INITIATIVE POUR DES
ASSISES NATIONALES DE l'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(I.A.N.E.Sup)
L'Université achève à peine de mettre en place la
réforme-Bayrou. Alors qu'aucun bilan n'a été tiré de
la semestrialisation, des modules-découverte, du
monitorat ou de la compensation, décrets et arrêtés
pleuvent depuis un an dans une indifférence à peu près
générale : c'est la réforme-Allègre.
- Le plan U3M implique un redécoupage de la carte
universitaire avec la création de neuf "pôles
d'excellence" et le décrochage de plus de 70
Universités, condamnées à délivrer des diplômes sans
valeur.
- Dans le cadre de la Loi sur l'innovation, la recherche
est soumise aux intérêts du privé et à la politique
des régions. Les sciences fondamentales sont sacrifiées
au profit des "incubateurs" et autres
"start-up" d'entreprises. Nul ne sait très
bien quel sera le rôle des Maisons de Sciences de
l'Homme dont on annonce la multiplication. Vont-elles
concurrencer les Écoles doctorales et marginaliser
encore plus la recherche universitaire en Lettres et
Sciences humaines?
- Dans la nouvelle définition des cursus (3/5 ou 8), la
licence devient un diplôme de premier cycle, la
maîtrise ne signifie plus rien et le DEA est pris en
tenaille entre le deuxième et le troisième cycles.
Faisant preuve d'une subtilité qu'on ne lui soupçonnait
pas, Claude Allègre a décidé que le mastaire ne serait
pas un diplôme mais un grade. Rappelons que jusqu'à
présent tous les grades universitaires (bachelier,
licencié, agrégé, docteur) correspondaient à des
diplômes et des cursus bien définis. Ce ne sera plus le
cas. Le Ministre se réserve le droit de l'accorder à
son gré à toute formation de niveau Bac+5, y compris
par "validation des acquis professionnels". Les
IUFM font pression pour que les stages pédagogiques
fassent partie du lot. Les titulaires d'un DEA ou d'un
DESS auront ainsi le même titre que les professeurs des
écoles ou les capésiens stagiaires. Quant aux
agrégés, il faudra qu'ils attendent un an de plus. Le
"corps unique des maîtres depuis la maternelle au
Collège de France" est en bonne voie. Qui va
s'inscrire en thèse? Ceux qui ne s'estimeront pas
capables d'enseigner dans le primaire ou le secondaire ?
- Le démantèlement de l'ENS-Ulm et la création d'un
"troisième concours" impliquent, à brève
échéance,la disparition des classes-prépa, y compris
les maths-sup et les maths-spé où ne subsistera plus
que la filière-ingénieur. Quant à l'ENS-Fontenay,
transportée dans le fief lyonnais de Philippe Meirieu,
elle est destinée à devenir un super-IUFM.
- Les réformes du primaire, du secondaire et du
Baccalauréat (avec, pour ce dernier, contrôle continu,
"travaux personnels encadrés", suppression de
la dissertation, etc.) vont emplir nos amphis
d'étudiants encore moins aptes qu'aujourd'hui à suivre
des études universitaires. Alors que la situation est
déjà catastrophique en Lettres depuis de nombreuses
années, les Facs de Sciences commencent à être
durement touchées par le phénomène. Ce sera bientôt
infiniment pire.
- Le nouveau CAPES de Langues comporte un oral sans
programme ni contenu et dont chaque "épreuve"
compte trois fois plus que la dissertation ou l'analyse
de textes à l'écrit, par ailleurs condamnées à une
mort prochaine : à quoi bon les maintenir puisque ces
exercices démodés ont disparu des programmes du
secondaire?
Les autres CAPES suivent : il n'y a pas de raison pour
que seuls les professeurs de langues aient à démontrer
leurs "capacités de communicateurs" à propos
de documents disparates, leur aptitude au travail
d'équipe, leurs connaissances du fonctionnement des
collèges et des lycées ou à s'interroger gravement sur
le rôle de leur discipline dans la lutte contre la
drogue et la violence, puisque c'est en cela que consiste
le nouvel oral.
Le Ministère a déjà annoncé la modification du CAPES
d'Histoire-Géographie et, pour 2001, une refonte
complète du système de recrutement des professeurs du
secondaire : CAPES départementalisé, pédagogisé, et
semestrialisé (écrit en janvier, oral en juin sous le
seul contrôle des IUFM).
Il est aussi question d'organiser l'agrégation tous les
deux ans dans certaines disciplines désuètes : Lettres
classiques, Philosophie, Langues rares (dont l'Allemand),
etc.
Nous demandons l'abrogation de l'arrêté sur le CAPES
de Langues et rejetons l'ensemble des mesures
envisagées. Nous exigeons d'être consultés sur toute
modification des concours de recrutement. Nous invitons
l'ensemble des enseignants et enseignants-chercheurs du
Supérieur à se mobiliser contre cette entreprise de
démolition du système éducatif, d'asservissement de la
culture et de mépris des valeurs.
Nous appelons à l'organisation au début du mois de mai
des Premières Assises Nationales de l'Enseignement
Supérieur. Cette initiative ne peut avoir de succès que
si chacun de nous se sent concerné et participe au
niveau local à l'organisation de cette rencontre. Nous
souhaitons l'appui de tous les syndicats et associations
professionnelles qui, partageant notre inquiétude,
désireraient s'associer à notre démarche.
Contact: Pedro
CORDOBA
Co-directeur du Département de Langues
romanes de l'Université de Reims. |