97.12.31
LES 7 MENSONGES CAPITAUX
Dans un chronique de pure récrimination comme celle-ci, il faudrait
finir l'année en rappelantles faits les plus révoltants, les
décisions les plus injustifiables de 1997. Hélas, les faits
les plus révoltants et les décisions les plus injustifiables
de 1997 n'ont rien d'exceptionnel: ils ont été aussi ceux
et celles des années précédentes. Plutôt que
d'événements exceptionnels qui sont monnaie courante, je préfère
donc vous parler de mensonge. Les mensonges exceptionnels qui sont devenus
usuels et qui nous mènent à la catastrophe. Les sept mensonges
capitaux.
Le mensonge de la lutte à l'inflation.
La vérité, c'est que nous courons vers un cataclysme parce
qu'il n'y a PAS d'inflation. Quand l'inflation ne fait pas disparaître
régulièrement de la masse monétaire une valeur équivalente
à la somme des intérêts payés, il y a concentration
de la richesse, moins de consommation, plus de spéculation et moins
d'investissement, décroissance, crise, pauvreté, révolte...
Historiquement, c'est une guerre qui imposait brutalement la dévaluation
qu'on avait refusé de faire en douceur. Aujourd'hui qu'une guerre
est impensable, qu'est ce qui mettra fin à la phase actuelle de concentration
de la richesse? Le plus probable, c'est qu'une inflation galopante (qu'on
permettra quand les vrais riches se seront mis à couvert) réduira
à la charité de leurs enfants toute la génération
de ceux qui auront mis leur confiance dans les REER, les obligations à
long terme et autres pièges non-indéxés ou donc l'indexation
peut être précaire. Le mensonge est de prétendre que
cette dévaluation monstrueuse viendra MALGRÉ les politiques
du gouvernement, alors qu'elle viendra À CAUSE de ces politiques
et au moment où ce seront les petits et non les gros qui en feront
les frais.
Le mensonge de la création d'emplois.
Il y aura de moins en moins d'emplois; c'est la conclusion inévitable
de la révolution industrielle. D'ailleurs, nous ne pouvons maintenir
notre niveau de vie et être concurrentiel sur les marchés mondiaux
qu'en remplacant le maximum de travailleurs pas des machines. Les gouvernements
le savent très bien: chaque fois que le chomage se résorbe
un peu, la Bourse baisse! Le mensonge, c'est de prétendre qu'il y
aura encore un jour un emploi salarié pour tout le monde, alors que
la solution c'est le travail salarié partagé, le revenu garanti,
la formation permanente, le travail autonome qui peu à peu deviendra
la norme. Tant qu'on n'aura pas le courage de dire la vérité
et d'instaurer le travail-revenu garanti les choses iront de plus en plus
mal.
Le mensonge de l'éducation.
Nous avons cent mille emplois dans l'éducation et des milliards
de dollars d'investis; un Québécois sur quatre suit des cours
de quelque chose... Nous avons de l'éducation. Non. C'est un mensonge.
La vérité, c'est que notre système d'éducation
déphasé - comme celui de bien d'autres pays, d'ailleurs, la
crise est mondiale - ne transmet plus ni valeurs, ni sentiment d'appartenance,
ni aucune connaissance utile entre le moment où l'enfant sait lire,
écrire et compter et celui ou débute sa formation professsionnelle
spécifique. Entre les deux, on tue le temps en inculquant une pseudo
culture fragmentée, dérisoire. Les polyvalentes ne sont que
des garderies pour adolescents et l'éducation des adultes n'est là
que pour offrir des gratifications aux laissés pour compte de la
vie quotidienne: il n'y a plus d'éducation. La vérité,
c'est que tout est a revoir en éducation et qu'on ne le fait pas.
Le mensonge de la justice.
Nous sommes un régime de droit et l'accès à la
justice est universel. Mensonge. Si vous avez un droit à faire valoir
qui dépasse le niveau des Petites Créances, demandez-vous
d'abord si vous avez le temps d'attendre des années et les moyens
de payer un avocat. Demandez-vous surtout si votre adversaire, en y mettant
le prix, ne pourra pas vous ruiner en frais avant que vous ne puissiez obtenir
justice. Le mensonge est de prétendre qu'il faille un avocat pour
que justice soit rendue... alors que l'avocat ne sert qu'à circuler
dans le labyrinthe scandaleux de procédures que les avocats ont bâti
autour de la justice afin que personne n'y accède sans leur payer
rancon. La vérité est qu'il n'y a plus d'accès efficace
à la justice, parce que c'est trop long et que c'est trop cher. Il
faut réformer tout le système judiciaire.
Le mensonge de la prospérité
Nous sommes un pays-modèle, prospère et qui s'enrichit.
Mensonge. En 1946, nous avions le deuxième niveau de vie du monde,
parce que nous sommes collés sur les Etats-Unis et que nous avions
fait la Guerre mondiale... ailleurs. Aujourd'hui, tous les pays du Nord
de l'Europe, y compris la France, ont des niveaux de vie supérieurs
au nôtre et de meilleurs services sociaux que les nôtres. Le
Japon aussi, même Singapour... et il y a 18 ans que notre niveau de
vie stagne. La distribution de la richesse est de plus en plus injuste.
La vérité, c'est que nous sommes un pays en voie de sous-développement
et qu'il n'existe même pas un projet politique pour nous en sortir
!
Le mensonge de la liberté
On parle, on discute, on vote... mais il n'y a pas d'alternatives réelles.
Les partis ont des programmes mal définis qui vont du centre-centre
gauche (NDP) au centre-centre droit (tous les autres). Le mensonge est de
nous faire croire que nous choisissons entre des politiques, alors que nous
n'avons que le choix de choisir, entre quelques unes qu'on nous soumet,
la gueule du comédien qui va tenir le rôle de Premier ministre
dans une pièce dont le scénario - et il n'y en a qu'un - est
écrit àWashington par des financiers pour le compte de ceux
qui ont le pouvoir, l'argent, les armes, les médias. La vérité
est qu'il n'y a plus de vraie démocratie, seulement un exercice futile
pour désigner le clown de service qui fera semblant de nous gouverner.
La démocratie ne renaîtra que lorsque surgiront de la base
des hommes qui seront tenus de tenir leurs promesses et ne rendront de compte
qu'à la population.
Le mensonge de l'indépendance
Il y a près de 40 ans qu'on parle d'indépendance au Québec.
Le mensonge, c'est de prétendre que l'indépendance changerait
quoi que ce soit, en bien ou en mal, à notre vie quotidienne. Tant
que les règles du jeu mondial ne changeront pas et que ce sont des
mécanismes financiers internationaux qui contrôleront cette
planète, l'indépendance ne changera pas grand chose. Ceci
dit, le Québec pourrait bien être "indépendant";
ca nous ferait plaisir et ça ne coûte rien. Rien que les coûts
artificiels de la mauvaise volonté des "Autres" dont on
nous menace si nous partons. Une méchanceté gratuite, soigneusement
entretenue par ceux dont ca fait l'affaire, non pas que nous quittions ou
ne quittions pas le Canada - ce qui est absolument sans importance économique
- mais dont ca fait l'affaire que nous perdions notre temps à en
parler. Quand un peuple s'épuise durant deux générations
à parler d'autre chose que des vrais problèmes, ca fait bien
l'affaire de ceux qui ne veulent pas que les choses changent.
En 1998, souhaitons-nous la VÉRITÉ
Pierre JC Allard
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