Voyage en Giménologie
(Des
Fils de la Nuit aux Cousins de la Pénombre)
Après la parution du livre d’Antoine
Gimenez et des Giménologues, nous avons correspondu avec ces derniers pour
prolonger quelques questions parmi toutes celles que ces excellents Souvenirs
de la guerre d’Espagne suscitent et alimentent.
Cette réflexion en commun a été
interrompue de notre fait, compte tenu de l’inexplicable et inquiétante
bienveillance dont témoignaient les Giménologues à l’encontre de personnages comme
Gilles Dauvé, et, pire encore, de Paul Rassinier. Dans ces conditions, on cesse
de se sentir proche, mais bien plutôt loin, même « plusloin » (site
hébergeant les Giménologues), voire « troploin » (site de Gilles
Dauvé).
Le lecteur de la correspondance que
nous publions pourra prendre connaissance en détail de la façon dont ces
circonstances se sont fait jour, inattendues, certes, mais non moins
instructives. Les Giménologues, ce sont ici Myrtille et Vincent, les Amis de
Némésis Jean-Pierre et Fabrice.
De ces échanges finissant en eau de
boudin, nous retenons l’amère confirmation du succès encore persistant de
l’opération Faurisson / Guillaume, menée il y a pourtant un quart de siècle. La
façon massive, grotesque et impardonnable dont une partie de l’ultragauche[1],
souffrant d’une véritable infirmité de naissance de par son adhésion à un
folklore néo-bolchevique tout à fait muséographique, s’était laissée entraîner,
plutôt activement, dans le sillage d’un leurre théorique aussi évident
n’est décidément pas du nombre des blessures susceptibles de guérir : une
fois qu’on a donné dans un tel panneau, au point de s’en être fait le
représentant de commerce hexagonal, le retour à une lucidité sans phrases et
sans précautions dilatoires semble décidément impossible. Cela, on le savait
déjà à propos de Dauvé et consorts, puisque même lorsqu’il devint impossible de
conserver le silence sans étouffer sous le discrédit, toutes les réserves
alambiquées qui se succédèrent illustrèrent que la clarté et la franchise resteraient
à jamais hors de portée, pour ne pas dire hors de visée. Pour que ces cercles
d’ultragauche puissent prolonger leur action, et adopter comme activité
principale la recherche permanente et ininterrompue, ad nauseam, d’une définition labellisée du « communisme »
tout en imaginant et en ressassant les entraves suffisantes pour ne pas y
parvenir, il fallait d’abord montrer patte grise. Mais ce qu’on ne savait pas
encore, c’est que la maladie était capable de se propager au-delà de ces
cercles, par exemple chez des personnes plus proches du milieu libertaire. Le
virus était donc transmissible au-delà des murs des chapelles, et même
aujourd’hui, on le découvre encore en train de couver là où personne, à vrai
dire, ne l’attendait.
L’introduction du négationnisme dans
la mouvance ultragauche s’était déroulée en opération de désinformation
parfaitement et durablement réussie
puisque le faux dissident y était apparu comme renversement du faux officiel, et donc,
illusoirement, comme apparence du vrai. Sa seule vérité, au-delà de ce qu’il
affectait d’énoncer, était sa fonction, celle d’un leurre dont, comme on verra
à la lecture, certains ne parviennent toujours pas à appréhender la nature, au
point d’en rester paralysés, au mieux, ou sympathisants, au pire. Même
plusieurs décennies plus tard, d’interminables semi-justifications des errances
passées peuvent encore aller jusqu’à défendre la mémoire de l’ineffable
Rassinier. La fréquentation assidue du sympathique Gimenez et un travail
indiscutablement honnête et scrupuleux pour établir la vérité en Espagne
n’auront pas suffi à tarir le goût pour de médiocres falsifications en France,
ce qui est quand même très inquiétant, puisque ce qu’un esprit tolère vient toujours
mesurer l’étendue de sa perte. En d’autres termes : la vérité, on
l’aimerait plus contagieuse.
Le lecteur en jugera par lui-même,
pièces en main, et il constatera aussi que de tout cela, nous ne lui fournirons
aucune explication évidente, ni même satisfaisante : la raison étant
tout simplement que nous n’en disposons pas nous-mêmes, et que nous
l’abandonnerons en compagnie de la question.
Il reste que, comme on sait, les
Giménologues entretiennent un site Internet (www.plusloin.org/gimenez) sur
lequel ils prétendent publier les
courriers qui leur sont adressés. Est-ce leur site qui manque de mémoire, ou
bien seraient-ce plutôt eux-mêmes ? Où sont passés les octets ? En
tout cas, il est clair que nos échanges, de même que tous les autres qui
mettent en cause ou font paraître un conflit, n’y seront jamais publiés. Le
lecteur des Giménologues en sera pour ses frais, de même probablement que
quelques Giménologues eux-mêmes, pas forcément avertis de tout. On aime la
critique, mais pas chez soi.
Toutefois, avant de faire connaître
ces correspondances, nous avions pris la précaution de marquer un délai
d’attente raisonnable, de façon à permettre aux Giménologues d’ajouter une
sorte de réponse. Mais devant le silence qui vient éloquemment clore cette
discussion, nous n’avons plus aucune raison pour ne pas livrer maintenant ces
échanges au public.
Les Amis de Némésis
Le 1er
novembre 2006
[Correspondance
avec les Giménologues]
: Liste des titres en préparation
: Comptes-rendus de publications
: Index des personnes, groupes et
périodiques cités
: Chronologie des textes publiés
: Tribune
: e-mail
[1] Nous qualifions d’ultragauche les courants
d’origine communiste (léniniste) qui s’opposent à la gauche “institutionnelle”
tout en conservant comme critères d’appréciation et d’action une bonne partie
des notions et orientations de leur origine (comme les courants bordiguistes, par
exemple). Les anarchistes, libertaires, conseillistes et situationnistes, en
revanche, n’en font pas partie, puisqu’il s’agit là de tendances se définissant
de façon autonome, rappelant en cela qu’ils visent une forme de vie sociale où
cette qualité serait générale. Nous savons bien que cette définition est
schématique, et aussi qu’elle déplaira à certains, mais nous la préférons à
l’habituel grand vide-grenier syncrétique dont l’Histoire générale de
l’ultra-gauche de Christophe Bourseiller n’est que l’ultime avatar.