98.02.25
IMMIGRATION ET INCOHÉRENCE
Piratheep oui, Seeralan non. Les frères Sivanantham semblent
promis à des destins différents, gracieuseté d'Immigration
Canada. Les deux sont venus du Sri Lanka, fuyant une situation difficile;
on a décidé que le premier peut rester au Canada, le deuxième
non. Pourquoi?
Il ne s'agit pas ici de différences de comportement: on parle de
deux adolescents, de 14 et 16 ans. On ne parle pas de situations d'origine
distinctes, ce sont deux frères issus du même patelin et faisant
face à des problèmes rigoureusement identiques. Naturellement
il y aura appel de la décision. Il se perdra bien du temps, il coulera
bien des larmes; il se dépensera beaucoup d'argent. Pourquoi notre
politique d'immigration est-elle aussi arbitraire, incohérente?
Piratheep et Seeralan sont des réfugiés. Mais qu'en est-il
de ceux qui s'inscrivent dans la trajectoire "normale" de l'immigration?
Que vaut un contrat de travail qui dit qu'Ahmed ou Manuel est indispensable?
A combien de frères, de cousines, de nièces peut-on étendre
le concept de réunification des familles? En 1972, j'ai vu arriver
au Canada deux immigrantes d'Amérique centrale qui, de parrainages
en parrainages, ont permis à deux douzaines de leurs compatriotes
de s'établir parmi nous. J'en suis heureux pour eux tous... mais
quelle logique à présidé à cette opération?
Il est venu, depuis quelques années, assez d'immigrants en provenance
d'Asie pour changer significativement le visage de Toronto; est-ce que les
immigrants potentiels en provenance d'autres régions ont été
traités de la même façon?. Est-ce que les Algériens
francophones, qui vivent aujourd'hui des circonstances bien dangereuses,
sont accueillis de la même façon?
Prenons aussi les immigrants-investisseurs, cette catégories d'immigrants
qui reçoivent leur billet d'admission au club "Canada"
en y mettant le prix (350 -500 000 $). Si vous allez de Hong Kong vers Vancouver,
c'est du gâteau; mais bien peu de Russes ont réussi à
obtenir le statut d'investisseurs. Des problèmes au palier des enquêtes
de sécurité, paraît-il... Des problèmes tous
confidentiels, bien sûr, menant donc à des décisions
dont rien n'exclut qu'elles soient totalement arbitraires.
Je ne suis totalement convaincu ni des dangers de l'immigration ni de ses
bienfaits. J'ai tendance à penser, toutefois, que nous y gagnerions
tous à favoriser l'admission, en nombre raisonnable, de personnes
dont la première caractéristique serait de pouvoir et de vouloir
devenir partie prenante de notre culture. Pas parce que notre culture est
supérieure, mais parce que c'est celle qui, sur un petit coin du
globe qu'on appelle chez nous, devrait avoir le droit et la chance de prévaloir.
Dans cette optique, je m'étonne qu'on ne fasse pas plus d'efforts
pour encourager l'adoption internationale. Il y a, de toute évidence,
beaucoup de Québécois qui ne font pas d'enfants mais qui sont
tout disposés à en adopter. Pourquoi cette démarche
n'est-elle pas soutenue? Pourquoi, au contraire, semble-t-on faire l'impossible
pour la rendre complexe et onéreuse au seul profit de quelques avocats
et "courtiers" spécialisés?
Est-ce qu'il n'est pas évident que le MEILLEUR immigrant est un enfant
qui, quelle que soit sa race et son lieu d'origine, sera éduqué
dès l'enfance par des Québécois dans la culture québécoise...
et grandira pour devenir un Québécois tricoté aussi
serré que si la laine en avait été tissé sur
place?
Est-ce que nous ne serions pas prêts au Québec à accorder
notre politique d'immigration aux conseils d'un démographe qui nous
dirait précisément combien d'enfants nous pourrions adopter
pour corriger une pyramide des âges qui a été bien malmenée?
Et quelqu'un doute-t-il qu'il y aurait au Québec assez de foyers
généreux pour accueillir tous ces enfants qui nous manquent
et à qui il manque une famille ?
Il serait temps d'introduire à notre politique d'immigration plus
de cohérence. Et plus d'amour.
Pierre JC Allard
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