99.06.02

 

LES BONNES ONDES

 

On s'interroge beaucoup ces mois-ci sur la mission, la programmation et les modalités de financement de Radio-Canada. Une bonne chose, car le moins qu'on puisse dire c'est que la radio-télévision d'État ne se démarque pas brutalement de ses concurrents. Elle s'en démarque même si peu qu'on doit se demander pourquoi le contribuable devrait payer pour une programmation qui ne diffère en rien de celle des douzaines - et bientôt des centaines - d'autres diffuseurs qui occupent les ondes.

Ça sert à quoi, une radio-télévision d'État, quand le débat sur son rôle est entre ceux qui voudraient une programmation "comme les autres mais en mieux", plus populaire que celle du privé si faire se peut ... et ceux qui préféreraient quelque chose de moins "mercantile" mais qui pourchasserait néanmoins férocement les commandites pour faire ses frais? Ca sert à quoi, si ce n'est à fausser le jeu de la concurrence, un service public qui joue selon les règles du privé, qui veut faire ses frais et qui n'apporte rien que le privé ne voudrait pas apporter? J'aimerais mieux que la radio-télévision d'État fasse autre chose que le secteur privé

Autre chose que de l'argent, par exemple. Ce qui m'irrite du débat sur la vocation de Radio-Canada, c'est l'absence d'un lobby sérieux qui milite pour un réseau d'État qui romprait totalement avec le commercialisme. Tout le débat actuel, en définitive, tourne autour d'une facture; posons donc une fois pour toute le principe qu' il ne faut pas demander à Radio-Canada de faire ses frais, pas plus qu'à une école, un hôpital ou une route de "faire ses frais" : il faut diffuser ce qui mérite de l'être et payer la note.

Ce n'est pas pour rien que je compare Radio-Canada à l'éducation, à la santé et aux routes; comme à l'éducation et à la santé, la population a droit à l'information gratuite et on assiste donc ici à une autre bataille de la grande offensive néo-libérale qui vise à ne rien donner qui puisse être vendu. La situation ici est bien différente, toutefois, car, au contraire de l'éducation et de la santé, le public ne risque pas d'être en manque d'information gratuite, il en est plutôt sursaturé! A-t-on besoin malgré tout d'une radio-télévision d'État? Uniquement si on offre "autre chose".

Ça voudrait dire quoi, un réseau d'État qui fait "autre chose"? Que ce réseau soit un lieu où une information sans biais est transmise et où les IDÉES sont largement diffusées. Les idées, c'est la politique, l'éducation, la culture. Radio-Canada existe pour dire et montrer aux Canadiens ce qu'ils ont le droit de voir et d'entendre mais pour lequel l'espérance de gain n'est pas suffisante pour allécher un producteur privé.

Ce qui ne signifie pas Ovide en latin et l'intégrale de Schoenberg - (sauf les 29 février, car les marginaux de la culture ont aussi des droits) - mais la politique rendue intelligible, l'éducation attrayante et la culture que les gens aiment et à laquelle ils veulent avoir accès. Allons-y de quelques exemples


Information

Que l'information que nous donne CNN soit corrigée par la présentation des points de vue de Tass, de Chine Nouvelle, d'agences africaines, sud-américaines et arabes; les "Autres" ont parfois raison: laissons la population en juger;

Que les nouvelles locales et régionales occupent la place qui leur revient, avec un maximum d'interventions de citoyens ordinaires au palier des commentaires.


Politique

Que le débat politique soit ouvert aux tiers partis, aux groupuscules, aux tendances marginales, aux groupes de pression, à tous ceux qui ont des solutions ou des revendications. Il n'y aura pas foule? Que le débat revête la forme d'une confrontation et l'on verra les cotes d'écoute monter, comme les "combats des chefs" attirent un public qui la plupart du temps ne se presse pas aux assemblées politiques...

 

Éducation

Que l'on enseigne tout en divertissant, comme le font maintenant tant de canaux - Histoire, Découverte, Planète animale, PBS.. - en allant plus loin dans cette voie et en STRUCTURANT toute cette connaissance.

Que l'on mette en place et finance une gamme complète de canaux dont l'ensemble pourra offrir une panoplie croissante de cours de formation générale et professionnelle.

 

Culture

Que l'on enregistre et diffuse des pièces de théâtre et spectacles de variétés d'ici et d'ailleurs - incluant Broue, le Cirque du soleil, l'Olympia... - ce qui coûtera moins cher qu'une production et permettra de payer une redevance aux troupes en fonction de leur cote d'écoute. Que l'on ne s'inquiète pas d'une baisse des assistances; fréquenter le théâtre est un événement social que ne remplacera pas une soirée devant la télé. Au contraire, ceci modifiera favorablement le seuil de rentabilité des spectacles produits au Québec et incitera à en monter davantage.

Que l'on diffuse en direct les premières, vernissages, concerts, etc.; c'est ainsi qu'on apprivoisera la population à la culture;

Que l'on diffuse les grands événements sportifs, des Olympiques aux Championnats de Formule 1, mais qu'on ne se mêle pas des matchs de saison régulière: c'est le domaine du privé.


Nous n'avons pas besoin d'une radio-télévision d'État qui s'agite à faire ce que le privé pourrait faire encore mieux et qui ne donne qu'un minimum ridicule de ce qu'il appartiendrait à un diffuseur public de donner. Radio-Canada - et je ne changerais pas ce verdict d'un iota si on parlait de Radio-Québec - doit redevenir un service public ou disparaître.

Pierre JC Allard


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