leur r�seau de relations ; de l�autre, il y a un syst�me pyramidal �
dendritique �, plus ou moins centr� sur une capitale avec un r�seau de
communications en toile d�araign�es et une grille territoriale uniforme
qui en assurent plus ou moins l�homog�n�it�.
La plus ancienne de ces deux organisations spatiale est bien la
premi�re, depuis l�Antiquit� en traversant les si�cles, en prosp�rant
dans les grands empires multiethniques. L�Etat Nation avec son processus
d�assimilation des minorit�s aurait pu les emporter d�finitivement. Avec
la fin du XXe si�cle et l�effondrement de l�un des derniers empires
multiethnique (URSS), on assiste � une nouvelle progression du processus
homog�n�isateur des Etats Nations bien mena�ant pour les groupes qui
sont transform�s en minorit�s ethniques ou nationales. Mais en
contrepoint, dans les d�mocraties occidentales de l�ancien ou du nouveau
monde, les diasporas r�apparaissent et connaissent m�me un d�veloppement
sans pr�c�dent : cette h�t�rog�n�it� ethnique cro�t avec les migrations
et l��chec des politiques d�assimilation (le melting pot am�ricain ou le
creuset fran�ais ).
Ce qui favorise l�homog�n�isation des Etats Nations (techniques de
transport et de communication rapides) jouent �galement en faveur des
diasporas en facilitant les contacts des communaut�s diaspor�es entre
elles et avec leur pays d�origine. Les liens entre le territoire
d�origine et territoire d�accueil � l�aide d�autocars, de v�hicules
priv�s et de vols charter se d�veloppent � l��chelle du continent
europ�en : les �changes fr�quents, les approvisionnements dans les
commerces ethniques, l��mergence de r�seaux de transports � l�initiative
des migrants eux-m�mes� permettent l��mergence de nouvelles diasporas (comme
la diaspora turque ) et le maintien ou la renaissance des diasporas
pr�existantes.
L�h�t�rog�ni�t� ethnique actuelle des diasporas dans les d�mocraties
occidentales n�est pas comparable � la co-existence ni la symbiose des
groupes ethniques distincts dans une m�me soci�t�. Dans l�Etat nation
post-moderne, les diasporas sont int�gr�es �conomiquement et
politiquement ou en voie de l��tre mais conservent une autonomie
religieuse et culturelle gr�ce aux r�seaux de communication beaucoup
plus efficaces que dans l�Etat Nation moderne assimilateur. Mais la
diaspora post moderne actuellement a moins d�autonomie possible que la
diaspora pr�nationale qui devait se soumettre � une autorit� royale ou
imp�riale laquelle lui lui accordait n�anmoins des privil�ges
sp�cifiques.
Mondialisation et structuration des diasporas
Les pays ou territoires d�origine des diasporas sont souvent des espaces
de contact des empires ou de grands Etats aux conflits r�currents : le
Moyen Orient depuis l�Antiquit�, l�Asie du Sud-Est plus r�cemment.
Les diasporas peuvent �tre aussi issues de zones de fortes pressions
d�mographiques et de pauvret� relative (Inde, Chine, Europe latine�).
Elle produisent des diasporas � prol�taires � en fournissant d�abord une
main d��uvre indispensable � l��conomie des pays d�accueil puis en
cr�ant leurs entreprises, elles deviennent des diasporas en acqu�rant
les moyens de d�velopper des r�seaux religieux, culturels,
socio-politiques ou bien elles ont pu h�riter de r�seaux marchands et
intellectuels d�une �poque ant�rieure ( cf Grecs, Chinois..) .
A partir de la fin du XXe si�cle, les diasporas se sont mondialis�es en
se d�pla�ant vers le nouveau monde .
Trois grands types de diasporas
Actuellement les diasporas se d�ploient � l��chelle mondiale , � des
degr�s diff�rents. Dans toutes les diasporas, le floklore, la cuisine,
la langue, la culture au sens large (litt�rature, cin�ma, musique,
presse..), la vie associative ainsi que les liens familiaux jouent un
r�le fondamental, les liens de parent� constituant le tissu m�me de la
diaspora.
