2005/03/18
Terry Schiavo et les débiles mentaux
Dans un monde qui a tout de même quelques autres problèmes,
Terri Schiavo, sans rien faire pour ça, est devenue depuis quelques
jours la manchette de tous les journaux. Cette pauvre femme est "cérébralement"
morte, il y a une quizaine d'années, et n'est maintenue vivante dans
un état végétatif depuis tout ce temps que grâce
à un tube d'alimentation que la médecine moderne lui a implanté.
Pendant des années et des années, Terri Schiavo a vécu,
si on peut dire, une quasi-vie sans histoires. Comme des millieers d'autres
"branchés" - dans un sens qui n'est pas celui de Saint-Germain
- elle a coninué de respirer en symbiose avec un appareillage d'appoint,
mais sans réfléchir. Sans penser.
Sans penser et donc n'étant plus un ëtre humain, au sens
où voudraient l'entendre une vaste confrérie de philosophes,
mais toujours une petite enfant chérie du Père céleste,
au sens où voudraient nous le faire croire une autre confrérie
de non moins philosophes, qui ne nous disent cependant pas pourquoi une
DPJ cosmique n'est pas encore venue jeter un coup d'oeil sur les gestes
du dit Pere céleste et placer toutes les Terri Schiavo du monde en
foyers d'adoption.
Terri Schiavo et sa quasi-vie n'auraient jamais fait la une, si on n'avait
voulu mettre fin à cette vie. Si on lui enlève son tube, Terri
va mourir. "Faites-le" - de dire les uns, - "elle est déjà
morte" ". Oh que non," - de dire les autres - "tout
peut arriver, elle n'est qu'endormie..." Sous entendant ces derniers
qu'il suffirait pour la guérir qu'une forme blanche translucide apparaisse,
la prenne par la main et lui dise "Leve-toi et marche ..."
Ce qui me choque de cette affaire, c'est le peu de cas qu'on fait de
Terri. L'Amérique est à vivre son Affaire Dreyfuss. L'Affaire
Schiavo oppose l'Amérique d'Hollywood et de Broadway, de Harvard,
de la bombe atomique et des rayons laser.... à l'Amérique
ignare et obscurantiste des "preachers" et des"revivals":
l'Amérique de Bush. Le commentaire de la Maison Blanche "regrettant"
qu'un juge de la Floride ait refusé d'ordonner la réinsertion
du tube est une attaque ouverte contre le principe de la séparation
des pouvoirs sur lequel repose la constitution américaine
Ce qui est en jeu, dans l'Affaire Schiavo, ce n'est plus malheureusement
la vie de Terri, ni même le sort des foetus ou des handicapés,
c'est de savoir si la plus grande puissance militaire du monde va passer
de plus en plus sous le contrôle de gens qui ne respectent plus l'indépendance
du pouvoir judiciaire, mais croient que des formes blanches translucides
peuvent leur apparaître et leur dire .... n'importe quoi.. Il faut
distinguer le sort de Terri de l'Affaire Schiavo.
Concernant Terri, il me semble que les bonnes questions à se
poser seraient d'abord de savoir s'il se passe dans le cerveau de Terri
Scihavo une activité et si cette activité cérébrale
fluctue au rythme de stimuli externes. Je suis certain que des millions
de gens se posent cette question et sont comme moi abasourdis de constater
qu'on ne le dise pas clairement. Si la réponse à cette question
est non, ce que l'on fait de ce qui reste de Terri n'a plus, en effet, aucune
importance pour feu Madame Schiavo. Ce que l'on fera de son corps n'a plus
qu'une valeur de symbole. Si c'est ça, la situation, je voudrais
le savoir.
C'est s'il y a encore chez Terri Schiavo une activité cérébrale
qui répond à des stimuli qu'il faut se poser une deuxième
question: existe-t-il, liée à ce corps branché, une
conscience quelconque qui puisse souffrir ? Je ne dis pas "un être
humain", seulement "quelque chose" auquel il ne soit pas
indifférent qu'on lui fasse du mal. Il n'est sans doute pas possible
de le savoir; la frontière entre réactions volontaires et
tropismes est dans la définition d'une "volonté"
qu'on pose où qu'on ne pose pas comme un a priori. Disons que s'il
y a le moindre doute, il faut prendre pour hypothèse que "quelque
chose" en Terri Schiavo peut souffrir... et agir en conséquence.
Ce qui amène la troisième question. S'il existe une conscience
en Terri Schiavo, cette conscience veut-elle - ou ne veut-elle pas - continuer
d'être en l'état où elle est et de"vivre"
ce qu'elle vit ? C'est le SEUL critère qui devrait nous guider pour
décider du sort de Terri. Ça non plus, on ne le sait pas,
mais c'est partie de la dignité de l'ëtre humain, justement,
de réfléchir et de décider au mieux . La personne qui
finalement en décidera devrait se demander si ELLE voudrait vivre
la "vie" de Terri Schiavo et rendre sa décision sur cette
seule base.
Si la décision est de permettre la mort clinique de Terri Schiavo,
toutefois, celui ou celle qui rendra cette décision ne devrait certes
pas se limiter à ordonner pudiquement qu'on lui enlève le
tube et qu'on la laisse mourir de soif. Assumant pleinement les conséquences
de sa décision, il devrait ordonner qu'on lui donne au moins ce qu'on
donne aux vieux chiens qui ont été des amis quand le bon sens
nous convainc qu'ils ne veulent plus vivre. Si Terri n'étant plus
consciente ne souffre pas, finissons-en. Si étant consciente elle
souffre... raison de plus pour mettre fin à sa souffrance. VITE.
Il faut affirmer le droit à ne pas souffrir. Il faut espérer
que l'Affaire Schiavo permettra à l'Amérique de la liberté
de renvoyer à ses amulettes l'Amérique des superstitions et
des inquisiteurs. Vite, avant que les débiles mentaux qui y ont pris
le pouvoir aux USA et dont l'activité cérebrale ne semble
pas réagir aux stimuli de la simple décence ne nous ramènent
tous au moyenâge
Pierre JC Allard
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