98.02.18
MENTEZ, MENTEZ...
Mentez, mentez...il en restera toujours quelque chose. A Berlin, en 1945,
et jusqu'à ce qu'on entende clairement tonner les canons de l'Armée
Rouge, il y a eu des gens pour croire que, V-2 aidant, le Reich allait gagner
la guerre. Il y a des gens - autrement sains d'esprit - qui croient que
l'inflation zéro est une bonne chose pour le monde ordinaire, et
ce fut longtemps une vérité d'évangile que la masturbation
rend fou.
C'est sans doute en partant du principe que n'importe quelle bêtise
peut devenir la vérité si elle est répétée
assez souvent et assez fort que l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) vient de mériter son allocation annuelle en s'inscrivant au
registre de ceux qui dénoncent les ravages du cannabis.
Les faits sont inquiétants. Dans un moment d'égarement, l'OMS
a fait faire l'an dernier une étude sur les méfaits du haschisch
et de la marijuana. Comme toutes les études scientifiques sérieuses
du même genre, celle-ci aurait conclu que ces substances réprouvées
ne créaient pas d'emphysème, ne détérioraient
pas les fonctions respiratoires, provoquaient une dépendance bien
moindre que le tabac et l'alcool et, somme toute, ne représentaient
pas pour la population un risque grave.
Horreur! Car on comprend que l'opinion de l'OMS pourrait avoir un impact
positif sérieux sur les campagnes de légalisation du cannabis
... et un impact négatif tragique sur la politique officielle des
U.S.A et inféodés de dépenser des milliards pour lutter
contre la drogue... et donc en maintenir le prix au niveau qui fait bien
l'affaire du système. Le rapport de l'OMS est donc parti directement
vers la poubelle.
Pas avant, toutefois, qu'une copie ne s'en soit égarée vers
un magazine britannique respecté - le New Scientist - qui a dévoilé
l'existence du rapport et le comportement assez peu scientifique de l'OMS.
Deuxième horreur! Et c'est là que l'OMS prend l'approche Goebbels
et se plonge dans l'abjection. "Il est évident - répond
l'OMS- que l'usage du cannabis crée une foule de problèmes".
Quels problèmes? Il n'y a pas à préciser, puisqu'ils
sont "évidents"... Et vlan pour l'approche scientifique!
Comme il y a tout de même quelques penseurs indépendants qui
ne sont pas convaincus, l'OMS, déjà au bord du gouffre du
ridicule, décide de faire un pas en avant. "L'usage du cannabis
est nocif" - dit Tokuo Yoshida, porte-parole de l'OMS - "parce
qu'il modifie le jugement et la pensée..." "Ah bon ...
et l'alcool alors" - se demandent même ceux qui comprennent lentement
- "est-ce que ça ne modifie pas le jugement?"
C'est que l'alcool, bien sûr, a déjà vécu la
Prohibition aux U.S.A et que sa consommation est trop répandue et
sa fabrication trop facile pour qu'on puisse en faire une denrée
rare. Il vaut mieux le taxer... Comme le tabac, qui est pourtant identifié
comme le premier facteur contributif de morbidité en Amérique
du Nord. Qu'ils crèvent, nous dit le système, pourvu qu'ils
payent...
Quant au cannabis, c'est un produit dangereux. Pourquoi? Parce qu'il peut
être produit de façon artisanale et qu'on ne peut pas en gonfler
les prix au point d'en rendre le trafic vraiment attrayant... alors que
sa consommation peut détourner une part du marché qui irait
autrement vers la coke et les opiacés, des marchés vraiment
contrôlables et bien lucratifs.
On sait bien que, tôt ou tard, il se plantera assez de cannabis entre
le foin et la luzerne pour qu'on doive renoncer à l'interdire et
que, par la même occasion, on découvrira que le cannabis est
tout à fait inoffensif. On le grèvera d'une taxe, histoire
de rentabiliser l'affaire et de remplacer le tabac qui sera devenu inacceptable.
En attendant, on continue de mentir et, parce qu'il n'y a pas de malheur
dont ne sorte quelque bien, le système nous révèle
ainsi à quel point il nous ment. Mentez, mentez... il nous en restera
toujours quelque chose.
Pierre JC Allard
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