Pour les diff�rencier, quelques �l�ments :
- le degr� in�gal de leur structuration et de leur organisation
- le r�le plus ou moins d�terminant qu�exerce leur Etat Nation d�origine
- la religion, l�entreprise et la politique sont des caract�res
discriminants .
Un premier ensemble se structure autour d�un p�le entrepreneurial qui
est un �l�ment central de la strat�gie de reproduction (cf diaspora
chinoise, indienne, libanaise�). La religion peut �tre aussi un
principal �l�ment structurant. Cette religion est monoth�iste et tr�s
fortement li�e � une langue sacr�e (h�breu, grec, arm�nienne). Un
troisi�me ensemble de diasporas, et dont on ne dispose que
d�observations sur une p�riode plus courte, s�organise autour d�un p�le
politique lorsque le territoire d�origine est domin� par une puissance
�trang�re : comme la diaspora palestinienne, tib�taine, structur�es
autour d�un r�seau religieux et politique, et bient�t la diaspora kurde�
L��migration turque : entre circulation migratoire et diaspora
(S de Tapia dans Diaporas, 1995, Reclus GIP Montpellier)
L��migration turque, (comme celle du Maghreb) est un des principaux flux
de populations vers l�Europe occidentale apr�s 1950. Diaspora ou
circulation migratoire ? Les auteurs parlent de diasporas � ouvri�res �,
� prol�taires �, de � quasi-diaspora � dans le but de les diff�rencier
des arch�types que sont les diasporas juives, arm�niennes ou
palestinienne.
Le champ migratoire en provenance de la Turquie englobe l�Europe, le
Moyen Orient, l�Australie, les Etats Unis et bient�t l�Asie centrale.
Une partie de la soci�t� turque semble participer � l��mergence d�une
nouvelle minorit� transnationale : les Turcs d�Europe. Il s�agit d�une
circulation migratoire qui semble avoir �t� construite � partir d�une
diaspora � ouvri�re � avec ses r�seaux d�informations, commerciaux,
politiques, associatifs, religieux�
La circulation migratoire d�finie par Migrinter est utilis�e pour
d�crire des flux humains, mat�riels et immat�riels irriguant le champ
migratoire et l�espace relationnel d�une population donn�e, dans
l�espace de r�sidence comme dans l�espace d�origine (vacances,
investissements, liens familiaux, liens matrimoniaux, �changes
d�informations..).
Le mouvement migratoire turque a constitu� des territoires bien r�els en
Europe tel que l'Allemagne, les Pays-Bas,la France, la Belgique, la
Su�de, la Suisse, l'Angleterre, territoires constitu�s par des relations
denses qui unissent les membres de fili�res migratoires bien rep�r�es,
sur des bases familiales, g�ographiquement localis�es, reconstruisant
d�autres niveaux d�organisations ethno-religieux, politico-syndicaux,
confr�riques� (178)
La circulation migratoire comptabilise en 1970, 440 000 Turcs rentr�es
en Turquie, et 515 000 sorties du territoire ; en 1990, ce sera 2 697
000 rentr�es et 2 926 000 sorties de personnes ; en Europe r�sident 2
642 3000 �migr�s turcs (183) ;
Cette population immigr�e s�installe avec ses lieux de culte, culturels,
associatifs, commerces, r�seaux t�l�vis�s, de transport, sa propre
presse et peut difficilement �voluer vers la diaspora dans sa d�finition
politique avec la pr�sence bien r�elle de l�Etat turc qui g�re, nous dit
l�auteur, mosqu�es et associations, (du moins certaines), dispose d�un
r�seau dense de consulats, et diffuse des programmes t�l�vis�s par
satellite. Ainsi, l��migration turque, en 1993, n�est pas coup�e de ses
bases : ravitaillement partiel en Turquie, relations matrimoniales en
Turquie, activit�s de loisirs et retraites pass�es en Turquie,
inhumation des d�funts en Turquie�
Le champ migratoire est tr�s large et englobe des espaces nationaux tr�s
diff�rents en Europe mais aussi en Australie, aux Etats Unis, qui
d�terminent des mod�les et des pratiques d�immigration diff�rents. Mais
le territoire migratoire est aussi l�histoire de son peuplement qui
reste complexe quand on sait que les raisons de la migration sont
parfois dramatiques : il est alors fait r�f�rence aux minorit�s
ethniques depuis les Juifs d�Istambul jusqu�aux Arm�niens d�Anatolie, en
passant par les Chald�ens chr�tiens, et plus r�cemment les Kurdes
anatoliens�
Si ces communaut�s ethniques sont turques ou peuvent se d�finir comme
tel, la r�f�rence au terroir d�origine est toujours pr�sente. L�exil
turc s�explique par le mot gurbet (signifiant nostalgie) et il est
autant un genre de vie qu�un genre litt�raire cultiv� depuis plus d�un
si�cle : cela nous rappelle que la vie nomade a pr�c�d� la
s�dentarisation et que l�attachement au groupe est toujours important
pour le migrant ; la migration est collective, sinon familiale avec
r�f�rence oblig�e au lignage, � la famille �tendue. (185)
Dersim : de la minorit� ethnique � la diaspora ?
