99.05 05
COLORADO - 2
Il est rare que je revienne deux fois de suite sur un même sujet.
Je le fais aujourd'hui parce que ce sont "eux" qui ont commencé
à remettre ça. Eux, ce sont les jeunes qui par CENTAINES,
ont lancés des appels à la bombe dans les écoles des
U.S.A. et en ont déposées quelques unes... On nous dit qu'il
n'y pas de victimes. On veut dire: pas de nouvelles explosions; les victimes,
elles, sont toujours là.
Les victimes, ce sont tous les jeunes d'une génération à
qui on a laissé en héritage le cynisme comme philosophie et
la décadence comme projet de vie. L'attentat du Colorado a ouvert
l'abcès, et maintenant ces jeunes viennent dire qu'ils n'ont pas
vraiment le goût de vivre ce que la vie est devenue: une arène
où s'affrontent chacun et son voisin pour "gagner". Gagner
quoi ? Car, la vie ayant inexorablement une fin, s'il n'y a pas d'autre
but à la vie que de "gagner", la plus grande victoire n'est-elle
pas de détruire le plus d'adversaires possible puis de partir en
apothéose, rendant cette "victoire" finale? "
J'habite les U.S.A. depuis quelque mois et je vois tous les jours ici le
réflexe de défense instinctif de quiconque croise un se ses
semblables sur le trottoir, surtout s'il est différent: Noir, Latin,
Étranger. La peur et la méfiance sont omniprésentes,
perceptibles. La moindre transaction commerciale, serait-ce l'échange
d'un chèque pour des devises, exige que les parties soient aux aguets.
Chaque sourire Colgate est là, sur les lèvres de vos interlocuteurs...
pour disparaître quand la faveur requise est obtenue.
Pourtant... Demander un renseignement? Faites vite. Surtout, n'essayez jamais
de modifier l'ordre des questions qu'on vous pose, ne vous écartez
pas des catégories de questions auxquelles un employé a été
entraîné à vous répondre. Quoi que vous disiez,
il revient à sa routine. On en a fait une machine, simple transition
avant qu'une vraie machine le remplace.
Depuis le massacre du Colorado, il y a eu une hausse significative de la
violence chez les jeunes aux U.S.A. et il y a eu cette épidémie
de menaces qui fait craindre le pire. De sorte qu'on s'interroge... Un sondage
a révélé que 30 % des Américains n'avaient jamais
adressé la parole à leurs voisins, que 65 % ne leur rendraient
pas un menu service "à moins d'une urgence grave". Les
U.S.A sont la caricature de ce que sont devenues toutes les sociétés
occidentales. Nous ne sommes plus que des gladiateurs. Il n'y a plus de
place dans nos sociétés pour la fraternité. Vite, une
bombe ... et "Morituri te salutant.
Le Québec? Le drame de Polytechnique et notre taux de suicide - une
des première causes de décès, maintenant, chez certains
groupes d'âge - sont là pour montrer que nous suivons la même
voie. La voie du désespoir. Comment notre monde en est-il arrivé
là? De quels pères spirituels inconnus ces jeunes sont-ils
les orphelins? Pourquoi la génération de "68 qui voulait
changer le monde a-t-elle donné naissance à une génération
qui ne veut plus rien?
Peut-être le spectacle choquant des révolutionnaires soixante-huitards
se transformant en pantouflards et s'accrochant à leurs privilèges
au détriment des jeunes y est-il pour quelque chose. Peut-être
la toute-puissance apparente du Système qui, techniques de pointe
aidant, ne semble laisser à l'individu aucune chance de s'en sortir.
Peut-être, comme beaucoup l'ont dit souvent, la "mort de Dieu"
et l'immobilisme des religions traditionnelles de l'Occident. Personne n'en
sait vraiment rien et, quand on dira qu'on le sait, c'est simplement qu'on
aura renoncé à s'interroger.
La vraie question, d'ailleurs, c'est de trouver comment s'en sortir. C'est
de trouver le chemin qui mènera à une nouvelle solidarité.
On peut parler tant qu'on voudra d'une Nouvelle Société et
de son fonctionnement, mais, aussi longtemps que chaque individu se percevra
comme seul et en lutte contre tous, une structure sociale, quelle qu'elle
soit n'encadrera que le malheur des uns et des autres.
Comme ce cordonnier à qui l'on disait de limiter à la forme
des chaussures ses critiques du tableau du peintre, je ne bifurquerai pas
d'un site où j'en ai déjà plein les bras à chercher
des solutions sociales pour m'interroger sur les valeurs spirituelles, la
solitude et le sens de la vie. Mais j'espère que quelqu'un le fait
et j'aimerais bien qu'on me dise où sont les réponses.
Pierre JC Allard
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