97.01.07
ET UN PETIT BRIDGE AVEC CA?
Moi, je suis bien content pour le Docteur Gascon. Le docteur Gascon, c'est
l'homme qui faisait la deuxième manchette de La Presse, le 3 janvier,
et dont on voyait la bonne bouille sur 4 colonnes. On ne peut pas en vouloir
au Docteur Gascon de prendre sa retraite à 59 ans. J'aurais fait
la même chose à sa place. Nous ferions tous la même chose
à sa place, si nous en avions les moyens et que quelqu'un nous offrait,
en plus, deux ans de plein salaire pour faire ce qui nous tente. Pour le
Docteur Gascon, c'est le bridge.
Comme il est tout à fait honorable que le Docteur Rheault veuille
maintenant faire une thèse sur le rôle des chirurgiens-barbiers
sous le Régime français plutôt que de continuer à
s'esquinter, 60 heures par semaine, à soigner des malades - qui viennent
trop nombreux, parce qu'il n'y a pas assez de médecins - et pour
une rénumération plus faible que celle qu'il obtiendrait à
100 kilometres de Montréal.
Je suis persuadé, également, que la totalité ou la
quasi-totalité des 550 médecins qu'on vient de convaincre
depuis deux ans d'accrocher leur sthétoscope ont de bonnes raisons
de s'être laissés convaincre et ne feront rien que de très
honorable. Ce que je ne trouve pas honorable - et même déshonorant
pour le Québec - c'est qu'une bande d'enfoirés au Gouvernement
aient jugé opportun d'offrir jusqu'à 300 000 dollars à
de vieux médecins d'expérience pour qu'ils ne soignent plus
une population qui manque de soins. Pourquoi? Pour qu'on ne soit plus obligé
de les payer.
Quelqu'un a décidé qu'il vaut mieux payer des médecins
deux ans à jouer au bridge plutot que de risquer d'avoir à
les payer plus longtemps à soigner les malades. 550 médecins
à 60 heures par semaine, à quatre consultations à l'heure,
c'est 132 000 consultations de moins par semaine. C'est en gros 6 000 000
de consultations par année qui n'auront pas lieu. Vous croyez que
ca fait une nation plus forte?
Ce n'est qu'environ une consultation de moins par année par Québécois,
mais il y a de ces consultations qui seront remises à jamais, parce
qu'il y a toujours LA consultation qui vous sauve la vie... et les décès
qui viennent de ce qu'on a pas consulté. Il y a des gens à
Québec à qui je souhaite des malheurs: ceux pour qui la priorité
c'est de retrancher 6% de coûts de la santé et qui se fichent
comme d'une guigne des conséquences parce que, eux, ils connaissent
le petit copain qui les entrera d'urgence à l'hôpital.
Et tout ca fait partie du même scénario pour donner moins à
ceux qui n'ont pas assez. C'est pour la même raison qu'on limite si
sévèrement le nombre des entrées en médecine.
L'État, s'est foutu dans un sacré piège, il y a trois
décennies, quand on a décidé de donner la santé
gratuite à tous. On ne savait pas à quel point la médecine
allait garder les gens en vie. Maintenant, les gouvernements sont encerclés
par trois lachetés.
La première lâcheté, c'est de ne pas vouloir exiger
de tous la participation financière à la santé de tous;
l'État néo-libéral est mort de peur devant le mot solidarité.
La deuxième lacheté, c'est de ne pas réviser à
la baisse, à terme, les honoraires des médecins, en augmentant
brutalement le nombre des entrées en médecine et en annoncant
franchement qu'au 21ème siecle, il faudra deux fois plus de médecin...
qui gagneront en moyenne deux fois moins cher. Il faut préparer ce
changement. La troisième lâcheté, c'est de ne pas dire
à la population que le strictement médical doit rester gratuit,
mais que ce qui entoure la médecine doit retourner au privé
et aux assureurs, afin que les mieux nantis puissent contribuer plus aux
dépenses du système.
Est-ce qu'il n'y aura pas bientôt quelqu'un qui offrira une solution
politique de rechange aux farceurs qui nous gouvernent?
Pierre JC Allard
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