97.01.21
... ET POUR LE PIRE
Le pire est passé. Il reste bien des branches cassées,
des toîts à réparer, des fils à remettre en état,
mais le pire est passé. Jusqu'à ce que le pire revienne. L'an
prochain, dans dix jours ou dans dix ans. On ne sait pas quand le pire reviendra,
mais on sait qu'il reviendra. Le pire, cette fois, c'était le verglas,
les pannes de courant; mais souvenons-nous que le pire, c'a été
aussi les inondations du Lac-St-Jean. Que le pire, la prochaine fois, ce
sera peut-être une catastrophe écologique, un tremblement de
terre, une épidémie... Le "pire"est inéluctable
et, quand vient le temps du pire, c'est là qu'on peut juger d'une
société. Une société ne vaut que par la solidarité
qu'elle manifeste. Comme un mariage: pour le meilleur ...ou pour le pire.
Maintenant qu'on a fait ce qu'il fallait pour résoudre le problème
et qu'on commence à y voir plus clair, on en arrive à se demander
qui va payer la facture: les victimes seules, ou nous tous ? Est-ce que
les Montérégiens et les autres sinistrés vont supporter
seuls le poids du malheur, ou TOUS les Québécois vont-ils
prendre leur part du coût du désastre?
C'est la question à laquelle on va maintenant essayer de ne pas répondre
clairement, comme on n'y a pas répondu lors des événements
du Lac-St-Jean, comme on n'y a pas répondu lors des inondations de
la Rouge au Manitoba. On va éviter la question en donnant des compensations
arbitraires plus ou moins généreuses aux victimes, selon la
perception qu'auront les politiciens du désir de la population de
leur venir en aide.
A certains ont donnera plus, à d'autres moins, sans vraie raison...
et à tous moins qu'ils n'ont perdu; pas par méchanceté
ou mesquinerie, mais tout simplement parce que les règles sont inexistantes
qui permettraient de définir à combien chacun a droit. On
donnera... mais on évitera de dire si oui ou non les victimes ont
DROIT à une compensation... et à quelle compensation exactement
elles ont droit. On veut bien contribuer, mais on ne veut pas reconnaître
le droit de la victime à dédommagement et donc notre responsabilité
collective à dédommager.
Pourtant, ne serait-il pas normal, dans une société civilisée,
que toute la collectivité soit solidaire des catastrophes NON ASSURABLES
qui échoient à tous et chacun de ses membres? Est-ce que cette
solidarité ne devrait pas être la pierre d'assise du désir
de former une nation, de vivre ensemble, pour le meilleur ou pour le pire?
Ce n'est pas une idée nouvelle que cette assurance collective (voir:
5016 ) mais les événements récents
en rappelle la nécessité.
Il y a quelque chose de malsain, en effet, à traiter comme une opération
discrétionnaire de charité ce qui devrait être le partage
automatique des risques et l'étalement sur toute la population du
coût des catastrophes qui frappent les uns ou les autres des citoyens.
Tous ces risques majeurs spécifiquement exclus des polices d'assurance
ordinaires - allant des séismes à la guerre - devraient faire
l'objet d'une couverture générale par l'État. La compensation
devrait être un droit pour la victime d'une catastrophe. La contribution
de tous devrait être l'expression de notre désir de former
vraiment une collectivité
En assurant ainsi chacun de ses membres contre les risques non assurables,
l'État ferait enfin un pas en avant vers le progrès de la
solidarité qui est l'essence de la conscience d'être une nation.
Un geste qui marquerait un temps d'arrêt dans le processus nefaste
de désintégration de tous les liens sociaux que nous impose
le courant néo-libéral actuel.
Un gouvernement qui réagirait de la sorte en allant au secours des
victimes de la catastrophe naturelle que nous venons de vivre créerait
un peu d'espoir.
Pierre JC Allard
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