98.09.09
ROULER SUR l'OR
Généralement, je n'ai pas beaucoup de bonnes nouvelles
à offrir sur cette page. Même les projets que je propose le
sont dans d'autre sections du site, de sorte qu'on est ici dans le territoire
des grincheux. Pourtant, aujourd'hui, je voudrais faire une fleur à
l'Abitibi. Et pas une gerbe mortuaire: le bouquet de la Mariée.
Mais commençons par le commencement. Vous avez vu la plongée
de notre pauvre dollar canadien? Avant de vous plaindre, voyez ce qui se
passe en Russie! Au moment où j'écris ces lignes, le rouble
passe la barre des 20 pour un dollar. C'était 6 pour un dollar en
juillet, de sorte qu'à peu près tout en Russie, sauf le pain
et la vodka, va bientôt coûter 3 fois plus cher. 10 fois plus
cher à Noël, sans doute. Cent fois plus cher à Pâques
et, à la Trinité, l'argent russe en Russie ne vaudra probablement
plus rien: on aura atteint l'égalité presque parfaite de la
pauvreté pour tout le monde.
Et il n'y a pas que les Russes et nous. Au Japon, l'argent a perdu 35 %
de sa valeur; en Thaïlande 50 %, en Indonésie 95%... et la Chine
va bientôt dévaluer elle-aussi. En Amérique latine,
selon les pays, l'argent se dévalue de 10%, 100% ou 1000% par année.
L'argent qui ne vaut plus rien? Il y a des précédents; la
France après la guerre, l'Allemagne, surtout, au début des
années "30.
Bien sûr, vous allez me dire qu'il y a le tout puissant dollar américain;
mais vous vous trompez. Le dollar semble une valeur de tout repos quand
on le compare aux autres monnaies - et c'est certainement le dernier qui
tombera - mais c'est celui justement qui emportera tout l'édifice.
Le dollar aussi va se casser la gueule.
Pourquoi? Parce qu'un billet de banque n'a pas de valeur en soi; il représente
seulement la promesse de pouvoir acquérir un bien ou un service et
il exige deux choses: a) un État fort capable d'imposer le cours
de son argent de façon crédible... et b) une relation raisonnablement
stable entre les billets de banque en circulation et les biens et services
que l'on peut obtenir. Or, il n'y a plus, depuis longtemps, une relation
raisonnablement stable entre l'argent en circulation et ce que l'argent
permet d'acheter.
Chaque année, tout ceux qui ont du fric veulent toucher un intérêt
de 5%, 10%, 25%... voire, 50% dans certains pays du tiers-monde. Une partie
de cet argent vient de la poche des plus pauvres, naturellement, mais on
ne peut leur prendre plus, car alors ils n'auraient plus d'argent pour consommer
et les entreprises des riches feraient faillite. Alors on imprime la différence.
En fait, on n'a même plus à imprimer: avec l'argent virtuel
électronique, on n'a qu'à annoncer qu'il existe... et c'est
ce qu'on fait. Mais, hélas, on ne peut pas créer de la même
façon les biens et les services réels que cet argent devrait
représenter... il y a un déséquilibre croissant.
On peut vivre avec un déséquilibre à deux conditions.
D'abord, que l'argent "de trop" ne soit pas vraiment en circulation.
C'est ce qui arrive quand tout cet argent est donné aux riches, car
celui qui a tout ce qu'il veut ne dépense pas plus quand il reçoit
davantage. Il épargne cet argent, le place, spécule avec,
en fait un outil de pouvoir... mais ne le dépense pas. On ne s'aperçoit
donc pas qu'il n'existe pas de richesse concrète représentée
par tout cet argent.
La deuxième condition, c'est qu'il y ait la foi. Il faut que tout
le monde - et surtout ceux pour qui l'argent est encore une façon
de payer leur loyer et l'épicerie - CROIENT qu'ils peuvent le faire
avec leur chéquier, leur carte de crédit, leur REER et la
menue monnaie qui a encore une forme tangible. Or cette foi peut disparaître
d'un seul coup. Elle disparaît quand le bon peuple voit les riches
traiter l'argent de façon si cavalière qu'il perçoit
confusément qu'il y a là quelque chose qu'on ne lui dit pas.
Il commence à douter
Dans le doute, le bon peuple court à la banque retirer son argent,
comme il l'a fait en Russie, comme il le fait peu à peu au Japon.
Ou il vend ses stocks en bourse pour des dizaines de milliards de dollars,
comme c'est arrivé une journée la semaine dernière
aux U.S.A. Le système s'empresse de corriger le jour suivant, mais
c'est un bluff; c'est de la fausse monnaie mise en mouvement pour lui donner
l'apparence d'être vraie. Si le peuple ne retrouve pas la foi TRÈS
vite, le système s'effondre.
Quand l'argent ne vaut plus rien, votre maison est toujours là. Tous
les biens sont toujours là et la capacité d'en produire n'a
pas changé. Pourtant, toute l'économie s'écroule, faute
d'un moyen d'échange auquel les gens puissent croire. Est-ce qu'on
peut prévoir une solution de rechange pour limiter le cataclysme
de la perte de foi en la monnaie et relancer l'économie? Il y en
a une qui est connue depuis environ 5 000 ans. L'OR.
Il y a un atavisme qui fait que l'or est universellement accepté
comme ayant une valeur. Quand le papier de vos billets de banque et de vos
obligations ne vaut plus que son poids en papier, l'or vaut toujours son
pesant d'or. Le pays qui aura la sagesse de se constituer une réserve
d'or suffisante traversera la crise qui s'en vient comme Noé le déluge.
Si le Gouvernement du Québec achetait immédiatement, même
au dessus de la valeur du marché, toute la production que l'on peut
tirer au cours des cinq prochaines années de toutes les mines d'or
exploitables du Québec, il se constituerait une réserve contre
la crise qui lui serait bien utile. L'opération étant l'équivalent
d'un achat à terme sur le marché boursier, le gouvernement
en tirerait aussi un profit spectaculaire si le prix de l'or monte... et
il montera. Enfin, la relance des mines d'or en Abitibi et ailleurs créerait
enfin des vrais emplois utiles et apporterait une nouvelle prospérité
dans une région qu'on a bien oubliée.
Faisons le vite, car une semaine ou l'autre, cette année ou l'an
prochain, le Dow Jones chutera de 1500 ou 2 000 points et rien ne roulera
plus que ce qui roulera sur l'or.
Pierre JC Allard
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