98.07.01
ET SI ON SE FÉDÉRAIT?
Chaque année, comme le Premier de l'An suit Noël, la fête
du Canada suit celle du Québec, apportant un deuxième long
week-end et permettant un sondage annuel des opinions des Québécois.
Malgré des hauts et des bas - et l'évidence d'une tendance
lourde qui laisse prévoir que, tôt ou tard, c'est l'été
qui remportera tous les suffrages - la Saint-Jean reste le plus populaire
des deux événements. Au Québec francophone, on est
indiscutablement, en grande majorité, Québécois d'abord
et (parfois) Canadien ensuite.
Ceci est vrai même des fédéralistes convaincus, de telle
sorte qu'on peut s'étonner que les référendums n'aient
pas joué cette carte en préambule. " Québécois
d'abord, je confie au gouvernement du Québec, selon son jugement,
le pouvoir de négocier...." Croyez-vous que les Québécois
n'auraient pas dit OUI ? Bon, ce n'est pas de ca que je vais parler aujourd'hui.
En ce jour de la Confédération, je veux parler de se fédérer.
De revoir les pouvoirs et les délégations de pouvoir à
tous les paliers. De redistribuer les tâches selon les compétences,
pas seulement entre Québec et Ottawa, mais entre tous les intervenants
responsables.
Et il n y en a pas que deux, des intervenants responsables, il y en a des
tas. Commençant par vous et moi et tous les autres adultes sains
d'esprit qui prennent chaque jour, comme individus, plus de décisions
les concernant que toutes les instances qui les gouvernent réunies.
En prenons-nous trop ou pas assez? En d'autres mots, ne faudrait-il pas
faire le point et se demander si nous ne sommes pas sous ou sur-gouvernés,
compte tenu de ce que le monde est devenu depuis la dernière fois
où l'on a fait sérieusement l'exercice, il y a environ deux
siècles?
Et ce qu'on ne veut pas faire soi-même, ne devrait-on pas, dans une
large mesure, pouvoir le déléguer à des corps intermédiaires
de son choix, famille, regroupements professionnels, associations de co-assurance,
comités de quartier, etc? Les villes, les MRC, les régions
ne devraient-elles pas assumer beaucoup plus de responsabilités et
de pouvoir, à commencer par le droit de se définir comme ville,
MRC ou région selon leur spécificité ?
"Le pouvoir de décision" - disait Stafford-Beer, consultant
à la mode des années "70 - "devrait se situer au
palier le plus près de ceux que cette décision concerne où
toute l'information est disponible". La responsabilité d'exécuter
la décision devrait aussi être confiée à ceux
qu'elle concerne, dans toute la mesure où ils en ont la compétence
et acceptent de le faire à un prix concurrentiel. (Oui, je me doute
de ce que les syndicats peuvent penser de cette idée, mais j'aime
mieux la vérité que Platon).
Le Québec? Il faudrait prendre au palier du Québec toutes
les décisions qui nous concernent tous comme collectivité
et qui dépassent le cadre de ce qui peut être réglé
au palier des régions. Tout ce qui a trait à notre identité
culturelle, par exemple, mais en interprétant largement les variations
que suggérerait le caractère propre dont chaque région
se réclame.
Le Canada? En bonne logique, il semblerait opportun que soient confiées
à ce palier les responsabilités touchant la monnaie, la défense,
la sécurité publique, les relations internationales, le commerce
interprovincial... Y a-t-il autre chose? En bonne logique, non, mais peut-être
conviendrait-il de maintenir un contrôle canadien sur les critères
de base de gratuité en matière de santé et d`éducation
ainsi que sur les normes minimales de sécurité sociale. Par
opportunité, pour garantir un "espace de compassion" de
taille suffisante face à la menace du désert social que sont
les Etats-Unis.
Mais n'arrêtons pas là. Tout le mal que j'ai dit - comme tant
d'autres - de l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI)
ne doit pas faire oublier que l'heure est venue de poser les assises d'un
gouvernement mondial. Un gouvernement qui a déjà ses "ministères"
- OMS, FMI, OIT, Interpol, Unesco, etc. - et auquel il ne reste qu'à
donner des pouvoirs et des responsabilités réelles... ainsi
qu'une légitimité qui lui viendra quand on en aura assuré
la représentativité démocratique.
Ce gouvernement mondial viendra se poser au faîte de la pyramide,
coiffant les États jusque là souverains qui lui délégueront
- on l'espère - celles de leur responsabilités qu'il est dans
l'intérêt de l'humanité qu'un gouvernement mondial assume:
le maintien de la paix, le respect de l'environnement, la lutte contre le
crime. Les responsabilités et les moyens concrets de s'en acquitter,
bien sûr.
Pourquoi parler de "fédérer" quand nous appelons
à cette redistribution des pouvoirs et des compétences? Parce
que les trois (3) principes premier qui présideront à cette
nouvelle distribution des pouvoirs devraient être: a) que toute autorité
vient d'en bas, de l'individu; b) que tout pouvoir n'existe que par délégation
de l'individu ou délégation du corps intermédiaire
auquel l'individu l'a délégué, et c) que tout ce qui
n'est pas spécifiquement délégué - donc tout
pouvoir résiduel - est présumé ne pas l'avoir été.
OR C'EST CETTE FAÇON DE PROCÉDER QUI EST L'ESSENCE MÊME
D'INE FÉDÉRATION..
Ceux qui l'oublient, ceux qui s'appuyant sur la lettre contre l'esprit feignent
de croire - ou font en sorte - que l'autorité et le pouvoir se situent
en haut et non en bas de la pyramide de délégation, ceux-là
n'ont à s'en prendre qu'à eux-mêmes de l'impopularité
de ce qui n'est qu'une caricature de ce que devrait être une fédération.
Mais quoi qu'on pense de la répartition des pouvoirs entre Québec
et Ottawa, ce ne sont pas les errements de notre système qui empêcheront
que la "fédération" à tous les niveaux soit
le mode de gouvernement de l'avenir. Pourquoi ne pas mettre à profit
notre expérience canadienne, reprendre l'exercice à zéro
et distribuer les pouvoirs à tous les paliers selon le bon sens et
ce que les gens veulent? Pourquoi ne pas nous nous permettre à tous
d'être à la fois Montréalais ou Gaspésiens, ET
Québécois ET Canadiens..., sans oublier que nous sommes tous
les habitants d'une seule planète où certaines règles
devraient être universellement appliquées ?
.
Pierre JC Allard
Page précédente
Page suivante
Litanie des avanies
Retour à l'accueil