Dans cet espace migratoire de la Turquie, quelle place et quel sens
peut-on donner aux migrations en provenance de la r�gion de Dersim en
direction de l�Europe .. Ces migrants forment - ils une minorit�
ethnique en voix de construction d�une diaspora ?
Le territoire d�origine est l�histoire d�une r�gion recul�e, montagne
refuge dont les habitants se sont diff�renci�s des autres groupes
ethniques anatoliens par la particularit� de leur origine, de leur
langue, de leur croyances� Les diff�rentes tribus qui ont habit� ce
territoire ont pu garder une certaine autonomie dans l�histoire gr�ce �
leur situation g�ographique et leur volont� de pr�server leur
singularit�.
Ce sont, au d�but du XXe si�cle, les g�nocides (des Arm�niens en 15-16
puis en 1938, des habitants de Dersim) qui vont d�clencher des exodes
successifs plus ou moins importants. Celui de 1915 se fera avec les
Arm�niens en direction des Etats Unis ; celui de 1938 apr�s le
soul�vement de Dersim puis le massacre des populations et des
d�portations importantes hors de l�Anatolie, en direction d�Istambul, et
des grandes villes de Turquie � A partir des ann�es 60, l�Allemagne
recevra beaucoup de ces populations, puis les diff�rents pays d�Europe.
Plus pr�s de nous, en 1980, le coup d�Etat militaire et l�utilisation de
la religion islamique par l�arm�e vont mettre en danger les populations
al�vis et du Dersim (appel� Tunceli maintenant) qui demanderont le
statut de r�fugi�s politiques dans les pays europ�ens soit comme
militants gauche et gauche radicale soit en tant que kurdes victimes de
la guerre entre l�Etat turc et le PKK. Les populations de Dersim
n��taient pas connue en tant que minorit� ethnique et elles ont donc �t�
accueillies sous d�autres identit�s. Dans leur r�gion d�origine, la
langue zaza (dimilki, kirmandji, so-be) est rest�e une langue orale car
elle �tait interdite en Turquie.
�
On peut parler d�une diaspora de Dersim et de sa dimension territoriale
si on peut rep�rer que territoire d�origine et territoire d�accueil
restent li�s par un r�seau de relation et d��changes mat�riel et
immat�riel, par la circulation de biens, de gens, d�id�es. On sait que
la pluralit� de ces r�seaux font signe de leur pr�sence dans les
m�tropoles et les grandes villes d�Europe par des marqueurs territoriaux
divers que l�on peut rappeler : lieux associatifs, boutiques ethniques,
sites internet, presses et publications sp�cialis�es en langue d�origine�
Certains th�mes dans la d�finition et la construction territoriale
d�une diaspora sont donc importants : la dimension �conomique de la
diaspora avec sa dynamique entrepreneuriale ; la circulation des hommes,
des marchandises et des id�es ; et notamment les rapports qui sont
entretenus avec le territoire d�origine et la fa�on dont la diaspora
s�en est s�par�e : la revendication de la reconnaissance internationale
d�un g�nocide (celui de 1938) avec la pr�servation de lieux de m�moire �
La fa�on �galement dont la diaspora peut se mobiliser pour influer et
peser sur des orientations politiques concernant le territoire d�origine
(le projet GAP)